Propriétés de l’Abbaye

de Bellecombe

Règlements généraux de l’Ordre de Cîteaux concernant Les acquisitions de biens

Le premier règlement cistercien qui existe, la Charte de charité, interdit aux monastères la possession des églises, des villages, des serfs, des fours et des moulins bannaux. Les abbayes cisterciennes pourront avoir des terres arables, des vignes, des prés, des bois, des cours d’eau pour la pêche et pour y établir des moulins qui servent à leur usage seulement ; elles se procureront les chevaux et les autres animaux domestiques dont elles auront besoin.

Les monastères avaient donc la faculté de faire des acquisitions et ils pouvaient les faire considérables. II suffisait qu’ils eussent pour objet des biens d’une autre nature que ceux dont la possession leur était interdite. Le Chapitre général chercha à mettre des restrictions à cette faculté. Comme pour acheter il fallait avoir de l’argent et qu’il était permis de recevoir les offrandes, le Chapitre général défendit de les provoquer, soit en faisant des quêtes, soit en plaçant des troncs à l’entrée des abbayes. Les quêtes même qui auraient eu pour objet des constructions d’église, étaient formellement interdites aux Cisterciens. Malgré ces défenses, les ressources annuelles des abbayes pouvaient dépasser leurs dépenses beaucoup d’établissements étaient dans cette situation prospère, et, au lieu de consacrer leur superflu à des aumônes, ils l’employaient à des acquisitions d’immeubles. Le Chapitre reconnut lui-même, en 1191 « que l’Ordre de Citeate avait la réputation de ne cesser d’acquérir et que l’amour de la propriété y était devenu une plaie. » Il décida, en conséquence, qu’à partir de cette année tous les achats d’immeubles seraient interdits. Cette défense fut renouvelée en 4215, mais on n’eut pas le courage de la maintenir et on la raya l’année suivante.

Une nouvelle décision se produisit enfin en 4248 : Le Chapitre général donna aux pères abbés le pouvoir d’autoriser les abbayes de leur filiation à faire toutes les acquisitions qu’ils jugeraient convenables. L’année suivante, on décida même que cette autorisation ne serait plus nécessaire, On recommanda seulement aux pères abbés d’empêcher les abbayes de leur filiation de s’endetter pour faire des achats d’immeubles.

Grâce à la latitude laissée aux monastères sous le rapport des acquisitions, par le règlement de l’Ordre, grâce encore aux subterfuges dont on usait pour échapper aux restrictions prescrites, il y eut des abbayes cisterciennes qui devinrent fort riches. On peut citer, entre autres, celle de Clairvaux pour les hommes, et pour les femmes celle de Burgos, en Espagne. Le chiffre des revenus annuels de la première s’élevait, en 1789, à la somme de 554,000 francs de notre monnaie actuelle.

Clairvaux n’avait certainement pas commencé ainsi son berceau fut loin d’être semé de roses. Quand les moines de cette abbaye, dit un auteur, commencèrent les vastes défrichements qui’ devinrent plus tard, pour eux, une source de si grandes richesses, ils durent souvent se contenter des sauvages produits d’un sol encore inculte. On leur servait; en été, des plats de feuilles de hêtre; en hiver; les racines des herbes venues naturellement à l’abri des forêts. Leur plus grand régal était de mange? des faines. N’ayant encore pu acheter ni bestiaux, ni poules, ils ne pouvaient se procurer ni œufs, ni fromages ; n’ayant point encore planté de Vignes, ils se passaient de vin et buvaient de l’eau.

Beaucoup de monastères de l’Ordre passèrent, plus ou moins, par les diverses phases de celui de Clairvaux. Il y en eut qui furent toujours pauvres et ne purent se maintenir faute de ressources suffisantes.

(Sources : Charta charitatie. Statuts (In chapitra général da Citeaux. — Jean l’Ermite. Vie de saint Bernard. Lir. IL Apud Mab. — d’Arbois de Jubainville. )

Premières possession du monastère de Bellecombe. Acquisitions faite cers le XIIIe siècle. — Droit de dîme.

Nous avons dit déjà que le monastère de Bellecombe fut bâti d’abord près du Sue-Ardu et que ce fut vers les premières années du XIIIe siècle qu’il fut transféré à Bellecombe. Or, quelles furent, les propriétés de l’abbaye, clans ces deux localités, dès les premières années de son existence? Il serait assez difficile de le préciser. Quoiqu’il en soit de cette question, on peut présumer qu’elles furent dignes de la famille puissante qui en fut la donatrice. Les Chalencon et, en particulier, l’évêque du Puy, durent doter le monastère d’une manière convenable.

Nous voyons ses premières possessions solennellement confirmées, dès l’année 1148, par une bulle du pape Eugène III, donnée à Rheims, aux nones d’avril. Cette confirmation n’eut certainement pas lieu sans une enquête préalable. Le Souverain Pontife ne dut la donner qu’après s’être assuré que la dotation était suffisante pour le nombre des Religieuses qui devaient habiter le couvent. Il est aisé de voir là encore une présomption que les propriétés données n’étaient pas sans quelque valeur relative.

En 1229, Hugues de Saussac fait don à Bellecombe de quelques manses. Il veut qu’un des prêtres attachés au monastère prie spécialement, chaque jour, à l’autel, pour le donateur et son épouse, la dame de Vachères.

Cinq ans plus tard, la prieure achète de  Pierre de Monetère .et d’Hugon, son fils, avec l’autorisation d’Etienne, évêque du Puy, la manse de Bélistar, près d’Araules et quelques autres propriétés que nous ne connaissons pas.

A ces premières possessions vinrent s’ajouter, dans le même siècle, plusieurs manses, dont je me contenterai de donner l’énumération et, autant que possible, la date de l’acquisition de chacune d’elles :

1° La terre d’Adiac entre Rosières et Beaulieu, 1238.

2° Le Bouchet et la Besse, dans la paroisse d’Yssingeaux, 1250.

3° Vazeille et Montaigu, la première en 1256 et l’autre en 1859.

4° Sallelas, 1272.

5° Les fiefs de Vérots et de Rosières, 1282.

6° Courcoule, en face de Bellecombe.

7° Monteillet d’Aura.

8° Bonas, prés Saint-Jeure, 1303.

L’abbaye percevait encore des dîmes, dans un certain nombre de villages d’Yssengeaux, à la Besse, les Fauries, Alinhac, le Besset, le Nérial, la Frayde, les Caires, Freissenette-le-Vieux, Freissenet-d’Aure, Fayterne, Riou-d’Achon. Il serait impossible et, du reste, superflu de faire connaitre l’époque et le mode de l’acquisition de ces derniers.

On se tromperait grandement si l’on donnait aux propriétés que nous venons d’énumérer des proportions qu’elles n’avaient pas. Avec toutes ces manses, toutes ces dîmes, Bellecombe était loin d’être dans un état de fortune florissant vers la fin du mue siècle. A cette époque, le monastère était encore bien pauvre. Nous en trouvons la preuve dans le Gallia Christiana. Nous y lisons, en effet, que l’évêque du Puy, Gui de Neuville, s’étant emparé, par droit de main-morte, au préjudice de l’abbaye, de la manse de Courcoule, de Monteillet d’Aura et du territoire de Bélistar, ne put les garder longtemps. Il s’empressa de les restituer à Bellecombe. Les auteurs de l’ouvrage cité nous disent que le motif qui engagea l’évêque à cette restitution, fut la pauvreté du monastère, profiter Bellecombe paupertatem. Gui de Neuville avait, sans doute, usé de son droit, en s’adjugeant les trois objets en question, mais il avait mis les Religieuses de Bellecombe dans la gêne, et ce fut pour faire cesser cette détresse qu’il fit, de suite, restitution de ce qu’il avait enlevé.

(Sources Gallia Christiana. Quelques titres Manuscrit)

Discussions occasionnées aux Religieuses de Bellecombe par la possession de leurs biens.

La première dont l’histoire nous a conservé le souvenir est celle qui s’éleva entre le monastère de la Bénissons-Dieu, en Forez, et celui de Bellecombe. I1 est très-probable qu’il s’agissait, pour ce dernier, d’une propriété qu’il possédait dans le Forez et qui fut réduite en rente, plus tard Mme de Retz parle de cette rente dans sa déclaration, que nous ferons connaître dans le paragraphe suivant.

Quoiqu’il en soit, les contestations dont il s’agit allèrent fort loin, puisqu’il en fut déféré à l’Archevêque de Lyon et au Pape lui-même. Nous trouvons les deux lettres écrites à ce sujet dans le 204e volume de la Patrologie de Migne. Elles furent écrites par Henri de Castro Marsiaco, d’abord abbé de Clairvaux, puis cardinal et évêque d’Aline. Nous ne pouvons mieux faire que de les citer textuellement.

La première est adressée à Alexandre III. Voici ce qu’elle contient

Sanctissimo Patri et Domino Dei gratiâ Sum mo Pontifici, Henricus, modicum id quod est Paupercula domus nostra, que dicitur Benedictionis Dei, in arido loco terne sterilis fundata est, sed aupsta facultatibus et paupertate, ut si sola ei pascua ua defecerint animalium, continuo et ipsa pabula deficiant animarum. Surrexerunt enim imper quidam diverse Religionis et Ordinis alieni, qui cum habeant oves et boves abundantes in egressibus suis, in exterminium paucutarum ovium quibus prœdicta domus nostra consolabatur, utcnmque pauperiem, turmas varias et pecus multiplex induxerunt. Non solum alieni, sed et moniales de Bellacumbâ, preedicta domus pascua etiam suis graviter turmis incursant, et in confinio grangiarum ejus novas aedificant mansiones. Quapropter fratres nostri qui de domo illâ sunt, Clementiam Vestram, nobiS intervenientibus, deprecantur ut et per apertas litteras vestras communiter ad omnes et ad prœdictas moniales specialiter destinatas, hujus modi importunitatis coerceantur incursus, sint que, Vobis patrocinantibus, pascua proedictorum fratrum tam ab incursions libera quam a mole novae illius œdificationis exempta.

La seconde lettre a le même objet et est adressée à Guichard, archevêque de Lyon, auparavant abbé de Pontigny, de l’Ordre de Cîteaux. Elle porte la date de 1161. La voici dans son entier :

Domino et amico charissimo patrique reverendo Wichardo, Dei gratia Lugdunensi episcopo, Henricus Clarevallis, pater, salutem et modicum id quod est.

Filii vestri fratres nostri de Benedictione Dei, novi gravaminis oppressione tristantureo quod per multiplices aliœnoe Religionis et Ordinis pascua eorum peregrini gregis incursione proeccupantur et ad repellendas oviculas eorumdem fratrum turmas sibi intolerabiles coacervantur. Inter cœteros vero, imo prae cœteris, moniales de Bellacumbâ prœdictos fratres aedificatione novâ molestant et in confinio grangiœ suce

Centis domicilii erigunt mansionem. Quocircâ rogamus et petimus quatenus hujus i mportunitatis instantiam vigor vestrœ auctoritatis amoveat et filiorum nostrorum jura perire ab citerais non permittat.

Je ne sais quel résultat obtinrent ces deux lettres.

De très-vifs démêlés s’élevèrent entre le monastère de Bellecombe et les évêques du Puy vers la fin du XVIIème siècle et les commencements du XVIIIe. Le sujet des contestations fut la forêt du Coutent, située dans le territoire de Naïva, au-dessus du bois de Bellecombe. Les Religieuses prétendaient avoir droit à cette partie du Mégal, l’évêque du Puy soutenait, au contraire, que cette partie lui appartenait comme le reste. Les choses demeurèrent indécises assez longtemps. Il y eut de part et d’autre, tant que dura la contestation, des actes de propriété exercés sur la forêt en litige. A Bellecombe, on continuait, malgré les réclamations de l’évêque, à s’approvisionner des bois du Coutent. La surveillance que faisait exercer le prélat ou plutôt ses hommes d’affaires n’aboutissait à aucun résultat. Un jour cependant, les ouvriers du monastère furent surpris par les gens de Monseigneur de Béthune ; ceux-ci confisquèrent, au profit de l’évêque, les bœufs de l’abbaye qui étaient employés à emporter les bois du Coutent.

L’affaire fut enfin portée au Parlement de Toulouse, et, en 1744, il intervint une sentence qui attribuait le Coutent aux évêques du Puy.

Les pièces de ce procès, qui existent encore, disent que les évêques du Puy étaient possesseurs de la forêt du Grand-Mégal avant 1420. Des reconnaissances de cette époque les leur attribuent. A la date du procès, ils étaient possesseurs de trois autres forêts, la Faye, le Petit-Mégal et Lizieux, en .tout 2000 arpents de bois sur lesquels un certain nombre d’habitants des environs avaient le droit de pasquerage et de forestage.

(Sources : Patrologie de Digne — Pièces du procès.)

Situation financière de Bellecombe à la fin de son existence.

Il suffit ici de citer simplement la déclaration que fit Mme de Retz, en exécution des lettres patentes du 18 novembre 1789 touchant les biens, revenus et charges de l’abbaye royale de Bellecombe. Cette déclaration se trouve consignée dans les registres de la commune d’Yssingeaux :

1° Une église où les habitants de plusieurs, (villages viennent entendre la messe, fêtes et dimanches, à cause de l’éloignement de leur paroisse. lis sont pour la même cause inhumés (dans le cimetière de l’abbaye. L’argenterie de ladite église consiste en un encensoir avec sa navette, une paire de burettes avec le plat, un ostensoir et une custode. Le reste du mobilier, comme chandeliers, crucifix, crosse, est en bois argenté.

2° Un corps de maison attenant à ladite église, renfermant l’abbatiale occupée par nous, abbesse, plus dix chambres appelées cloîtres, occupées par les Religieuses ; plus six chambres pour les demoiselles pensionnaires ; plus, cinq chambres pour les étrangers, dont une habitée par notre directeur. La batterie de cuisine, linge de table, service en argent, le pur nécessaire.

3° Grenier, écurie, basse-cour, deux jardins, le tout contigu. Dans un des jardins, fournissant à peine le potage, est placé un moulin qui suffit à peine à moudre le grain nécessaire à la maison.

4° Ladite abbaye possède une prairie, attenante à la maison, dont le produit sert à la nourriture de douze bêtes à cornes et d’un cheval « ces bestiaux servent à l’importation du bois nécessaire à la maison et à la nourriture des chevaux des médecins, chirurgiens, gens d’affaires.

REVENUS DE L’ABBAYE :

  • Deux domaines à Bellecombe, d’un
  • revenu de………………………….. 4 ,374 I.
  • Un champ, idem, affermé ………………… 30 1.
  • L’abbaye déclare avoir suffisamment
  • du bois pour sa consommation.
  • La terre de Bellecombe produit, de
  • conformité au terrier, en blé, 118
  • setiers,valeur moyenne annuelle,
  • 21. 50 la mesure………………….. 2,360 1.

A reporter .     &,764

Report ………….. 4,1612; cc’ Huit setiers en  froment,   valeur de « 2 1. 65 la mesure    •                      110 il .
« Septante setiers en avoine (le setier « composé de douze métans). . .     4,232 1.
« Plus une rente dans Laval-Amblavés, « affermée. ……………………………. 1;200 1.
« Plus un autre terrain en vigne etdimes, « appelé la Charade, dans le Viva‑ -rais, affermé vingt charges de vin     480 1.
« Une rente dans la paroisse de Retour‑ ‘    « nac ,  affermée……………………601.
TOTAL. . . .7,1561.

CHARGES DE L’ABBAYE

« A Monsieur le directeur, pour ves‑ -tiaire…………………………………..
« Aux dames composant la commu‑ – nauté, pour vestiaire…………….. c                  Un contrat de rente en faveur des
« dames de Sainte-Marie-d’Yssen‑ « geaux………………………………..
200 400 601. 1. 1.
« Pour dimes à l’abbé Lafont, revenus « du clergé…………………………….4221.
Pour gages de treize domestiques . . .8331.
TOTAL . . . .1,915 _1. 

Suivent les signatures des onze Religieuses qui formaient le personnel de la maison : Mesdames de Retz, abbesse ; Praneuf, prieure ; de Cussac, de Chateauneuf, de Beaufort, de Chateuil, de Beaulieu, de Vergets, de Rochemure, de Saint-Pol. De Pousols.

D’après cette déclaration. faite devant des commissaires chargés de la contrôler, et qui, par conséquent, doit être regardée comme sincère, il est aisé de voir que l’abbaye de Bellecombe n’était pas, sous le rapport de la fortune, dans un état de prospérité bien brillant. Si l’on défalque le chiffre des charges de celui du revenu, il reste 5241 francs. 11 fallait que, avec cette somme, on pourvût à la nourriture de onze Religieuses et des treize domestiques qui servaient dans la maison. 11 n’y avait guère pour chaque personne que 248 francs. Il faut encore retrancher de cette somme les aumônes faites par le monastère et les dépenses occasionnées, soit pour l’entretien des bâtiments, soit pour la réception des étrangers. Evidemment, si des couvents ont mérité le reproche d’être trop riches, ce n’est pas celui de Bellecombe.

(Sources : Registres de la commune d’Yssengeaux.)

Extrait de l’ouvrage :

NOTES HISTORIQUES

SUR

LES MONASTÈRES

DE LA SÉAUVE

BELLECOMBE, CLAVAS ET MONTFAUCON

THEILLIER, curé de Retournaguet

Monseigneur de Castellane

à Bellecombe, Son arrivée et sa fuite.

La Constitution civile du clergé avait été décrétée par l’Assemblée Législative. Partout on exigeait de la part du clergé le serment à cette Constitution. Beaucoup de prêtres, dans le premier moment, se laissèrent surprendre et accédé-lent à ce que la loi exigeait d’eux. On sait qu’un grand nombre se rétractèrent et se repentirent e ce qu’ils avaient fait d’abord. Il faut dire, à la gloire de la généralité du Clergé français, que le plus grand nombre résista et refusa le serment exigé. La plupart des évêques et des prêtres préférèrent la proscription, les persécutions, l’exil et la mort même plutôt que d’accepter une Constitution qui renversait, de fond en comble, celle donnée à l’Eglise par son divin fondateur. Ce que Dieu a établi, il n’appartient pas à l’homme de le démolir ou de le modifier à sa fantaisie, et au gré de ses passions! Et quand l’homme y touche, il y a, pour tout chrétien, devoir indispensable, absolu, de résister et de se faire tuer plutôt que d’accepter et de condescendre.

Du nombre de ceux qui résistèrent fut Monseigneur de Castellane, évêque de Mende. Son refus fut formel et public. Regardé, dès lors, comme réfractaire à la loi, immédiatement poursuivi comme tel, il prit le parti de fuir et de se cacher. Il ne crut pas, néanmoins, devoir demeurer dans son diocèse et se décida à aller chercher un asile ailleurs.

Ce fut quelques jours après son départ de Mende qu’il arriva à Bellecombe. Il était travesti et accompagné d’un seul domestique. Au village de Couteaux, il avait jugé prudent de prendre un guide. Ce guide, qui était un excellent chrétien, le conduisit au monastère.

Son coeur s’ouvrit et il commença à respirer un peu, lorsqu’il se vit sous ce toit hospitalier. Les Religieuses le reçurent avec une indicible joie ; elles étaient heureuses de posséder un martyr de la foi. Malgré les circonstances critiques et les appréhensions de chaque jour, il y eut, à l’abbaye de Bellecombe, un rayon de bonheur. Les exhortations du digne prélat les fortifièrent et les raffermirent dans les bonnes dispositions où elles étaient déjà.

Le monastère était néanmoins sans cesse menacé. On ne crut pas que Monseigneur fut suffisamment en sûreté ; les Religieuses s’occupèrent donc de lui chercher un asile plus sûr. Elles le trouvèrent chez un protestant du voisinage, dont on aimerait bien à connaître le nom et la famille. Le proscrit fut reçu dans cette maison avec une cordialité parfaite. Il y fut, pour ainsi dire, fêté. Là, il n’avait rien à craindre, parce qu’il s’y trouva des coeurs généreux qui, malgré leurs sentiments religieux contraires, ne virent dans Monseigneur de Castellane qu’une victime de l’intolérance révolutionnaire et du despotisme le plus révoltant.

Quelques jours après, il partait pour Lyon. Saisi bientôt comme un véritable criminel, il fut conduit à Paris et massacré tout près de M. de Retz, son diocésain et son ami. Avant de mourir, il eut le temps de bénir ceux qui périssaient avec lui et de leur donner une absolution générale.

(M. Péala. — Gustave de Burdin.)

Extrait de l’ouvrage :

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DE LA SÉAUVE

BELLECOMBE, CLAVAS ET MONTFAUCONTHEILLIER, curé de Retournaguet

Les Religieuses de Bellecombe

sont expulsées militairement de leur monastère

Les biens des couvents, dit M. Péala, avaient été confisqués au profit de la nation en même temps que les biens ecclésiastiques, le novembre 1789. Le 12 février suivant, tous les vœux de religion, faits ou à faire, furent déclarés nuls et abolis ; les couvents d’hommes ou de femmes furent tous supprimés sans exception. Ainsi, ajoute le bien-aimé et le bien vénéré supérieur, une Assemblée, dite Constituante, qui n’éleva jamais la voix contre les demeures du vice, contre les théâtres les plus licencieux, contre des clubs affreux où se tramaient les plus noirs complots contre la religion et la société, n’eut rien de plus pressé que de détruire des maisons qui ne nuisaient à personne et qui faisaient du bien à tout le monde ; elle se hâta de renverser les asiles les plus sûrs de la piété et de l’innocence, les demeures saintes où Dieu était particulièrement honoré et sa justice plus efficacement apaisée.

Mais, par un trait admirable de la Providence, la ruine de ces maisons en devint l’apologie la plus complète et donna le démenti le plus solennel à leurs détracteurs. Le refus que firent les Religieuses de sortir de leurs couvents lorsqu’on vint leur en ouvrir les portes et leur déclarer, au nom de la loi, qu’elles étaient libres de rentrer dans le siècle, leur désolation, lorsque plus tard on employa la violence pour les en arracher, la vie angélique qu’elles menèrent, pour la plupart, au milieu d’un monde corrompu, confondront à jamais ces écrivains téméraires, qui représentaient nos monastères comme des prisons, affectant de déplorer le sort des victimes qui y étaient entassées.

La conduite des Religieuses de Bellecombe fut en tout conforme à ce que l’on vient de lire. Après la suppression des couvents, on s’empresse de leur annoncer solennellement et avec emphase que la loi les a rendues .libres et qu’elles peuvent à l’instant rentrer dans le inonde et se séculariser. C’est les larmes aux yeux qu’elles écoutent cette déclaration et pas une ne veut devenir libre. Elles protestent, d’un commun accord, qu’elles ne veulent pas de cette liberté qu’on leur apporte. On redouble d’instances : elles ne répondent que par des sanglots. Tous les moyens sont employés pour les résoudre à déserter leur demeure ; prière de la part de ceux qui s’intéressent à elles et qui comprennent très-bien que tôt ou tard il faudra se soumettre, menaces de la part de quelques particuliers mal intentionnés et surtout des agents de la force publique, les religieuses ne s’émeuvent de rien et continuent à se roidir. C’est ainsi, au milieu des plus vives perplexités, des angoisses les plus poignantes, qu’elles arrivent jusqu’à la fin de 1792.

La municipalité d’Yssingeaux reçut alors des ordres formels d’employer la violence et d’agir militairement. Un détachement de gardes nationaux fut chargé de la mission de faire déserter le monastère. C’était vers la fin du mois d’octobre. Les Religieuses, prévenues à temps, n’attendirent pas la force armée et se déterminèrent à prendre la fuite. Ce fut en pleurant, en sanglotant, qu’elles dirent adieu à la demeure où elles avaient passé de si heureux jours et où elles auraient voulu laisser leurs cendres.

La garde nationale trouva la maison vide et revint sur ses pas après ce facile triomphe. Plus d’un, qui ne marchait que pour obéir à la loi, se réjouissait, au fond du coeur, de n’avoir point été obligé d’employer la violence.

Les Religieuses errèrent quelque temps sur les montagnes de Mégal et de Lisieux et furent enfin recueillies, transies de peur et de froid, par de pauvres paysans de nos montagnes. Elles étaient au nombre de onze : Mesdames de Retz, abbesse ; de Lussac, de Châteauneuf, de Praneuf, de Beaufort, de Chastel, de Bouillé, de Verger, de Rochemure, de Saint-Pol, de Posols.

Quelques jours après, elles étaient toutes en sûreté, et, pour la plupart, dans leurs familles respectives, dans l’attente de jours meilleurs et plus sereins. Ces jours meilleurs devaient revenir, mais toutes ne devaient pas les voir. Celles qui les virent ne purent rentrer dans leur couvent ; il leur fallut passer leur vie loin de leur ancienne demeure, où elles avaient vécu avant la tourmente, assistées par leur famille et avec le secours qui fut accordé plus tard par un gouvernement réparateur.

(Sources : M. Péala, Martyrs du diocèse du Puy.)

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BELLECOMBE, CLAVAS ET MONTFAUCON

THEILLIER, curé de Retournaguet

Les Abbesses de Bellecombe

Dans ma première livraison, j’ai dit qu’un monastère cistercien, au jour de sa fondation, était ordinairement prieuré et que, plus tard, il était érigé en abbaye, quand l’établissement était devenu stable. Comme prieuré, le couvent était, d’une manière plus particulière, sous la dépendance du monastère fondateur. 1,es attributions de la supérieure étaient fort restreintes. Elle était spécialement surveillée et dirigée dans tous ses actes. Le Père directeur, qui était presque toujours de l’Ordre de Citeaux, avait la haute-main dans l’administration, dont il rendait, tous les ans, un compte exact à ses supérieurs immédiats. Les choses changeaient lorsqu’il y avait espoir de stabilité. Le couvent ôtait alors érigé en abbaye, et par là il obtenait une indépendance plus grande, sans cesser pourtant de rester, sur bien des points, sous la juridiction des monastères fondateurs.

Bellecombe fut prieuré pendant une centaine d’années. Fondé en 1148, il n’apparaît comme abbaye qu’en 1246. L’histoire ne nous a conservé le souvenir que de cinq prieures. Il y a, évidemment, des lacunes dans la nomenclature que nous donne la Gaule chrétienne. Il n’est pas admissible que, pendant un aussi long espace de temps, il n’y ait eu que cinq supérieures.

1er Prieure : ELISABETH.

Quel était son nom patronimique ? D’où venait-elle? Pendant combien de temps gouverna-t-elle le monastère ? Silence complet sur ces trois questions. On ne sait d’elle qu’une seule chose : c’est qu’elle obtint du pape Eugène III une bulle qui confirmait les possessions du monastère. Cette bulle fut donnée à Rheims par Guidon, S. R. E. du chancelier, aux nones d’avril, indiction XI, en 1148, la quatrième année du règne d’Eugène III.

Etait évêque du Puy, à cette époque, Pierre HI, qui avait été sacré à Viterbe par le Pape lui-même, en 1145 et qui mourut au mois d’août en 1158. Il est presque certain que ce fut sous son épiscopat que fut fondé le monastère du Suc-Ardu.

2° Prieure : JOUSSERANDE.

Pour celle-ci, comme pour la précédente, il faut se taire sur un grand nombre de questions. On ne sait que ce qu’en ont dit les auteurs de la Gaule chrétienne.

En 1224, au mois de mai, Gerald, seigneur du Monteil et vicomte de Marseille, Massilice, lui accorda le privilège d’exemption ab omni pedagio, par toutes ses terres et ses eaux.

La même année, au mois de décembre, elle reçut une donation de Pierre de Mounetère et de Hugon, son fils, donation qui fut confirmée par Etienne, évêque du Puy (1) en présence de Jourdan de Seyssac et Bertrand de Chalencon.

Hugon de Salsac accorda, entre vifs, à Dieu et à la Bienheureuse Vierge, à la maison de Bellecombe et à Jousserande, prieure, quelques manses et d’autres choses énumérées dans l’acte de donation, demandant que l’un des prêtres du monastère fasse, tous les jours, à la messe, des prières spéciales pour l’âme de son fondateur et de son épouse, la daine de Vachères. L’acte fut passé devant Pierre Adémard, chanoine de Notre-Dame du Puy et bailli de la cour anicienne, le 7 des kalendes de juin en 1224.

Il porte les sceaux d’Etienne, évêque du Puy, et de frère Pierre, prieur du couvent de Saint-Laurent, en présence de Léotaud, trésorier, de Pons Augier, sénéchal, de Bertrand de Rochebaron, ‘de Pierre Jousserand, de Willelm d’Ursairoles, du frère Hugon, de l’Ordre des Prescheurs, de Pons Mathieu, etc., etc.

Ce fut très-probablement sous cette prieure, ou peu de temps avant sa promotion au supériorat, que fut reçue comme religieuse, à Bellecombe, la fille d’un boulanger de Saint-Chaffre. Ce boulanger, du nom de Guillaume Purenta, tenait sa boulangerie des moines, mais libre de tout cens et de toute redevance ; or, il la céda au monastère à condition que les moines feraient recevoir sa fille unique dans un couvent de Religieuses. Les frères de Chamalières, fratres Chamaliarum, se chargèrent de l’enfant qui leur avait été confiée et la firent recevoir au monastère de Bellecombe, auquel ils donnèrent trois sétiers et deux sols qu’ils avaient de cens dans la maison d’Adiac.

(Gaule Chrétienne. — Cartulaire de Chamalières, n• 14)

  • L’Evêque dont il s’agit ici était Etienne de Chalencon. Elu par le clergé et le peuple, quoiqu’il ne fût pas encore prêtre et qu’il fut avancé en âge, il reçut le diaconat, la prêtrise et l’onction épiscopale des mains du Pape lui-même, auprès duquel il s’était transporté avec un chanoine du nom de Raymond.

3e Prieure : MARIE D’ANDUSE.

Anduse est située en Vivarais. C’était le siège d’une baronnie possédée, vers la fin du XIIe siècle et le XIIIe, par les familles de Bermond et de Pelet.

Laroque, dans son Armorial du Languedoc article Bermond, dit que les sirs de Bermond et de Pelet étaient les plus anciennes et les plus illustres maisons de la province.

