Le marquis Jean-Claude de Nerestang Baron de Saint-Didier (30 août 1620-2 août 1639)

Colonel du régiment créé par son père. — La politique de Richelieu. — La lutte contre les Protestants. — Intrigues des nobles. — La guerre de Trente Ans. — En 1629, guerre d’Italie. — Le marquis de Nérestang participa à cette guerre. — Il fut gouverneur de Casale. — Il fut tué le 2 août 1639. — Comme il avait le pressentiment de sa mort, il fit son testament, le 28 mai 1639.

Jean-Claude de Nérestang était né au château de Chaponot. à. la fin de 1590.
A la mort de son père, il devint marquis de Nérestang, comte d’Entremont, baron de Saint-Didier et seigneur des mêmes lieux.
Chevalier des mêmes ordres du roi, il fut, comme lui, Grand Maître de l’Ordre du Mont-Carmel et de Saint-Lazare.
Le répertoire des hommages, à l’article d’Aurec, dit, qu’en 1622, eut lieu « l’investiture de la place d’Aurec, en faveur de Jean de Nérestang, place, dit-il, par lui acquise du successeur de la Roue ». Ces derniers termes ne sont pas exacts, mais l’investiture put avoir eu lieu, en 1622, pour Jean de Nérestang, après la mort de son père.
Comme son père, Jean de Nérestang avait embrassé la carrière des armes. En effet, la noblesse ne pouvait faire autre chose que de guerroyer sur les champs de bataille. Le métier militaire était le seul qui pût solliciter son activité désœuvrée.
Jean de Nérestang était, en 1623, colonel d’un régiment portant son nom, régiment créé pour son père, en 1613.
En 1621, Louis XIII voulut tenir la promesse de son père et rétablir en Béarn le culte catholique. Les Protestants décidèrent de résister, De Luynes assiégea en vain Montauban, en 1621, et mourut bientôt d’une fièvre pernicieuse. La paix de
1622, à Montpellier, confirma l’Edit de Nantes, mais ne laissait
aux Protestants que deux .places de sûreté : La Rochelle et Montauban.
Armand du Plessis de Richelieu prit en mains, en 1624, les rênes de l’Etat.
Il était né à Paris, le 9 septembre 1585, d’une vieille famille très en vue, mais peu fortunée. Il se préparait à la carrière des armes, quand, pour conserver à sa famille l’évêché de Luçon, il embrassa l’état ecclésiastique. Il représenta le clergé du Bas-Poitou aux Etats de 1614. Ce fut-là, le commencement de sa fortune. Grand favori de Marie de Médicis, il devint, en
1624, malgré Louis XIII, qui ne l’aimait pas , premier ministre.
Quand Richelieu prit la direction des affaires de l’Etat, la situation de la monarchie était mauvaise.
Le cardinal de Richelieu avait trois buts : soumettre les protestants ; diminuer l’autorité des grands ; abattre la maison d’Autriche, pour relever, disait-il, le prestige de la France dans les nations étrangères.
Ce grand dessein fut réalisé.
Richelieu s’attaqua, d’abord, aux Protestants. Il voulut leur prendre leur principale place forte, La Rochelle.
Et, comme il n’avait pas de flotte, il dut recourir aux
Hollandais et aux Anglais pour battre les Protestants de La Rochelle, commandés par Soubise et Guiton.
Avec le concours des navires étrangers, il réussit à leur reprendre les îles de Ré et d’Oléron.
Malgré le mariage du prince de Galles avec Henriette de France, l’Angleterre réclamait une politique protestante et se prononçait donc contre l’alliance française. Le traité de La Rochelle, en 1626, ne fut, en réalité, qu’une trêve, car, en 1627 la guerre reprit et Richelieu vint assiéger La Rochelle.
Malgré l’appui de Charles Pr, roi d’Angleterre, et beau-frère de Louis XIII, la ville fut assiégée, isolée, et, en dépit de l’héroïque défense de ses habitants, obligée de se rendre. La famine eut raison des Rochelois en 1628.
La lutte, avec Rohan, dura encore quelque temps dans le Languedoc et la Guyenne, puis, la paix fut signée à Alais, en 1629.
Ce traité laissait aux Protestants la liberté du culte et leur donnait le droit d’être admis à tous les emplois, ainsi que celui d’avoir la moitié des juges dans quelques parlements ; mais il leur enlevait leurs places fortes.
Les grands du royaume intriguaient contre l’autorité royale et contre le premier ministre.
Richelieu fonça sur eux. Le marquis de Chalais fut condamné à mort et exécuté.
Marie de Médicis demanda à son fils le renvoi du cardinal. Le 10 novembre 1630 (Journée des Dupes), Louis XIII avait choisi. Le cardinal resta ministre. Il fit exécuter le maréchal de Marillac, pendant que la reine Marie de Médicis et le prince Gaston d’Orléans s’enfuyaient à l’étranger.
Henri de Montmorency tenta de soulever le Languedoc. Il fut arrêté à Castelnaudary, condamné à mort par le Parlement de Toulouse et exécuté dans une cour du Capitole, en 1632. Dix ans plus tard, Cinq-Mars et de Thou, pour avoir conspiré, subissaient le môme sort à Lyon.
La noblesse était mise au pas et la puissance royale raffermie.
En matière de politique extérieure, Richelieu resta fidèle à la politique de François 1er, d’Henri II et d’Henri IV qui consistait à affaiblir la maison d’Autriche. Et, dès 1624, c’est contre les branches autrichienne et espagnole de cette maison que le cardinal entra en guerre.
En 1629, Richelieu intervint en Italie contre les Espagnols pour faire reconnaître les droits de Charles de Nevers, à la succession du duché de Mantoue. Il fut vainqueur des Espagnols et leur imposa le traité de Chirasco, en 1631.
Le marquis Jean de Nérestang participa à cette guerre. Il fut nommé gouverneur de Casale.
En 1632, Jean de Nérestang fut proposé pour commander les troupes en Languedoc, rassemblées par Louis XIII pour surveiller les Espagnols massés sur les frontières.
La grande guerre entreprise fut la guerre de Trente Ans (1618-1648).
A cette époque, l’Allemagne était divisée par des querelles religieuses, mais, en réalité, beaucoup plus politiques que religieuses. La Bohême était en ébullition. La défenestration de Prague, où les seigneurs bohémiens jetèrent par les fenêtres du château les gouverneurs impériaux, fut le signal de la guerre.
Cette lutte se divise en quatre périodes :
1° La période palatine (1618-1623), pendant laquelle, Frédéric, électeur palatin et roi de Bohême, est vaincu à la Montagne-Blanche et dépouillé de ses Etats ;
2° La période danoise (1624-1629), pendant laquelle Christian IV, de Danemark, se met à la tête des protestants et dont la fin est marquée par l’édit de Restitution (des biens séculaires), en 1628 ;
3° La période suédoise (1630-1635), au cours de laquelle, Gustave Adolphe, roi de Suède, vainqueur à Leipzig, est tué à Lutzen ;
4° La période française (1635-1648).
Richelieu s’allia avec les Suédois, avec Bernard de Saxe-Weimar, avec la Hollande, avec les Suisses et avec les ducs de Savoie, de Parme et de Mantoue.
Les Français remportèrent, en 1635, la victoire d’Avein, près de Liège ; mais les Impériaux, après la prise du Catelet et de Corbie, arrivèrent dans la vallée de l’Oise et menacèrent Paris. Richelieu leva une armée de 120000 hommes et enleva l’Artois aux Espagnols. En 1640, La Meilleraye prenait Arras.
En 1638, Jean de Nérestang vint passer quelques mois au sein de sa famille.
Le jour de la Chandeleur, 1639, en vertu de ses pouvoirs de Grand Maître, il reçut Chevalier, dans l’église de La Bénisson-Dieu, Charles de Nérestang, son fils, âgé de 13 ans seulement.
Il avait été nommé maréchal de camp et traversa les Alpes au commencement de la belle saison.

