Dame Thiburge de St-Didier, vicomtesse Jean de Polignac (1372-1375)

Jean de Polignac épouse Thiburge et, son père, Armand IX, Isabeau, la propre soeur de Thiburge. — Ces mariages ne laissèrent aucun héritier. — La maison des premiers Polignac s’éteignit donc.

Après la mort du baron Pierre de Saint-Didier, la baronnie allait échoir à deux jeunes sœurs.
Le vicomte Armand IX de Polignac, veuf de Marguerite de Solignac qui lui avait donné un fils, fit une chose assez étrange pour que, de la baronnie de Saint-Didier, rien ne pût lui échapper par l’éventualité d’un partage entre les deux jeunes filles héritières.
Il maria son fils Jean II de Polignac, en 1372, à Thiburge, l’aînée des deux soeurs et lui-même prit, pour seconde femme, Isabeau, la plus jeune et, naturellement, la moins dotée. Arnaud donne Thiburge de Saint-Didier pour femme à Armand lui-même, tandis que Mandet reconnaît bien un Jean de Polignac, mais il en fait le frère de Valpurge, alliée aux Chalencon et ne lui donne aucune épouse.
La famille de Polignac est l’une des plus anciennes du Velay. On a voulu la faire remonter jusqu’aux anciens Appolinaires, préfets du Prétoire des Gaules, au In’ siècle de l’ère chrétienne.
Dès le IXe siècle jusqu’au XIIIe, les Polignac eurent des démêlés avec les évêques du Puy auxquels diverses bulles papales, confirmées par les rois de France, avaient octroyé la suzeraineté sur la presque totalité du Velay.
En 890, Vital de Polignac disputait le siège épiscopal de ce diocèse à Norbert de Poitiers qui ne put s’assurer la tranquille possession de son bénéfice qu’en cédant au vicomte Armand Ier, frère de son compétiteur, tous ses droits sur la ville de Saint-Paulin.
En mai 957, le vicomte Dalmas souscrivait comme témoin à une donation consentie par Rigaud au monastère de Sauxillanges. En 995, c’est le vicomte Etienne qui figure dans une donation faite au même prieuré.
De 1073 à 1087, Etienne de Polignac, bravant l’excommunication du pape Grégoire VII, occupa le siège épiscopal du Puy.
Vers cette époque, les vicomtes Pons II et Héracle fer, cédaient, moyennant 25.000 sous podiens, à l’évêque Adhemar de Monteil toutes leurs prétentions sur l’église du Puy.
Quelques années plus tard, le prélat prenait part à la première croisade en qualité de légat du pape, et Héracle, devenu son porte-étendard, tombait mortellement frappé à la bataille d’Antioche, en 1098.
En 1134, les vieilles querelles se rallumèrent entre les évêques et les vicomtes. Après une trêve de courte durée conclue en 1151, elles reprirent plus ardentes à la suite des nombreuses exactions que Pons II et son fils Héracle III commirent contre la collégiale de Brioude et l’abbaye de la Chaise-Dieu, malgré l’excommunication d’Alexandre III.
Il ne fallut rien moins que l’intervention de Louis VII pour mettre un terme à ces excès. Pons et Héracle furent capturés au château de Nonette et durent leur liberté à la médiation du comte de Blois et de l’évêque de Paris.
Enfin, en 1213, l’hommage de Pons IV à l’évêque affirmait qu’une ère de paix allait s’ouvrir pour le Velay.
Cette paix, en effet, dura plusieurs siècles, consacrée par les reconnaissances successives qu’en 1274, 1307, 1320, les vicomtes firent aux évêques de leurs châteaux.
Ces châteaux étaient ceux de Polignac, Ceyssac, Recours, Saint-Quentin, Solignac, Aurec, Bouzols et Servissas. Leurs châteaux de Belvezet, du Cheyla, des Balmes, d’Altier, de Randa, de Châteauneuf, de Puylaurens et de la Garde-Guérin étaient de la mouvance de l’évêque de Mende. Sous la suzeraineté de l’évêque de Clermont, était leur château de Luguet, apanage des cadets qui entraient dans les ordres. Du duché d’Auvergne, relevaient les seigneuries de Rochesavine, de Riols et de Boutounargues.
Les prérogatives judiciaires des vicomtes sont prouvées par neuf accords conclus de 1287 à 1463. Un des plus curieux est celui qu’Armand VII conclut, en 1341, avec l’Université Saint-Mayol, au sujet de la justice du lieu d’Orzillac (paroisse de Coubon).
Les Vicomtes de Polignac enrichirent de leurs libéralités, depuis l’an 898 jusqu’en 1651, un grand nombre d’églises et de couvents des diocèses du Puy, de Clermont, de Saint-Flour, de Paris et de Mende. C’est, notamment, à Claude de Roussillon, vicomtesse de Polignac, que le couvent de Sainte-Claire du Puy doit sa fondation et l’on s’explique, par ce fait, le zèle que mit le cardinal de Polignac à procurer la béatification de la Soeur Colette de Corbie.
La Vicomté de Polignac fut érigée en Duché par lettres royales de novembre 1783.
Cette Vicomté comprenait alors les terres et seigneuries de Polignac, la Voûte, Loudes, Chalencon, Craponne et Saint-Paulien.
A l’époque de la Révolution, le château de Polignac et ses dépendances furent vendus à Antoine Martin Hilaire, le 15 mai 1794.
C’est donc cette famille puissante qui entra en possession de la baronnie de Saint-Didier.