D’après Anselm et d’autres auteurs, mourut à Rome, en 1215, Pierre Bermond VII, seigneur d’Anduse. Il était fils de Bernard Bermond VI, et il eut pour frère :

1° Raymond, qui fit la tige des barons de Florac, dans le diocèse de Mende, et

2° Pons, qui fit la branche des barons de Cayla.

Marié à Jousserande de Poitiers, on lui connait deux filles de cette première femme : 1° Marie Bermond, mariée à Arnaud, vicomte de Limagne et d’Aurillac ;

2° Philippe Bermond, qui épousa Aymeri V, vicomte de Narbonne.

Je regarde comme très-probable que Marie (Anduse doit être mise au nombre des autres enfants de Pierre et de Jousserande, que les auteurs disent assez difficiles à retrouver.

Quoiqu’il en soit de cette question, voici ce que l’on sait de certain de notre Religieuse :

Elle était à la tête du couvent en 1234. Elle acheta la manse de Bélistar et d’autres propriétés de Pierre de Monnedère. L’acte fut passé à Bellecombe, dans la maison de Dieucouvert, en 1234, la veille des nones de juillet, en présence de Jourdaine de Fay, sous-prieure, de Pontia del Suc, d’Esmenardes de Valemblavés, de Cécile de Lapte, sacristaine, de Cécile du Puy, etc., Religieuses, de sept prêtres et dix converses.

(Gallia christiana. — Laroque — Le Père Anselme)

4e Prieure : HERMENNE.

Elle transigea pour la grange d’Adiac avec Seguin, prieur de Beaulieu, diocèse du Puy, au mois de juillet 4238, en présence d’Alais et Vacherie de Bouzols, Religieuses. Cette transaction fut ratifiée par l’abbé de Mazan.

Au rapport du frère Théodore, le siège épiscopal du Puy était alors occupé par Bernard de Montaigu, dont la famille disputait d’éclat et d’ancienneté avec les premières de l’Auvergne.

1er Abbesse : AIGLINE—ASPASIE DE POLIGNAC.

L’existence de la famille de Polignac est justifiée par les monuments de l’histoire depuis le temps où les grands fiefs commencèrent à devenir héréditaires, c’est-à-dire depuis le règne de l’empereur Louis-le-Débonnaire.

Les vicomtes de Polignac usaient d’une grande autorité dans le Velay. On en juge par le surnom de roi des montagnes que leur ont donné les historiens de la croisade contre les Albigeois.

La première race des vicomtes de Polignac, après avoir joué, plus de cinq cents ans, un rôle important dans l’histoire, s’est éteinte en 1426.

C’est évidemment à cette première race qu’appartenait Aigline-Aspasie. Ce point ne peut être douteux, puisqu’elle vivait vers la fin du XIIIe siècle; mais il m’est impossible de dire rien de positif sur ses auteurs. Je ne puis donner qu’une hypothèse.

Vers la fin du me siècle, vivait Pons IV de Polignac qui eut pour femme Alcinoûs de Montlaur. L’auteur de l’ouvrage intitulé : La Maison de Polignac, lui donne quatre enfants :

Héracle qui devait être héritier de nom et d’armes et qui mourut sans postérité;

Pons V, qui devint, par la mort de son frère, vicomte de Polignac ;

Armand et Eudes, chanoine de Brioude. N’y eut-t-il pas des filles de ce mariage, et Aigline-Aspasie n’en fut-elle pas du nombre?

On n’en sait rien. Toujours est-il que les dates concordent assez. Notre abbesse régnait vers le milieu du XIIIe siècle, et Pons IV s’était marié vers les dernières années du XIIe.

Pons IV, son père, embrassa, avant sa mort, la vie monastique, dans l’Ordre de Citeaux. Héracle, son frère, après quelques années de désordre, revint à résipiscence, fit pénitence de ses fautes passées, fonda le monastère de l’Ordre de Grammont, à Viaye, près la Voûte-sur-Loire, et accompagna le roi Philippe-Auguste en Terre-Sainte, où il mourut.

Armand, son autre frère, devint abbé de Saint-Pierre- la Tour et ensuite évêque du Puy, et Hugues, le dernier, fut chanoine de Brioude.

Pons V, héritier de la vicomté, par la mort de son frère, épousa, en 1223, A lix de Trainel (de Triangulo ), fit partie de la croisade et mourut sous les murs d’Antioche, laissant un fils, du nom d’Armand et une fille, qui fut mariée au sir de Montlaur, en Vivarais.

Cette première race de Polignac avait pour armes, d’après le Frère Théodore :

Fascé d’argent et de gueules de six pièces.

Aigline-Aspasie fut, la première, revêtue de la dignité abbatiale pour Bellecombe. Il convenait que la première abbesse de l’Ordre de Citeaux pour le Velay fut choisie dans la première et la plus noble famille Vellavienne. Nul doute qu’elle n’ait répondu au choix qui fut fait d’elle, par sa piété, par l’éminence de ses vertus et surtout par son zèle à consolider l’établissement de Bellecombe et à lui donner la stabilité voulue.

En 1256, elle transigea avec Pons et Guyon de Monnedeyre, frères et damoiseaux. La Gaule chrétienne constate que, lors de cette transaction, Armand de Polignac était évêque du Puy. Les savants Bénédictins en faisant ce rapprochement, n’ont-ils pas voulu faire entendre que l’abbesse et l’évêque étaient parents à un degré très-proche ?

La même année, au mois d’octobre, Potis de la Romigière, damoiseau, vendit à la maison de Bellecombe et à Aigline-Aspasie la manse de Vazeilles, etc., etc.

2em Abbesse : ALAZATIA, SIVE ALASASSIA  SEU ALAIZ DE BOUZOLS.

Pour la description du château de ses pères, je renvoie au précieux ouvrage de M. Truchard Dumolin, qui a pour titre : Baronnies du Velay. On lira avec plaisir ces deux pages qui, dans leur sobriété, sont touchées de main de maître :

Le Château de Bouzols, dit l’auteur, à la fin de son article, n’était pas seulement le principal manoir d’une grande seigneurie, c’était la vigie du pays dans le Vivarais, la place forte dont on s’est le plus souvent et le plus ardemment disputé la possession. C’est qu’aux mains de l’ennemi elle était une menace et quelquefois un danger pour la ville du Puy.

Pendant sept siècles de premiers seigneurs et, après eux, les Polignac, les comtes de Valentinois, les d’Armagnac, les La Tour d’Auvergne, les Montaigu s’y succèdent, et tous ont légué des souvenirs à l’histoire.

M. Dumolin dit notre abbesse fille de Pierre de Saint-Romain, seigneur de Bouzols, et d’Amphelise de Polignac.

Qu’était cette famille de Saint-Romain ? D’où venait-elle ? Ces questions ne sont pas éclaircies. Tout ce que l’on sait, d’après l’auteur cité,

c’est que le premier de ce nom de Bouzols fut Jousserand 1er, qui prit possession de Bouzols par son mariage avec Wilhelmine, seule héritière de sa maison, qui n’est connue que sous le nom du château qu’elle possédait.

On compte sept enfants de Pierre de Saint-Romain et d’Amphelise de Polignac. Tous furent religieux ou religieuses, à l’exception de Bèraud, qui continua la maison, et d’Amphelise qui fut mariée à Gui, fils de Guyon, chevalier, seigneur de Lardeyrol.

Alaïs était à Bellecombe en 1238, ainsi que cela a été dit déjà. Elle y était avec sa soeur Vacherie.

Devenue abbesse du monastère, elle traita avec Bertrand Delman, chevalier, par l’entremise de

Jean Cardinal, chanoine; de Guiyon, seigneur de Lardeyrolles, du consentement de Guillaume de la Roue, Evêque du Puy, sur une contestation relative à la propriété de Montaigu, suivant un acte passé aux pieds de la montagne dé Chazeaux, le 10 des kalendes d’octobre 1269.

Au mois de février 1272, elle achète des frères Hugon et Pons de la Bastide la manse de Salélas.

Le frère d’Alaïs de Bouzols, Béraud, se maria, en 1286, avec Stache de Gamelin, fille de Stache de Gamelin, chevalier, seigneur de Romanin, en Provence, et de Marie de Pensa. Il n’y eut de ce mariage qu’une fille, Catherine, qui épousa. au mois d’avril 1306, Armand V de Polignac, fils d’Armand IV et de Marquèze de Randon.

3e Abbesse : BÉATRIX.

La Gaule chrétienne ne donne d’abord que son nom de baptême, mais elle dit, à la fin, que dans un acte on l’appelle de Saint-Priest, ubi cognominatur de sancto Proejecto.

Il s’agit donc évidemment ici de la même abbesse dont il a été question dans la première livraison.

Une difficulté se présente néanmoins ; la voici : Les auteurs cités lui font jurer fidélité à l’Évêque du Puy, pour le monastère de la Seauve, en 1284 et, la même année, ils lui font pareillement jurer fidélité pour Bellecombe. Elle dut donc être transférée d’un monastère dans l’autre en 1284. Dans cette hypothèse, la difficulté est levée. Abbesse de la Séauve au commencement de l’année, elle fit hommage pour la Séauve, vers les premiers mois de 1284, hommage qu’elle renouvela pour Bellecombe lorsqu’elle y fut transférée vers les derniers mois.

L’Évêque auquel Béatrix promit fidélité était Guillaume de la Roue, fils cadet de Pierre, baron de la Roue, et de Delphine, vicomtesse de Saint-Bonnet et de Lavieu, nommé Évêque en 1260 par la plus grande partie des chanoines et des corps du Puy ; il mourut en 1282 et fut enterré à la Chaise-Dieu, dont il avait été religieux.

4e Abbesse : BLANCHE DE BAS.

L’histoire n’a conservé que son nom et une date, 1287. Rien sur sa famille et sur sa vie. M. Fraisse, curé de Monistrol-sur-Loire, aux Tablettes historiques du Velay, 3° année, 2em livraison pp132, 133, parle d’un Bertrand de Bas, chanoine de l’Église du Puy.

Après avoir dit ce qui le concerne, il ajoute :

Il nous semble, bien que le cartulaire ne le dise pas clairement que Bertrand le chanoine était un cadet de la famille de Rochebaron, qui avait pris le titre honorifique de seigneur de Bas , comme nous en verrons d’autres, plus tard, prendre celui de seigneur de Saint-Julien. On n’élevait alors à la dignité de chanoine de la cathédrale que des nobles, et nous ne voyons pas qu’un membre d’une famille noble autre que celle de Rochebaron eut osé prendre le surnom de Bas.

Cette hypothèse est fort plausible. Blanche de Bas ne faisait-elle pas partie de cette branche cadette ? Il est permis de le supposer avec autant de raison que dans le premier cas.

Mais voici une autre hypothèse non moins plausible. N’y a-t-il pas eu, quelque part, une famille portant le nom de Bas? Ce qui m’engage à faire cette question, c’est que je trouve dans Gustave de Burdin, Etude sur le Gévaudan, tome Il, page 435, au mot Termes Justice seigneuriale, dom Nicolas de Bas, religieux bénédictin, à Paris, seigneur du lieu.

Si une famille de ce nom a existé, pourquoi Blanche n’en serait-elle pas issue ?

5e Abbesse : AMPHELISE DE CHAZAL OU CHAZEAUX.

Voir la in livraison pour ce qui regarde la famille d’Amphelise.

Elle régissait le monastère, dit la Gaule chrétienne, du temps que Guidon de Neuville était Évêque du Puy. Celui-ci, par suite d’une vacance et par droit de main-morte, avait pris possession des manses de Corioles, du village de Monteillet et du territoire de Bélistar, mais touché de la pauvreté du monastère, il ne les garda pas longtemps. Par acte passé au Puy, le vendredi avant la dédicace de l’Église du Puy, 1291, il les restitua aux Religieuses de Bellecombe.

L’année suivante, elle reconnut à Pons de Polignac, chanoine du Puy, seigneur de la vallée de l’Amblavés, la terre d’Adiac et de Rosières.

En 1223, elle jura fidélité à Gui ou Guidon de Neuville, Évêque du Puy.

Des différends s’étaient élevés entre l’Évêque et le comte de Velay et Amphelise pour la justice de Bellecombe ; l’abbesse choisit des arbitres pour en venir à un arrangement, le jeudi après la Saint-Barthélemy, en 1294 L’année suivante, après la fête de la dédicace de Michel, le premier jour du mois d’octobre, en son nom .premier

 au nom du conseil de Bellecombe, elle s’arrangea avec Jean Cardinal, chanoine et fort-doyen du Puy, vicaire-général de Monseigneur et son procureur en cette affaire, en présence des témoins, Jourdan de Seyssac, abbé de Saint-Pierre-la-Tour, et autres.

6e Abbesse ISABELLE DU TOURNEL

La baronnie du Tournel était située en Gévaudan, archiprêtré de Saugues. Un membre de la famille de Châteauneuf-Randon en devint maitre le 20 octobre 1210 par son mariage avec Marguerite du Tourne!, héritière des biens de sa maison.

Châteauneuf-Randon est une petite ville de la même province, avec le titre de baronnie. Elle était autrefois défendue par un château-fort, célèbre par le siège que les Anglais y soutinrent contre le connétable du Guesclin, en 4380, et devant lequel ce héros termina sa glorieuse carrière.

Châteauneuf-Randon, dit Bouillet, a donné son nom à l’une des plus illustres familles de France, qui s’est divisée en plusieurs branches, toutes célèbres, entre autres, en celles d’Apchier, de Joyeuse et de Tourne!. Sa filiation suivie commence à Guillaume Randon, vivant en 1050. Guillaume, qui est qualifié de domicellus miles était seigneur de plus de quatre-vingts paroisses ou châteaux, en Gévaudan, Vivarais et Cévennes, connus sous le nom de Randonnas ou Randonnais.

Ce fut un de ses arrière-petits fils, Odilon Guérin, qui fut l’auteur de la branche des seigneurs et barons du Tourne!. 11 était fils de Guigne Meschin de Châteauneuf-Randon et de Marie d’Assumens.

Il n’est pas permis de douter qu’Izent ou Izabelle du Tourne!, que la Gaule chrétienne cite comme la onzième supérieure de l’abbaye de Bellecombe, ne soit issue de cette famille, branche du Tourne!. Elle vivait en 1303, et Odilon Guérin était devenu baron du Tourne! En 1240.

Il est très-probable qu’elle était fille de Guigne Meschin de Châteauneuf-Randon, qui se maria, en 1239, à Vienne de Vallergues. Gustave de Burdin donne la généalogie des Châteauneuf du Tourne!, mais il ne cite pas notre abbesse. Ce que j’avance n’est donc qu’une hypothèse, mais cette hypothèse est basée sur des dates. Si elle est vraie, Isabelle aurait eu, pour frère, Odilon Guérin qui fut élu Evêque de Mende.

Notre abbesse ne prit-elle pas d’abord l’habit au couvent de Mercoire ? C’est probable. Ce couvent était de même ordre que celui de Bellecombe; comme ce dernier, il était de la filiation de celui de Mazan ; de plus, il avait été fondé par an de ses ancêtres, de la branche de Châteauneuf-Randon et était situé sur la terre même de Châteauneuf.

Quoiqu’il en soit, il est certain qu’elle portait la Croce à Bellecombe, en 1303. Était, à cette époque, Evêque du Puy, Jean de Cuménis, qui avait d’abord été abbé du royal monastère de Saint-Germain-des-Prés. Content de sa première position, il fallut, pour ainsi dire, le forcer pour accepter la mitre. Mort en 1307, il fut inhumé aux Cordeliers, dans une chapelle de Saint-Michel, qui était son oeuvre. Izent de Tournel lui avait fait hommage, en 1303, pour le fief de Bonas.

La famille de Châteauneuf-Randon portait : d’or à crois palmes d’azur, au chef de gueules surmonté de la légende : Deo Juvente.

Celle de Châteauneuf-Randon du Tournel : de gueules, à la pointe d’argent, qui sont du Tournel, écartelées des armoiries de Châteauneuf-Randon.

7e Abbesse : ISABELLE I DU ‘FOURMI,.

Après Isent I du Tournel, la Gaule chrétienne cite Isabelle I du Tournel, mais sans assigner aucune date et sans rapporter aucun fait.

On peut présumer qu’elle était soeur d’Isent ou plutôt sa nièce, et dans ce dernier cas elle aurait été fille d’Odilon de Châteauneuf-Randon, seigneur et baron du Tournoi, et de Mirande .1e Montlaur, dont le mariage eut lieu le 30 janvier 1278.

Elle était supérieure sous l’épiscopat de Bernard de Castanit, qui eut Montpellier pour lieu -de naissance. Avant d’être prêtre, celui-ci fut (l’abord jurisconsulte habile et auditeur du Sacré-Palais. Devenu prêtre, il fut donné, par Innocent V, pour Évêque aux Albigeois et ensuite transféré à l’évêché du Puy, où il finit sa vie. Ce fut lui qui, vers 1309, fonda la collégiale de Monistrol-sur-Loire et, vers la même époque, le monastère des Augustines de Vals, près-le Puy.

8° Abbesse : HYSELLE DU TOURNEL, de Tornello.

Même famille que les deux précédentes. En cela, il n’y a rien d’étonnant. La maison de Châteauneuf-Randon du Tournel était une des plus illustres familles du Gévaudan. Les monastères aimaient bien à être sous la protection spéciale de maisons semblables, et quoi de, plus efficace pour obtenir cette fin que d’avoir à leur tête un de leurs membres ? Serait-on téméraire de présumer que lorsqu’une vacance était sur le point de se produire ou qu’elle se produisait, les grandes familles usaient de toute leur influence pour que la place fût occupée par quelqu’un des leurs ? L’humaine nature n’a-t-elle pas toujours été la même ? Au fond, quand les sujets choisis offraient toutes les garanties désirables, que pourrait-on dire contre cette manière de faire ?

Hyselle était à la tête de l’abbaye de Bellecombe dès 1328 et gouvernait encore en 1358. Pendant son administration, furent évêques du Puy :

1° Bernard Brun, né à Brive- la-Gaillarde et doyen de Limoges. Au rapport du frère Théodore, il fut fort traversé dans le séculier et dans l’ecclésiastique, soit qu’on lui fit injustice ou qu’il n’eut pas pris assez de peine à se dépouiller de l’humeur difficile qu’on reproche à ceux de sa province;

2° Jean de Chamdorat, de la famille de Montibus, dont je parlerai tout à l’heure;

3° Jean Jovefri, d’abord évêque de Valence et puis évêque du Puy.

Notre abbesse avait pris l’habit religieux au monastère d’Alest, de l’Ordre de Sainte-Claire, du diocèse de Nîmes ; elle était là, vouée à toutes les austérités du cloître, lorsqu’on vint l’y chercher pour la transférer à Bellecombe. Pourquoi cette translation ? Les auteurs de la Gaule chrétienne nous l’apprennent : ce fut à la demande de la Prieure et de tout le couvent qu’elle fut nommée par une bulle de Jean XXII donnée à Avignon le 13 des kalendes de février, la onzième année de son pontificat. Quelques jours après le 43 des kalendes de février, le même Pape lui accorda, par une autre bulle, la faculté d’être bénie par l’Evêque qu’elle voudrait.

On se demande ici avec raison : Pourquoi de la part de la Prieure et de tout le couvent, ces prières à l’effet d’obtenir pour abbesse Hyselle du Tournel, qui cependant appartenait à. un autre Ordre ? Ces prières étaient-elles basées sur le mérite exceptionnel et public du sujet réclamé ou faut-il y voir un acte de reconnaissance de la part des Religieuses pour les abbesses de sa famille, qui avaient déjà gouverné le monastère, ou enfin voulut-on faire plaisir à une famille puissante bien connue de l’Abbaye et peut-être sa bienfaitrice? Le champ ici est ouvert à toutes suppositions. Toujours Est-il qu’Hyselle prit possession dans des conditions singulièrement favorables. Il y avait eu élection et élection unanime de la part des Bernardines de Bellecombe. L’histoire ne dit pas si elle répondit à l’attente générale. Son administration de trente ans est cependant une présomption en sa faveur.

Je donne Hyselie comme nièce de la précédente. Il ne serait cependant pas impossible qu’elle fut sa soeur. Quoique vivant encore en 1358 et que Odilon de Châteauneuf se fut marié avec Mirande de Montlaur en 1268, elle pourrait parfaitement être issue de ce mariage. Je raisonne néanmoins d’après la première hypothèse et je la suppose fille d’Odilon de Chateauneuf-Randon et d’Éléonore de Canilhac, dont le mariage eut lieu le 3 juillet 1305. Si cette supposition est vraie, Hyselle aurait été fort jeune lorsqu’elle fut nommée abbesse puisqu’elle fut mise à la tête du monastère dès 1328. Cet âge ne doit pas étonner. Il y en a d’autres exemples.

9e Abbesse : JEANNE D’ANDUSE.

Les auteurs de la Gaule chrétienne la citent d’après les notes de Dom Estiénot. Ils ne donnent qu’une date, 1360.

Dom Estiénot, dont le manuscrit a été entre mes mains, se contente de citer son nom et la date. Il ajoute cependant une indication qui peut faire connaître sa famille. Il donne ses armes qui étaient : de gueules à trois étoiles d’or.

Or, ces armes ont toujours été celles de la ville d’Anduse, ce qui doit faire présumer qu’elles lui venaient de la famille la plus ancienne qui l’avait possédée et par conséquent de la famille de Bermond.

Je trouve, en outre, dans le Père Anselme, R. IV, 481 c. que vers 1350 les barons de la Voûte, comtes et ducs de Vantadour, écartelaient leurs armes au troisième quartier : de gueules à trois étoiles d’or.

Or, je trouve dans le Hérault d’armes, page 358, un Bernard III, d’Anduse, de la branche cadette de Bermond, qualifié du titre de seigneur de la Voûte. Quelque alliance dut l’obliger à écarteler ses armes, mais il conserva au troisième quartier celles de sa famille.

Je regarderais donc Jeanne d’Anduse comme issue d’une branche de la famille de Bermond, dont j’ai dit déjà quelques mots.

Je trouve encore dans l’ouvrage que je viens de citer que le fief d’Anduse fut cédé par le roi Philippe-le-Bel à Jean de Comines, évêque du Puy, qui, vers 1305, lui abandonna en échange la moitié des droits de sa ville épiscopale. La concession faite par le roi partit si minime aux contemporains qu’ils disaient dérisoirement :

Bien fut l’Évèque del peu, buse Quand changet le peu per Anduse.

Louis de Bermond d’Anduse, ajoute le même ouvrage, eut de son mariage avec Marguerite d’Apchon, 1376, pour héritières deux filles qui portèrent, avec de riches apanages, les traditions d’une noblesse illustre aux Lévis-Ventadour et aux Pontèves de Cottignac.

(La Gaule chrétienne. — Dom Estiénot. — Le père Anselme. — Le Hérault d’armes.)

10e Abbesse : SUZANNE DES MONTS, de Montibuo,

Qu’était cette famille des Monts ou de Mons I’ Elle est encore fort peu connue des généalogistes. Voici tout ce que je puis en dire pour le moment :

Le Frère Théodore, page 322, parlant de Jean de Chamdorat ou Cadery, dit qu’il naquit aux portes du Puy, dans le château paternel de Mons, dont Gérald, son frère, portait le titre.

C’est bien là la famille en question. Chamdorat ou Cadery était son nom véritable ; mais, comme toutes les familles d’alors et celles qui vinrent après, celle dont il s’agit prit le nom du château dont elle était en possession ; de là la dénomination de Mons, de Montibus.

Jean de Chamdorat fut, à ce qu’il paraît, le personnage le plus illustre de cette maison. Il était docteur en l’un et en l’autre droit et avait été auditeur au Sacré-Palais. Élevé à l’épiscopat, en 1342, il mourut à Monistrol en 1355.

Le cartulaire de Chamalières, n° 71, parle d’un Guillaume de Mons, qui fut tué au siège do Craponne en 1163. Dalmace, son frère, et d’autres amis donnèrent son lime à Dieu et au monastère de Chamalières, où il fut enterré, un métan d’avoine et deux sols de cens sur une terre appelée La Combe, près Jussac.

En 1392 et 1411, nous voyons figurer comme chanoines et comtes de Brioude, Léger et Gilles de Montibus.

En 1459, Michel de Montibus, sans autre qualification, fut, avec Guyot du Rieux et Pierre Douhet, fondé de pouvoirs de Bertrand de La Tour, comte d’Auvergne et de Boulogne, pour lit prise de possession de la baronnie de La Four.

Qu’était Suzanne par l’apport aux personnages que je viens de nommer? Il est impossible de le dire. Vu la concordance des dates, il est probable qu’elle était fille de Gérald, frère de Jean de Chamdorat.

En 1367, 27 avril, elle prêta hommage de fidélité pour son monastère à Bertrand de La Tour, évêque du Puy, en présence des témoins, Gaillard Ebrard, abbé de Saint-Pierre La Tour, etc.

L’année suivante, au mois de novembre, elle transigea avec le même évêque, par ses pro­cureurs, Hugon Tronche, moine de Mazan, et Etienne Pratlong, curé de Saint-Evode du Puy. Elle renouvela et confirma le même pacte avec le même Evêque, le 13 mai 1372. Elle vivait encore en 1375.

(Sources: Gallia christiana, —Frèreb Théodore, —Douillet, —Cartulaires de Chamalières.)

11e Abbesse : ISABELLE DE PRADELLES.

La seigneurie de Pradelles, dit M. Calemard do La Fayette dans son opuscule qui a pour titre :

 Notre-Dame-de-Pradelles, page 114, eut à subir de nombreux et fréquents changements ; elle fut surtout singulièrement divisée, passant, pour ln tout, et, le plus souvent pour partie, d’un possesseur à l’autre; elle changea aussi fréquemment de mouverme.

Quoiqu’il en soit des diverses familles qui se sont succédées dans la possession de Pradelles, il est certain que cette seigneurie appartenait, en partie, à Guigon de Lévis, seigneur de Roche-en-Reynier, vers la fin du XIIIe siècle. Guigon en devint maître par Son mariage avec Jordane de Montlaur, qui hérita de tous les biens de sa maison. Il est pareillement certain que Maurice Beraud de Polignac est qualifié du titre de coseigneur de Pradelles vers la fin du XIVe siècle.

Isabelle appartenait-elle à une de ces deux familles, et à laquelle ? Je n’ai pu le savoir et je ne pourrais hasarder que des hypothèses.

En 1383, 9 juillet, notre abbesse rendit hommage à magnifique et puissant homme, Armand, vicomte de Polignac, seigneur des baronnies de Polignac et de Randon, pour les terres des Vérots et d’Adiac, en joignant ses mains dans colles du vicomte, osculo pacis interveniente.

L’hommage eut lieu dans l’ancien chapitre de la Bienheureuse Vierge du Puy, en présence des témoins : Hugon, abbé de Mazan, et de Pierre de Vergésac, écuyer, ballif du vicomte de Polignac.

(M. Calcinant do La Fayette. Notre-Dame-de-Pradelles. —La Gaule chrétienne.)

12e Abbesse : ISENT II DU TOURNEL.

Deux dates, 1385 et 1395, et le nom, c’est tout ce que la Gaule chrétienne nous donne de cette abbesse.

Il n’est pas facile de dire d’une manière certaine de qui elle était fille. Gustave de Burdin dit que, Guigon de Châteauneuf-Randon, seigneur et baron du Tourne!, se maria le 12 avril 1365, avec Isabelle de Chalencon. Isent II ne serait-elle pas issue de ce mariage? Il ne serait pas impossible non plus qu’elle eut été soeur d’Hyselle du Tournel dont il a été question au n°- 8. Supposé qu’elle fut venue au monde vingt ans après le mariage de son père, elle n’aurait eu que 70 ans à la dernière des deux dates ci-dessus. Je dis, néanmoins, que, vu la puissance de sa famille et la considération dont elle jouissait à Bellecombe, il n’est pas probable qu’on l’eut laissée si longtemps dans un rang inférieur et qu’il y eut entre elle et la dernière abbesse de son nom trois abbesses intermédiaires. J’incline donc pour ma première supposition.

(La Gaule chrétienne. — Gustave de Burdin.)

13e Abbesse : CATHERINE DE ROCHEFORT.

Dom Estiénot la dit originaire d’une famille d’Auvergne, à laquelle il donne pour armes : Party de vair et de gueules.

Avec cette indication du savant bénédictin, l’origine de Catherine ne laisse pas que de demeurer incertaine. On en jugera par ce que je vais dire.

Bouillet, dans son Armorial, cite une famille de Rochefort qui avait pour blason : Au 1er de vair plein ; au 2e de gueules, chargées d’une moucheture d’argent.

C’est bien là approximativement, et avec une différence cependant, les armes données par dom Estiénot. Une difficulté subsiste, c’est que Bouillet dit cette famille originaire du Forez et non de l’Auvergne et transportée en Vivarais au XVIe siècle.

Le Laboureur, Mazures -de l’Isle Barbe, cite à la page 513, une famille de Rochefort. Au deuxième degré de la généalogie il parle d’un Guyonnet de Rochefort, chevalier, seigneur d’Espercien et de La Faye, qui épousa, l’an 1576, Égline de La Valette, dame dudit lieu qu’elle lui rapporta avec Neyrieux et Charpessey. Celle-ci était fille d’Hugues de La Valette et de Béatrix de Godechaux, et petite fille de Robert de La Valette et d’Agnès Garitaude. Or, Le Laboureur donne pour armes à la famille La – Valette : De vair party de gueules. Ce blason est identiquement le même que celui donné à notre abbesse par dom Estiénot.

Catherine appartenait-elle à cette branche de Rochefort, alliée avec celle de La Valette? Je n’oserais l’affirmer, et voici pourquoi : Guyonnet de Rochefort se maria avec Engline de La Valette en 1576. Il ne peut être douteux que s’il prit les armes de la famille de sa femme il ne dut les prendre qu’après son mariage, par conséquent vers la fin du XVIe siècle. Or, Catherine de Rochefort vivait au commencement du XVe.

Il se pourrait que la famille possessionnée à La Valette, près Saint-Etienne, fut une branche de Rochefort. Dans ce cas, la question serait claire et l’on s’expliquerait l’identité des armes données par dom Estiénot et par Le Laboureur.

