Le Monastère de la Séauve Bénite

L’origine du couvent vers la fin du XI’ siècle. — Les barons de Saint-Didier furent les bienfaiteurs du monastère. — L’ancien couvent fut brûlé en 1600. — Les autres bâtiments furent rasés en 1770. — Les bâtiments actuels ne furent terminés qu’en 1786. — La petite chapelle fut construite en 1811. — La plaque de marbre et la plaque de cuivre concernant sainte Marguerite. — Vente de l’abbaye, en 1819.

Silva Benedicta ! Forêt bénite ! .

Le monastère de la Séauve avait été bâti au bord d’une forêt touffue, dont il reste encore, aujourd’hui, de splendides frondaisons.

Le mot bénite a-t-il été ajouté à cause de Marguerite ? C’est l’opinion des auteurs de la Gaule chrétienne. Le mot bénite a-t-il été ajouté à cause de la dévôte abbaye.

Mais on ne sait pas avec précision à quelle époque fut fondé le monastère,

Le couvent fut-il concédé à la Chaise-Dieu ?

Vers l’an 1136, plusieurs couvents furent fondés sous le nom de Sylve.

Les quatre abbayes de Mercoire du Gévaudan, de Bellecombe, de Séauve-Bénite et de Clavas-en-Velay, doivent aussi leur origine à l’abbaye de Mazan-en-Vivarais et leur filiation.

La seconde était déjà fondée en 1148. Elle est à quatre lieues du Puy et deux d’Yssingeaux.

On n’a aucun monument de la troisième avant 1228. Elle est située aux frontières du Velay, du Forez et de l’Auvergne, à huit lieues du Puy. On voit dans l’église le tombeau de la Bienheureuse Marguerite, religieuse de ce monastère, laquelle y est en grande vénération. Enfin, la quatrième est située dans une vallée étroite, aux frontières des diocèses du Puy et de Vienne, à trois lieues d’Annonay, dans la paroisse de Riotord.

Mais Saint-Benoît, abbé de Citeaux, y établit des religieuses en 1161. Cette date peut n’être pas exacte, mais elle est vraisemblable.

M. Malègue dit que cette abbaye fut bâtie en 1228. De Chabron donne également cette date.

De son côté, Arnaud dit que l’abbaye des filles de Séauve-Bénite fut fondée en l’an 1228 et que cette abbaye eut, parmi ses principaux fondateurs, le comte de Forez.

Par contre, un autre auteur affirme que le couvent de la Séauve fut fondé bien avant la date donnée par les autres historiens.

Le père Fita donne une date plus ancienne. Il cite un testament de Guillaume de Chapteuil, daté du 25 juin 1223. Le testateur y donne à la maison de la Séauve 5 soldes et à celle de Clavas, un libras.

De son côté, M. Migre dit que ce couvent fut fondé bien avant 1228.

Enfin, d’après un placet trouvé dans de vieux documents de l’abbesse Marie-Marguerite de Molette-Morangier qui eut le gouvernement de ce monastère de 1713 à 1759, adressé, par elle, aux chevaliers des Maires, pour être présenté au roy, afin d’obtenir la révocation de l’ordre qui lui interdisait de recevoir des novices, elle expliqua que le couvent a plus de huit siècles et serait, par conséquent, antérieur aux deux autres du diocèse.

Huit siècles ! Cela reporterait donc la création de l’abbaye entre 950 et 1000. Si l’abbesse écrivait ceci, c’est que, vraisemblablement, elle avait entre les mains des documents permettant de le faire.

Adoptons une thèse moyenne et écrivons, comme l’abbé Theillère, que le monastère a été construit vers la fin du douzième siècle.

Il est vraisemblable aussi que les premières religieuses qui le peuplèrent sortaient du couvent de Bellecombe-en-Velay, fondé en 1140.

Les comtes de Forez furent les fondateurs de cette abbaye de la Séauve.

Les barons de Saint-Didier furent les bienfaiteurs du monastère.

Il y avait autrefois à la Séauve un mandement’ avec la justice particulière. Ce mandement dut être concédé à l’abbé par le seigneur de Saint-Didier et, avant 1260, époque où ce dernier détacha de sa seigneurie, le mandement de Monistrol. Car celui de la Séauve s’allongeait jusqu’au village des Ages, près de Monistrol, et il ne semble pas que les tenanciers des lieux compris dans le mandement de la Séauve aient rendu hommage aux évêques seigneurs de Monistrol.

En 1276, le comte de Forez, Guy, confirma la rente de la Seauvette, près de Sury-le-Comtal, au monastère de la Séauve.

L’ancien couvent fut brûlé en 1600.

Le 31 août 1765, les dames cisterciennes de Clavas s’unirent au couvent de la Séauve qui prit le nom d’Abbaye royale de la Séauve-Clavas. Les lettres patentes furent signées au mois de septembre 1767.

L’abbesse Laure de Fumel — la dernière, d’ailleurs — voulut transformer le monastère. Dès 1766, des travaux de reconstruction étaient entrepris. Les nouveaux bâtiments ne furent terminés qu’en 1786.