L’objet de cette guerre était de conserver au jeune Charles-Emmanuel et à Christine de France, sa mère, le gouvernement de l’Etat du Piémont que Thomas de Savoie et le cardinal, son frère, unis à l’Espagne, voulaient lui enlever. Thomas eut, en effet, quelques succès et prit même Turin d’assaut.
Jean de Nérestang qui commandait la place se retira alors dans la citadelle et la défendit vaillamment.
Par malheur, ayant voulu écarter l’ennemi dans une sortie téméraire, il y fut tué avec plusieurs de ses chevaliers, le 2 août 1639, âgé de 48 ans.
Par un pressentiment que cette guerre pourrait lui être fatale, Jean de Nérestang, avant d’entrer en Italie, s’arrêta quelques jours dans son château de la Duchère, près de Lyon, et y fit, le 28 mai 1639, un testament olographe où se trahissent tous les sentiments qui dominèrent sa vie.
J’ordonne, écrit-il, que mon corps soit porté aux Carmes déchaussés de Lyon que mon père a fondés et dotés et où son corps est enterré, désirant que le mien y repose de même, aux frais de mon héritier sous-nommés, à la discrétion duquel je m’en remets pour mes honneurs funèbres, et que mon coeur soit mis dans l’église de la Bénisson-Dieu, à la chapelle de Notre-Dame que ma très chère soeur aimée, l’abbesse du dit lieu, et moi y faisons construire. J’ordonne que l’on y porte l’effigie en marbre blanc de Notre-Dame que j’ai fait faire à Gênes, au piédestal de laquelle sont mes armes et devises en bronze doré, et qui est en ce moment à la douane de Lyon. Je désire donc, ajoutait-il, que mon coeur soit enterré dans cette chapelle après et avec les corps de mes chères sœurs, l’abbesse et la coadjutrice, auxquelles j’ai de grandes obligations et ne saurais jamais assez témoigner mes sentiments.
Le marquis Jean-Claude de Nérestang, après d’autres recommandations, s’occupa de la question financière. Il parle d’un petit sac pouvant contenir vingt-deux quadruples et trois carlins valant cinq pistoles la pièce.
Il demande également à ses soeurs et à son beau-frère de Harlay d’avoir soin de ses enfants.
Il leur adjoint Fournier, l’aîné « dont je connais la probité, ajoute-t-il.
Il demande, en outre, que ses deux filles, Françoise, soient religieuses à la Bénisson-Dieu.
Le testament comporte des dispositions à l’égard de son fils aîné, Charles-Achille et il lui lègue le restant de ses biens et en terminant il prie tous ses enfants de vivre en paix et union ».
Jean de Nérestang avait épousé, à Grenoble, le 14 mai 1625, Ennemonde-Joachim de Harlay, dixième enfant de Christophe de Harlay, chevalier des Ordres du roy, gouverneur de la ville d’Orléans, Pair du Gâtinais et d’Anne de Rabbat d’Illens petite-fille d’Achille de Harlay, comte de Beaumont, premier président du Parlement de Paris.