Le 19 novembre 1404, noble Jean, bâtard de Polignac, fils de magnifique et puissant homme Armand, vicomte de Polignac, lui rendit hommage-lige pour la terre d’Adiac, le genou à terre, les mains jointes, en baisant les pouces de l’abbesse. Cet hommage fut rendu à Bellecombe, dans la chambre abbatiale, en présence e noble Girard de Pyères et Jean Ruel, damoiseaux.

Les auteurs de la Gaule chrétienne font remarquer que le diocèse du Puy était alors gouverné par un évêque du nom d’Hélie. Il s’agit d’Hélie de l’Etrange, d’abord évêque de Saintes, puis du Puy, où il fut transféré en 1399. Le frère Théodore dit qu’il était savant et d’une éloquence rare.

Catherine de Rochefort était encore à la tête du monastère en 1523, sous Guillaume de Chalencon.

(Sources : Les auteurs cités.)

14e Abbesse MARQUÈSE DE SAINT-V1DAL.

La famille de La Tour à laquelle appartenait Marquèse, était possessionnée à Barges, en Velay, avant de devenir maîtresse de Saint-Vidal. Cette dernière seigneurie était au pouvoir de la maison de Goudet avant de passer entre les mains de celle de La Tour. Ces points ne sont pas discutables. En l’an 1300, noble Guigon de Goudet s’intitule seigneur dudit lieu et de Saint-Vidal dans son acte de dernière volonté. Gérine de Glavenas, dans une clausule de son testament, en 1324, se dit veuve d’Hugues de La Tour, seigneur de Saint-Vidal.

La question devient difficile quand il S’agit de savoir à quelle époque et comment Saint-Vidal changea de maîtres. Voici ce qui m’a été donné de découvrir :

Vers le milieu da mn° siècle apparaît Hugues de La Tour, qui se maria à Aymarde de X… qui testa à Barges en 1269. 11 est très-probable que cette dernière, el c’est le sentiment de MM. Dumolin et Fraisse, était soeur de Guigon de Goudet, seigneur de Saint-Vidal. Si cette hypothèse est vraie, et je l’admets comme vraie, la famille de La Tour serait devenue maîtresse de Saint-Vidal du chef d’Aymarde.

Du mariage d’Hugues de La Tour il y eut, entre autres :

1° Hugues de La Tour, encore mineur lors du testament de sa mère ;

2° Guicharde de La Tour ;

3° Alexandre de La Tour.

Hugues de La Tour, deuxième du nom, épousa, à la fin du XIIIe siècle, Gérine de Glavenas, dont il eut, entre autres, Maurice de La Tour qui suit (1).

Maurice de La Tour eut pour femme Randonne de Joyeuse, nommée dans une reconnaissance faite par son mari en 1369 au couvent des Jacobins, au Puy.

Cela dit, je viens enfin à notre abbesse. La Gaule chrétienne se contente de donner son nom et une date, 1429.

Elle était fille d’Hugon de La Tour Saint-Vidal et de Catherine de Goudet. Je ne sais si son père était fils de Maurice de La Tour et de Randonne de Joyeuse ; mais j’incline à le croire, à cause de la concordance des dates.

Catherine de Goudet apporta à son mari les seigneuries de Montvert, Montusclat, Eynac et Le Villars.

(Sources : La Gaule chrétienne. — M. naisse, curé de Monistrol. — Extrait de donations faites à un des couvents du Puy par les familles de Goulet et de La Tour).

  • Voir l’opuscule qui a pour titrer Les Châteaux du Velay première livraison, article Glavenas. Il sera encore question d’Hugues de La Tour dans la deuxième livraison).

15° Abbesse : ANNE DE CRUSSOL.

La maison de Crussol portait, dans le principe, le surnom de Bastet. C’était un sobriquet, d’après le Père Anselme. Son premier auteur connu, Geraud Bastet, possédait, en 1456, dans le Vivarais, un manoir que l’on voit encore sur le sommet d’un escarpement remarquable, à quelques distances de Saint-Péray (Ardèche). Ces restes, appelés par le peuple les Cornes de-Crussol, dominent le cours du Rhône. Ce château était le chef-lieu d’une baronnie qui députait aux Etats du Languedoc. La postérité de Geraud Bastet s’est divisée en plusieurs branches, qui ont toutes joué un grand rôle. Deux de ces branches ont été possessionnées en Auvergne, par suite d’alliances contractées avec les maisons d’Apchier, d’Amboise-Aubijoux et de Nosières-Montal.

Les armoiries de cette famille étaient : Fascées d’or et de sinople.

Anne était fille de Guillaume, seigneur de Crussol et de Beaudiner, et de Humilie de Châteauneuf, celle-ci fille d’Audebert de Châteauneuf.

Guillaume servit en Auvergne sous Hugues de la Roche, seigneur de Tournouelle, en 1392, ayant, en sa compagnie, deux chevaliers et onze écuyers. Guy Pagan, seigneur d’Argental, de Mau et du Fay, le substitua en ses biens par son testament du 23 février 1362. Il plaidait en 1386 contre la veuve et les exécuteurs testamentaires de Briand de Retourtour, seigneur de Belcastel, et il testa à Valence, dans la maison épiscopale, le 5 février 1384. Dans son testament il donne à Antoine, son fils aîné, sa baronnie de Crussol, les deux tiers qui devaient lui revenir de la terre de Belcastel, pour laquelle il plaidait avec le seigneur de Tournon, et à Giraud, son second fils, la terre de Beaudisner, leur substitua Louis, son autre fils, en cas qu’il n’entre pas dans les Ordres.

Tout ce que nous savons d’Anne, c’est qu’elle gouvernait l’abbaye en 1430, sous Guillaume III, évêque du Puy, fils de Guillaume baron de Chalencon, et de Jeanne de la Motte Saint-Jean. La Gaule chrétienne ne la cite que d’après les notes de dom Estiénot.

Le Père Anselme nous apprend cependant, en outre, qu’on l’avait destinée au mariage, et que son père lui avait laissé dans ce but 3050 florins d’or. Cette dot brilla moins à ses yeux que les joies du cloître et le bonheur qu’on y goûte quand on y est appelé de Dieu et que c’est véritablement l’état de son choix. Spontanément, elle quitta le monde qui n’avait su lui plaire et se voua tout entière à Dieu.

On aime bien à constater des vocations semblables: Il y a là une preuve irréfragable que toutes les Religieuses d’autrefois n’étaient pas victimes de parents barbares qui les repoussaient de leurs familles pour les enfoncer dans les cloîtres.

(Gallia christiana. — Le Père Anselme;)

16° Abbesse : MARGUERITE DE SAINT-PRIEST.

Je ne répéterai pas ce que j’ai déjà dit ailleurs de la famille de Saint-Priest. Le lecteur pourra en prendre connaissance dans ma première livraison. Il doit suffire de parler ici de ce qui regarde spécialement notre abbesse.

Elle était fille de Guy de Saint-Priest et de Philiberte de Mollo. Son père était écuyer, seigneur de Saint-Priest, de Dunières, de Saint-Just-les-Velay et de Montfaucon. Gentilhomme d’honneur, il servit la France dans les guerres qui eurent lieu de son temps. Il se mit sous la bannière de Louis, duc de Bourbon, comte de Forez et de Clermont, menant avec lui deux chevaliers et dix-huit écuyers, ce qui lui donnait le titre de chevalier banneret. On comptait, au nombre de ces guerriers, Foulques de Marcilly, Gillet, Cholet et Hugues de Château-Morand.

D’après un titre existant autrefois, au château de Montaigu, Marguerite était abbesse en 1430 et en 1442. Il paraît que ce fut cette dernière année, au mois de novembre, qu’elle fut privée de la dignité abbatiale. Hoec vero, disent les auteurs de la Gaule chrétienne, alicubi legitur exauctorata ob incontinentos mores. Le Père Anselme, dans son article sur les de Crussol, constate la même chose. Il en est de même pour l’ouvrage qui a pour titre : Le Clergé de France.

M. de La Tour-Varan, en parlant de Guy de Saint-Priest, donne le nom de Marguerite, et dit celle qui le portait morte dans l’oubli. La mort dans l’oubli, loin des yeux des hommes, avec un voile épais sur la vie, c’est bien ce qui convient le mieux dans des cas de cette nature!

On désirerait que l’oubli eût été tel qu’il ne fut rien arrivé jusqu’à nous de ce qui se passa à Bellecombe, à l’occasion de Marguerite, mais l’implacable histoire, qui se tait sur bien des circonstances, n’a pas cependant gardé sur ce point un silence absolu.

J’ai cité déjà les pièces qui y ont rapport. Les choses y sont racontées assez au long pour qu’il ne soit pas besoin d’y revenir.

(Sources : Le Père Anselme. — La Gaule chrétienne. — La Tour-Varan. — Le Clergé de France)

17° Abbesse : CATHERINE II DE CRUSSOL;

Son père, Geraud Bastet, quatrième du nom, frère d’Anne de Crussol, dont j’ai parlé précédemment, devint seigneur de Crussol et de Beaudisner après la mort de son frère Antoine. Il fut présent au traité que Charles, dauphin de Viennois, fit. le 16 juillet 4419 avec Louis de Poitiers, seigneur de Saint-Vallier, pour la succession du comte de Valentinois. Il eut un procès criminel, en 1434, contre un nommé de Coste, pendant lequel il fut fait défense de procéder par aucune voie de fait. Son testament est du 28 mars 1437 ; il fut écrit dans le château de Charmes.

Geraud Bastet IV fut marié trois fois :

En premières noces, avec Louise de Clermont, fille de Geoffroy de Clermont, en Dauphinois ;

En deuxièmes noces, avec Jeanne de Tournon, fille de Jean de Tournon, chevalier ;

En troisièmes noces, avec Alix ou Helpidis de Lastic, fille d’Etienne de Bonpard, chevalier, seigneur de Lastic et d’Agnès de Todac.

Catherine fut le sixième enfant issu de ce dernier mariage. Les auteurs de la Gaule chrétienne se sont donc trompés en disant sa mère deuxième épouse de Geraud Bastet.

D’après le testament de son père , elle ne devait avoir que douze florins d’or si elle se faisait Religieuse et mille si elle restait dans le monde.

Les douze florins d’or avec le bonheur d’être exclusivement à Dieu lui sourirent davantage que les mille florins avec l’obligation de demeurer dans le siècle et d’en éprouver les angoisses. Elle se fit Religieuse au couvent même de Bellecombe, en 1460, après, dit le Père Anselme, que Marguerite de Saint-Priest eût été privée de cette abbaye pour ses mauvais comportements:

A peine Marguerite eût elle pris possession que se produisirent les faits graves dont j’ai parlé déjà. Expulsée violemment pendant la nuit et par les partisans de l’abbesse dépossédée, elle ne fut remise en possession que par la violence et le secours de ses frères.

La huitième année de son supériorat, notre abbesse reconnut à Aymar de Poitiers, de Pictavio, seigneur de Saint-Vallier, de la baronnie de Chalencon, de Durfort et ses ressorts, que le château franc et noble de Bellecombe dépendait de ladite baronnie de Chalencon, en Vivarais, et qu’il était reddibile à chaque changement de maître ou d’abbesse, et que le baron pouvait lever sa bannière sur ledit château pendant trois jours naturels, en signe de reddition et de supériorité, et que, ces trois, jours passés, ladite abbesse pouvait enlever la bannière et la faire servir à l’usage de son église.

L’acte fut passé le 18 octobre 1468, sous le règne de Sérénissime Louis, roi de France.

Catherine était soeur de Geraud Bastet, qui fut successivement comte et chanoine de Lyon, et créé enfin patriarche -d’Antioche, évêque de Valence et de Die.

Louis, l’aîné de ses frères, fut grand panetier de France.

(La Gante chrétienne. — Le Père Anselme.)

18e Abbesse : BRIANSONE DE LAVIEU, DE LAVIACO.

Elle était fille d’un très-noble et très-puissant seigneur forézien, Louis de Lavieu, chevalier, seigneur de Poncins et de Fernanches, en Forez, de la Brosse en Velay, et en partie des châteaux d’Aroy et de Saint-Christophe en Bourgogne, et de noble et puissante .dame de Lespinasse, dame des Barres.

Elle eut plusieurs frères et soeurs, et, dès sa jeunesse, elle se voua à la vie religieuse en l’abbaye de Bonlieu en Forez, de l’Ordre de Citeaux. Elle était encore dans cette abbaye quand son père fit son testament, le 21 novembre 1447. Par cet acte, Louis de Lavieu luit sa sépulture en l’église des Cordeliers à Montbrison, dans la tombe des Lavieu, ses parents et prédécesseurs, fait des legs de pension d’apanage à ses enfants qu’il nomme dans le rang et ordre qui suit, à savoir : Puissante demoiselle Jeanne de Lavieu, femme de noble homme Jacques de Saussac ; religieux homme, frère de Louis de Lavieu, moine prieur de bandant; religieuse demoiselle Marguerite de Lavieu, moniale en l’abbaye de Saint-André-de-Vienne ; religieux homme, Philibert de Lavieu, moine de l’abbaye de Savigny ; Briansone de Lavieu, religieuse à Bonlieu ; noble Bertrand de Lavieu et noble Jean de Lavieu, et, après tous les olifants légataires, son fils aîné, Claude de Lavieu institue son héritier, et nomme exécuteur de cette sienne disposition testamentaire puis-ont seigneur Artaud de Saint-Germain, seigneur de Montrond, bailli de Forez avec le prieur de Pomier audit pays.

Briansone se fit remarquer à Bonlieu par la piété et ses vertus. Elle fut désirée à Bellecombe, dit La Mure, et fut élevée abbesse dans ce monastère, dont elle prit possession, d’après la Gaule chrétienne, le 8 décembre 1474, sous l’épiscopat de Jean de Bourbon, évêque du Puy (1).

En 1479, le 27 janvier, notre abbesse reçut à Bellecombe l’abbé de Pontigny, visiteur de Perdre, député par les définiteurs du chapitre-général.

(La Gaule chrétienne. — La Mure, Histoire du Forez.)

(1) Ce fut Jean de Bourbon qui, en 1416, érigea la paroisse de Retournac en Collégiale. Il fit bâtir le donjon d’Yssingeaux, ville de sa mense, et la grosse tour de Monistrol. Ce fut sous son épiscopat qu’on commence au Puy â saluer la Mère de Dieu, trois fois le jour, au son de la cloche. La Collégiale- de Monistrol tenait de lui un revenu de cinquante setiers, tant pour chanter une messe quotidienne qu’à cause qu’il y avait fait inhumer sa mère.                (Frère Theodore.)

19e Abbesse : MARIA.

C’est sous elle qu’eurent lieu les événements que j’ai rapportés dans un autre chapitre.

Il serait donc difficile de savoir au juste quelles furent les raisons qui déterminèrent le Souverain Pontife à mettre, Bellecombe sous la protection des Religieux de Doue et de Viaye.

Le premier de ces monastères était habité par des Prémontrés, et le second par des moines de l’Ordre de Grammont. Ils n’étaient rien moins que belliqueux les uns et les autres. Evidemment, on n’a pas compté qu’ils prissent les armes pour voler au secours de l’abbaye attaquée et pillée.

Il est fort probable qu’on eut égard à leur influence morale. Ces moines habitaient la même contrée ; ils appartenaient, pour la plupart, aux familles seigneuriales des environs.

Par conséquent, rien de plus facile pour eux que d’obtenir de leurs voisins et amis protection efficace pour les Religieuses de Bellecombe.

L’abbaye de Doue était dédiée à saint Jacques. On en rapporte l’origine à l’an 1138. Pierre IV, Évêque du Puy, y introduisit les Prémontrés, le 17 juillet 1167. Ils n’en furent dépouillés qu’en 1772.

Le petit nombre de Religieux qui s’y trouvaient furent transférés dans d’autres monastères.

Viaye est tout près de la Voûte-sur-Loire. Ce fut Héracle III de Polignac qui y fonda le prieuré de l’Ordre de Grammont vers la fin du XIIe siècle.

20e Abbesse : CATHERINE III DU MONESTIER.

Les auteurs de la Gaule chrétienne disent fort lieu de choses sur cette abbesse. D’après eux, elle n’aurait gouverné le monastère que de 1543 à 1519. Ils se plaisent cependant à consister la noblesse de son origine : ex nobili gente, disent-ils, prope Clarassium. Or, voici ce qui, m’a été donné de découvrir sur cette famille :

François Pasturel, dit Chinard de Saint-Priest, eut pour fils Pasturel de Saint-Priest, qui vivait en 1347. Jean Maréchal, seigneur d’Espinac (Apinac) l’institua héritier de tous ses biens, à la charge de prendre son nom et ses armes. Ce qui fut décidé eut lieu, et Pasture’ de Saint-Priest fut le premier de sa famille qui forma la branche connue plus tard sous le nom d’Apinac. Ce ne fut cependant que son fils Jean qui prit les armes du donateur : D’argent au lion de gueule à la bordure de sable, chargée de huit besans d’or, et qui ajouta au nom de Saint-Priest celui de Maréchal.

Le fils cadet de ce dernier, François d’Apinac, se maria, vers les premières années du XVe siècle, à Catherine du Monestier, dont la famille habitait la localité de ce nom, qui se trouve près de Riotord et qui faisait partie du diocèse de Vienne. Les membres de cette dernière maison portèrent indifféremment dans les actes les noms d’Apinac, du Pestrin ou du Monestier.

François du Monestier fut le dernier de cette famille en 1513. Il avait deux soeurs, Claudine et Marguerite. Claudine se maria à Jean Faure, dit, de Barbières qui se titrait seigneur de Pestrin et du Monestier. Marguerite épousa Jean de Vernoux du Besset. En 1543, son fils Antoine transigea avec sa tante Claudine et conserva les biens les plus proches du Monestier.

Catherine III du Monestier, notre abbesse, était évidemment de cette branche des de Saint-Priest. Je ne puis dire quels furent ses père et mère ; mais à coup sûr, elle était petite-fille de François d’Apinac et de Catherine du Monestier. Quoiqu’il en soit, il est certain qu’elle eut pour soeur Marguerite du Monestier, qui épousa, dans la 2me moitié du XVe siècle, Guillaume de La Tour Saint-Vidal, dont elle eut :

Irail ou Héracle de Saint-Vidal ;

2° Jacques, sieur d’Eynac et du Villard ;

3° Louise, épouse d’Antoine de Cadde, sieur d’Entraigues, et

4° Catherine, qui se maria à Jean Magu, écuyer.

Guillaume de Saint-Vidal était fils de Dragonnet de La Tour Saint-Vidal et de Dauphine de Saint-Priest, et petit-fils de Guyot de La Tour. Il avait eu pour frère Bernard de La Tour, marié à Antoinette de Saint-Priest, dont il eut une fille qui devint l’épouse de Louis de Saint-Priest, qui épousa, en secondes noces, la mère de sa belle-fille.

La Gaule chrétienne dit que Catherine III du Monestier était tante de Françoise I de Saint-Vidal. Nous verrons dans l’article suivant que c’est grand’ tante qu’il faut dire.

La Gaule chrétienne. — Le Laboureur. — Mazures de l’Isle-Barbe. — M. Fraisse, curé de Monistrol-sur-Loire. — M. Damant’, prêtre retiré à Annonay.)

21 me Abbesse : FRANÇOISE I DE LA TOUR SAINT-VIDAL.

Irail, fils aîné de Guillaume de La Tour Saint-Vidal et de Marguerite du Monestier, se maria le I er juin 1497 avec Françoise d’Albon, fille d’Henri d’Albon, seigneur de Saint-Forgeux et soeur d’Antoine d’Albon, chanoine et comte de Lyon.

Je ferai remarquer :

1° que le Père Anselme appelle Françoise d’Albon Guillemête ;

2° que d’Aubaïs donne à ce même Irail, pour épouse Gabrielle de Montfaucon. Il n’est pas en mon pouvoir d’expliquer l’affirmation de ce dernier auteur, à moins de dire que c’était là une seconde femme d’Irai.

Du mariage d’Irai! Avec Françoise d’Albon naquirent, entre autres :

I° Antoine de La Tour Saint-Vidal, dont il sera question plus loin ;

2° Bertrand de La Tour, chanoine et comte de Lyon.

3° Françoise I de La Tour, abbesse de Bellecombe ;

4° Henri de La Tour, sieur de Montvert.

Petite nièce de Catherine III du Monestier, elle lui succéda dans la dignité abbatiale en 1519, par la cession que lui en fit sa grand-tante.

Une anomalie insolite aujourd’hui, et qui ne peut plus se produire, eut lieu lors de sa nomination à Bellecombe. Elle n’était pas encore professe et n’avait que douze ans lorsque l’abbaye lui fut dévolue par une bulle du Pape Léon X, donnée à Borne, à Saint Pierre, l’an de l’Incarnation de Notre Seigneur 1514 aux kalendes de novembre.

Cette nomination fut violemment contestée à cause de l’âge de la titulaire. Marguerite de la Roue, Religieuse professe au monastère de la Séauve-Bénite, fut proposée pour être promue à sa place. La bulle qui confiait l’abbaye à Françoise, qui ne devait prendre l’administration que lorsqu’elle aurait atteint sa 20me année, fut maintenue quand même et reçut son exécution quand le moment marqué fut venu.

Quelque anormales que puissent paraître des nominations de cette espèce, il est évident qu’elles pouvaient avoir leur raison d’être. Bien des motifs pouvaient y déterminer l’autorité compétente. Il en était alors ce qu’il en est encore aujourd’hui et ce qu’il en sera toujours. La puissance des familles, leur influence, leurs services rendus ou l’espoir de ceux qu’elles pourraient rendre dans la suite, ne sont-ce pas tout autant de considérations capables de déterminer l’autorité à faire attention aux demandes faites ? Quelle administration serait possible en dehors de tout cela ?

Il est certain, toutefois, que dans ces sortes de cas, les bulles d’institution stipulaient formellement que les titulaires ne devaient prendre l’administration que lorsqu’elles auraient atteint l’âge marqué par les règles de l’Ordre. Jusques au moment fixé, la prieure ou l’abbesse précédente faisait toutes les fonctions voulues et veillait à tous les intérêts du monastère. Au fond, les inconvénients ne pouvaient être que de très-minime importance.

Françoise I fut abbesse jusqu’en 1557, époque où elle résigna en faveur de Françoise II, sa nièce. Elle vécut quelques années encore, mais on ignore l’année de sa mort.

(Gallia christiana — Le Père Anselme. — M. Fraisse. 😉

22e Abbesse : FRANÇOISE II DE LA TOUR SAINT—VIDAL.

Antoine de La Tour Saint-Vidal, fils dirait, s’était marié en novembre 1533, avec Françoise d’Albon, fille de Gabriel IV d’Albon et de Gabrielle de Saint-Priest, et nièce de Françoise d’Albon, épouse d’Irait de La Tour. Il y eut de ce mariage plusieurs enfants :

1° Antoine de La Tour Saint-Vidal, qui devint sénéchal du Puy ;

2° Françoise II, abbesse de Bellecombe; 3° Claire, mariée à M. de La Tourette ;

4° Antoinette, épouse de Louis Roquelaure, sieur de Villeneuve ;

5° Louise, femme du seigneur de Servissac ;

6° Claudine de La Tour, qui se maria avec Jérôme de la Forêt-Bulhon;

7° Henri de La Tour, sieur de Montvert.

D’après Mandet, Guerres civiles, politiques et religieuses, page 129, l’abbesse de Bellecombe assista au départ de son frère, lorsque, appelé par l’Évêque du Puy, il ceignit l’épée et entra dans la lice. Ecoutons ce que dit, à ce propos, le savant historien du Velay :

Dès que Saint-Vidal eut pris lecture de la lettre que lui avait envoyée l’Évêque du Puy, quoiqu’il fût déjà nuit, il assembla aussitôt sa famille. Sa vieille mère, sa femme, ses enfants, ses soeurs et son frère descendirent dans la salle où il les attendait. Il resta quelques instants  sans mot dire, se promenant à grands pas, les yeux sans cesse attachés sur la missive;  épiscopale. Tous le regardaient avec étonnement, prévoyant bien qu’il avait quelque triste  nouvelle à leur apprendre. Enfin, s’approchant  de Françoise d’Albou, il lui dit : Ma mère, il me faut partir sans délai ; l’ennemi est à nos portes ; Monseigneur m’attend ; priez pour  moi, adieu ! Et il l’embrassa. Il embrassa aussi  Claire de Saint-Priest, sa femme, ses soeurs,  Claire, Antoinette, Louise et Françoise, ses  filles Marie et Anna. Ensuite, il prit quelques  instants à part Henri de La Tour, sieur de  Montvert, lui donna ses instructions au sujet  des levées d’hommes à faire, monta à cheval, et sans même se retourner, quoique les yeux humides, s’en alla au Puy, escorté seulement par M. de Tourenc, et trois ou quatre paysans, ses fidèles vassaux.

Quoiqu’il en soit de ce que dit M. Mandet, de la présence de Françoise au départ de son frère qui eut lieu en 1574, voici ce que la Gaule chrétienne nous apprend de notre abbesse.

D’après l’ouvrage cité, Françoise n’était qu’enfant lorsqu’elle quitta le toit paternel. Des circonstances qu’on ne connaît pas la firent placer par sa famille, dès son bas-âge, a teneris annis, au couvent de Polliac, en Rouennais, diocèse de Lyon, Ordre de Saint-Benoît. Ce n’est pas là cependant qu’elle devait passer sa vie : Dieu l’appelait ailleurs.

Pieusement élevée par ses maîtresses, n’ayant jamais demeuré dans le monde et ne le connaissant pas, elle ne voulut d’autres joies que celles de la Religion.

Elle prit l’habit de l’Ordre de Citeaux au monastère même de Polliac, du consentement de Françoise I de la Tour, sa tante et de toutes les Religieuses de Bellecombe, le 9 mai 1557, mais ce fut à Bellecombe qu’elle fit profession entre les mains de Françoise I, qui était encore abbesse. Celle-ci ayant résigné sa place, sa nièce lui succéda en la même qualité. Nommée par le Roi, le 28 juillet 1562, elle fut confirmée, la même année, par une bulle du Pape Pie IV. Elle prit possession un dimanche, 21 décembre. Malgré la saison avancée, et quoiqu’on fut déjà en hiver, une foule énorme vint assister aux cérémonies qui se produisirent dans cette circonstance. Le monastère avait revêtu son air de fête et c’était merveille que de voir de jeunes seigneurs, tout chamarrés d’or, leurs dames dans leurs plus beaux atours, remplir une partie de l’église et suivre dans un religieux silence toutes les cérémonies qui avaient lieu. Le peuple était émerveillé, et il y avait de quoi l’être. Il est vrai qu’il en faut si peu pour le jeter dans l’ébahissement.

Le frère de Françoise II fut tué dans un combat singulier par Pierre de la Rodde, gentilhomme royaliste, et fut enterré avec une pompe inusitée à l’église des Cordeliers, au Puy.

Un article de son testament concerne Françoise II de Saint-Vidal. Je le cite en entier :

Item veux que toutes et quantes fois qu’il plaira à dame Françoise de La Tour, dite de Saint-Vidal, abbesse de Bellecombe, ma soeur, venir dans nos maisons avec notre héritière ou ses successeurs, qu’elle y soit reçue, chérie et honorée, tant de notre héritière que de tout autres dépendants de nous, comme notre mère, Etc., etc.

Françoise était encore à Bellecombe en 1603. Ce fut à cette dernière époque que François de Polignac, seigneur d’Adiac lui rendit hommage.

(La Gaule chrétienne. — Le Laboureur. — M. Mandet.)

23e Abbesse : CLAIRE DE LA FORET—BULHON

La Forêt-Bulhon, famille de très ancienne noblesse, qui avait pris son nom d’un fief démembré de la tour de Bulhon, près de Maringues, vers la fin du XIIIe siècle et qui, très-vraisemblablement, avait été l’apanage d’un puîné de la maison do Bulhon. En effet, nous voyons les deux noms se confondre dans les actes du commencement du siècle suivant.

Chatard et Pierre de la Forêt comptaient parmi les vassaux nobles du comte de Thiers, en 1301. Autre Chatard de la Forêt, damoiseau, fils de feu Albert, coseigneur de la Forêt, fit foi et hommage au même seigneur de Thiers, à cause des divers cens, rentes et divers autres droits qu’il avait à Clarmat, Orléat, Dorat et Celles, en 1325. Quatre ans plus tard, en 1329, la même formalité fut remplie par Guillaume de Bulhon, damoiseau, seigneur de la Forêt,

Pour ses possessions féodales sises à Celles, à Neyronde et à Escurol. Vers la même époque vivait Buchard de la Forêt, compris au nombre dos nobles d’Auvergne qui plaidaient contre le clergé en 1328 et on voit, après lui, plusieurs seigneurs du même nom, possessionnés en Auvergne, Forez et Bourbonnais, de 1334 à 1377 Guillaume de la Foret, seigneur du lieu et de Bulhon en 1409 ; il assista au mariage d’Isabeau de la Tour d’Auvergne avec Louis de Chalencon, le

12 septembre 1419, ainsi qu’à celui de Louis, duc de Bourbon avec Jacquette, dauphine d’Auvergne, en 1426, et vivait encore en 1433. Guichard et Buchard de la Foret vivaient en 1540. Un gentilhomme de cette maison perdit la vie au combat de Cognat, près de Gannat, le 6 janvier 1568, Postérieurement, en 1666, on voit Gaspard de la Foret-Bullion, seigneur de Savonnes et de Meissein, rendre hommage au Roi. En 1669 et en 1683, un membre de la même famille fut admis aux pages du Roi, en 1787.

Armes : d’argent à trois fasces de sable.

Claire était fille de Jérôme de la Foret-Bulhon et de Claudine de Saint-Vidal. Celle-ci étant soeur de Françoise II de Saint-Vidal, il est aisé de voir la vérité de l’affirmation de la Gaule Chrétienne, quand elle dit que Claire était nièce de Françoise II : Clara de la Foret-Bulhon descendante Francisca cujus erat neptis.

L’origine de notre abbesse étant constatée, voici tout ce qu’on sait sur son compte.