C’est à elle que l’on doit le bel autel en marbre, apporté dans l’église de Saint-Didier, au moment de la Révolution. Cet autel est remarquable par son travail, ses marbres rares et précieux. Sa grandeur permet de supposer que l’église du couvent était vaste. Cette chapelle formait le quatrième côté du couvent en forme de carré.

Elle fut détruite sur les ordres de Joseph-Balthazar Bonnet de Treyches, ancien Conventionnel, qui avait reçu le couvent et les propriétés attenantes en paiement d’une créance due à son père par l’Etat.

Lors de son bannissement, il revendit le tout à M. Royet, de Saint-Etienne, qui fit construire, en 1821, une petite chapelle domestique, bénie en 1822, et qui existe encore.

On y voit la table de marbre avec cette inscription

Ci-gît le corps de sainte Marguerite, religieuse de l’abbaye de la Séauve-Clavas.

Anno 1774 Die XV oct D.D.M.L. de Fumel, Abbat.

Cette table de marbre couvrait jadis le tombeau de la Bienheureuse.

Une plaque de cuivre a été retrouvée dans les remises, sur laquelle sont gravés ces mots que nous reproduisons fidèlement :

Les présentes sont pour attester comme les habitants du château, les villages de Paulin et les Mures ont, lors de la grande peste de 1628 et 1629, fait vœu de célébrer la fête de sainte Marguerite de la Séauve, à perpétuité, et quoi que tout le voisinage en fût infesté, ils en furent entièrement préservés par les mérites de cette sainte.

De tout temps, la gestion du monastère de la Séauve a enregistré un compte excédentaire. En effet, de toutes les communautés féminines relevées par le subdélégué de 1787, la Séauve-Bénite était la seule qui présentât un excédent de recettes fixe de 1165 livres. Les revenus du monastère étaient de 17650 livres. Les dépenses ordinaires de 14300 et les annuelles de 1185 livres. Le monastère contenait douze religieuses, y compris l’Abbesse, et dix-sept domestiques.

Cette prospérité exceptionnelle, accusée par un boni de recettes fixes, avait sa source dans l’adjonction de la Manse de Clavas à celle de la Séauve . L’Abbaye possédait de nombreuses propriétés en Forez dans les paroisses de Sury-le-Comtal et de Précieux, de Saint-Marcellin et de Cornillon.

Les propriétés de la ci-devant Abbaye, qui étaient composées des entiers bâtiments, basses-cours, granges, écuries, fournil, jardin, enclos et prés, contigus, plus un autre jardin réservé, situé le long de la rivière, en face de la maison du granger ; un coin de terre et prairie appelé les Aubits, situés près du village du Bouchet dépendant aussi de ladite abbaye, ont été affermés par adjudication publique, du 23 mars 1793, du District de Monistrol, au citoyen Vassal, au prix annuel de 690 fr.

Le 21 juin 1819, l’abbaye de la Séauve-Clavas et toutes ses dépendances furent vendues.

Ont comparu, le vendeur, Joseph-Balthazar Bonnet de Treyches, propriétaire, demeurant à Paris, 49, rue de Richelieu, et, de son autorité, dame Preseille-Anna-Caroline-Françoise du Chantal Fesquet, son épouse, représentée par demoiselle Clotilde Bernard, à Saint-Didier, et, l’acheteur, Hippolyte Royet, négociant à Saint-Etienne.

Ce dernier fit l’acquisition de tous les bâtiments et dépendances, bois, prés et autres qui constituaient l’ancienne abbaye de la Séauve, détaillés au contrat d’acquisition du 23 mai 1791 et du 21 germinal, an V.

Parmi les objets vendus, figurait une importante bibliothèque de 5.000 volumes, comprenant, notamment — ô ! Éclectisme des religieuses ! — les oeuvres de Voltaire, de Rousseau, des Encyclopédistes et des ouvrages scientifiques !

Les vendeurs se réservaient les meubles de cuisine, les gravures et les tableaux, mais ils remettaient à l’acquéreur tous les titres et documents de vente.

Tous ces biens furent vendus 100000 francs, dont 40000 payables le lendemain. Le deuxième paiement de 30000 francs devait être effectué, trois mois après ; et le troisième paiement de 30000 francs, six mois après. Un intérêt de 5 % ne pouvait jouer qu’en cas de retard.

L’acte de vente fut passé, le 21 juin 1819, et, enregistré à Saint-Didier, le 22 juin 1819.

Le monastère est un vaste quadrilatère dont la chapelle occupait la partie sud. La façade est tournée au couchant et devant elle, au premier plan, une esplanade plantée d’arbres, et, au second plan, un des jardins qui servaient à l’usage du Couvent. Cette façade n’offre rien de remarquable. Les pilastres grecs que surmonte un fronton triangulaire ne sont cependant pas sans quelque grandeur.

C’est par le nord, au moyen d’un pont sur la Semène, que l’on pénètre dans l’intérieur de la maison. Cette maison, construite en pierre de la localité, révèle l’art de l’architecte.

Extrait de l’ouvrage

« Au Lion d’Argent, tome II »

Paul Ronin