La dernière abbesse de la Séauve

La dernière abbesse qui gouverna la Séauve fut Mme Marguerite-Laure de Fumel. Je cite ici la notice que je lui ai consacrée dans mon travail sur l’abbaye.

Fumel, baronnie enQuercy dont les seigneurs sont connus dès le treizième siècle. La famille de Fumel occupait un rang distingué parmi la noblesse française. Un de ses membres, Bertrand de Fumel devint vicomte de la Barthe, en 1283, par son mariage avec Brunissende de la Barthe. Un autre, François Ier, baron de la Barthe, fut capitaine des gardes de la Porte, gouverneur de Marienbourg et ambassadeur auprès de Soliman II, empereur ottoman. Il fut massacré, dans son château, par les religionnaires, le 25 novembre 1561.

La baronnie de Fumel fut érigée en vicomté sous Henri IV. Celte érection fut obtenue par Charles, baron de Fumel. Charles était le bisaïeul de l’abbesse de la Séauve.

Celle-ci était fille de Louis, vicomte de Fumel et de Catherine Thomas de Bertier, fille et héritière du premier président de Toulouse. Elevée par une mère éminemment chrétienne, elle suça, pour ainsi dire, la piété avec le lait. Le monde qui se présentait à elle sous la plus belle perspective ne put lui plaire. Elle préféra aux joies, aux plaisirs bruyants du siècle, les charmes plus doux et plus réels du cloître. Ce fut d’abord dans une maison hospitalière du Quercy, de l’ordre de Malte, sous le vocable de Saint-Jean de Jérusalem, qu’elle se voua à Dieu et au sèrvice dés pauvres. La haute portée de ses vues, sa piété sincère, son zèle à remplir les fonctions qui lui furent imposées, la firent remarquer dans cette première position. Elle ne devait pas y demeurer longtemps.

La Séauvc venait de perdre celle sur laquelle on avait fondé de grandes espérances et la réunion projetée ne s’élait pas opérée encore. Il fallait à la tôle de la maison une personne capable de la faire réussir. Une transformation complète des bâtiments qui composaient le monastère devenait urgente, les constructions tombaient en ruines. Pour une pareille oeuvre il était nécessaire d’une supérieure qui fût apte à conduire à bonne fin une entreprise de ce genre. On ne crut pas que Mra• de Fumel fût au-des sous de celte double mission.

Nommée par lettres patentes à l’abbaye de la Séauve, le 22 décembre 1763, elle fit profession dans l’ordre de Citeaux le 21 mai 1766. Ce fut dans la chapelle des Pénitents bleus de Toulouse qu’elle reçut la béndiction abbatiale, le 8 juin suivant, de M. de Fumel, son frère, qui était évèque de Lodève. Le 25 du même mois, elle prenait solennellement possession de son nouveau poste. Dans l’ordre de Malte, chaque membre en faisant partie était strictement obligé d’en porter les insignes. C’était une croix qui se plaçait sur le costume de règle. Il était expressément défendu de s’en revêtir si l’on quittait l’ordre. Une exception fut faite pour Mme de Fumel , et le 9 juillet 1767, le grand maître de l’ordre lui accordait, par brevet, le privilège spécial et inconnu jusqu’alors, de continuer à porter la croix.

Le moment était, venu de réaliser enfin la réunion du monastère de Clavas à celui de la Séauve. Toutes les enquêtes prescrites avaient eu lieu, toutes les informations avaient été prises. Une dernière mesure était nécessaire. L’union de deux abbayes devait être autorisée par le roi. Elle le fut par lettres patentes du mois de décembre 1767, qui furent dûment enregistrées.

Toutes les religieuses de Clavas se transportèrent immédiatement après l’autorisation donnée, à la Séauve qui prit, dès lors, la dénomination de Séauve-Clavas, qui ne disparut que lorsque s’effectua en France la fermeture des couvents.

L’abbaye n’étant plus suffisante pour le personnel et tombant en ruines de vétusté, Mme de Fumel songea enfin à remplacer le monastère par une construction nouvelle et plus en rapport avec les besoins du couvent. L’ancienne maison fut rasée dans son entier. On ne conserva que la chapelle qui devait plus tard tomber elle-même sous le marteau des démolisseurs de 93.

Il fallut à Mme de Fumel de quinze à seize ans pour achever son oeuvre. Les travaux, commencés en 1770, ne furent terminés qu’en 1786. On est étonné qu’un aussi long espace de temps ait été nécessaire pour une pareille construction. Il serait difficile d’en donner les motifs. De quelle joie dut être inondé le coeur de toutes les religieuses lorsqu’elles s’installèrent dans leur nouvelle abbaye. Autant elles étaient logées à l’étroit dans l’ancienne maison, autant elles se trouvaient à l’aise dans celle-ci. Autant le monastère écroulé était de modeste apparence , autant celui-ci avait l’air monumental. La joie et le bonheur ne devaient pas durer longtemps. La tempête éclata bien vite, et la maison bâtie avec tant de peines, avec tant de soins, fut forcément désertée par celles qui l’habitaient et tomba entre les mains de l’Etat comme propriété nationale. Les religieuses résistèrent pendant trois ans à l’orage. La séparation n’eut lieu que vers 1792.

source: «Marguerite de la Séauve»

Theillère, curé de Retournaguet

1871