Elle obtint la cédule royale, schedulam regiam et les bulles de Rome, données à Saint Marc, en 1609, le IV des nones de juillet, la cinquième année du pontificat du Pape Paul IV. Ce fut Jean 1,aurent, official et vicaire-général du Puy, qui l’installa, le 3 septembre de la même année, et ce fut le dimanche 18 octobre qu’elle reçut à la Cathédrale du Puy, inter missarum solemnia, et avec la plus grande solennité la bénédiction abbatiale de Jacques de Serres, Évêque du diocèse.

En 1634, elle reçut hommage de Marc de Polignac, seigneur d’Adiac et elle vivait encore en 1675, mais elle s’était désistée de sa dignité longtemps avant.

(Audigier. — Nobiliaire d’Auvergne, par Bouillet. — Gallia Christiana. — Mandet. 🙂

24e Abbesse : JEANNE DE LA FORET —BULHON,

Ce que j’ai dit de sa famille à l’article précédent doit suffire. Je n’ai rien trouvé sur les noms et qualités de ses père et mère.

Que se passait-il à Bellecombe sous les abbesses précédentes? Que se passa-t-il sous celle-ci? On ne le sait guère en détail. Il y eut cependant (les désordres, des infractions à la règle et à la discipline ; la clôture n’était pas observée. La chose alla si loin que les Grands-Jours assemblés au Puy en 1666 jugèrent opportun d’intervenir. Je tire de l’arrêt qui fut porté à ce sujet ce qui regarde d’une manière spéciale le monastère de Bellecombe :

            I

Sur ce qui a esté représenté par le Procureur Général du Roy, qu’estant adverty que, dans les monastères de Bellecombe, Séauve et autres situés dans ce diocèse, la closture et discipline régulière n’y sont pas observé, il aurait semoncé le sieur évêque du Puy d’y pourvoir, etc., etc.

Et ce faisant, ordonne que dans trois mois après la signification du présent arrest, les dites Religieuses de Bellecombe et Séauve feront travailler à la closture de leurs monastères, passé le quel délay, et à faute de ce faire, elles y seront contraintes par saisie de leur temporel et des ouvriers mis à leurs dépens pour travailler à la dite closture jusqu’à ce qu’elle soit parachevée, et pour l’exécution du présent arrest a commis MM. de Montbrac et de Mons, conseillers au sénéchalat du Puy, lesquels pourront procéder conjointement ou séparément. Donne la dite cour le pouvoir à tous les juges du ressort d’icelle de dresser des néantmoins leur enjoint de faire saisir les reivsmis des dits monastères, non closturés, leur faisant déffense d’en bailler la récréance jusques à ce que les dites clostures soient acheaes, etc.

Nous verrons que les travaux commandés ne se commencèrent que sous l’abbesse suivante qui les termina.

(Le Clergé de France. — Journal de J. Boudoin sur les (grands-Jours du Languedoc, 1666-1667, publie par Paul Le Blanc.)

25e Abbesse : LOUISE DE MOLETTE—MORANGIER.

Dans la 1re livraison il a été question de cette noble et illustre famille. Il serait superflu d’y revenir.

Louise était fille de Charles de Molette, comte de Morangier, baron de la Garde-Guérin, Saint-Alban et des Etats de Languedoc, coseigneur de Villefort, etc., etc. Elle eut pour mère Marguerite Félicie de Montmorency, fille de haut et puissant soigneur Annibal de Montmorency.

Charles de Molette fut chargé par commission du Roi Louis XIV, en date du 26 mai 1651, de lever une compagnie franche de cavalerie, à la tête de laquelle il rejoignit l’armée d’Italie. Par brevet du 4 juillet 1665, il fut pourvu de la charge de bailli du Gévaudan et gouverneur de la, ville de Marvejols.

Un des frères de notre abbesse, Charles de Molette, 2e du nom, entra au service sous les ordres du comte de Coligny, et fit la campagne de Hongrie contre les Turcs, Un autre de ses frères, Annet de Molette, devint chevalier de Malte, commandeur de Saint-Félix et gouverneur d’Orange

Comme sa soeur Marguerite, abbesse de la Séauve, elle avait dédaigné le monde et s’était consacrée à Dieu, dans le monastère de Mémoire. Ce n’était pas là néanmoins qu’elle devait terminer sa carrière. Ses talents et ses vertus allaient bientôt la retirer de sa première demeure. Nommée abbesse de Bellecombe le 1er novembre 1694., confirmée par le Pape Innocent XII, le 8 des kalendes de février 1697, elle quitta, les larmes aux yeux, son monastère de Mercoire, et prit possession de Bellecombe vers la fin mars.

Douée d’aussi belles qualités que sa soeur Marguerite, elle sut se faire aimer de ses subordonnées. Nous avons vu dans l’article précédent, que tout n’allait pas pour le mieux à Bellecombe, vers la fin du XVIIe siècle. Pour remédier aux abus qui s’étaient introduits dans le monastère, il fallait une certaine énergie et surtout une sympathie particulière de la part des subordonnées. Louise de Morangier eut l’énergie nécessaire, et elle sut, par son amabilité, s’introduire dans les coeurs. Grâces à ces deux choses, elle rétablit dans l’abbaye la discipline qui s’y était affaiblie peu à peu. Les auteurs de la Gaule chrétienne constatent que le résultat _obtenu fut merveilleux : Merifice, disent-ils, obsereantiam in suo monasterio restituit.

Ses soins ne se bornèrent pas là. Tout aussi pleine de sollicitude pour les intérêts matériels du couvent que pour tout ce qui pouvait contribuer au bien-être moral de ses Religieuses, elle entreprit et exécuta, à la satisfaction générale, des réparations importantes dans plusieurs parties des bâtiments. La Gaule chrétienne les énumère; sans dire néanmoins en quoi ils consistèrent. Voici ce qu’elle rapporte :

Elle restaura la grande porte de l’église, les lieux réguliers et la maison abbatiale. C’était la restauration ordonnée par les Etats-Généraux du Languedoc.

En 1715, par les soins de notre abbesse, fut fait le cadastre du mandement de Bellecombe. Etaient compris dans ce mandement la grande et petite Besse, Alignac, le Pigny, Antreuil, Froyssenet, Neyrial, Fournet, les Cayres, Arsac, la Freyde, Bellistar, Fauries, les Troubas, le Rochain, le Fraisse, Bellecombe, Vazeilles, Cour-coules, Feyterne, les Margots, Sallecru, Chevallier, Aranles, Adiac, Myoimes, les Vérots…

Parmi les propriétaires qui figuraient dans ce mandement on remarque le marquis de la Tour-Maubourg, le baron de Gerlande, nobles. Saignard, de Luzy, Besson-de Bayle, seigneur de Saint-Bonnet.

L’an 1745, dit l’acte qui fut passé à cette occasion, 3 avril, par devant Brunon Gerphanion avocat au Parlement, et Marcelin Dufau, balif et juge au mandement et juridiction de Bellecombe, en la salle des audiences de l’abbaye, a comparu Michel Caseneuve, notaire royal, substitut du procureur d’office en ladite juridiction, pour profiter de la présence des manants y assemblés, attendu qu’il n’y a point de compoix terrier mais seulement un simple papessard dans le quel même ne sont pas compris grand nombre d’héritages dont l’allivrement est par conséquent supporté par ceux qui y sont dénombrés….; qu’il est nécessaire qu’on s’occupe de la confection d’un compoix, n’y ayant jamais heu    de l’agrément de vénérende dame Louise Molette de Morangier, abbesse de Bellecombe, de l’Ordre de Citeaux, au diocèse du Puy, connue dame seigneuresse du dit mandement cy-présente les ayants comparu…. ont d’une voix unanime et d’un commun consentement convenu de la nécessité de la confection d’un compoix terrier du présent mandement et ont nommé des syndics à qui ils ont donné tous les pouvoirs nécessaires.

Les syndics adressèrent des demandes et obtinrent les autorisations :

1° de Messieurs les commis du diocèse de la ville du Puy, Polignac, Baret;

2° de nos seigneurs des comptes, aydes et finances ;

3° de Monseigneur de Lamoignon, chevalier, conseiller d’Etat ordinaire, intendant en Languedoc.

On fit ensuite afficher à Craponne, à Yssingeaux, au Puy et à Monistrol, qu’on donnerait la confection du terrier aux offres les plus avantageuses. Jouve, expert à Chamclause, et Champagnac, notaire, se présentèrent seuls; ce dernier demandant 9400 livres, payables en trois termes, fut accepté et s’offrit de terminer le travail en trois ans.

L’acte reçu par Reboulle, notaire, 40 novembre 1616, fut fait en présence de l’abbesse, de dom Pierre Roche, religieux, ancien prieur de l’abbaye de Chambones, dudit Ordre de Citeaux, alors directeur de Bellecombe.

Le serment de M. Champagnac, avant de vaquer à son travail, fut prêté le 15 novembre 1716, et le 24 février 1723 le terrier fut terminé. L’allivrement général revenait à soixante-six livres cinq sols six deniers.

A tous les embarras que durent lui procurer toutes ces entreprises s’en joignirent d’autres qui certainement furent aussi grands. Ce fut sous elle qu’eut lieu le procès dont j’ai parlé déjà, et qui avait pour objet la forêt du Coutent. On sait que le Parlement de Toulouse donna droit à l’évêque du Puy contre l’abbaye.

Louise de Molette-Morangier ne fut que faiblement affectée de la perte de son procès. Elle s’était crue dans son droit en défendant sa cause. L’arrêt qui intervint la trouva calme et parfaitement résignée. La sentence une fois intervenue il n’y a plus à discuter.

J’ignore l’année de sa mort qui, après, une vie aussi régulière que celle de notre abbesse, dut être toute en Dieu.

Ses armoiries étaient : D’azur à un cor de chasse d’or, accompagné de trois molettes de même, deux en chef et une en pointe, et surmonté de deux crosses d’argent passés en sautoir.

C’était évidemment les armes de sa famille, modifiées par les deux crosses, signe de sa dignité.

(Gustave de Burdin. — Gallia christiana. — Titres manuscrits).

26e Abbesse : MAGDELEINE DE CHASTEL DE CONDRES.

Gustave de Burdin, Documents historiques sur le Gévaudan, tome II, page 357, cite cette famille, mais sans détails. Il dit qu’elle eut deux branches viii eurent, l’une et l’autre, pour armes : De gueules à la tour d’argent donjonnée et maçonnée de sable, surmontée d’un croissant d’argent. D’après ‘ cet auteur, elle aurait été maintenue en noblesse par jugement, le 7 novembre 1669 et le 2 février 1674.

Les deux branches dont parle Gustave de Burdin eurent pour auteur commun Antoine de Chastel, seigneur de Londres. Celui-ci fut marié, en 1480, à Clauda de Sinselle, dont il eut deux fils, Antoine et Henri qui furent chefs des deux branches.

La branche qui fut commencée par Henri s’allia, à diverses époques, avec les familles de Frayssenet le Polallon, de Custavol, de Maurin, des Gois.

La seconde avec celles de Bannes de Laynac de Murat, de Fay de La Tour, de Molette-Morangier.

Ces deux branches se réunirent de nouveau par le mariage de Christophe de Chaste, sieur de Bélissande, Châteauneuf, le Monestier, Gis de Nicolas de Chastel, capitaine d’infanterie au régiment de Lestrange, et de Louise de Molette-Morangier, avec Louise de Chastel, fille de Claude de Chastel et de Marie des Gois. Ce dernier mariage eut lieu en 1653.

Il naquit de ce mariage, entre autres enfants, Marie-Elisabeth, qui épousa, le 1er janvier 1697, Joachim de Pierre de Bernis, et qui fut mère du cardinal de ce nom.

Je donnerais encore comme enfant issu de ce mariage, messire Nicolas de Chastel, chevalier, seigneur et baron de Condres, qui, au rapport de Gustave de Burdin, tome II, page 350, épousa, le 6 janvier 1692, mademoiselle Jeanne Daurier, devant Phine, notaire au Puy.

A cause de la concordance des dates, j’inclinerais à croire que Magdeleine de Chastel était fille de ces derniers, et dans ce cas cousine germaine du cardinal de Bernis.

Marie-Magdeleine, abbesse dès 1720, l’était encore en 1743. Le 25 juillet 1738, elle constitua pour son procureur général, spécial et irrévocable, dom Claude-Marie de Publy, prestre religieux de l’abbaye de Lafferte, Ordre de Citeaux, pour aumônier-directeur spirituel et temporel de ladite abbaye pour et au nom de ladite abbesse, régir et percevoir tous les fruits et revenus     Fait en la chambre abbatiale,-en présence de Jacques Roche, prestre d’Yssingeaux, et d’Antoine Liogier Lassaigne, notaire royal d’Yssingeaux, greffier du mandement de Bellecombe. — Reçu Delolme.

Une contestation, qui s’était élevée entre la précédente abbesse et l’hôpital d’Yssingeaux, fut terminée sous Marie-Magdeleine. Il était question du domaine du Piny, dont une partie relevait de la directe de l’abbaye de Bellecombe:

Le 25 avril 1726,M Jean-Nicolas d’Artuy, prieur de Presailles, un des directeurs de l’hôpital, proposé par le conseil d’administration, se rendit à Bellecombe et il fut décidé que le droit d’indemnité serait de 350 sols que la daine abbesse reçut des mains et deniers propres de Jean Delolme, un des directeurs et trésorier dudit hôpital, au moyen de laquelle transaction les deux parties se reconnurent quitte. Passé dans la salle abbatiale. ; Présent : MM. Bruno Gerphanion, avocat en Parlement, Etienne Borie, ballif et lieutenant de Bellecombe, avec les parties.

(Le Clergé de France. — Larogtv. — Gustave de Burdin. Titres manuscrits.)

27° Abbesse : JEANNE DE GAYARDON DE GRÉZOLLES.

On peut voir, dans ma première livraison, l’esquisse que j’ai donnée de la famille de Gayardon de Grézolles, à propos d’une Religieuse de ce nom, abbesse de la Séauve.

L’Armorial du Lyonnais, Forez et Beaujolais ne donne pas le nom de Jeanne. Il n’en dit absolument rien. Jullien de Bessy la nomme avec sa qualité d’abbesse. Son existence à Bellecombe est prouvée, au reste, par de  nombreux litres manuscrits, entre autres par le procès-verbal d’installation de celle qui lui succéda et que je rapporte plus bas.

Elle était fille d’Alexandre de Gayardon, seigneur de Bufferdon, Grézolles, Luré, etc. Il avait épousé, le 24 mai 1694, Claudine Cachet de Montozan, fille de Claude, écuyer, seigneur de Garneran et de Montozan, premier président au Parlement de Dombes et de Jeanne Hennecard.

Il paraît que lorsqu’elle prit possession de Bellecombe, les finances du monastère étaient loin d’être prospères. Il y avait des dettes. L’abbé de Nolhac fut chargé d’emprunter, au nom de l’abbaye. L’emprunt eut lieu et la gêne momentanée des Religieuses cessa. Dans une lettre, que j’ai eue sous la main, Madame de Grézolles offre un million de remerciements à M. de Nolhac pour toutes les peines qu’il a prises à l’occasion de l’affaire en question.

Je donne intégralement un acte dans lequel notre abbesse nomme un juge pour le mandement de Bellecombe :

Nous, Jeanne de Gayardon de Grézolles, abbesse de l’abbaye royale de Bellecombe, Ordre de Citeaux, diocèse du Puy, dame de la seigneurie de Bellecombe et ses dépendances, étant bien et duement informée des bonnes vie et moeurs et probité et Religion catholique, apostolique et romaine, capacité supérieure de Monsieur Louis Liogier, advocat en Parlement, habitant à Yssingeaux, nous lui avons donné et confié l’office et charge de juge de notre dite terre de Bellecombe et dépendances pour icelluy jouir des honneurs, profits, prérogatives , émoluments et prééminence, appartenants à la dite charge et office de juge, et ce tant qu’il nous plaira, à la charge par le dit Liogier de prêter le serment en tel cas requis; mandons à notre procureur juridictionnel et autres, nos officiers de notre dite terre et seigneurie recevoir et installer le dit sieur Liogier, juge, et de le faire jouir paisiblement du dit office, et à tous les justiciables de le reconnaitre et lui obéir en cette qualité. Luy ayant fait expédier les présentes, que nous avons signées de notre main et fait contresigner par notre greffier après y avoir apposé le sceau de nos armes. — Donné à Bellecombe, dans notre dite abbaye, le 45 janvier 1745.

(Soeur Grézolles, abbesse; par notre dite da-. me. Lassaigne, greffier.)

Jeanne de Grézolles résigna sa charge en 1772, et fut remplacée, cette année-là même, par une abbesse qui portait son nom et qui très-probablement était sa nièce.

(Jullien do Bessy. Procès-verbal d’installation de la, suivante. Titres manuscrits,)

8e Abbesse : JACQUETTE DE GAYARDON DE GRÉZOLLES.

La Chenaye-des-Bois et Badier gardent le silence sur cette abbesse, dans la généalogie qu’ils donnent de la maison de Gayardon de Grézolles. M. Jullien de Bessy n’en parle pas davantage. Il est, incontestable cependant que Jacquette-Claudine de Gayardon de Grézolles a gouverné le monastère de Bellecombe.

De qui était-elle fille ? Cette question semble ne pas souffrir de difficultés, si on compare les dates. Il ressort du procès-verbal de sa prise de possession qu’elle fut installée en 1772. Nous voyons d’ailleurs Antoine de Gayardon effectuer son mariage avec Marguerite-Louise Badier en 1735. Il nous parait que ces dates concordent assez. Au reste, si elle avait été soeur de Jeanne, elle ne serait devenue abbesse que 78 ans après le mariage de son père, et, par conséquent, dans un âge assez avancé. Cette hypothèse semble moins plausible que la première, et voilà pourquoi je ne l’adopte pas.

Or, Antoine de Gayardon était écuyer et seigneur de Grézolles, de Luré et de Bufferdon. Son épouse, Marie-Louise de Badier, avait eu pour père Jacques de Badier, seigneur de Verveines de Seresat, de Crusieu-le-Neuf et de Chaseuil, lieutenant-général des armées du roi, Chevalier et Commandeur de l’Ordre de Saint-Louis et pour mère Barbe-Louise de Pleissier.

Je n’ai sur Jacquette de Gayardon de Grézolles que le procès-verbal constatant sa prise de possession. Il a été tiré des minutes de M. Dufau, notaire de Saint-Maurice-de-Lignon. Je le donne en entier parce qu’il n’est pas sans intérêt sous plus d’un point de vue.

Le 20 mars 1772, l’abbesse, soeur banne de Gayardon de Grézolles, nomma ses procureurs spéciaux, auxquels et à chacun d’eux elle donna pouvoir de pour elle et en son nom et sous le bon plaisir de Sa Majesté Très-Chrétienne, résigner et remettre purement et simplement la dite abbaye royale de Bellecombe, avec tous ses droits et appartenances quelconques, entre les mains de Notre Saint-Père le Pape ou de Monseigneur son chancelier, pour, en être pourvue telle personne qu’il plaira à Sa Majesté de nommer et de présenter à la dite abbaye. Fait le 22 juin de la même année, en l’église de l’abbaye royale de Bellecombe, de l’Ordre de Citeaux, diocèse du Puy, et devant les grilles du choeur où les Religieuses chantent et psalmodient les divers offices, environ les huit heures du matin, se présenta par devant le notaire royal, apostolique de la ville d’Yssingeaux, dom Michel Maubert, prieur de l’abbaye de Chambons, en Vivarais, vicaire général de l’Ordre de Citeaux et en cette qualité au  notaire, que Sa Majesté avait nommé abbesse de Bellecombe, daine Jacquette-Claudine de Gayardon de Grézolles, par acte signé de M. Champagnac, notaire, le 26 mars 1772, et les autres formalités civiles et canoniques avaient été remplies, c’est-à-dire qu’on avait obtenu des lettres patentes du roi Louis, et Philippeaux, des lettres du Pape signées Antonelli et Caraffa, à toutes les quelles provisions le dit dom Maubert voulant donner effet, fit assembler au son de la cloche, en la manière accoutumée, toutes les Religieuses du monastère; en leur choeur, et ayant fait ouvrir les grilles, leur dit qu’il voulait mettre en possession de la dite abbaye la darne de Gayardon de Grézolles. Pourquoi il fit lire à haute et intelligible voix les dites lettres patentes et confirmations par le notaire. Il fit venir ensuite la dite dame de Grézolles, et celle-ci, après, avoir écouté une exhortation que lui fit dom Maubert sur sa promotion, prêta le serment de fidélité et dom Maubert lui mit dans les mains les clefs et heures du monastère, en signe de la prise de possession ; il la lit asseoir en son siège abbatial et lui fit entendre les obligations de sa charge et encore par la lecture que fit la Religieuse chantre du 2em chapitre de la règle de saint Benoit ; ensuite du quel dom Maubert fit lire aussi le 5em chapitre ; et incontinent après, toutes les Religieuses, les unes après les autres, selon l’ordre de leur réception en religion, se mirent à genoux devant la dite dame abbesse assise et les mains jointes, elle les prit entre les siennes, et les soeurs lui firent de la sorte leur serment d’obéissance jusqu’à la mort. L’abbesse les releva ensuite, les embrassa, et, cette cérémonie étant faite, le dit dom Maubert exhorta la dite daine d’avoir un amour et charité de mère pour toutes ses Religieuses, et, elles, de continuer dans une sainte et continuelle obéissance pour leur supérieure, et puis, au son des cloches, on fit chanter le Te Deum en actions de grâces, et, ayant dit les verset et collecte., chacun se retira en paix. De tout le contenu ci-dessus, le notaire rédigea le présent procès-verbal, qui fut signé par M. Michel, curé de Saint-Jeure ; par M. Prory, curé de Tiranges ; par le notaire, par toutes les Religieuses de l’abbaye et les autres témoins de la cérémonie.

Suivent les signatures : Soeur de Grézolles, abbesse ; soeur de Grézolles, ancienne abbesse ; P. Maubert, vicaire général; soeur de Cussac ; soeur de Châteauneuf; soeur de Buffendard ; soeur Praneuf; soeur de Laval ; soeur de Chapteuil soeur de Boulier; soeur de Verger ; Grézolles, chanoinesse ;   Grézolles ; P. Gervais ; de

Bonneville, ar; Odde de Villars ; Michel, curé ; Prory, curé de Tiranges ; Chalendar; l’abbé de Grézolles, vicaire général de Lyon ; Laval; de Villars ; Liogier de Brus ; Morin; de Pieyres ; Verseillei, Grézolles ; Liogier Lassagne, notaire royal.

Une foule énorme, venue de tous les environs, assista à la cérémonie. Il y avait surtout grand nombre de pauvres. En pareille circonstance, una aumône plus abondante leur était distribuée. Aussi en venait-il de toutes les paroisses voisines. Il aurait fallu entendre les cris de joie, les vivats enthousiastes qui partaient de tous ces coeurs plus ou moins reconnaissants, mais qui tenaient avant tout à saluer la nouvelle abbesse et à la disposer ainsi en leur faveur.

(Julien. de Bessy. — Titres manuscrite.)

29e Abbesse. — FRANÇOISE — GENEVIÈVE DE MOUCHET.

Françoise-Geneviève appartenait à la famille de Mouchet qui était possessionnée en Bourgogne, en Franche-Comté et en Auvergne.

Contrairement au Dictionnaire de la noblesse, par La Chenaye-des-Bois, qui fait remonter cette famille à Humbert Mouchet, seigneur de Villeseraine et de Beauregard, né à Poligny, au milieu du XIIIe siècle, le Dictionnaire véridique lui donne comme auteur certain que Jean Moihet, écuyer, seigneur de Toulougeon, trésorier et receveur général de Bourgogne, qui donna une délégation à son clerc, le 3 juin 1549 Jean Mouchet, outre sa charge de trésorier général, était encore capitaine du château de Grimont et ambassadeur de,. Charles-Quint en Suisse. Il époux; Louise de Battefort, fille unique et héritière de Léonet de Battefort, baron de Tramelet et d’Arinthoz, trésorier général de Bourgogne avant lui.

Dans les degrés qui viennent après, je’ trouve les familles dont suivent les noms :

1° de La Chambre ;

2° de Laubépin ;

3° de Harley ;

4° de Nettancourt ;

5° de Saint-Morris.

Vient enfin Charles-Joseph de Mouchet, fils de Louis de Mouchet de Battefort et de Marie-Gabrielle de Saint-Morris. Il se maria le 18 juin 1719 avec Françoise-Hélène de Tartre, fille d’Antoine-Joseph de Tartre, baron de Chilly et de dame Antoinette de Froissart Charles-Joseph est qualifié marquis, de Laubépin, comte d’Arinthoz. Il fut reçu chevalier de la confrérie de Saint-Georges, élève-page du duc de Lorraine, puis chevalier d’honneur du parlement de Besançon. C’est de lui que naquit Françoise-Geneviève, abbesse de Bellecombe. Le Clergé français qui donne son nom et qui la place avant Mule de Busscul ne dit rien sur sa vie et se tait manie sur l’époque où elle vint en Velay.

Un de ses arrière-petits neveux, Charles-Marie-Achille de Mouchet de Laubépin, se maria le 4 juillet 1836 avec Herménégilde-Marie de Beaufort-Spontin, fille de Frédéric-Auguste-Alexandre duc de Beaufort-Spontin, et de dame Ernestine-Marguerite de Starhenberg, celle-ci, fille du prince Louis de Starhenberg et de la princesse Louise d’Arenberg.

(La Chenaye-des-Bois et Badier : Le Dictionnaire véridique. — Le Clergé français. Bulle de nomination de Mme de Busseul. On pourrait consulter encore l’ouvrage qui a pour titre : La Noblesse de Bourgogne aux Etats de Bourgogne.)

30e Abbesse. — ANGÉLIQUE-ALEXANDRINE DE BUSSEUL.

Elle était originaire des environs de Mâcon. L’ouvrage qui a pour titre : La Noblesse aux Etats de Bourgogne fait remonter la famille de Bussent au XIIe siècle. En 1420, Artaud de Bussent signa l’acte d’une charte pour Cluny qui compte plusieurs moines et bienfaiteurs dans cette famille. La maison de Bussent a produit, en outre, un gouverneur du Mont-Cenis, en 1389, et plusieurs officiers de la cour des ducs de Bourgogne, de même qu’un bailli de Mâcon, chevalier de Ordre en 1559.

La Chenaye-des-Bois et Badier donne la généalogie de cette maison, depuis la fin XIVe siècle jusqu’au milieu du XVIe.

Les deux ouvrages que je viens de citer donnent à cette famille pour armes :

 Fascé d’or et de sable de six pièces.

Parmi les familles avec lesquelles s’allia celle de Busseul on trouve celles de Véré de Grolée, de Menare, de Fougières, de Lespinasse, de Séray, de Bertauld, de Digoine et de Gorevod.

La bulle de nomination de Mme de Busseul, comme abbesse de Bellecombe, est datée de la neuvième année du pontificat de Pie VI, 1182, et fut donnée à Rome apud Sanctum Petrurt

Elle nous apprend que Mme de Busseul avait le prénom d’Angélique-Alexandrine, et que, lors de sa promotion à la dignité abbatiale, elle était Religieuse professe au couvent de Saint-Jullien, Ordre de Saint-Benoît, diocèse de Dijon.

D’après le même titre, il est certain que notre abbesse était alliée à la précédente et que celle-ci, avant de mourir, l’avait désignée pour lui succéder par cession en due forme.

Pie VI, informé par des témoignages dignes de foi de son zèle pour la religion, religionis zelo de la pureté de sa vie, vitae munditid; de la distinctions de ses manières, venustate morum ; de sa prudence dans les choses spirituelles, sptritalium prudentia de sa circonspection, de sa réserve, le son détachement pour tout ce qui n’est que temporel et de toutes les vertus dont est ornée son âme, déclare qu’il est convaincu qu’elle pourra être très-utile au monastère de Bellecombe, plu­rimum utilis et fructuosa.

Il la met à la tête de l’abbaye, mais il exigeque les deux tiers des Religieuses, réunies capitulairement, consentent, par suffrages secrets, à sa: translation de l’Ordre de Saint-Benoît à ce­lui de. Citeaux, et ne mettent point obstacle à sa promotion à la dignité abbatiale. Pie VI lui per­metde, recevoir la bénédiction abbatiale de l’Évêque qu’elle voudra, pourvu qu’il soit en communion avec l’Église. Elle devra faire, en sa présence et solennellement, profession de foi ca­tholique, et cette profession de foi, écrite et signée lesa main, sera envoyée le plus tôt que possible au siège apostolique.

La bulle porte à son verso les attestations suivantes :      

1° Eutropius de Cressac, eques, in supretno Galliarum senatu patronus, regis consiliarius, nec non Romaine curiœ expeditionarius, Parisiis in viâ vulgo Garancières muncupatâ commorans, bullam retroscriptam Roma expediri ciiravit et tradidit.

DE CRESSÉ.

2° Nous, soussignés, avocats en Parlement, conseillers du roi, expéditeurs de la Cour de Rome et des légations, demeurant à’ Paris, certifions la présente bulle sincère, véritable, originale et expédiée de la dite Cour. En foi de quoi nous avons signé à Paris, le 41 avril 1783.

RUHER.

DE CRESSA

Après avoir rempli toutes les formalités exigées, Mine de Bussent prit possession du monastère. Tout entière à ses fonctions, elle sut maintenir la discipline dans l’abbaye et mit tous ses soins à en accroître la prospérité.

Elle était à peine en possession, qu’elle écrivit une lettre aux consuls d’Yssingeaux; MM. Jacques Rechatin et Louis Faure. La lettre est datée du 21 novembre 1783. Par cette lettre, elle demandait la construction d’un chemin nouveau allant de Bellecombe à Yssingeaux, Elle s’offrait de contribuer par préciput ou autrement à une portion des dépenses qui résulteraient de cette construction.

Mme l’abbesse était appuyée, dans cette demande, par M. le baron de Ridebery, maréchal de camp des armées du roi, commandant en Velay.

Vu l’inutilité patente et évidente de ce chemin ; vu le peu de denrées qui venaient de ce village ; vu l’assez bon état du chemin ancien, on délibéra qu’on ne s’occuperait point de cette question.

Le 8 juin 1784 même demande sur le même sujet, qui n’eut pas plus de résultat.

Jean-André Faure, sieur de Treslemont et de La Varenne, et Laurent Morin, consuls, assistés de la communauté d’Yssingeaux, délibérèrent de nouveau. La délibération fut identique à la première et sans résultat.