Le contrat de mariage avait été signé le 4 mai 1625 et collationné le 14 août par Gidrol, notaire royal à Saint-Didier « pour valoir ce que de droit » (1).
Ils eurent deux fils qui, tous deux, ont reçu les prénoms de Charles-Achille et deux filles.
I. Charles-Achille, l’aîné, devint colonel du régiment de son père, en 1639. Par testament, il reçut, en 1634, les terres de Chaponot, de la Malafolie d’Entremont et ce qui en dépend. Il fut, en outre, institué héritier universel de son père, avec substitution, en cas de besoin, de son frère cadet.
Il. Charles-Achille, le jeune, qui succéda à son frère aîné.
III. Françoise, dite Catherine, née en 1628, est morte professe au monastère de la Bénisson-Dieu.
IV. Françoise, née en 1629, abbesse de la Bénisson-Dieu, de 1652 à 1675.
Un sentiment d’inquiétude sur l’avenir réservé à sa jeune famille oppressa Jean de Nérestang dans la rédaction de son testament.
Il n’avait pas tort, d’ailleurs.
Le 29 septembre 1639, les parents s’étant réunis au château d’Aurec, devant les officiers du bailliage de Montfaucon, à la requête de la marquise de Nérestang, qui, en ce moment, était à l’abbaye de la Bénisson-Dieu, donnèrent la tutelle des quatre enfants, soit à la mère, soit à Achille de Harlay, leur oncle, soit à Pierre Fournier, avocat au Parlement, lieutenant général d’Aurec. On procéda à un inventaire des valeurs mobilières qui existaient dans les châteaux d’Aurec, de Saint-Didier et de Chaponot.
En effet, la veuve de Jean de Nérestang se remaria avec Charles des Essarts, chevalier de Maigneux, gentilhomme ordinaire de la chambre du roy et maître de camp d’un régiment de gens de pied.

Extrait de l’ouvrage, « D’Azur au Lion d’Argent » Tome II.
Paul Ronin