Cisterciennes de LA SEAUVE-CLAVAS

L’Almanach de l’abbé Laurent, Année 1787, nous apprend que c’est une  maison de l’Ordre de Cîteaux et que « L’Abbaye de Clavas lui a été unie par  lettres patentes de 1767 », sans doute à la suite d’une décision de la Commission des Réguliers qui visait à réduire le nombre des maisons religieuses. Il y aurait une autre raison57 : aux règlements de Cîteaux il était dit :
« Les petits monastères, soit de moines, soit de religieuses dans lesquels ne  peuvent pas être suffisamment entretenus dix moines ou religieuses[…] les  frères abbés doivent les unir à d’autres, après avoir pris l’avis des fondateurs
et du Chapitre général ». Or en 1767, les soeurs de Clavas étaient 12 dans  cette abbaye fondée autrefois par Bellecombe. Au cours de son histoire elle  dut changer plusieurs fois d’implantation. Aujourd’hui l’église de Clavas et  quelques bâtiments rappellent l’abbaye. La Séauve a été fondée en 1228 58. Comme Bellecombe et Clavas, elle  dépendait de l’abbaye de Mazan. Elle considérait les comtes de Forez comme  ses principaux fondateurs. Ainsi que les autres établissements cisterciens de
Haute-Loire, La Séauve est un couvent modeste doté pour dix à treize religieuses. Comme les autres monastères, elle subit la décadence inhérente au  Concordat de 1516. Devenue abbaye royale, elle reçoit l’abbesse et parfois les  religieuses que le roi veut favoriser. C’est pourquoi le recrutement des Cisterciennes comme celui des Bénédictines se fait parmi la noblesse, sans les mêmes exigences d’ancienneté toutefois que pour les monastères d’Auvergne. Il ne semble pas que les trois monastères de l’ordre de saint- Bernard aient bénéficié d’une réforme au XVIIe siècle.

L’abbaye de la Séauve avait été entièrement reconstruite par la dernière abbesse : Marguerite-Laure de Fumel, « fille et héritière du Premier Président du Parlement de Toulouse ». Elle avait fait profession dans un monastère hospitalier de l’ordre Saint-Jean de Malte dans son Quercy natal. Elle n’y reste pas longtemps car elle est nommée abbesse de La Séauve par lettres patentes du 29 septembre 1765. Elle accepte et fait profession dans l’ordre de Cîteaux le 24 mai 1766 et reçoit la bénédiction abbatiale dans la chapelle des Pénitents bleus de Toulouse le 8 juin 1766 des mains de son frère évêque de Rodez 59. Le  25, elle prend possession de son poste. Elle avait reçu du Grand Maître de l’Ordre de Malte le privilège de continuer à porter la croix de Malte sur son habit cistercien.

Elle arrive dans un couvent tombant en ruine et dont le personnel vient de doubler par la réunion de celui de Clavas. Immédiatement, elle se met à l’ouvrage : l’ancienne maison est rasée, sauf l’église. Commencés en 1770, les travaux s’achèvent en 1786. La modeste abbaye a fait place à une construction monumentale, dont on a la description complète dans l’inventaire dressé au début de la Révolution qui nous permet de connaître également le nom des religieuses, mais c’est un tableau de 1792 que nous livrons ci-dessous .

Vue de La Séauve-sur-Semène, gravure de Meunier et Née. Doc. M. Pettex-Sabarot

 

Toujours d’après l’inventaire de 1793, on constate que des femmes laïques étaient admises au monastère pour faire retraite : un appartement leur était réservé avec chambres et salle de réunion, séparé de la communauté et proche du quartier des hôtes. Il existait une chambre des archives avec porte de fer et mobilier adapté. On mentionne une « salle de compagnie », mais pas de salle capitulaire, ni de bibliothèque : elle devait pourtant se voir car Paul Ronin, dans son ouvrage62 mentionne en 1819, lors de la revente de l’abbaye de La Séauve-Clavas « une importante bibliothèque de 5000 volumes » avec, entre autres les oeuvres des Encyclopédistes et des ouvrages scientifiques. Les vendeurs (Bonnet de Treiches) se réservaient les meubles de cuisine, les gravures et les tableaux 63. Les meubles avaient été soustraits à l’inventaire par les amis des religieuses afin de les leur rendre à leur retour de Suisse où elles s’étaient réfugiées Il est certain que les Cisterciennes ont opté pour la vie commune puis-qu’elles sont encore au monastère en 1792. D’ailleurs, même si elles n’étaient pas étrangères aux idées nouvelles, la Constitution Civile du Clergé leur ouvrit les yeux sur les difficultés à venir. Le monastère était surveillé comme suspect de « fanatisme ». Ainsi, le procureur de Monistrol « découvrit des opuscules adressés à l’Abbesse de la Séauve(délibération municipale du 18 Mai 1791) dont l’un s’intitulait « le défenseur de l’autel, du trône ou de la patrie ». La nullité des prêtres conformistes y était proclamée. Dans ces écrits les jureurs étaient couverts d’insultes ainsi que l’Assemblée Nationale » Il. Le corps municipal envoya ces documents à l’accusateur public. C’était au moment de l’expulsion de Monseigneur de Galard. Paul Ronin pense que Madame de Fumel finit ses jours dans son pays natal au sein de sa famille.

On retrouve au Puy la trace des soeurs de Mourgues qui ont prêté le serment de liberté-égalité le 18 pluviôse an Il 66. Charlotte Henriette meurt le 17 novembre 1809 dans la maison paternelle rue des Farges (B90) à quarante cinq ans 67.

Que devinrent les biens de l’abbaye ?

Dans un premier temps, une partie d’entre eux furent attribués au conventionnel Bonnet de Treiche en paiement d’une créance due par l’Etat à son père, ancien Juge-mage du Puy. Ensuite le 21 germinal an V, l’adjudication des bâtiments conventuels revint à Lemore pour Bonnet-Chabanolle (alias de Treiches). Son premier travail fut de faire sauter à la mine les murailles de la chapelle pour la détruire et utiliser les matériaux. Mais ensuite il fut mis hors la loi et ses propriétés vendues à Royet, maire de Saint-Etienne, qui fit construire à la place de l’église abbatiale le modeste oratoire qui en garde le souvenir. Aujourd’hui, l’emplacement et une partie des bâtiments de l’abbaye est l’usine Catteau.

Le 8 mars 1793, le conseil de la commune de Saint-Didier décrète que  « l’autel en marbre de la cy-devant abbaye sera transféré à l’église paroissiale  attendu que celui y existant tombe en ruine de vétusté ». Par la même occasion, l’église s’enrichit de trois tableau de toile illustrant des épisodes de la vie de la bienheureuse Marguerite, ainsi que d’un tableau peint sur bois qui  paraissait être d’Albert Dürer , représentant Saint-François de Sales68. Le  maître-autel de style Pompadour possède une inscription au dos du tabernacle : « don de L.M. de Fumel, abbesse, 15 octobre. 1776 ». Un quatrième tableau de la vie de la Bienheureuse Marguerite serait dans la petite chapelle. La famille Bonnet de Treiches se serait réservé les oeuvres d’art et… les meubles de cuisine.

 

source:CAHIERS
DE LA
HAUTE-LOIRE
Revue d’études locales

ANNÉE 1997

Publications de l’Association des Cahiers de la Haute-Loire,
Archives Départementales, Le Puy.

http://gallica.bnf.fr/