Évidement l’abbesse n’avait pas droit, et cependant le temps lui a donné raison. Le chemin demandé n’était d’aucune utilité dans le XVIIIe siècle et il a été exécuté dans le XIXe.

La même année, 1781, 24. Avril, Mme de Bussotti nomma un bailli pour Bellecombe. Voici l’acte de cette nomination conservé dans les archives de M. Delolme :

Nous, soussignée, dame Angélique-Alexandrine de Busseul, abbesse de Bellecombe,

Ordre de Citeaux, pleinement informée des bonnes vies et moeurs, religion catholique, apostolique et romaine, et de la capacité de M. Jean Liogier, avocat au Parlement et balif demeurant à Yssingeaux, l’avons nommé et nommons balif de nos terres de Bellecombe et Laval-Lamblavés et autres lieux, mandon à nos justiciables de le reconnaitre en la dite qualité de balif.

Donné à Bellecombe, dans notre abbaye, le 14 avril 1784.

Le cachet apposé audit acte porte exactement les armoiries données à sa famille par les ouvrages cités au commencement de cet article. Mme de Busseul ne devait pas voir la révolution. Elle mourut en 1788, regrettée de toutes ses compagnes, dont elle avait su captiver la Confiance.

(Les auteurs cités et des titres manuscrits.)

31e Abbesse : MARIÉ—ROSE DE RETZ.

Les preuves faites au cabinet du Saint-Esprit, où elles reposent, établissent la filiation de la famille de Retz, depuis David de Retz, archer de la Garde écossaise du roi Charles VII, venu d’Ecosse en France avec Jean Stuart, comte de Buchan et 4e Douglas, et qui épousa, en 1450, Isabelle de Cheminade, héritière de la terre de ce nom, dans le Gévaudan.

Antoine de Retz, son fils puiné, fut marié à, Mende, le 2 octobre 1426, à Marguerite de Brésolles             postérité, divisée en plusieurs

Franches qui se sont distinguées par leurs alliances, et leurs services militaires, comptait, à la fin du dernier siècle, dix de ses membres portés sur la liste des émigrés. Ils aimaient le trône et l’autel, et, à cette époque vraiment incroyable, il n’était pas permis, au nom, de la liberté, d’avoir amour semblable.

Le dernier représentant mâle de cette noble famille est allé mourir, aux champs de Mentana, en défendant la cause du Saint-Siège.

Plusieurs membres de cette maison ont rendu des services à l’Église. Othon de Retz était archidiacre de l’Église de Mende, vers la fin du XVIIIe siècle. Antoine-Louis-Augustin de Retz partait, vers la fin du même siècle, du séminaire des Missions-Etrangères pour prêcher la foi dans le Céleste-Empire. Alexandre de Retz de Brésolles fut aumônier du roi Louis XVIII et ensuite, auditeur de Rote, à Rome.

Armes : Ecarté I et 4 d’azur au chevron d’or, accompagné, en chef, de deux étoiles de même, et, en pointe, d’une épée d’argent, la garde en haut, qui est de Retz Au 2 me et 3me d’azur : â la fasce haussée d’argent, qui est de Bressoles.

Couronne de marquis, de comte ou de baron.

Marie-Rose de Retz, abbesse de Bellecombe, eut pour père Charles de Retz, baron. de Servies; seigneur de Villaret, et pour mère Jeanne-Rose de Guérin de Chavagnac, fille de Pierre et de dame Catherine d’Altier de Barn, descendant de la maison de Budes, qui s’était fondue dans celles d’Orléans, de Condé et de Conti, et dont us* fille avait épousé André de Retz en 4605. C’est, par ces alliances que les de Retz se rattachent à ces familles princières.

Marie-Rose de Retz fut élevée dans les sentiments de la piété la plus vive.

Les beaux exemples qu’elle ne cessa de voir sous le toit paternel contribuèrent puissamment à la détermination qu’elle prit de fuir le monde et de se donner tout entière à Dieu. C?, fut au monastère de Coire, en Suisse, qu’elle se consacra à la Religion. On ignore quelles circonstances l’amenèrent à quitter sa patrie et à aller sur la terre étrangère.

Elle était dans cette maison depuis quelque temps lorsqu’elle fut nommée abbesse pour la maison de Bellecombe. Noble par sa famille, non moins noble par ses sentiments, douée d’une piété rare et d’un jugement plus rare encore, on crut que pendant l’orage qui grondait et éclatait en France, elle serait à, la hauteur de sa position.

Ce fut en 1790, deux ans après la mort de Mme de Busseul, qu’elle prit possession du supériorat. Elle était à peine installée qua déjà elle avait su gagner l’affection de ses compagnes. On en jugera par la lettre écrite par Mme de Vergéses à M. Faure, maire d’Yssengeaux ; dans cette lettre, Mme de Vereses remercie M. le Maire de l’attention qu’il a eue de leur envoyer le peintre qu’elles désiraient pour peindre leur chère abbesse :

Sa personne nous est si chère que tout ce qui nous la retracera ne sauret être ases multiplie, quoique nous ayons le plus grand espoir de la conserver longues années… Nous serons néantnoins bien ese d’avoir un portrait. L’éloge que vous nous faites des talens du pintre nous fait espérer un portrait resfemblant. Toutes nos dames me chargent, Monsieur, de vous dire une infinité de choses honétes,

Très-humble servante,

Sr DE VERGESES,

On sait combien les choses allèrent vite pendant la Révolution française. On demande d’abord une souscription patriotique de la part, des particuliers et des communautés religieuses, en attendant qu’on dépouillât les uns et les autres. Mme de Retz fut un moment dans la perplexité; elle ne savait qu’offrir. La lettre suivante de l’abbesse à M. Faure nous fait comprendre l’embarras où elle se trouva dans cette osassions :

Si j’étais, Monsieur, assez heureuse pour être de quelque utilité à vous et à la municipalité d’Yssingeaux, vous ne m’en devriez jamais des remerciements, être très-capable de sentir le prix d’une pareille satisfaction. Le détail des fêtes que l’on vous a fait à, Brioude ne m’étonne point et je crie de baie; cœur comme eux : Vive Yssingeaux ! Quant à la souscription patriotique, nous sommes ‘très-disposées à nous conformer aux décrets de l’Assemblée, mais c’est toujours à vous que je dis avec ma confiance ordinaire que si on prend le tout nous n’avons que faire d’offrir le quart. Vous voyez que je vous écrits comme à une personne qui s’intéresse.

Je vous fais bien des remerciements de la chanson que vous m’avez envoyée.

Votre servante,

Sr DE RETZ, abbesse.

Quelles sont les fêtes de Brioude dont parle Mme de Retz? Quelle est la chanson qui lui fut envoyée et pour laquelle elle offre des remerciements ? Je n’en sais rien.

Mme de Retz avait dit dans sa lettre : Si on prend le tout nous n’avons que faire d’offrir le quart.- Elle pressentait ce qui devait se réaliser en effet. C’est le tout qu’on voulait, c’est le tout que l’on prit, toujours, évidemment, au nom des grands principes de la Fraternité, de l’Egalité et de la Liberté.

Le Moment solennel arriva. Il fallut procéder à un inventaire détaillé de la fortune de la maison. Les procureurs nommés furent de Vazeilles de la Bruyère, curé de Lapte ; Gire, maire d’Yssingeaux. Le manuscrit que j’ai devant les yeux dit que ces messieurs arrivèrent à Bellecombe à huit heures du matin et qu’ils en repartirent à quatre. Il parait que l’opération de l’inventaire fut vite bâclée. Il n’y eut rien de sérieux. La forme fut cependant observée. C’était de rigueur.

La chronique rapporte que les dames de Retz, de Vergéses, économe, et de Saint-Pol avaient détourné, à leur profit, les bestiaux, meubles et effets de l’abbaye, et un manuscrit ajoute qu’elles y avaient été autorisées par les commissaires. Il faut convenir qu’elles avaient un besoin impérieux de cette autorisation. On leur volait bel et bien leur avoir et leur fortune, et comment auraient-elles pu, en conscience, salva conscientia, soustraire quoi que ce soit au gouvernement spoliateur. Quand un incendie dévore une maison, il faut laisser à l’incendie tout ce qu’il peut dévorer ; quand des voleurs sont dans une propriété, le propriétaire doit se croiser les bras et ne rien dire, à moins d’une autorisation.

Au milieu des circonstances difficiles où se trouva Mme de Retz, elle fut toujours admirable de sang-froid et de calme. Son émotion fut fortement excitée, néanmoins, surtout dans deux occasions particulières : ce fut lorsque son frère fut saisi dans le monastère et emmené comme un malfaiteur, par la garde nationale du Puy, et lorsque la force armée vint la jeter, ainsi que ses compagnes, hors de l’abbaye et les obliger à déserter les lieux qu’elles aimaient et où elles auraient tenu à laisser leurs cendres, le raconte ailleurs ces deux faits.

Mme de Retz, en quittant son monastère, se retira auprès de Mme de Chavagnac, mère du célèbre général de la Fayette.

(Gustave de Burdin.-M Peala.- quelques titres Manuscrit)

Extrait de l’ouvrage :

NOTES HISTORIQUES

SUR

LES MONASTÈRES

DE LA SÉAUVE

BELLECOMBE, CLAVAS ET MONTFAUCONTHEILLIER, curé de Retournaguet

Occupation de Bellecombe

par les Protestants, vers la fin du XVI° siècle. Sa délivrance.

Les Protestants s’étaient emparés depuis quel-lues jours du bourg de Fay-le-Froid. C’était une position importante parce qu’elle commandait un des chemins les plus suivis de la Provence, il servait de garde avancée aux Religionnaires du Vivarais, menace toujours vivante pour les campagnes du Velay. qui s’étendent aux pieds des montagnes dont Fay était le centre et le point le plus important.

Antoine de Senectère, évêque du Puy, qui était gouverneur du Velay, résolut de s’emparer de cotte place et de l’enlever à ceux qui en étaient mantes. Fay était récemment fortifié. Il ne put cependant résister à l’impétuosité de l’attaque e tomba au pouvoir des Catholiques.

Les bandes du capitaine Erard ne tardèrent pas, cependant, à se reformer. Elles se répandirent de toutes parts dans le Velay. Saint-Pal-de­Mons, Tence, l’antique abbaye de Bellecombe, la Tour d’Adiac, le petit château de Saint-Quen­tin, virent en quelques semaines flotter sur leurs murailles le drapeau calviniste.

Que se passa-t-il à Bellecombe, dans ces cir­constances critiques ? À quelles insultes furent soumises les Religieuses de l’abbaye ? Quelles furent les dévastations commises sur le monas­tère et les propriétés qui en dépendaient ? Dieu seul le sait. Il n’en reste rien dans l’histoire. Il sera aisé néanmoins de se faire une idée de ce qui put avoir lieu si on fait attention à ce qu’é­taient ces troupes qui avaient envahi le Velay. Ecoutons M. de Vinols :

On comptait, dit-il, parmi ces chefs de bandes et parmi leurs soldats un grand nombre de gens qui n’avaient ni zèle, ni conviction religieuse. Beaucoup d’hommes chargés de dettes, perdus de réputation et de crédit, ou fatigués de la vie régulière, se jetaient dans cette licence des camps qui permettait de satisfaire toutes les passions en échange de quelques périls. Les grandes compagnies revivaient avec leur avidité cruelle, leur soif de pillage et leur mépris de la vie et de la souffrance humaine.

De quoi n’étaient pas capables de pareils gens? Quelles considérations pouvaient les arrêter dans leurs désordres et leurs excès ! Il est indubitable que Bellecombe, dans cette circonstance, dut passer par une rude épreuve.

De nobles coeurs ne tardèrent pas, cependant, de venir au secours de l’abbaye. Saint-Vidal, Dupuis, la Tour, Saussac, dit Arnaud, et quelques autres gentilshommes’ du Velay, prirent les armes et marchèrent résolument à la défense des localités occupées. Le château de Chateuil ne tarda pas à tomber en leur pouvoir. Bessamorel fut repris et Bellecombe se vit enfin délivré. Quelques jours suffirent pour refouler les bandes religionnaires.

(Sources : Arnaud, Histoire du Velay. — De Yinols, Guerres de Religion dans le Velay.)

Extrait de l’ouvrage :

NOTES HISTORIQUES

SUR

LES MONASTÈRES

DE LA SÉAUVE

BELLECOMBE, CLAVAS ET MONTFAUCON

THEILLIER, curé de Retournaguet

Capture à Bellecombe

de Monsieur de Rets, frère de l’abbesse

C’était en 1792. On sait combien le feu de la Révolution était ardent déjà. Le dévouement à la Royauté et à la Religion n’était plus regardé comme une vertu, il ne passait que comme un crime. On était criminel dès lors qu’on était fidèle au Roi et à Dieu. Toute famille sur laquelle planaient des soupçons de ce genre devenait l’objet d’une surveillance spéciale un mot, un signe, une absence donnait l’éveil et provoquait, de la part des Révolutionnaires, les actes les plus arbitraires, les mesures les plus rigoureuses. Tout cela se faisait cependant au nom de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.

La famille de Retz fut du nombre de celles qui furent le plus éprouvées. Sous le rapport de sa fidélité au Roi et sous celui de son dévouement à Dieu, elle avait fait ses preuves depuis des siècles. Aussi fut-elle mise au premier rang des familles suspectes. Dieu sait toutes les angoisses, toutes les persécutions que lui attira son dévouement à la cause royale. Nous sortirions de notre but si nous les retracions ici. Retraçons simplement le fait dont nous avons à nous occuper.

Rose-Marie de Retz était en possession de l’abbaye de Bellecombe depuis plus d’un an, lorsqu’elle reçut la visite d’un de ses frères. Pierre de Retz n’avait pu résister au plaisir de venir voir sa soeur, qu’il n’avait vue de longtemps. C’était là le but principal de son voyage à Bellecombe. Peut-être aussi venait-il s’entendre avec l’abbesse pour savoir quelles précautions il y avait à prendre, si les choses prenaient une tournure pire encore que celle qu’elles avaient déjà Son départ ne demeura pas longtemps cachée aux Révolutionnaires de la Lozère. A peine fut-il connu que des émissaires furent en permanence pour découvrir ses traces. Il leur fut facile d’apprendre que le fugitif était à Bellecombe. La municipalité en est prévenue de suite et un détachement de gardes nationaux reçoit la mission d’aller se saisir de l’aristocrate et de l’amener mort ou vif.

Le lendemain, M. de Retz n’était plus libre. Surpris à l’improviste, il n’eut pas le temps de fuir. Seul et sans armes, il ne résista pas et se laissa lier avec tout le calme d’un homme qui a le sentiment de sa dignité et de son innocence.

Il serait difficile de décrire toute l’émotion que ce triste événement excita dans l’abbaye. Ce fut les larmes aux yeux et le coeur navré que les Religieuses virent s’éloigner M. de Retz, au milieu des cris, des vociférations, des menaces de mort que, en pareille occasion, ne manquaient pas de faire les soldats de la Révolution.

A son retour du monastère, le détachement qui avait opéré l’arrestation voulait célébrer, à Yssengeaux, par des réjouissances publiques, le glorieux triomphe qu’il venait de remporter. Il y avait, en France, un aristocrate de plus sous les verrous.

M. Faure la Varende, qui était maire alors, opposa un refus formel à l’autorisation qui lui fut demandée. Honneur à cet homme qui n’avait pas perdu le sens moral dans les tristes circonstances où se trouvait le pays ! Honneur à cet administrateur qui sut empêcher une manifestation absurde et inique au premier chef. On peut voir dans M. Péala, Martyrs du diocèse, ce que ce refus, cependant si légitime, coûta à la ville d’Yssingeaux, quelques jours après.

M. de Retz, conduit au Puy, fut dirigé sur Orléans et de là sur Paris. Victime de sa parole donnée à ses gardiens de ne point s’évader, dit Gustave Burdin, il fut massacré à Versailles, près de la Grande Orangerie, avec tous les prisonniers amenés d’Orléans. Il périt coupable d’être resté fidèle à son roi, à son pays, à ses serments.

(Sources : M. Péala, Martyrs du diocèse du Puy. — Gustave de Burdin, Étude sur le Gévaudan.;)

Extrait de l’ouvrage :

NOTES HISTORIQUES

SUR

LES MONASTÈRES

DE LA SÉAUVE

BELLECOMBE, CLAVAS ET MONTFAUCONTHEILLIER, curé de Retournaguet

Déprédation au préjudice

au commencement du XVIe siècle, par des bandes affamée

Ces déprédations sont constatées par la Gaule chrétienne. Elles furent telles que l’abbesse se vit obligée d’en référer au Souverain Pontife lui-même pour en obtenir force et secours. Jules Il donna ordre à l’abbé de Doue, de l’Ordre des Prémontrés, et au prieur de Viaye, près Saint—Vincent, de l’Ordre de Grammond, de mettre à la raison les déprédateurs de Bellecombe. L’histoire ne dit pas quels furent les efforts tentés et le résultat obtenu par les deux protecteurs désignés par le Pape. Il est fort probable que le résultat fut nul. Il était difficile, au reste, qu’il en fut autrement.

C’était en 1505 que ces déprédations eurent lieu à Bellecombe. Or, la peste avait fait de grands ravages au Puy, en 1503. La ville avait eu à lutter contre la disette produite par l’abstention des gens des campagnes, qui avaient coutume de l’approvisionner et qui n’y venaient plus, soit par crainte de la peste, soit d’après la défense de leurs seigneurs, qui appréhendaient la contagion. L’année 1504 fut particulièrement désastreuse pour la récolte. La sécheresse fut telle, dit Guillaume Paradin (Histoire de Lyon), qu’il ne demeura goutte d’humidité pour la nourriture des biens de la terre et que le bétail mourrait partout de soif. On voyait partout des bandes affamées, errant dans les champs, que telle misère excédait toute pitié, et ces pauvres gens, étant pressés par la famine, laissaient des brisées de leur calamité, quasi en tous lieux; tantôt un homme, tantôt une femme ou un enfant mort, Le blé se vendait plus de vingt sols la mesure ordinaire (1). Or, dans toutes les paroisses se faisaient des processions en grande humilité, y étaient enfants, jeunes filles, hommes et femmes, tous pieds nus et forts désolés, chantant leurs prières, tous les larmes aux yeux, et, en la fin de chaque invocation, criaient tous ensemble effroyablement : Miséricorde, miséricorde, mon Dieu !

Comment contenir des bandes qui sont poussées par la faim ? Telles étaient celles qui exerçaient leurs ravages à Bellecombe. Elles accouraient là espérant trouver le morceau de pain qui devait les délivrer de la faim.

Il est impossible de dire, faute de documents, jusqu’où allèrent les ravages causés au monastère. Vu les circonstances et la cause qui les provoquaient, il est permis de supposer qu’ils furent raves. La faim n’a pas d’yeux et pas plus de conscience !

(Sources : Gallia Christiana. — Arnaud, Histoire du Velay. — Paradin, Histoire de Lyon.)

  • Il ne se vendait habituellement à cette époque que deux ou trois sols la mesure. C’était donc une augmentation de 80 à 90 pour cent sur le pris ordinaire.

Extrait de l’ouvrage :

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SUR

LES MONASTÈRES

DE LA SÉAUVE

BELLECOMBE, CLAVAS ET MONTFAUCON

THEILLIER, curé de Retournaguet

Evénements remarquables

Compétition de pouvoir et de dignité entre Marguerite de Saint Priest et Catherine de Crussol, qui rayait remplacée.

De tristes événements se passèrent à Bellecombe à cette occasion. Ils nous sont connus par des lettres de rémission, publiées dans les Tu blettes Historiques de la Haute-Loire n° 2, 1870, pages 76, 77 et suivantes. Toute analyse des documents, dit M. Dumolin, dans la Revue, ne ferait qu’en éteindre l’intérêt. Ils nous montrent les amis de Marguerite de Saint-Priest entrant, la nuit, pat surprise et par force, dans le monastère, la nourrit( abbesse jetée à la porte presque nue, errant dans la montagne, jusqu’au jour où de jeunes seigneurs, set parents, des Crussol, des Lastic, vinrent à leur tour, à coups d’arquebuse et l’épée à la main, la rétablir dans sa dignité. Ils nous montrent la jus lice locale procédant à des enquêtes compte du sang répandu ; deux familles puissantes continuant leur querelle devant le Parlement de Toulouse et les Crussol obligés de se prévaloir de leurs services pour obtenir du roi des lettres de rémission.

Des événements semblables ne sont jamais mieux racontés que lorsqu’ils sont présentés sous un demi—jour. Trop de lumière offusquerait la vue et ferait mal. Il y a, de plus, dans les trois lettres de rémission l’intérêt de la forme. Son originalité est loin de déplaire. Je ne me contente donc pas d’en donner une analyse. Je les donne textuellement :

RÉMISSION POUR LOYS, BASTARD DE POSOLA.

Charles, etc., sçavoir faisons, etc., nous avoir receu l’umble supplication de Loys Bastard de Posolx, contenant que le mardi, jour de ka­resme, prenant derrenièrement passé, le dit suppliant, Claude, bastard de Posolx, son frère, et Jehan de Montgirard (Montgiraud), demou­rantan lieu d’Aroles (Araules), assis au baillage de Velay, après ce qu’ils se furent esbastiei par aucun temps à tirer de l’arbaleste, se partirent du dit lieu de Aroles pour aler vers Katherine de Crussol, abbesse de Moustier et abbaye de Bellecombe, de l’Ordre des Citeaux, pour la reconforter et appaiser de certain empêchemen qui lui avait esté fait par un nommé Antoine de Mortmas dit Grimoard et autres, ses complices, lesquels à la requeste de Margueritè de Saint-Priest, Religieuse, avaient mis la dite Katherine de Crussol hors d’icelle abbaye, et tantostu après que les dits suppliants, Claude son frère et Jehan de Montgirard estant près de la porte de la dite abbaye, saillit hors d’icelle un More, nommé George qui tenoit une javeline en sa main et demouroit en la dite abbaye avec ledit Grimoard. Lequel George print noise et débat au dit Claude, frère du dit suppliant, pour causete de certaine hayne qu’il avait avéc icellui suppliant, et s’efforça de le frapper de la dite javeline, en reniant Dieu et Notre-Dame. qu’il tueroit le dit Claude et aussi le dit suppliant, son frère, et de fait eust tirés, si n’eussent esté aucuns qui survindrent au dit débat qui les des-partirent et tindrent le dit George jusques à ce que le dit Claude se Me d’illes eschappé et aussi y vint le dit Grimoard, accompaigné de plusieurs gens armés et embastonnés et fist au dit lieu de Aroles, s’en issit hors de la dite abbaye « avec une grosse arbaleste toute bandée et chargée d’un trait et s’en alla attendre le dit Claude à certain passage par où il devoit passer, en intention de lui tirer le dit trait et de le tuer et ainsi que icellui Claude et Jehan de Montgirard s’en alloient au dit lieu de Aroles, le dit suppliant qui n’avoit point esté au débat dessus dit mais estoit demouré audit village de Bellecombe, oy la noise du dit desbat par quoy il s’avança de s’en aller après les dits Claude, son frère etiehan de Montgirard, et ainsi qu’il s’en allait il vit le dit George qui tenoit la dite arbaleste toute bandée et suivait le dit Claude au long de mur tout couvertement pour le cuider frapper du dit trait, et incontinent le dit suppliant qui avoit pareillement une arbaleste, s’écria au dit Claude, son frère, qu’il se donnast garde ou qu’il estoit mort. Après le quel cri, le dit George se retourna vers le dit suppliant et tira son trait à l’encontre de lui, et ce voyant par le dit suppliant il tira aussi semblablement un trait à l’encontre du dit George et descendirent l’un contre l’autre, tellement que icellui suppliant attaignit de son trait le dit George par le col ou par l’épaule, un seul coup, du quel coup par faute de gouvernement ou autrement icellui George alla tantost après de vie à trèpassement. Pour occasion du quel cas, icellui suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du pays, auquel il n’oseroit bonnement retourner ni demourer si nostre grâce et miséricorde ne lui estoit sur ce impartie, humblement requérant, etc. Si donnons en mandement aux baillis de Velay et de Gévaudan, etc. Donné à Tours au mois de mars l’an de grâce mil cccc cinquante-trois.

(Archives Nationales, Trésor des Chartes, R. J. J. 182, n• 56, P

RÉMISSION POUR LOYS ET CHARLES DE CRUSSOL

Charles, etc., sçavoir faisons nous avoir receu l’umble supplication de nos bien-aimés Loys de Crussol, escuyer, seigneur du dit lieu et Charles de Crussol, son frère, contenant que long temps a et durant ce que Marguerite de Saint-Priest estoit abbesse de l’abbaye de Bellecombe au pais de Vivarais, pour la mauvaise vie qu’on disoit icelle Marguerite mener, elle fust d’icelle abbaye de Bellecombe deschargee et privée pour ses démérites.

Et après, les Religieuses d’icelle abbaye, elles voyant estre sans abbesse et gouvernement, se assemblèrent, et par la voix du Saint-Esprit eslurent en leur abbesse soeur Katherine de Crussol, soeur germaine des dits suppliants, de laquelle ellection icelle Katherine ne les dits suppliants ne seurent riens jusques à ce que elles l’envoyèrent quérir en, l’abbaye de Soyon sur le Rosne, où elle se tenoit et l’emmenèrent au dit lieu de Bellecombe, au quel lieu et à son arrivée, quant les Religieuses d’ icelle abbaye seu rent sa venue, vindrent audevant et la recourent comme leur abbesse et la mirent en possession et saisine et menèrent en l’église et pour telle l’ont tenue et réputée, et y a demouré un an ou environ, sans empeschement et jusques à ce qu’elle fust avertie que la dite Marguerite de Saint-Priest faisoit assemblée des gens pour la mettre hors par force.

 Et à cette cause, par vertu de nos lettres de sauvegarde, elle fist maintenir et garder en possession et saisine de la dite abbaye de Bellecombe, et au signe de ce fist en icelle mettre nos panonceaulx. Et content des quelles choses aucun temps après ung appelé Grumant accompagné de huit à dix hommes, vint en la dite abbaye de Bellecombe, et quant ils furent dedans entrés, prindrent la dite Katherine, soeur des dits suppliants, et lui dirent qu’elle s’en allast hors de la dite abbaye, laquelle répondit que non feroit et quelle estoit d’icelle abbaye et en la sauvegarde du Roi.

Et combien quelle ne leur dist on fist aucune autre chose, ce nonobstant, pour ce quelle ne s’en vouloit aler, ils la batirent et la traynèrent jusques à un degré et la geitérent du hault du dit degré en bas et la mirent hors d’icelle abbaye. Laquelle Katherine, abbesse dessusdi te , soy voyant ainsi oultrageusement et sur nostre sauvegarde batue et mise hors de notre abbaye, fust forte esbahye et non sans cause, et pour ce quelle ne savoit ou aller et estoit loing de ses amis, se mist chez ung bonhomme en ung petit hostel hors de la dite abbaye, où elle se tint six semaines ou environ durant lequel temps le dit Grunaut et ceux de sa dicte compagnie assortirent un canon contre l’hostel du dit bonhomme où elle estoit et tiroient toutes jours entour icellui hostel, et n’aloit personne de vers elle qu’ils ne s’essayassent de le blesser d’arbalestes ou de pierres. Laquelle Katherine, soeur des dits suppliants voiiant et cognoissant estre en tel danger, fist sçavoir aux dits suppliants l’oultrage qu’on lui avoit fait, sur nostre sauvegarde en leur priant et réquérant qu’ils lui envoyassent des gens pour la garder de plus grand mal. Les quelles choses venues à la cognoissance du seigneur de Crussol, desplaisant du grand oultraige et dérision que le d. Grunaut avoit fait à la d. Katherine de Crussol, mesmement sur nostre dicte sauvegarde, assembla Giraud Vernous, Jean, Bastard de Lastic, et autres compaignons et varlets jusqu’au nombre de quinze ou seize, non cuidans mesprendre, et les envoyer à sa d. soeur pour la garder et deffendre et leur défen dit, en partement, qu’ils ne feissent rien par force, mais s’ils povoient entrer en la d. abbaye sans bruit, qu’ils y entrassent, et que surtout ils se gardassent bien de faire effusion de sang. Lesquelles paroles dictes, les d. compaignons et varlets s’en alèrent au d. lieu de Bellecombe et ainsi qu’ils voulurent entrer en la maison où estoit la d Katherine de Crussol pour la garder, ceulx qui estoient en la d. abbaye leur commencèrent à tirer d’arbalestes, et leur faire « guerre sans ce que les d. compaignons leur demandassent riens.

Et lors iceulx compaignons voyans qu’on leur couroit sus et que c’estoit à bon essient, ils coururent à la porte d’icelle abbaye et s’efforcèrent la rompre, et ce voyant, le dit Grunaut se mist à. descendre un carreau qui estoit sur la porte de la d. abbaye et en combatant fust frappé d’un trait par la gorge, dont il mourut. Après lequel coup donné, les d. compaignons entrèrent en la d. abbaye.

Et depuis les choses dessus d. devenues à la cognoissance des d. suppliants et que lesd. compaignons qui avoient esté envoyez à leur dicte sœur estoient entrez à la dicte abbaye par force, ils en furent très-despiaisants et d’eulx mal contents.

Et combien que le cas ainsi advenu n’eust esté fait de leur vouloir, advenu et consentement et aussi que les d. Girard, Vernous et Bastard de Lastic n’aient fait le d. coup et meurtre, mais leur déplait ce nonobstant pour occasion d’icellui cas fast piéça faut faire informations par certains nos commissaires et refformateurs par nous envoyés au d. païs à l’encontre des d. suppliants, lesquels furent adjournés à comparoître en personne, sous peine de bannissement et de confiscation de corps et de biens et bannissement de nostre Royaume, de laquelle déclaration de confiscation et bannissement de nostre Royaume ainsi faistes par les d. commissaires et refformateurs les d. suppliants eulx sentant grevéz, appelèrent lors en nostre court de Parlement de Tholose.

Et depuis quatre ans ou environ est la chose demourée en l’estat.