Le 28 septembre 1372, le vicomte Armand de Polignac, comme administrateur de noble Jean de Polignac, son fils, et de Thiburge de Saint-Didier, femme dudit Jean , donnait « exemption aux habitants de la ville et du mandement de Saint-Didier, du paiement des droits de leyde pour les denrées et marchandises qu’ils vendraient en leurs maisons ou bans » et tabliers attachés à icelles maisons, pour raison desquels était payé cens audit seigneur.
Cet « instrument » vise également la permission de faire lever, par des délégués, « le vingtain des grains, dans le but de payer les réparations à exécuter au château seigneurial ».
Et, incontinent, une requête fut présentée par les habitants audit seigneur, par laquelle ils lui remontraient que la levée de ce vingtain de blé avait été accordée par les habitants aux prédécesseurs du seigneur, à cause de la susdite réparation, mais pour un temps seulement ; lequel temps était expiré, et longtemps il y avait ; que, malgré l’expiration de ce temps, ce vingtain de blé avait été levé néanmoins par ledit Jausserand, et par justice, et converti entièrement à son profit sans l’employer à la réparation du château. Ils remontrèrent encore que, bien qu’ils payassent censive au seigneur, à cause des maisons et des bancs qu’il y avait au-devant d’icelles pour vendre leurs denrées et marchandises avec dispense de payer aucune leyde, toutefois, les receveurs de ladite leyde les avaient contraints à la payer, ce qui était une charge insupportable, attendu les autres corvées auxquelles ils étaient tenus vis-à-vis de ce seigneur.
Par toutes ces plaintes, on voit que feu Jausserand avait de nombreux reproches à s’adresser ; et qu’il avait bien raison, en 1351, « pour tranquilliser sa conscience, de vouloir que chaque habitant de Saint-Didier, l’un après l’autre et par acte publié, lui pardonnât de bon cœur les injures, extorsions et autres choses indues par lui .
Beaucoup pardonnèrent, sans doute, mais beaucoup, aussi, lui gardèrent rancune et la firent éclater après sa mort.
Mais ce double mariage de Jean et d’Armand ne devait réussir ni à l’un ni à l’autre.
En 1373, peu de temps après son mariage, le vicomte devint veuf d’Isabeau de Saint-Didier.
En 1375, le jeune vicomte Jean de Polignac mourut. Thiburge n’eut aucun enfant.
En 1373, Guiote de Saint-Didier, veuve d’Audebert de Châteauneuf, fit son testament et institua pour son héritière universelle sa nièce Thiburge Saint-Didier (elle aurait dû dire sa petite-nièce), fille de feu messire Pierre de Saint-Didier, dit Testard, son neveu, et les siens.
Si Thiburge et ses enfants décédaient sans postérité légitime, elle lui substituait le monastère de la Séauve.
Il fallait donc, pour qu’elle pût faire cette substitution du monastère, malgré les substitutions précédentes, que tous les descendants de la famille eussent entièrement disparu, et qu’il ne restât que Thiburge ; ce qui infirmerait un peu ce que nous avons dit d’un Alexandre de Saint-Didier, seigneur de Mercuret en 1396.
On pourrait conclure aussi du testament de Guiote que Jean
de Polignac était déjà mort, puisque la testatrice n’en fait pas mention.
Guiote affectionnait beaucoup le monastère de la Séauve. Elle voulut être enterrée dans l’église de ce couvent, et institua un prébendier avec dotation de cinquante florins d’or, pour y desservir la chapelle des seigneurs de Saint-Didier. Deux cents prêtres furent convoqués par son ordre le jour de sa sépulture, avec leur dîner, trois gros de florins et autant aux autres « prêtres qui surviendraient. » Elle donna autres cinquante florins d’or pour fonder quatre anniversaires qui devaient être célébrés dans l’église de la Séauve, parmi lesquels nous remarquons le quatrième qui tombait le lendemain de la fête de sainte Marguerite, vierge.
En 1377, nous retrouvons Thiburge à Polignac, recevant l’hommage de demoiselle Marguerite de Bonafès, veuve d’Armand du Rochain, et héritière dudit Armand et de son fils Bernard du Rochain.
Il n’est fait aucune mention du vicomte Jean de Polignac.
En 1378, appelée haute et puissante demoiselle, Thiburge dame de Saint-Didier et de la Mastre, donna procuration à Jean Allier de poursuivre et soutenir ses droits sur les biens de noble et religieux homme « frère Guichard de Saint-Didier, de l’ordre « de Saint-Antoine de Vienne ».
Le vicomte Jean II de Polignac fut le seul de sa maison seigneur de Saint-Didier.
Les magnifiques espérances du vieux vicomte Armand de Polignac s’évanouirent donc. En donnant pour époux à son fils Jean, Thiburge, héritière de l’antique race des Saint-Didier, sur la tête de laquelle se trouvaient réunies des possessions considérables, il avait voulu, en même temps, assurer la pérennité de sa maison et accroître sa fortune. Il n’en fut pas ainsi.
La maison des premiers Polignac s’éteignit.
Armand dut laisser son héritage aux enfants de sa soeur Valpurge, épouse de Guillaume de Chalencon.

Extrait de l’ouvrage, « D’Azur au Lion d’Argent » Tome I.
Paul Ronin