 Et jusqu’au XXVIIIme jour d’octobre der-renier passé que nostre procureur général en nostre court de Parlement à Tholbse les a fait de rechef, à l’occasion des choses dessus dites adjourner, à comparoir en personne et tend à l’encontre d’eulx à les faire bannyr de nostre Royaume et, par deffaulx, à la confiscation de leurs corps et biens, à l’occasion desquelles les d. suppliants et les d. Je’-an Bastard de Lastic et Yernous, doubstant qu’on voulist procéder à l’encontre d’eulx et rigueur de justice, se sont absentés du païs et n’y oseroient plus converser ne repparer se noz grâce et miséricorde ne leur estoient sur ce imparties se comme ils nous ont fait remonstrer requérant humblement, etc.

Si donnons en mandement par ces mêmes présentes à nos aurez et feaulx conseilliers les gens tenant et qui tiendront nostre d. Parlement à Tholose….

 Donné à Bourges, au mois de janvier, l’an de grâce XCCCC soixante.

(R. J. J. 192, n° 62, p. 36L).

RÉMISSION POUR LOYS DE CRUSSOL, CHARLES DE CRUSSOL ET TROIS AUTRES.

Loys, etc., à tous ceux qui ces présentes verront, salut, l’umble supplication de nostre ami et seul chevalier, conseiller et chambellan, Loys, seigneur de Crussol, Charles de Crussol, seigneur de Baudiné, son frère, à présent nostre escuyer d’escurie, Guirault de Vernous, Jehan Bastard de Lastic, escuyers et Brémond de la Fons, serviteur dudit  Loys, seigneur de Crussol, avons rocou mutinant que ja piéça, pour ce que la seigneurie et temporalité de l’abbaye de Bellecombe estoit et est tenue, comme l’en dit, à foy et hommage de nous à cause de nostre comte de Valentinois, et sous le ressort d’icelle comté, nous comme dauphin de Viennois, comte de la dite comté de Valentinois, ordonnasmes à facuité de hommaige et de recognoissance, icelle temporalité estre saisie et mise en nostre main, et en signe d’icelle mainmise nos penonceaulx et bastons armoréz des armes de nostre d. Dauphiné estre mises et apposées sur les places, juridicions et seigneuries temporelles de la dite abbaye, et pour ce que à cause de la possession et jouissance d’icelle abbaye estoit lors question et procès en la cour de baillage de Vellay entre soeur Katherine de Crussol d’une part, et sœur Marguerite de Saint-Priest d’autre part. Auquel procès la dite Katherine de Crussol avoit obtenu, ou par aucun temps après obtint appointerrent en ordonnance à son profit touchant la récréance du possessoire, ung nommé Antoine de Martmas (probablement Martinas) dit Grimoard, soy disant et portant serviteur et procureur de la d. Marguerite de Saint-Priest, s’efforça en faveur d’icelle Marguerite, de tout son pouvoir empescher l’exécution du d. appointement et de faire et de donner à lad. Crussol plusieurs autres, grands troubles et empeschement par plusieurs et divers moïens exquistant par voie de faulseté comme par voie de fait.

 Et spécialement par parvenir à ses aitamités (extrémités), et à son intencion fist ou fist faire malicieusement un mandement portant auquel mist et apposa ou fist mestre et apposer du consentement de la d. Marguerite, ou autrement, un scel royal, par lui osté de la queue d’un mandement autreffoiz obtenu de la Chanceilerie de nostre très chier seigneur, dont Dieu ait l’âme et en icellui mandement ainsi par lui scellé fist contraffaire et falsifier le nom et signet de nostre aimé et foui notaire et secrétaire, maistre khan Malusson, lors secrétaire de nostre dit feu seigneur et père, par vertu, duquel mandement et de faulseté, dessus de la d. Marguerite de Saint-Priest et le dit Martinas s’efforcèrent et voulurent expeller et débouter la dite soeur Katherine de la dite abbaye et de la priver de la dite possession et joissance. Mais à cause de la dite faulseté qui lors fut cogneue et aitainte, le dit de Martinas fust pris et saisi au corps et mis en prison du d. baillage de Vellay. Esquelles prisons cognent et confessa le cas et crime de la dite faulseté, ainsi que, par procès sur ce faist, l’en dit de ces choses et autres plusieurs à plain appareil…

 Et depuis trouva icellui de Martinas moïen d’éschapper ou évader les dites prisons. Après laquelle évasion, c’est assavoir au mois de janvier mil cccc cinquante quatre, se transporter de nuist en la d. abbaye de Bellecombe, accompaigné de gens arméz et embastonnéz de harnais invasibles et deffendus, lesquels mirent et firent ouverture de la muraille et forteresse de la dite abbaye , et de faist et par emblé entrèrent et saisirent de la place et forteresse, prindrent la dite Katherine de Crussol, abbesse de la dite abbaye, en son lit, la firent relever, ensemble ses Religieuses et servantes, et trèsvillainement les deschaussèrent et mirent hors de la dite abbaye et forteresse, apprindrent et aveioe appliquèrent à eulx tous les biens de la dite abbaye et d’iceulx firent à leur plaisir et volonté.

 Et néantmoins, en contemps, mespris et irrévérence de nous levèrent nos panonceaulx armoréz de nos armes, comme dit-est, et iceulx abatirent et jeitèrent du hault de la forteresse jusques du plus bas, dirent avec ce plusieurs injurieuses et deshonnètes paroles et firent plusieurs autres grands exploits, maléfices et excès. Pour raison desquels la dite Katherine de Crussol recourut à justice et obtint lettres sur la réparation des dits excès et sur la punition des coupables. Pour lesquelles lettres faire meitre àexéc ion fusmes requis de bailler gens pour accompaigner le commissaire à exécuter d’icelles, tant pour le faire tenir seur de sa personne que pour lui faire prester obéissance en justice, attendre la voie de faist dont usoit le dit Martinas et ses complices.

 Et à cette cause furent par nous et nostre ordonnance et adveu envoyéz les dits suppliants et les autres en leur compaignie au dit lieu de Bellecombe, auquel lieu trouvèrent le dit de Martinas tenant et occupant la dite abbaye et forteresse garnie et fournie d’arbalestes, traits et artillerie résistant et usant tousiours de voie de fait.

 Et combien les dits suppliants et autres ainsi que dit est, par nous envoyéz, n’eussent intention ni commandement de nous faire commettre aucun cas digne de répréhencion, néantmoins à cause de certaines parolles contragieuses et injurieuses qui leur furent mues et suscitées entre le dit de Martinas et un nommé Bardolet Gaston, espécialement à cause de la motion de nos armes et panonceaulx et sur l’injure, mespris et oultrages que nous avoit faist icellui de Martinas, le dit Bardolet, eschauffé et émeu et défait, banda une arbaleste qu’il avoit et tevoit en ses mains, tira contre le dit Martinas, par le moïen duquel trait, icellui de Martinas à faulte de cure et suregiens ou par son mauvais gouvernement ou autrement aller de vie à trespassement, dont les dits suppliants et plusieurs autres do leur compaignie furent des-plaisants et courroucés. Soubs ombre et couleur du quel cas, que dit est devenu par deffortune, la dite sœur Marguerite de Saint-Priest et autres parens et amis du dit de Martinas, ont de pièces pour leur (aulx donné entendre ou autrement en taisant la vérité du cas et les forfaits, oultrages et démérites du dit Martinas, obtenu ou fait obtenir au nom de nostre procureur ou autrement adressant à maistre Pierre Varnier, Jean le Bault, Herbert Malenfant et Loys de la Vernande, eulx disans lors commissaires refformateurs de par nostre dit seigneur et père au païs de Languedoc, par vertu des quelles lettres et impétracions les dits suppliants et autres de leur dite compaignie ont esté, comme l’en dit, plusieurs et divers fois adjournés à leurs domiciles et appellés à haulte voie, à son de trompe et par cry publiqueme nt, à comparoir personnellement par-devant iceulx commissaires refformateurs et aussi en nostre court Parlement, et ont esté donnés et obtenus contre eulx plusieurs deffaulx et coutumaces en leur absence et eulx estans en nostre service, et doubtent de présent iceulx suppliants que, tant à cause d’icellui cas ainsi que dit est, advenu et commis par fortune ou autrement en la personne du dit Martinas, comme à cause des dits adjournements, contumaces et deffaulx donnés et obtenus en leur absence et jusqu’à bannissement de leurs personnes exclusivement, comme l’en dit, nostre dit procureur, ou autres leurs ennemis ou autres leurs adversaires, voulissent ou veuillent tendre et pour suivre ores pour le temps advenir, à leur faire ou faire faire et donner soubs ombre et couleur de justice ou autrement, aucun arret ou arrets, troubles ou empeschements en corps et en biens pour quelque cause.

Et pour nostre joyeulx advenement à la couronne de France, nous ont iceulx supplians, très-humblement supplié et requis nostre provision, grâce et miséricorde leur estre sur ce impartie, sçavoir faisans que pour considération des services à nous fais par les dits supplians, lesquels avons à parfaite mémoire, en faveur aussi de nostre joyeulx advenement et espécialement pour que les dits supplians et autres nos serviteurs avoient esté et furent en nostre dite ordonnance, commandement et adveu envoyéz au dit lieu de Bellecombe, lorsque le dit cas fut par le dit Bardolet Gaston commis et perpétré, et pour autres considérations à ce nous mauvais icelluy cas, crime et malifice, ainsi que dit est, fust commis et perpétré par Bardolet en la per«    sonne du dit de Martinas, ensemble toute offense, peine, amende corporelle ou civile, en quoy les dits supplians pouroient, par aventore avoir esté ou estre encourus envers nostre dit seigneur et père ou envers nous et justice pour et à cause de ce que le dit Bardolet auvoit commis et perpétré icellui cas en compaignie d’aucuns des dits supplians, avons, de nostre grâce espéciale, pleine puissance et autorité royales, dont nous usons en ceste partie, et nostre puissance et autorité royales, tous les procès, adjournemens,deffaulx et esploits et tout ce qui s’en est ensuivi en absence d’iceulx supplians et eulx estans en nostre service.

Avons annuités et abolis, anullons et abolissons et meitons du tout au néant par ces mesmes présentes et iceulx supplians avons restitués et restituons à leurs bonnes fames et renommér,s au païs et à leurs biens non confisqués, en imposant sur ce silence perpétuel à nostre procureur présent et à venir.

 Si donnons en mandement par ces dites présentes à nos amis et feaulx conseillers les gens tenant ou qui tiendront nostre dit Parlement à Tholose et à tous autres, etc.

Donné à Amboise, le septiesme jour d’octobre, l’an de grâce mil CCCC. soixante et ung.

(R. I. J. 191, n• 48, 44.)

Extrait de l’ouvrage :

NOTES HISTORIQUES

SUR

LES MONASTÈRES

DE LA SÉAUVE

BELLECOMBE, CLAVAS ET MONTFAUCONTHEILLIER, curé de Retournaguet

Fondation  de l’Abbaye de Bellecombe

Fondateurs et Bienfaiteurs.

Autrefois comme aujourd’hui, généralement parlant, un monastère ne se fondait pas sans la participation des âmes bienfaisantes. Il fallait d’abord construire une maison propice pour le but qu’on avait en vue, puis la doter de fonds suffisants pour l’entretien du personnel qui devait l’habiter, la protéger enfin contre les agressions auxquelles elle pouvait être exposée. C’était là l’oeuvre dont se chargeaient les fondateurs et les bienfaiteurs. Vers le XIIe et le XIIIe siècle, surtout, il y eut sous ce rapport, dans l’Europe entière, mais surtout en France, un élan vraiment remarquable. De toutes parts s’élevèrent des monastères qui, presque tous, appartenaient à l’Ordre de Citeaux. Il n’en est peut-être pas un qui n’ait été l’oeuvre de quelque famille puissante. La noblesse française se distingua, entre toutes, sous ce rapport. Elle se fit gloire de participer aux édifications de ce genre.

Les rois eux-mêmes voulurent y prendre part, et quand ils y prirent part, ils le firent en rois.

Des considérations humaines furent-elles, quelquefois, le mobile qui poussa à de pareilles oeuvres? C’est possible. Au titre de fondateur étaient attachés des privilèges honorifiques qui pouvaient bien, en certains cas, être la raison déterminante. D’ailleurs, au moment ou commença l’Ordre de Citeaux, les croisades duraient encore. Ces guerres lointaines durent faire bien des orphelins.

En fondant des couvents on créait évidemment des lieux d’asile pour les recevoir. Ce point de vue dut, sans nul doute, faire impression sur plus d’un coeur généreux. Sous d’autres rapports, au reste, soit relativement à la famille, soit relativement à la société, les monastères n’étaient pas sans quelques avantages. Il n’est donc pas invraisemblable que de pareils motifs aient été, auprès de certains fondateurs, de vrais motifs déterminants de leur munificence à cet égard. Quoiqu’il en soit, on ne peut nier que, presque toujours, le mobile principal n’ait été l’esprit de foi qui régnait alors. On l’a dit et on peut le répéter avec raison : le XIe siècle et les siècles suivants ont été des siècles où la croyance aux vérités évangéliques était profondément gravée dans les âmes. C’était cette conviction profonde qui polissait l’Europe entière contre le Mahométisme,qui était maitre des Lieux Saints; c’était cette conviction qui élevait ces églises: qui nous étonnent aujourd’hui par la grandeur de leurs proportions et par la beauté de leur structure, c’était le même esprit de foi qui poussait à établir, pour l’innocence, des maisons de paix et de prière.

D’après la croyance générale, ce fut à une famille puissante du Velay que Bellecombe dut son établissement. Le monastère fut fondé par les seigneurs de Chalencon, en Velay.

Un moment, des doutes s’étaient élevés dans mon esprit sur la vérité de l’affirmation que je viens d’émettre. Il y avait, dans le Haut-Vivarais, une baronnie du même nom, la baronnie de Chalencon. C’était l’une des plus honorifiques, ‘des plus étendues du Languedoc. Elle relevait entièrement de la couronne de France et possédait sous sa mouvance, dans le Velay, les baronnies de Queyrières, de Devesset, de Roche-en-Régnier, les seigneuries du château et de l’abbaye de Bellecombe, de Cublaise, de Vielharmat, Montusclat, enfin les prieurés de Chambon et Versilhac.

Le baron de Chalencon avait la facilité de se retirer dans le château de l’abbaye de Bellecombe, de jour et de nuit, en temps de paix ou da guerre, mais à ses dépens. Il avait droit, à chaque mutation de seigneurs ou d’abbesses, d’y faire dresser sa bannière pendant trois jours, en signe de supériorité.

Ces diverses circonstances, jointes à cette autre, que je n’ai jamais vu nulle part la preuve de la fondation du monastère par les Chalencon du Velay, m’avaient jeté dans une certaine perplexité. Dans l’impossibilité d’éclaircir la question, j’admets la croyance commune.

L’origine des Chalencon du Velay se perd dans la nuit des temps. On ne sait d’où ils venaient et ce qu’ils furent avant le XIe siècle. Le premier, dont l’histoire nous a conservé le nom est Ebrard, sire de Chalencon, rappelé dans une charte de Guillaume de Baffle, évêque de Clermont, de 1095 à 1101, par laquelle ce prélat donna au monastère de Sauxillange l’église et le lieu de Viverol, ainsi que la terre du Puy, et, en outre, un marché qui se tenait, autrefois, à, Usson, et que Guillaume de Baffle avait acquis d’Ebrard de Chalencon.

Pons, sieur de Chalencon, est mentionné, dans la chronique de Raymond d’Aiguilles, au nombre des chevaliers qui accompagnèrent Raymond de Saint Gilles, comte de Toulouse, à la première croisade, en 1096.

Bouillet affirme, sans hésiter, que la maison de Chalencon était une des plus anciennes et des plus puissantes du Velay et qu’elle avait pris son nom de l’antique château de Chaton-con. On voit encore les ruines de ce vieux castel dans les bords encaissés de l’Anse, entre Saint-André-de-Chalencon et Tiranges.

Les sieurs de Chalencon devinrent maîtres, à diverses époques, de Beaumont, de Chassignols, de Boutonargues, d’Ambert, de Craponne et de Rochebaron, en Forez .

La maison de Chalencon se fondit avec celle de Polignac par le mariage que contracta Guillaume XI, baron de Chalencon, en 1349, avec Walpurge de Polignac, héritière de sa famille. Guillaume fut fondateur de la seconde race des vicomtes de Polignac, existant de nos jours. Cette succession, dit Bouillet, fut contestée par d’autres prétendants et ne fut définitivement fixée dans la maison de Chalencon qu’en 1464.

Le petit-fils de Guillaume II et de Walpurge de Polignac devint baron de Rochebaron, vers la fin du XVe siècle, par son mariage avec Antoinette de Rochebaron, héritière de cette maison. Cette branche paraît avoir fini vers 1650, après avoir formé des alliances avec les maisons de Brion, de la Tour-Montgascon, de Lévis-Ventadour, d’Estrabonne, des Serpents, d’Aubigny, de Rostaing, de Fondras, de Pierrefont, la Roue et d’Apchon, etc., etc.

Avant d’échanger son nom contre celui de Polignac, la maison de Chalencon comptait, parmi ses membres, trois évêques du Puy, un évêque de Rodez, huit chanoines, comtes de Brioude, et avait ‘contracté des alliances, entre autres, avec les maisons de Saint-Nectaire, de Mentmorin, de Roche-en-Reygnier, d’Allègre, des Dauphins d’Auvergne, de Joyeuse, etc., etc.

Le plus célèbre des quatre prélats de cette famille fut, sans contredit, Bertrand de Chalencon, évêque du Puy. Il fut le principal bienfaiteur de Bellecombe. Ainsi que je l’ai dit déjà, ce fut lui qui opéra la translation du monastère du Suc-Ardu à Bellecombe.

Bertrand était abbé de Saint-Michel lorsqu’il fut promu à l’épiscopat. On ne connaît pas l’année de sa promotion.

Odo de Gissey se plaît à constater qu’il vécut toujours en parfaite intelligence avec la maison de Polignac dont, cependant, les démêlés avec les évêques du Puy furent si fréquents à diverses époques. Il constate encore qu’il reçut, en 1213, un hommage de la terre de Polignac, ce qui lui fait présumer que le comté de Velay était déjà uni à la mitre de Bertrand. Le même auteur affirme que notre évêque s’acquit, par son rare mérite, l’amitié de ce que tout son siècle avait d’illustre

Arnaud, dans son Histoire du Velay rapport assez au long la guerre qui eut lieu contre les Albigeois, et pendant laquelle s’effectuèrent la prise et le sac de Béziers. Bertrand prit une part très-active à cette guerre, à la tête des troupes fournies par le diocèse du Puy. Ce fut en 1243 que mourut Bertrand de Chalencon. Il voulut que ses cendres reposassent à Bellecombe. Ses dernières volontés furent rigoureusement respectées. Il fut enseveli dans l’église même du monastère, au milieu d’un grand concours de prêtres et de fidèles qui s’étaient empressés de venir rendre leurs derniers devoirs au premier pasteur du diocèse.

Extrait de l’ouvrage :

NOTES HISTORIQUES

SUR

LES MONASTÈRES

DE LA SÉAUVE

BELLECOMBE, CLAVAS ET MONTFAUCON

THEILLIER, curé de Retournaguet

l’Abbaye de Bellecombe

Fondation 1er monastère du Suc-Ardu

Monastère du Suc-Ardu. — Epoque de sa fondation. —Sa a translation è Bellecombe. — Motifs de cette translation. — Par qui fut-elle opérée? — Bellecombe. –

Description des— Monastère. — Chapelle.

L’Abbaye de Mazan, en Vivarais, existait depuis une vingtaine d’années lorsque les moines qui l’habitaient songèrent enfin à former des maisons qui fussent sous leur dépendance et de leur filiation. C’était dans la première moitié du XIIe siècle et au moment où l’ordre de Citeaux commençait à fonder des monastères pour les femmes. Il n’en existait qu’un seul lorsque fut fondé celui qui fait l’objet de cette étude : c’était celui de Fervaques, dans le diocèse de Noyon. La fondation de ce dernier était encore toute récente et ne datait guère que de 1140.

Sur la demande qui leur en fut faite, les moines de Mazan envoyèrent des inspecteurs l’effet de choisir un premier emplacement dans les montagnes du Velay. Après plusieurs jours. de pérégrination et de recherches, ils crurent avoir trouvé un lieu propice au but qu’ils avaient en vue. Le lieu choisi leur sembla répondre aux exigences de la règle sur ce point. Il était situé sur l’une des chaînes du Meseing, sur la montagne du Mégal, dans un des vallons affreusement déserts qui la sillonnent en divers endroits. Le lieu une fois déterminé, et les autres préliminaires exigés en pareille circonstance une fois remplis, on se mit à l’oeuvre pour la construction du monastère. Les travaux marchèrent rapidement et la maison put être habitée dés 4148. D’après les quelques décombres qui se voient encore aux pieds du Suc-Ardu, il est aisé de se convaincre qu’elle occupait une superficie assez restreinte.

Il ne serait pas sans intérêt de savoir quelles furent les premières Religieuses qui habitèrent la première abbaye, d’où elles venaient, quelles furent les fêtes célébrées à l’inauguration de ce premier monastère de Bernardines, fondé dans le Velay. L’histoire se tait ici et ne dit rien. Le Gallia Christiana ne donne que le nom de baptême de la première prieure qui gouverna la maison. Elle s’appelait Elisabeth. Ce fut sous elle que les possessions du couvent furent confirmées par le pape Eugène. III. Cette confirmation fut donnée à Rheims, aux Nones d’avril 1148.

Sous bien des rapports, la position choisie satisfaisait pleinement aux exigences de la règle de Citeaux. Elle se trouvait à la distance voulue de tout monastère d’hommes du même ordre, c’est-à-dire à plus de six lieues. Loin du fracas des villes, sur une montagne isolée, dans un lieu affreusement désert, elle était singulièrement propice à la méditation des vérités saintes. Sous d’autres points de vue, elle était entièrement défavorable. Le climat était froid outre mesure, son éloignement de tout centre d’habitation rendait les approvisionnements très-difficiles, le cours d’eau le plus voisin était d’une insuffisance marquée pour l’entretien d’un moulin, accompagnement obligé de toute abbaye cistercienne. Les fondateurs n’avaient pas compté non plus avec les bêtes féroces, fort nombreuses à cette époque dans notre Velay. Il fallut bien cependant en tenir compte, enfin, quand plusieurs serviteurs et plusieurs servantes eurent disparus sous leurs dents meurtrières. Dom Estienot (lit que ce fut là une des raisons les plus puissantes qui firent opérer la translation,

Quia lupi et alfa fera vorabant aliquando familiares et servos et al-teillas.

Le moment vint enfin de déserter des lieux aussi inhospitaliers, et soixante ans après sa fondation, vers 1210, le monastère fut transféré du Suc-Ardu à Bellecombe. Cette translation fut, en grande partie, l’oeuvre de Bertrand de Chalencon, qui était alors évêque du Puy, et dont nous parlerons encore dans un des chapitres suivants.

Le nouvel emplacement avait tous les avantages du premier sans en avoir les inconvénients. Admirablement abrité contre les vents glacés du Nord, il est dans un climat respectivement plus doux. Il y a un petit ruisseau de l’eau la plus limpide et qui, à l’avantage de ne dessécher jamais, joint celui non moins inappréciable de renfermer les truites les plus délicates. On voit soudre, à deux pas du monastère et sur le penchant de la colline, un grand nombre de sources plus que suffisantes pour les divers besoins des Religieuses. On n’était plus qu’à une lieue d’Yssingeaux, qui était, dès cette époque, un centre assez considérable d’habitations.

Les alentours sont loin d’être sans charmes. On aime à voir ce petit vallon, si bien cultivé, si bien boisé, si riant, qui, prenant naissance au Mont-Mégal, va s’éteindre au Lignon. Au Levant, on aperçoit le Suc-d’Achon qui lève bien haut sa cime dépouillée de toute espèce de végétation et qui, à ses pieds, est environné, dans la plus grande partie de son pourtour, de beaux arbres qui lui font comme un soubassement de verdure. Au Nord et sur la route d’Yssingeaux, le Suc des Ollières, non moins élevé et tout aussi pittoresque que le premier, semble placé là comme sentinelle avancée pour la défense de l’Abbaye. Sur la même ligne et en tirant au Couchant, apparaît le Mont des Aiguilles avec ses rocs distincts et isolés qui lui ont si bien mérité son nom. Au Couchant se dessine la longue chaîne du Mégal, qui occupe toute cette partie de l’horizon et dont on ne voit que les arbres qui le peuplent dans la presque totalité de son étendue.

C’est là, au fond de ce vallon et au milieu de cette nature pittoresque et vraiment remarquable, que se trouvait placé le monastère. I1 n’y a plus aujourd’hui que des ruines et des décombres. Elles sont cependant assez distinctes encore pour qu’on puisse se faire une idée de ce qu’était la construction d’autrefois.

Les bâtiments formaient un quadrilatère parfait. La partie Nord était occupée par l’église, dont la grandeur dépassait certainement les besoins de l’abbaye. Elle n’avait pas moins de mètres de long sur 16 de large. C’était une superficie d’au moins 500 mètres carrés. Combien de paroisses de 1,200 à 1,500 âmes qui n’ont pas une église aussi vaste ! Cette étendue s’explique quand on sait que Bellecombe et les villages voisins appartenant à Yssingeaux sont, au moins, à 5 kilomètres du chef-lieu de leur paroisse et qu’ils étaient autorisés à satisfaire au précepte d’entendre la messe dans la chapelle même du couvent. A certaines fêtes, et quand avaient lieu certaines solennités particulières, une prise d’habit, par exemple, une profession, elle était comble malgré son étendue. Dans ces occasions, on s’y rendait de tous les alentours. La noblesse des environs surtout se faisait une gloire de rehausser par sa présence les cérémonies religieuses qui s’y produisaient dans ces circonstances et autres semblables.

Par les ruines qu’on voit encore, il est impossible de se faire une idée exacte de l’édifice. Il n’en reste que les fondations et des pans de murs informes. Comme elle fut construite vers le commencement du XIIe siècle, il est très-probable qu’elle était dans le style de transition. Ce serait s’aventurer dans l’inconnu que d’aller plus loin sur cette question.

La sacristie était placée au nord. On voit encore, au moins, 2 mètres de ses murailles intérieures. Ces murs étaient en pierres de taille parfaitement et uniformément appareillées.

Devant la porte d’entrée de la chapelle se trouvait une plate-forme qui est bien dessinée parmi les ruines qui l’environnent. C’était là que l’assistance attendait le moment de l’office ou de la cérémonie qui la réunissait.

Le rez-de-chaussée, du côté du levant, était occupé par les cellules de chaque Religieuse. Ces cellules étaient uniformes, soit pour la grandeur, soit pour l’agencement intérieur. Elles avaient toutes une fenêtre donnant au dehors du monastère, mais sur les propriétés adjacentes et qui étaient elles-mêmes soigneusement clôturées de murs, et chacune de ces ouvertures était garnie de barreaux en fer et barrait le passage aux profanes qui auraient tenté de pénétrer dans les cloîtres, ou aux Religieuses qui auraient voulu enfreindre la clôture. On ne pouvait entrer dans les cellules qui formaient ce qu’on appelait les cloîtres que par une seule porte qui s’ouvrait sur la Cour intérieure. Il était difficile que les Religieuses, une fois enfermées dans leurs cases respectives pussent se mettre en rapport entelles. Les séparations étaient de simples murailles qui n’avaient pas moins de deux pieds d’épaisseur.

Au couchant se trouvait la maison abbatiale. C’étaient les appartements qui servaient d’habitation à l’abbesse.

On est assiégé de diverses pensées lorsqu’on-visite Bellecombe et ses alentours. C’est  là, dans ce coin solitaire, sur les bords riants de ce petit ruisseau, au milieu de cette nature si pittoresque que, pendant plus de six cents ans, sont venues se réfugier les enfants des familles les plus distinguées du Velay et des provinces voisines. Dégoutées des joies du siècle, repoussées peut-être, par leurs familles ou par le monde, elles ont passé là leur vie dans la solitude et la prière, méditant les vérités saintes et ne s’occupant que de la vie future… On ne voit plias venir, comme autrefois, à certains jours fixés, une foule de pauvres dans le sein desquels les Cisterciennes de Bellecombe versaient, à pleines mains, leurs largesses. Il n’y a plus, au bas de cette colline, les coeurs bienfaisants qui y étaient autrefois. Leur demeure n’est qu’un amas de ruines. Les cultivateurs n’accourent plus aux jours de solennité et de fête. Le lieu saint qui leur donnait asile, où ils assistaient à l’oblation sainte et d’où ils faisaient monter leurs prières jusqu’à Dieu, a disparu sous le marteau des démolisseurs. Plus de ces pompes funèbres qui avaient lieu quelquefois quand on apportait à sa dernière demeure, au milieu d’un grand concours de peuple, le seigneur, le chevalier, le baron qui avait eu soin d’élire sa sépulture au monastère ; plus de ces visiteurs tout chamarrés d’or qui venaient ou faire hommage à l’abbesse de leurs terres, ou voir un membre de leur famille enfermé dans le cloître. Le vallon de Bellecombe est silencieux aujourd’hui, solitaire. Il y a là une grande ruine : on la visite, l’âme remplie de cules ces pensées, et c’est le coeur serré qu’on se retire en leur disant adieu,

(Sources : la Gaule chrétienne. — Dom Estieno — Divers titres manuscrits.)

Extrait de l’ouvrage :

NOTES HISTORIQUES

SUR

LES MONASTÈRES

DE LA SÉAUVE

BELLECOMBE, CLAVAS ET MONTFAUCON

THEILLIER, curé de Retournaguet

Mobilier ancien, non vendu en 1790, et chapelle

Les meubles et la chapelle ayant été exceptés de la vente ci-dessus relatée, je ne crois pas sans intérêt de faire connaître ces divers objets qui existent encore.

La chapelle est, je crois, à peu près ce qu’elle a été de tout temps. Restaurée après l’incendie qui la détruisit pendant les guerres religieuses et dont je parlerai plus tard, elle le fut sur le même plan, ou plutôt elle ne le fut que dans ses parties accessoires, et non dans ses murailles, que le feu n’avait pas démolies.

Même après l’éloignement des religieuses, elle continua de servir au culte. Avant de quitter Clavas, nos Cisterciennes voulurent que le service divin y fût toujours célébré. Elles constituèrent à cet effet une rente qui devait être servie au prêtre chargé des fonctions saintes. Nul qu’elles n’avaient droit de le désigner et de le choisir, sauf l’approbation de l’ordinaire.

 Ce fut ainsi que, pendant leur absence, le saint sacrifice y fut célébré jusqu’aux mauvais jours, au grand contentement des populations environnantes. Clavas étant devenu succursale en 1826, la chapelle du monastère fut trouvée suffisante et servit d’église paroissiale. Elle n’a pas d’autre destination aujourd’hui.

Sa longueur est de seize mètres et sa largeur de huit métres. Le choeur est un carré parfait de six mètres de tous les côtés. De telles proportions étonnent pour une chapelle de monastère, mais on les comprend quand on sait que tous les habitants voisins de l’abbaye avaient droit d’assister aux offices divins qui se célébraient là les dimanches et fêtes; quand on sait surtout que de grandes et solennelles cérémonies avaient lieu dans la chapelle dans certaines circonstances, comme celles d’une prise d’habit, d’une profession, de la bénédiction et de l’installation d’une abbesse. Le lieu saint était alors trop étroit et ne suffisait plus à la foule.

La porte d’entrée n’a de bien remarquable qu’un écusson en pierre, d’à peu près un mètre carré, où se trouvent artistement sculptées les armes de la famille de Chaste : De gueules à deux clefs d’argent en sautoir, surmontées d’un écusson d’azur, à la fleur de lis d’or. — Supports : deux lions. Devise : Etiamsi omnes, ego non. — Couronne de baron.

Il existe dans l’intérieur de l’église un autre écusson représentant les mêmes armes, mais sans la devise ni les supports.

Cet écusson surmontait une porte qui mettait le lieu saint en communication avec l’abbaye. Même écusson sur la porte d’entrée du couvent des religieuses de la Croix. Cette porte est celle qui se trouvait à l’abbaye et qu’on a eu la bonne idée de conserver, quoiqu’elle n’ait rien de bien remarquable.

Une tribune de deux mètres de largeur occupait toute la partie méridionale et celle qui est à l’orient. C’était de là que les religieuses entendaient la messe et assistaient aux cérémonies qui se produisaient dans certaines circonstances solennelles, comme une prise d’habit, une profession, l’installation d’une abbesse. Il aurait fallu voir la foule qui remplissait la chapelle, quand ces occasions se présentaient! Toute la noblesse des environs était présente, chamarrée d’or, attentive aux diverses cérémonies liturgiques qui avaient lieu. Une famille occupait la première place; c’était colle de la jeune fille qui revêtait l’habit blanc de novice ou qui se consacrait à Dieu pour toujours par les trois vœux de religion; c’était encore celle de la religieuse trouvée digne de la crosse et qu’on installait en qualité d’abbesse.

Dans cette dernière circonstance, il y avait un déploiement particulier de tout ce que la chapelle possédait de plus riche. Los parents de la nouvelle supérieure assistaient à l’installation avec leurs plus beaux habits de fête, heureux et fiers de savoir une des leurs élevée au premier rang dans le monastère.

Le style de l’église est le roman. Il y existe pourtant une fenêtre en style gothique, qui est évidemment d’une date postérieure à celle de l’édifice. Elle doit être de l’époque où la chapelle fut restaurée après les désastres qu’elle avait subis. Elle est d’une assez belle facture, mais est malheureusement dissimulée, en partie, par le retable qui encadre l’autel. Ce retable est tel néanmoins qu’on ne regrette qu’à demi la base de la fenêtre. Il renferme trois compartiments; celui du milieu, où se trouve le tabernacle, est séparé des autres par deux magnifiques colonnes-torses, garnies de feuilles de vigne et de raisins depuis leur base jusqu’aux chapiteaux.

Les deux colonnes qui sont aux extrémités sont torses pareillement, mais dépourvues de tout ornement. Chacun des trois compartiments renferme une niche pour statues, et les deux des à-côtés, au-dessous de la niche, une coquille du plus bel effet. La corniche qui couronne le tout est parfaitement en rapport avec le reste. On me dirait que c’est là une oeuvre de Vanneau, que je n’en serais pas étonné.

Aujourd’hui la chapelle entière est tenue dans un état parfait de propreté. Cela fait honneur à la population, et cela fait l’éloge du prêtre qui régit cotte paroisse.

Ce dernier doit être à son aise et ne doit point trembler quand, à un moment de la messe, il dit à Dieu ces paroles du psalmiste Dilexi, Domine, decorem domus tuai.

Il reste encore pour l’usage de la chapelle quelques-uns des meubles qui ne furent point vendus on 1790. Ils méritent d’être signalés :

1° Un ostensoir en argent massif, assez simple dans son ornementation, mais d’une facture très correcte.

2° Un calice, argent doré, portant d’un côté les urines des de Chaste, et de l’autre un écusson mi-parti au 1 de Chaste et au 2 de….C’était là évidemment un cadeau de cette famille puissante, citée déjà et que je citerai encore dans les deux chapitres suivants.

3° Une cloche, du poids de 30 à 40 kilos, chargé de la date 1667 et des noms Mairie et Joseph.

Je signalerai ici encore les trois belles cloches qui accompagnent aujourd’hui celle que possédait autrefois l’abbaye. Je crois que dans le diocèse du Puy il y a peu de paroisses qui soient aussi riches que Clavas sous ce rapport, au moins parmi celles de minime étendue.

4° Deux reliquaires, style roman, en feuilles très légères, cuivre argenté, aujourd’hui vernis.

D’après une note insérée dans les registres de la paroisse, ces deux reliquaires renfermaient les reliques :

1° de saint Austregésile;

2° de sainte Barbe, V. et m;

3° de saint Amand, rn.

4° de saint Germain ;         

5° de saint Antoine, abbé;

6° de sainte Marguerite, v. et m;

7° de sainte Marie-Magdeleine;

8° do saint Blaise;

9° de sainte Constance ;

10° de sainte Faustin;

11° de saint Pierre, m;

12° de saint Sennen, m;

13° de saint Charles;

14° de saint Richard. De nos jours, ils renferment des reliques des quatre évangélistes, de sainte Cécile, de sainte Agnès, de sainte Catherine et de sainte Agathe.

Saint Austregésile est, de temps immémorial, particulièrement honoré à Clavas et dans toutes les paroisses voisines. On vient vénérer les reliques de ce saint, qu’on invoque spécialement pour la maladie des bestiaux. Il y a un grand concours de fidèles des diocèses du Puy, de Viviers et de Lyon, le jour de sa fête, qui tombe le 20 mai. Saint Austregésile, vulgairement Outrille ou Australe, était archevêque de Bourges et vivait au commencement du VIIe siècle.

5° Deux autres reliquaires en bois sculpté, avec têtes d’anges au pourtour, d’un assez bon travail. L’un renferme un os de sainte Optate, vierge et martyre romaine, avec patente du cardinal Gaspard de Carpineo, donateur de la relique, et un procès-verbal, signé par M. Armand Barret, Y. g. du Puy, qui en constate l’authenticité. L’autre contient des reliques de sainte Quitère, de sainte Catherine de Sienne, de sainte Félicité, de sainte Justine, de saint Clément, martyr, de Sainte Vincense et de saint Innocent.

Ma visite à Clavas, en 1879, avait sans doute pour but de visiter les lieux, de voir ce qui pouvait exister encore de l’abbaye, mais elle avait une autre fin. J’aurais voulu recueillir quelques documents sur les religieuses. J’ai été déçu dans mes espérances sous ce dernier rapport. Il n’y a rien de rien. Je suis revenu pourtant assez satisfait de mon inspection. J’en ai rendu compte tant bien que mal. J’ai l’espoir que le lecteur me tiendra compte de ma bonne volonté. N’est pas littérateur qui veut!

Extrait de l’ouvrage :

NOTES HISTORIQUES

SUR

LES MONASTÈRES

DE LA SÉAUVE

BELLECOMBE, CLAVAS ET MONTFAUCON

THEILLIER, curé de Retournaguet

Justice de Clavas

Tout le monde sait qu’avant la Révolution Française les justices étaient multipliées sur le sol ! La patrie. Chaque seigneur, chaque monastère avait sa justice. Les crimes et délits commis dans limites de leur terre étaient jugés au nom du seigneur et de l’abbaye, par le moyen d’agents préposés à cet effet. Chaque justice prenait le nom d’un château ou d’un monastère. On disait la justice, de la Faye, la justice de Clavas, la justice la Séauve, la justice de Feugerolles, etc., toutes n’avaient pas la même étendue d’attributions ; dans les unes il y avait les justices haute, moyenne et basse; dans d’autres il n’existait que les deux dernières.

L’existence de la juridiction de Clavas n’est pas contestable. Elle est au reste formellement affirmée dans plusieurs titres.

Il serait difficile de donner les limites exactes de cette juridiction. Elles peuvent avoir varié. Sonyer Dulac, dans ses Fiefs du Forez, nous la fait connaître jusqu’à un certain point : « La justice de Clavas, dit-il, s’étend sur partie des paroisses de Riotord, Marlhes et autres, en Forez et dans le Velay. — Le bailli de Velay, ajoute-t-il, a donné une attestation, le 17 juin 1410, que l’abbesse de Clavas a, dans le mandement de la Faye, la justice et la juridiction sur les lieux de Grésière, de Hauteville, de Verne, de la Coste, de Labourier, de Prélagier, du Champs du Coin, de Rapoère, de Richenier, de Reclunet et leurs dépendances.

Etablie dans les premiers temps du monastère, la justice continua à être rendue, au nom des religieuses, après leur réunion avec celles de la Séauve, jusqu’à la Révolution, époque où ce régime disparut, comme beaucoup d’autres choses, pur faire place à nos justices de paix cantonales.

Extrait de l’ouvrage :

NOTES HISTORIQUES

SUR

LES MONASTÈRES

DE LA SÉAUVE

BELLECOMBE, CLAVAS ET MONTFAUCON

THEILLIER, curé de Retournaguet

Les Abbesses de Clavas

Première abbesse. — JOUSSERANDE.

La Gaule chrétienne ne donne pas d’autre nom et n’ajoute qu’une date, 1259. Rien sur sa famille, sur l’époque de sa prise de possession, sur sa mort. On serait tenté pourtant de croire qu’elle n’était pas étrangère à la famille qui posséda la baronnie de Saint-Didier. 11 y a eu dans cette maison un certain nombre de membres qui ont porté le nom de Jousserand. Serait-il impossible qu’une fille eût été ainsi dénommée.

Ce fut probablement sous elle et contre elle que Guy, troisième du nom , père de Béatrix d’Argental, fit rendre, vers 1250, une sentence arbitrale, parce qu’elle voulait s’attribuer la haute justice sur la terre de Clavas, laquelle fut adjugée au dit Guy, comme elle fut ensuite reconnue, vingt-cinq ans plus tard, par une autre sentence arbitrale de l’an 1275, au dit seigneur sur la terre et prieuré de Saint-Sauveur-en-Rue. — En 1248 (juillet), notre abbesse transigea avec Artaud Parmi, prieur de Saint-Sauveur, au sujet de la dîme des agneaux et des pourceaux de la grange de Mazals. Elle consent à ce que le prieur perçoive, chaque année, quatre agneaux et deux petits pourceaux dans cette grange, et, à leur défaut, quatre sous de la monnaie de Vienne pour les quatre agneaux, et deux sous pour les deux pour-maux.

(Archives du château de Feugerolles.)

Deuxième abbesse. — AYMONA ou Albona

La date donnée est 1273. On peut regarder immune certain qu’elle succéda immédiatement à la précédente. Les dates sont tellement rapprochées que le doute ne semble pas permis sur ce point. Pour le reste, silence complet dans l’histoire.

Par une hypothèse analogue à celle émise tout à l’heure, Aymona pourrait appartenir à la famille Pagan d’Argental. Quelques-uns de ses représentants portaient le nom d’Aymon.

D’après des notes fournies par M. le comte Chepin de Feugerolles et tirées des archives du château de Feugerolles, aurait existé, en 1273, à Clavas, une abbesse du nom d’Albone. Je crois que c’est la même qu’Aymona. Voici, au reste, les titres où se trouve le nom indiqué.

1273 (20 octobre). — Transaction entre Artaud de Mastre, prieur de Saint-Sauveur, et le chapelain de Riotord, d’une part, et Albone, abbesse, le chapelain et le couvent de Clavas, d’autre part. — Le chapelain de Clavas n’administrera plus, désormais, dans son église, les sacrements aux habitants laïques du territoire de Clavas, lesquels seront tenus, à moins de circonstances de force majeure, de se rendre à l’église de Riotord. Les limites fixées jadis pour la perception des dimes afférentes aux deux monastères, sont confirmées et maintenues.

1276 (16 septembre). — Albone, abbesse de Clavas, et Artaud, prieur de Saint-Sauveur, se soumettent à l’arbitrage de Girard de Dunières, de Hugues Julien et de Simon de la Louvesc, au sujet de la terre de Fougerole.

1277 (19 mars). — Sentence arbitrale, rendue par Girard de Dunières, Hugues Villain ou Julien, et Simon de la Louvesc, au sujet de la terre de Fougerole. Les droits de patronage sont adjugés au prieur de Saint-Sauveur, et les redevances à l’abbesse de Clavas.

C’est donc Albona qu’il faudrait dire, et non Aymona, ainsi que le dit la Gaule chrétienne.

Troisième abbesse. — PAULE.

Elle gouvernait le monastère en 1282, Guillaume de la Roue étant évêque du Puy. Comme en dernier mourut au mois d’août de cette même année, le titre où dom Boyer trouva ce nom et cette date, devait être de la première moitié de cette année. Il faut encore se taire ici. L’histoire ne dit rien.

Quatrième abbesse. — REYNAUDE D’ARGENTAL.

Elle était à la tête de l’abbaye en 1284, Falcon Litant abbé de Mazan. Elle appartenait à la famille de Pagan, dont j’ai parlé dans le chapitre précédent, et était fille de Guigues Pagan, troisième du nom, et soeur de Béatrix d’Argental, qui porta ses biens à la maison de Jarez, par son mariage avec Jacques de Jarez. Même disette de documents sur cette abbesse que sur les autres.

Cinquième abbesse. — Ales D’ARGENTAL.

On présume qu’elle était soeur de Reynaude, à laquelle elle succéda dans la dignité abbatiale. Elle gouvernait en 1296. Ce fut sous elle, dit la Gaule chrétienne, que l’abbaye fut changée en château. Je ne sais si l’on a voulu dire qu’aux constructions déjà existantes on ajouta des travaux de défense, de manière à en faire comme une forteresse. Cela pourrait être d’autant plus qu’à cette époque, le roi Philippe-le-Bel, craignant une invasion du roi des Romains, allié à, celui d’Angleterre, du côté du Rhône, avait pris ses sûretés de ce côté-là. On sait que Clavas n’est pas loin de ce fleuve. J’aime mieux croire pourtant qu’on a voulu dire simplement que ce fut sous cette abbesse que le monastère devint le siège d’une châtellenie, avec les privilèges accordés à ces sortes de circonscriptions territoriales, droit de dîme et de justice.

Ce dernier droit, dont jouissait déjà l’abbaye, pouvait ne pas être bien défini pour son étendue et ses limites.

A l’époque indiquée, on dut préciser davantage et arrêter ce droit d’une manière définitive. A partir de ce moment, la justice dut se rendre au nom des religieuses, selon toutes les règles d’usage.

Peut-être l’abbaye devint-elle château dans le sens que je viens d’indiquer en dernier lieu, à la suite d’un différend qui survint au sujet de la justice entre Alaïs et Jousserand de Saint-Didier, relativement à des biens situés à Marlhes, dans le mandement de Saint-Didier, et que l’abbesse avait acquis de noble François de Talaru. Une transaction intervint entre les parties. Il fut réglé que le droit de justice sur ces biens appartiendrait au seigneur de Saint-Didier que s’il y avait des amendes pour commutation de peine de mort, de peine de gibet ou de mutilation, la moitié de ces amendes reviendrait au seigneur de Saint-Didier, et l’autre moitié au monastère de Clavas. Même répartition devait avoir lieu en cas d’effusion de sang par les armes. Mais si le sang avait été répandu sans armes, la totalité de l’amende était à l’abbesse de Clavas. Cette transaction eut lieu le lundi avant l’octave de Pâques, on 1296. Notre abbesse gouvernait encore on 1306 (1).

(1)Pendant qu’Ales occupait la dignité abbatiale, Guillaume de Montchal, chanoine de Vienne, qui habitait l’enclos du château d’Annonay, fit par son testament un legs aux religieuse de Clavas et de la Séauve.

Sixième abbesse. — CLARA BOYER.

La Gaule chrétienne la dit à la tête de la maison en 1325. Il est très probable qu’elle succéda immédiatement à la précédente.

Bouillet, Nobiliaire d’Auvergne, cite trois familles de ce nom, dont l’une possessionnée au ressort de Saint-Flour, la seconde dans l’élection de Riom, la troisième dans la même province. L’auteur fait remonter la première à Pierre Boyer, chevalier en 1285. C’était, ajoute-t-il, une maison d’ancienne chevalerie. Je ne puis dire si notre abbesse appartenait à cette famille, Bouillet étant très succinct à ce sujet.

Septième abbesse. — MARTHE BOYER.

Il est plus que probable qu’elle était soeur ou nièce de Clara, et qu’elle arriva à la dignité abbatiale par résignation de sa parente. Elle était à la tête de la maison en 1330.

Huitième abbesse. — BÉATRIX DE CRUSSOL.

Le Dictionnaire de la Noblesse donne pour enfants à Jean Bastet, seigneur de Crussol, plusieurs garçons et filles dont il ne donne pas les noms. On peut présumer que Béatrix en était du nombre. Elle eut pour mère Béatrix de Poitiers, fille de Guillaume de Poitiers et de Luce de Beaudiner. Ce fut sa mère qui passa procuration, le 18 janvier 1343, pour vendre tout ce qu’elle avait au mandement de Saint-Just-lez-Velay et aux environs.

Le château de Crussol est situé en Vivarais, au diocèse de Valence, à une petite distance de la rive droite du Rhône. Crussol était chef-lieu d’une baronnie qui députait aux Etats du Languedoc.

En 1332 (16 juillet), dame Béatrix de Crussol renouvela avec Jousserand III de Saint-Didier la transaction passée en 1296 entre Ales d’Argental et Jousserand II, seigneur du dit lieu. Il existe aux archives de M. Dupeloux de Saint-Romain, une copie de cette transaction.

Trois ans plus tard, le 9 février 1335, une autre transaction du même genre intervenait entre la même dame abbesse et dame Béatrix d’Argental. Par cet accord, il est hors de doute que les seigneurs barons d’Argental étaient hauts justiciers dans les terres dépendantes de Clavas et de Saint-Sauveur (1).

(1)En 1325, Armand de Poyet, juge royal du. Vivarais et du Valentinois, après enquête faite sur la plainte de l’abbesse contre les baillis d’Annonay, accusés d’avoir usurpé eut la justice de l’abbaye, à Toisieux, renvoya les parties à se pourvoir devant les juges civils.

D’après Poncer et la Gaule chrétienne, ce fut en 1341, pendant que Béatrix était encore à la tête de la maison, que Pierre Bertrand, dit l’ancien, chanoine de Paris, conseiller d’Etat et cardinal, fonda une chapelle au couvent des religieuses de Clavas, on ne dit pas sous quel vocable et sur quelle base. L’auteur de l’Histoire d’Annonay ajoute que par son testament il fit encore aux dites religieuses un legs de 200 florins d’or.

Neuvième abbesse. — MARGUERITE DU CROS.

Je ne saurais dire si elle porta la crosse immédiatement après Béatrix de Crussol. Toujours est-il qu’elle gouvernait l’abbaye en 1384, comme je le prouverai plus bas.

Le nom de cette famille s’écrivait indifféremment du Croc, du Crocq, du Croq et quelquefois du Cros. C’est ce dernier que j’ai trouvé dans le titre qui m’est tombé sous la main.

Cette maison avait pour armes : D’or à deux fasces de sinople. — Couronne de marquis. — Supports : deux lions.

Elle était originaire de la Basse-Auvergne et une famille de nom et d’armes aussi recommandable par son ancienneté et ses belles alliances que par le zèle qu’elle a toujours montré pour le service de l’Etat.

Elle a eu pour berceau une terre de son nom, non loin de la ville de Thiers, et que possédait, au XIIIe siècle, Chatard, seigneur du Croc, da­moiseau, qu’on voit transiger, l’an 1284, avec le chapitre de Thiers, relativement à la dîme de ma terre du Croc et pour d’autres dîmes situées dans la paroisse de Saint-Rémy.

Elle s’est constamment vouée au service mili­taire, dit Ducange, soit dans les armées (le nos rois, soit dans l’ordre souverain de Saint-Jean de Jérusalem, où plusieurs chevaliers du Cros sont parvenus à diverses dignités.

Marguerite du Cros, dame abbesse de Clavas, transigea, en 1384, avec Guy de Saint-Priest et Morand de la Roue, sa femme, seigneurs de Du­nières et de Vocanse, pour fait de limites de jus­tice et seigneurie. La dite transaction fut faite au nom de Bernard de Layre, seigneur de Cornillon, bailli royal de Velay.

Ce fut sous elle, en 1377, qu’eut lieu une in­formation du bailli du Velay, commissaire en cotte partie par lettres du duc d’Anjou, en pré­sence du procureur général de la sénéchaussée de Beaucaire, pour dresser l’état des feux du bail­liage du Velay. Clavas y est compris pour douze feux.

Dixième abbesse. — FRANCISQUE DE CAMBEFORT.

La Gaule chrétienne la cite en date de 1390, sans donner aucun détail, et je n’ai rien pu recueillir sur son compte, si ce n’est sur sa famille.

D’après Pierre Gras, Armorial du Forez, elle avait pour armes : De gueules au lévrier rampant d’argent, colleté de gueules.

Elle était originaire d’Ecosse et s’établit au Puy, en Velay, où elle eut l’honneur, en 1245, de recevoir et de loger saint Louis. Ceux de ce nom étaient déjà, dans ces temps, qualifiés chevaliers. Ils passèrent ensuite dans le diocèse de Saint-Flour, puis à Agen, où Julien de Cambefort, colonel d’un régiment de son nom et gentilhomme ordinaire de la reine Marguerite de Navarre, reçut et logea cette princesse qui lui donna les plus grands témoignages de bonté. Elle est établie aujourd’hui à Etain, en Lorraine.

Onzième abbesse. — MARGUERITE DE CONIS.

Il m’a été impossible de trouver quoi que ce soit sur la famille de Conis. Il existait dans le Bourbonnais une maison du nom de Conny. Peut-être est-ce à cette maison qu’il faut rattacher notre abbesse Dans le mémoire imprimé par M. Courbon de Perrussel (art. vm, p. 71), il est spécialement question de notre abbesse. Il y est dit que les abbesses de Clavas ne faisaient pas difficulté de reconnaître, dans les anciens titres, que les seigneurs de la Faye étaient, en partie, les fondateurs de leur maison.  C’est ainsi, ajoute l’auteur du mémoire, qu’en parlait Marguerite de Conis, en se plaignant d’Ibod de Chaste, seigneur de la Faye, qui, au lieu de vexer la maison de Clavas, aurait dû la protéger, surtout parce que le monastère avait été fondé en partie par ses prédécesseurs : maxime cum per suos pnedecessores hujusmodi monasterium, fuerit partim fundatum.

On ne sait trop de quoi il s’agissait entre les parties contendantes. Je présume qu’il était question de limites de juridiction. Dans le principe, cola n’avait pas été réglé d’une manière si précise quo toute difficulté pût être évitée. Nous avons vu quelques exemples de ce genre. lbod de Chaste, dont se plaint Marguerite de Conis, était, d’après l’Inventaire des titres du comté de Forez, N° 1,166, fils de Geoffroy, seigneur de Chaste, et de Baudonne de Retourtour.

Pondant qu’elle gouvernait l’abbaye, une enquête fut faite, en 1425, à Marlhes et à Saint-Ferréol, par le notaire de la cour de Forez, commissaire du bailli de Forez, pour savoir si les lieux de Marlhes, la Faye, Clavas, Riotord et tous les autres, depuis le Tracol de Saint-Sauveur jusqu’à Saint-Ferréol, dépendaient de ce siège des ressorts de Forez, ou de celui de Saint-Appolinard. L’auteur du mémoire précité nous apprend qu’il résulta de l’enquête que tous les lieux indiqués faisaient partie du siège de Saint-Ferréol.

J’ai dit déjà que les seigneurs voisins des monastères tenaient souvent à ce que leurs restes mortels y fussent ensevelis. Nous en voyons un exemple ici.

Sous Marguerite de Conis, d’après la Gaule chrétienne, en 1428, Pierre du Monastier, d’une famille que j’ai fait connaître ailleurs, qui était neveu de Pierre Bertrand, cardinal Alduensis, et qui avait pour épouse Claudia de Chaste, demanda d’être ensépulturé à Clavas. Son corps y fut porté en grande pompe et placé dans le caveau spécialement réservé aux étrangers.

En possession de la dignité abbatiale dès 1401, Marguerite de Conis gouvernait encore à, l’époque que j’ai indiquée tout à l’heure.

Douzième abbesse. — ISABELLE DE GASTE.

La Gaule chrétienne ne dit pas autre chose que ceci : Isabelle I Gastona, de la famille des Lupez, 1455. Succéda-t-elle immédiatement à la précédente ? C’est ce que je ne puis dire. Je présume pourtant une lacune entre les deux.

La famille de notre abbesse s’appelait de Gaste Lupé, en Forez, parce que l’ancien château de Lupé, au dit pays, était principale seigneurie de cette maison, qui y joignait encore celle de Saint-Julien-Molin-Molette, puis une autre terre considérable dans la même province.

Claude de Gaste, doyen de l’église métropolitaine et comte de Lyon, était frère d’Isabelle. Il lut ambassadeur à Rome pour le roi Louis XI, et fut tour à tour député aux Etats de Blois et aux Etats qui se tinrent à Tours.

Treizième abbesse. — ISABELLE DE SAINT-GERMAIN.

A la tête de la maison en 1477, elle gouvernait enclore en 1500. Elle appartenait à la famille distinguée de Montrond et était fille d’Artaud de Saint-Germain, chevalier, seigneur de Montrond, Rochetaillée, etc., et de Louise d’Apchon, qui apporta à son mari la baronnie d’Apchon en Auvergne. Lachesnaye-Desbois et Badier ne citent que doux enfants issus de ce mariage et ne dit mot d’Isabelle.

D’après la Gaule chrétienne, ce fut elle qui fit construire, au Champs de Marlhes, une petite chapelle on l’honneur de la sainte Vierge, de saint Benoît, et de sainte Catherine. Cette construction s’opéra sous le règne de Charles, roi des Français, et avec l’approbation de Godefroy de Pompadour, évêque du Puy.

Un prébendier, à la nomination de l’abbesse, devait desservir la chapelle, moyennant certaines rentes affectées à cet objet. Le terrier dont j’ai parlé déjà nous fait connaître deux de ces prébendiers, de même que les fonds dont ils devaient jouir sous la directe du monastère.

En 1521 (18 mars), messire Michel Grangier, prêtre prébendier, résidant à Marlhes, reconnaît à dame Françoise de Chaste :

1° un tènement de maison, grange, écurie ou chazal, fournial, jardin, sagnes, pré et terre, au dit Champs de Marlhes, à présent appelé prébende, contenant sept sétérées et une métanchée;

2° une terre, pré et pâtura’, appelée Louche-pointue, Peyre-pointe;

3° une autre terre appelée le Pâtural-bayon et à présent Champs-long ;

4° la moitié d’une terre à présent pâturai, appelée lou Champet ;

5° une terre appelée la Roche;

6° une terre appelée las Croses, etc.

En 1611 (15 juin), la reconnaissance des mêmes propriétés a lieu à dame Magdeleine do Chaste, par messire Mathieu Monnet, prêtre prébendier et vicaire perpétuel de la chapelle de saint Benoît et- de sainte Catherine, fondée en l’honneur de la bienheureuse Vierge Marie.

Quatorzième abbesse. — GAYA DE SAINT-GERMAIN.

Elle était nièce d’Isabelle et fille d’Artaud de Saint-Germain, deuxième du nom, baron d’Apchon, en Auvergne, et de Marie Verd. Les généalogistes qui ont été consultés ne parlent pas de Gaya. Lachesnaye-Desbois et Badier fixent le mariage d’Artaud à l’an 1462, et ne citent qu’un seul vidant issu de cette alliance; mais ils font clairement comprendre que ce ne fut pas le seul qui en provint.

Gaya, dont l’histoire ne nous apprend pas grand-chose, régnait en 1503 et résigna sa place, à une époque non indiquée, en faveur d’Isabelle III de Clermont-Chaste.

Quinzième abbesse. ISABELLE III DE CLERMONT-CHASTE.

La résignation de la précédente ayant eu son plein effet, la nièce succéda à la tante et fut confirmé par le pape Jules II, le 9 des calendes d’aout, (1507), quatrième année de son pontificat. La bulle fut mise à exécution par Théodore de Saint-Chamond, abbé de Saint-Antoine de Vienne.

Un mot sur les résignations ne sera peut-être pas déplacé ici. Elles ont eu lieu souvent dans les abbayes cisterciennes comme ailleurs.

Il y avait trois sortes de résignations : les démissions simples, les démissions pour cause de permutation, et les démissions en faveur. Je ne parlerai que de ces dernières.

On appelait résignation en faveur, l’acte par lequel un titulaire renonçait à son bénéfice entre les mains de son supérieur, à la charge d’en disposer au profit de celui qu’il nommait, faute de quoi il entendait que sa renonciation demeurât nulle et sans effet.

On trouve dans l’histoire de l’Eglise un grand nombre d’exemples de résignations de ce genre, même pour des évêchés. A une certaine époque, elles se pratiquaient dans presque tous les monastères.

Il paraît que ce n’est que vers la fin du quatorzième siècle ou au commencement du quinzième, qu’on a commencé d’insérer dans les démissions des prières ou des recommandations en faveur de celui que le résignant affectionnait. En 1549, on retrancha tout ce qui pouvait caractériser une démission pure et simple; on n’employa plus les prières ; on se contenta de mettre dans les procurations : ad resignandum in manus, etc., in favorern tamen, etc.

Ces résignations pouvaient avoir des avantages dans certains cas, mais elles avaient aussi le plus souvent les plus graves inconvénients. Elles immobilisaient quelquefois les dignités dans certaines familles, et celui en faveur duquel la résignation avait lieu n’avait peut-être pas toujours les qualités requises pour remplir l’emploi auquel il s’agissait de vaquer.

Les résignations, qui n’existent plus aujourd’hui on France, sont contraires à l’esprit et à la lettre dos lois canoniques. Le concile de Bourges, tenu on 1584, les défend expressément. Ce qui se passa à ce sujet dans le concile de Rome, en 1538, sous Paul III, et au concile de Trente suivant les instructions de Charles IX, en est une preuve.

Notre abbesse était fille d’Humbert de Clermont-Chaste, seigneur de Chaste, St-Lattier, etc., et de Louise de Saint-Germain-d ‘Apchon, fille de Michel, dit Artaud d’Apchon, chevalier, seigneur Montrond, diocèse de Lyon, et de Marguerite de Lavieu.

L’une de ses soeurs, Gabrielle, était en même temps qu’elle religieuse à Clavas. Jeanne, une autre de ses soeurs, était destinée par le testament de son père à prendre l’habit dans le même couvent. Son frère Jacques était seigneur de Saint-Just-Velay et de la Brosse, près de Tence.

Seizième abbesse. FRANÇOISE DE CLERMONT-CHASTE.

Ce fut probablement par suite de la résignation de la précédente abbesse, que celle-ci dut de porter la cross après elle, ma supposition est d’autant plus plausible que je regarde Françoise comme soeur d’Isabelle. Le Père Anselme la nomme Jeanne; et c’est celle que son père destinait dans son testament à être religieuse à Clavas. L’auteur cité ne donne, au reste, aucune fille de Chaste du nom de Françoise.

Elle était abbesse en 1521, et il ne m’est pas possible de dire depuis quand elle exerçait ces fonctions. A l’époque indiquée, elle fit dresser 10 terriers des revenus dus à l’abbaye. Ce terrier, que je n’ai point vu, est souvent cité dans celui dont je parle en plusieurs endroits et dont je parlerai spécialement dans l’un des articles suivants. Les reconnaissances furent reçues par maîtres Reboul et Fournel, notaires.

Dom Boyer dit que Françoise de Chaste gouvernait encore l’abbaye en 1546.

Dix-septième abbesse. — PHELISE ALLEMAND.

Les auteurs sont partagés sur la question de savoir quelle a été l’origine de la famille Allemand. Guichenon la fait descendre de Raoul, dit Allemand, sixième fils de Raoul, prince de Faucigny, qui vivait l’an 1125. D’autres veulent qu’elle soit dauphinoise et la tirent d’un Allemandus de Vriatico, vivant dans le Xe siècle, en mémoire duquel tous ses descendants auraient pris le nom d’Allemand.

Le Laboureur (Voir Masures de l’Isle Barbe, 2em partie, page 192), regarde ces deux opinions comme fort problématiques, et sans prendre parti pour aucune des deux , il se contente de dire ce qu’il croit certain :

 Que cette maison est aussi bonne comme elle est ancienne, et, ce qui est assez rare, d’une telle fécondité qu’elle a poussé jusqu’à vingt branches différentes.

Parmi les généalogies des diverses _branches de la houille Allemand, données par Le Laboureur, je ne trouve qu’une fille du nom de Phelise. L’auteur la dit issue de Claude Allemand, soigneur de Maint-Hilaire et de Chaste, en partie, et de Louise de Chaste. Claude aurait testé en 1530. Comme Outre abbesse était à la tête de la maison vers 1550, Il est aisé de voir que les dates concordent assez.

Une autre raison me fait présumer que celle que cite Le Laboureur est bien notre abbesse de Clavas : c’est qu’elle était alliée à la famille de Chaste et très probablement nièce de la précédente. Il dut y avoir résignation de la part d’Isabelle en sa faveur. Ainsi que je l’ai dit, c’était reçu à cette époque, et quand le sujet désigné avait les qualités requises, la volonté exprimée était scrupuleusement observée.

Le degré supérieur à celui de Phelise dans sa famille fut particulièrement remarquable par les personnages qu’elle fournit à l’Eglise. Un de ses oncles fut évêque de Cahors pendant seize ans; il avait nom Antoine. Sa mort est marquée en ces termes dans le calendrier de sa ville épiscopale ;

L’an reddet à l’esprit à Dieu mosseu Antone Allamandi, à la ville de San-Nazari, el païs de Dauphinat et l’ay es ensevelit son corps.

Deux autres de ses oncles furent successivement archidiacres de Cahors ; un fut chanoine de Gap, un cinquième, chanoine de Romans, un sixième enfin, religieux je ne sais où.

Le Laboureur fait remarquer que Barrachin Allemand, l’aîné de toute cette lignée, qui fut nommé héritier par sa mère, de l’advis de tous ses enfants, usa de son droit d’héritier de la bonne manière, ayant pourvu tous ses frères et logé chacun selon son inclination.

La branche de Puvelin, qui commença au père de notre abbesse, eut quatre générations jusqu’à la fin du XVIIe siècle.

Armes : De gueules semé de fleurs de lis d’or, d la bande d’argent, brochant sur le tout.

Dix-huitième abbesse. — Agnès DE GERIN.

La famille de Gerin est fort peu connue. Le Laboureur parle d’un Pernet de Gerin, seigneur de Chaignon, près Saint-Chamond. On ne peut pas en dire davantage. Le procès-verbal suivant, dont l’original se trouve aux archives du Puy et dont je dois la communication à l’obligeance d’Aymard, archiviste, nous apprendra tout ce qu’on peut savoir sur cette abbesse. Je le donne ou entier, parce qu’il n’est pas sans quelque intérêt.

PROCES-VERBAL D’INCENDIE DE L’ABBAYE DE CLAVAS (26 JUIN 1573.)

Extrait des actes de la Cour royale des ressorts do Forez, siège de Saint-Ferréol, du vendredi 28 du mois de juin 1573.

Par-devant nous Antoine Dufornel, docteur fin droits, conseiller du Roi notre sire et son lieutenant général et de Monseigneur au dit siège s’est comparu M. Antoine Verne, praticien en et pour et au nom et comme ayant charge et mandement pour dame Agnette de Gerin, abbesse de l’abbaye Notre-Dame de Clavas, au païs de Forez, qui nous a dit et remontré qu’à raison des droits et devoirs dus et appartenant à icelle abbaye et par conséquent à la dite de Gerin avoir plusieurs procès tant au Parlement de Paris-Toulouse, sénéchaussée de Lyon, qu’au présent siège de Saint-Ferréol pour l’instruction desquels lui est besoin faire foi de plusieurs titres, même de ses provisions, de profession et autres à ce nécessaires, et qu’aujourd’hui elle ne peut faire à cause que puis cinq ou six ans en çà l’abbaye de Clavas aurait été entièrement bruslée, ensemble tous et chacun ses meubles, titres, documents et enseignements, comme plus à plein appert par autre acte de l’attestation par-devant nous le dix mars mil cinq cents soixante-neuf faite cy attachée, et peu après ce dit bruslement la dite abbesse l’aurait fait édifier et rendu trois chambres d’icelle habitables, lesquelles chambres et grange d’icelle abbaye au mois de mai 1560, passant illec l’armée de M. l’Amiral, aurait été dabondant bruslé comme de ce est chose notoire et pour de tout ce dessus faire apparoir au besoin sera pour la conservation de ses droits et de la dite abbaye a requis vérification de ce dessus être faite même comme quarante sont passés que la dite de Gerin a demeuré en la dite abbaye de Clavas à savoir huit ou neuf ans, religieuse novice et trente et trente-deux ans environ religieuse professe, portant l’habit noir, durant lequel temps elle a été payée par les dames abbesses ou leurs receveurs de la pension, savoir durant qu’elle était novice de demy pension et après étant professe de la pension entière, depuis lequel temps de trente-deux ans a tenu le rang de professe assise au rang des autres professes et outre a puis vingt ans en çà tenu la digneté de chanteresse en la dite abbaye jusques en l’an 1562 que la dite de Gerin après le décès do soeur Phelise Alleman demeure abbesse à laquelle la dite de Gerin aurait succédé suivant l’élection qu’en auraient faite les autres religieuses du dit monastère comme de ce la vérité est telle et chose à tous notoire, ce que nous lieutenant général susdit nous nous sommes offert faire et ce faisant faire prêter serment sur les saints Evangiles de Dieu, et moi Jean Tardieu et Pierre Grangier, prêtres de l’église de Riotord, moi Jean Gontaud, notaire royal habitant Riotord, François Serval, Pierre Servier et Benoît Celarier, laboureurs, habitant au dit Clavas, le moindre d’eux âgé de cinquante-cinq ans ou environ, auxquels et chacun d’eux l’un après l’autre en témoin de vérité nous ont dit et attesté comme ey après, à savoir premier le dit Servier Pierre, François Serval et Benoît Celarier, le moindre d’eux âgé de soixante-six ans environ, lesquels l’un après l’autre tous trois uniformément nous ont dit et attesté être mémoratifs qu’il y a environ quarante-deux ans que la dite de Gerin et Mme Louise, sa soeur, à eux bien connues, vinrent au dit Clavas où elles prirent l’habit blanc de novice, lequel portèrent l’espace de dix ans ou environ, pendant lequel temps les déposants leur auraient plusieurs fois baillé du blé, d’avoine ou autres à la dite dame en déduction de leur pension, leur auraient vu payer leur demy pension comme aux autres novices par feue dame Françoise de Chaste, lors du dit temps abbesse, et depuis trente ans ou trente-deux passés, les dites soeurs de Gerin s’en allèrent par permission de la dite feue de Chaste, en Dauphiné, où elles demeurèrent quelques mois, et après être de retour portèrent l’habit noir comme les autres religieuses professes, et depuis ont vu à icelles soeurs de Gerin tenir le rang de religieuses professes et comme telles leur ont vu payer leur pension comme aux autres semblables tant par la dite feue de Chaste que par la dite soeur Allemande ou par leurs receveurs, et les déposants leur ont vu payer plusieurs fois tant blé, bois, qu’argent, lorsqu’ils tenaient en arrentement de la dite abbaye quelques quarts, prés ou autres choses, et ainsi en ont vu jouir comme est tout notoire entre les voisins et connaissants, et jusqu’à ce que la dite de Gerin a été éleue qu’a été onze ans tout passés ou environ comme leur semble que feue dame Phelise Alleman dernière abbesse décéda depuis lequel décès la dite de Gerin a fait acte d’abbesse et joui d’icelle hors l’empêchement qui lui a été donné par dame Gabrielle de Saint-Chamond, abbesse de Saint-Just en Dauphiné, disant ce dessus savoir pour en avoir ainsi vu et pour le commun bruit entre tous voisins et connaissants, et pour y avoir été présents comme voisins proches.

« Messire Jean Gontaud, notaire royal, âgé de soixante-cinq ans ou environ, dit savoir du contenu de ce dessus que de quarante-cinq ans et davantage qu’il a fréquenté le lieu et l’abbaye de Clavas, étant feu M. Jean Gontaud, son père, officier de la dite abbaye du vivant de feues dame Jeanne de Chaste, dame Françoise de Chaste, lors abbesse, que depuis dame Phelise Alleman et dame de Gerin, à présent abbesse, et dit être mémoratif et bien record que y a environ quarante ou quarante-un ans que la dite dame Agnette de Gerin et dame Louise, sa soeur, au dit déposant bien connues, vinrent toutes deux ensemble au dit lieu de Clavas comme le dit déposant les vit arriver, et le lendemain de leur arrivée leur fut mis par feue dame Françoise de Chaste, lors abbesse, l’habit blanc do novice, lequel habit blanc les dites soeurs portèrent environ huit ou neuf ans, durant lequel temps le dit déposant comme étant receveur les payait de leur demy pension de novices religieuses et environ les dits huit ou neuf ans après un soir nuitemment un jour ne se recorde qu’il arriva au dit Clavas certains parents de la dite dame de Gerin, lesquels avec icelles sœurs de. Gerin vinrent à la chambre abbatiale de feue dame Françoise de Chaste, lors abbesse, où était le dit déposant, à laquelle abbesse les dites soeurs de Gerin demandèrent permission de s’en aller en Dauphiné en une certaine abbaye où M. l’abbé de Lioniel était, pour recevoir de lui l’habit noir et faire profession de religion, ce qu’à l’instant la dite dame abbesse leur accorda et commanda au dit déposant d’écrire et dépêcher la dite permission, ce qu’il fit étant grossoye et par lui comme notaire signée et par la dite dame abbesse, et le lendemain matin les dites soeurs (le Gerin partirent avec leurs parents du (lit Clavas pour s’en aller comme disaient en Dauphiné vers le dit abbé, et environ quelques mois après revinrent au dit Clavas portant l’habit noir, lesquelles étant au choeur do l’église de la dite abbaye en présence de la dite abbesse et autres religieuses du dit monastère, du prêtre confesseur et prêtres y étant, du dit déposant et plusieurs habitants du dit Clavas, les dites sœurs .de Gerin remontrèrent à la dite abbesse et assemblée comme suivant la permission à elle donnée par la dite dame abbesse, M. l’abbé de Lioniel leur aurait baillé et mis l’habit noir par-devant lequel elles auraient fait profession de religion comme elles faisaient apparoir par l’acte de la susdite profession attachée à la dite permission grossoyée en parchemin, insinuée et ficelée en forme probante authentique comme le dit déposant vit et lut du commandement de la dite abbesse, suivant lequel acte les dites soeurs de Gerin furent reçues au rang de religieuses professes. Icelles le déposant a payé de leur pension entière comme les autres ayant été reçues plusieurs années par intervalles et environ vingt. ans sont passés et depuis on a payé la dite de Gerin à présent abbesse outre la dite pension certain argent et chair comme ayant la digneté de chanteresse, et moi lui ai vu jouir et user les dites soeurs de Gerin comme étant notoire jusques à l’année mil cinq cents soixante-deux au mois d’avril, que la dite dame Agnette de Gerin après le décès de feue Phelise Allemand dernière abbesse aurait été élue a depuis joui de la dite abbaye hors et excepté quelques années qu’elle a été empêchée par dame Gabrielle do Saint-Chamond, abbesse de Saint-Just en Dauphiné, entre lesquelles il y a litige à raison de la dito abbaye, laquelle abbaye serait le jour précédant le jour saint Jacques brùlée par accident ou autrement ensemble tous les titres et documents d’icelle dame de Gerin abbesse et autres de la dite abbaye, ornements de l’église, comme le dit déposant a ouï dire et vu la dite abbaye brûlée, après lequel brulement la dite de Gerin la fit raconstrer et rendre deux ou trois chambres habitables, lesquelles chambres, grange de la dite abbaye et plusieurs autres maisons du dit village de Clavas furent au mois de mai mil cinq cents soixante passant M. l’Amiral avec les troupes au présent pais brûlé si qu’il ne demeura rien comme le déposant a plusieurs fois depuis et plus n’a dit savoir, ce que dessus est contenu vérité de ce assuré par les raisons susdites.

« M. Jean Tardieu, prêtre âgé de 68 ans, et moi Pierre Grangier aussi prêtre du dit Riotord, âgé de 55 ans passés que le dit Tardieu est prêtre et moi Grangier trente ans environ, durant lequel temps les dits déposants ont été plusieurs fois à Clavas et fréquenté l’abbaye ayant célébré du commandement de la dite feue dame Jeanne et Françoise de Chaste et feue dame Phelise Allemande de leur vivant abbesses plusieurs messes et y aller souvent en procession de Riotord avec les prêtres du dit lieu suivant la coutume du temps et de leur mémoire observé depuis trente ou trente-deux ans passés autrement bonnement ne se recordent ont vu la dite dame de Gerin présent abbesse à eux bien connue religieuse professe portant l’habit noir comme telles autres religieuses professes de la dite abbaye tenir le rang de religieuse professe depuis vingt ans en la clignoté de chanteresse comme les déposants ont vu et pour être tout notoire entre voisins et connais-gants et mêmement lui payer aux dites abbesses ou les receveurs sa pension de religieuse et ainsi ont vu jouir et user jusques au décès de feue daine Allemande dernière abbesse que la dite de florin a été élue, dit en outre le dit Tardieu qu’auparavant les dits trente-deux ans il avait vu la dite rio Gerin portant seulement l’habit blanc comme novice ensemble dame Louise sa soeur et en cet baba l’avoir vu plusieurs fois, disant en outre dits déposants que manièrent quelquefois titres et papiers de la dite abbaye au commandement de la dite dame de Gerin à présent abbesse selon l’occurence des affaires entr’iceux avaient vu et lu l’acte de profession de la dite dame de Gerin et de sa soeur étant grossoyés scellé et signés en forme probante et authentiquee lequel acte et autres titres de la dite abbaye, ornements d’église avaient été comme les déposants ont ouï dire l’année précédante jour nana Jacques environ quatre ou cinq ans passés serait brûlée en sorte que la dame abbesse et quatre, des autres religieuses pour navoir habitation commode se seraient retirées les unes en leurs maisons et les autres au château de la Faye et ayant la dite dame de Gerin fait racoustrer après le dit brulement deux ou trois chambres de la dite abbaye les aucunes des dites religieuses s’y seraient retirées et continué le même service en la grange de la dite abbaye où les dits déposants ont dit et célébré plusieurs fois messes et autres divins offices et après, au mois de mai de l’année mil cinq cents soixante M. l’Admirai et les troupes auraient encore brûlé le reste de la dite abbaye ensemble la dite grange et plusieurs autres maisons du dit village de sorte que depuis les dits déposants y allant parfois dire la messe la disaient en une petite maison du dit village d’autant que depuis la dite abbesse n’a osé entreprendre d’y édifier d’autant que les ennemis appelés Huguenots sont proches à Beaudiner, Faya, Montgiraud et Saint-Voye de icelui lieu de Clavas lesquels font infinies courses et voleries sur les sujets de la dite abbesse, disant le savoir comme voisins et par les raisons susdites et pour y avoir été bien souvent dire la messe et en plusieurs obsèques lors quand l’une des religieuses et prêtres d’icelle abbaye viennent à décéder a De laquelle attestation et procédure susdites le dit Verne au nom de la dite de Gerin a requis acte lui être fait et dépêché pour lui servir et valoir en temps et lieu, laquelle nous dit lieutenant lui avons octroyé et ordonné être dépêché par M. Blaise Batailler, notaire royal et commis au dit greffe du dit siège de Saint-Ferréol sou-signé pour lui servir et valoir ce que de raison, on présence de M. Pierre de Ville, prêtre, et Claude Bruas du village de Saint-Romain-Lachalm, témoins. Ainsi attesté par moi, notaire royal sou-signé Gontaud, ainsi attesté signé Grangier, ainsi attesté signé Tardieu, moi présent et écrivant, Batailler, notaire. Ainsi a été par nous lieutenant général susdit procédé le dit jour, 26 juin 1573, signé Dufournel, lieutenant général.

A Scellé à Saint-Etienne, le 8 août 1736, reçu 24 sols, signé Ferrandier pour moi Trimollet.

A Extrait pris et collationné par le notaire royal sousigné sur la minute originale en parchemin représenté et à l’instant relevé ce jourd’hui 2 octobre 1573. — Fiquaire, notaire.

  1. Collationné à Saint-Didier, le 24 octobre 1583. Joucerand. »

Pour celui qui lira attentivement ce procès-verbal, il apparaîtra clairement qu’il n’y est pas tout à fait et exclusivement question d’incendie, ainsi que le dit son titre. Mme de Gerin ayant des procès à soutenir, avait à prouver ses qualités à faire valoir ses droits. Les preuves écrites ayant été détruites, une enquête était nécessaire, et c’est ce que contient l’acte dont j’ai donné connaissance.

Tous les témoins entendus parlent de demi-pension payée aux soeurs de Gerin en leur qualité de novices, de pension entière lorsqu’elles furent professes; messire Gontaud atteste avoir vu donner à Agnète de Gerin certain argent et chair en sa qualité de chanteresse. Je ne puis m’expliquer ces choses. N’y avait-il pas bourse commune et vie commune dans la maison? .Chaque religieuse avait-elle son ménage à part? Etc. Je n’ai rien trouvé nulle part qui puisse édifier sur ce point.

Il n’est pas en mon pouvoir de dire ce qui résulta de l’enquête et quelle fut l’issue des procès pendants entre l’abbaye et les divers tenanciers. Il est permis de présumer qu’il fut fait droit, au moins en grande partie, aux réclamations de l’abbesse, puisque la Gaule chrétienne affirme que Mme de Gerin eut assez de ressources pour pouvoir restaurer de suite le monastère en entier. Agnes sive Agnete de Girin, dit l’ouvrage cité, 1562, a sororibus electa haec monasterium mis non ita pridem absumptum in integrum restituit anno 1573.

Notre abbesse ne survécut pas longtemps à lit reconstruction de l’abbaye. Elle n’existait plu, dès les premiers mois de l’an 1575.

Dix-neuvième abbesse. GABRIELLE DE SAINT-CHAMOND.

Il a paru dans les Tablettes historiques du Velay (t. 1, pages 481 et suivantes), une note biographique sur cette abbesse. Je la reproduirai presque Intégralement; j’ai sur ce point toute permission de la part de l’auteur, et puis je n’ai pas été tout h fait étranger à cet article. Je remercie sincèrement l’avocat Rocher, intrépide chercheur et écrivain distingué, d’avoir bien voulu retoucher mon travail sur Gabrielle et lui donner un cachet et une ampleur qu’il n’avait pas.

Je retrancherai les notes et certains détails donnés sur les maisons de Saint-Priest et de-Chevrières, familles puissantes qui sont bien connues dom généalogistes, de même que d’autres détails çontenus déjà dans cette notice.

Gabrielle de Saint-Chamond était fille de Christophe de Saint-Priest et de Gasparde des Près. Son père n’est guère connu que sous le nom de Saint-Chamond. Il fut un des plus terribles acteurs de ces luttes civiles et religieuses qui couvrirent la France, au XVIe siècle, de deuil, de sang et de ruines. Maréchal de camp des armées du Roi et gouverneur du Vivarais jusqu’en 1576, il a laissé dans ce pays un renom de vaillance, mais aussi d’inflexible cruauté. Il eut pour amis nos grands chefs catholiques du Velay, Sénectère, La Tour-Saint-Vidal, et pour adversaires principaux, le célèbre Christophe de Beaumont, baron des Adrets, Chambaud et son propre frère, ce prélat défroqué qui avait pris en se mariant le titre de seigneur de Saint-Romain. Il fut tué en 1580, au siège de Ramure en Dauphiné.

N’ayant eu que Gabrielle de son premier mariage, il s’allia, en secondes noces, avec Louise d’Ancezune, et en eut plusieurs enfants, dont un, entre autres, qui se fit moine et mourut dans le cloître.

Gabrielle de Saint – Chamond renonça de bonne heure au monde. Née vers l’an 1547, elle prit le voile au couvent de Saint-Just en Dauphiné. Elle n’a laissé aucune trace dans ce monastère. Toute porte à croire que ses premières années furent entièrement remplies par les devoirs de son état. Nous savons seulement qu’elle parvint, en 1571, à la dignité d’abbesse du couvent de Saint-Just.

En 1562, elle se mit ou fut mise par quelqu’un sur les rangs pour être élue abbesse de Clavas, lorsqu’elle n’était âgée que de quinze ou seize ans, mais les suffrages des religieuses lui préférèrent Agnès de Gerin. Si on s’en rapporte au procès maintenir les droits qu’elle croyait avoir, et celle qui avait été choisie à sa place ne posséda paisiblement la dignité abbatiale que quelques années après, lorsque le litige soulevé eut été entièrement vidé. Ce ne fut que treize ans plus tard, c’est à dire en 1575, que Gabrielle obtint l’anneau abbatial de Clavas.

Christophe de Saint-Priest avait senti cette loi ville de l’expiation qui poursuit toujours, même ici-bas, les hommes de sang et de violence. L’aillé de ses fils, nature aimante et pieuse, n’aime point eu le courage de vivre au milieu des lette; fratricides qui épouvantaient la France et le monde. Il avait fui le manoir paternel et s’en allé chercher la paix du coeur dans les pro-rigides retraites du cloître. Ses frères furent tous prélevés à la fleur de l’âge. Un mystérieux ana-semblait peser sur cette race. — Un jour, dit l’historien de Saint-Chamond, Christophe de Saint-Priest regarda autour de lui et ne se trouva plus d’héritiers. Il courut vers ce fils qui s’était réfugié au couvent, et il essaya de l’arracher à existence paisible. Le moine refusa de suivre son père et mourut sous le cilice. Il ne restait à Christophe de Saint-Priest, pour perpétuer, non point son nom, mais du moins sa lignée, que la fille de son premier mariage. Il lui intima l’ordre de quitter l’abbaye de Clavas. Gabrielle de Saint- Chamond obéit et revint prendre sa place dans le château de ses ancêtres.

Il est difficile aujourd’hui d’apprécier cette conduite à sa juste valeur. Plus de trois siècles se sont écoulés, et les documents sont rares. Il est permis néanmoins de laver la mémoire de l’abbesse de Clavas du reproche d’apostasie.

Si l’on n’écoute que les auteurs de la Gaule chrétienne, Gabrielle de Saint-Chamond ne méritait aucune excuse. Le laconisme des Sainte-Marthe est écrasant. Après avoir rappelé en deux  mots qu’elle avait été abbesse de Saint-Just en Dauphiné, et qu’elle échoua une première fois dans sa compétition contre Agnès de Gerin, ils ajoutent sèchement qu’elle dépouilla le monastère et se maria (1).

(1) Gabrielis de Saint-Chamond, prius abbatissa S. Justi in Delphinatu, quant lego aemeulam fuisse precedentis pro Clavassio; cujus tandem abbaliae obtenla dilapidavit bona, et postea nupsit. — GALL. CHRISTIANA, Eccl.                co1.781.

Mais l’exact et consciencieux historien de Saint-Chamond atteste que le mariage de Gabrielle fut un acte d’obéissance filiale. D’après M. Richard, au reste, Gabrielle ne sortit du cloitre qu’après avoir été relevée de tous ses vœux par le pape Grégoire XIII. Le souverain -Pontife accorda cette grâce au seigneur de Saint-Chamond pour le récompenser des services qu’il avait rendus à la cause du catholicisme, et pour adoucir les amers chagrins qui l’avaient atteint dans sa famille. On ignore si Gabrielle de Saint-Chamond eut connaissance des ardentes supplications de son père auprès du Saint-Siège; mais il paraît établi qu’elle ne rentra dans le monde, qu’après avoir été dégagée de tout lien et avoir conquis sa liberté par une décision régulière de l’Eglise.

Reste l’accusation : abbatiae dilapidavit bona le départ de l’abbesse dut exciter une vive émotion chez les religieuses de Clavas. De là peut-être un soulèvement général contre elle, et refus de lui restituer sa dot. Cette résistance amena probablement de la part de Gabrielle une contrainte légale, ou bien encore quelques voies de fait pour se rendre justice à elle-même. Il n’en fallait pas davantage pour provoquer le reproche de vol et de déprédation.

A peine dispensée de ses vœux, elle fut mariée par son père à un jeune homme de dix-huit ans, quoiqu’elle en eût elle-même déjà trente. Il tardait à Christophe de Saint-Priest d’avoir des héritiers de ses nombreux fiefs et de ses vastes domaines. L’époux qu’il donna à sa fille, le 25 avril 1577, était Jacques Mitte de Chevrières, né château de Chevrières en 1559.

Ce nom de Mitte sonnait au Forez presque aussi haut que celui de Saint-Priest. Le domaine féodal des Mitte, dont, au temps même de La Mure, il ne restait plus que des ruines, était situé dans la paroisse de Saint-Hilaire, au mandement de Saint-Bonnet-le-Château.

Les principaux fiefs de cette maison étaient les seigneuries de Mitte, Monts, Chazalet, et plus tard celle de Chevrières en Forez.

Jacques Mitte, époux de Gabrielle, était fils de Louis Mitte, dit de Miolans, seigneur de Chevrières, et de Françoise Maréchal. Par la mort de ses cinq frères, il était devenu l’unique héritier des fiefs de Chevrières, Chastelus, Viricel et Lavalla en Forez, de Doizieu, Crésieu et le Saury en Lyonnais, des Jarets en Beaujolais, de Mons et de Lignon en Velay, du Parc-Sénausan , Saint-Martin et la Salle en Bourgogne, d’Anjou, Gersieu, Server, Furamente, Ornacieu et les Coutances en Dauphiné, de Miolans en Savoie, et de la Veillère en Bresse.

Jacques Mitte fut très activement mêlé aux guerres de religion. Il se trouvait au siège de La Rochelle sous Charles IX (juin 1573), set à la défaite des reîtres à Vimory, près de Montargis (27 septembre 1581). Il suivit ensuite le parti de la Ligue, devint lieutenant du duc de Nemours à la place de Guillaume de Gadagne, resté fidèle à Henri de Béarn, et prit part à presque tous les combats qui se livrèrent en Forez. C’est lui qui força le donjon de Thizy à se rendre, le far août 1590. Pendant qu’il assiégeait ce château, les seigneurs de Joux et de Rochebaron cherchèrent à bo gagner à la cause de Henri de Navarre, en lui annonçant que le Roi le faisait lieutenant général on Lyonnais et en Beaujolais, et réservait le Forez à d’Urfé. Ce dernier, ayant eu communication de (-os ouvertures, les dévoila au duc de Saint-Sorlin. Chevrières, appelé à Lyon par le Consulat, fut arrêtée et enfermé à Pierre-Scise. Gabrielle de Saint-Chamond accourut auprès de son mari prisonnier. Elle adressa plusieurs lettres au Consulat, et par ses nombreuses démarches et ses instantes prières, obtint la délivrance de Jacques Mitte, après deux mois de captivité.

Après l’abjuration d’Henri IV, Chevrières se donna à ce prince. Il fut nommé lieutenant général du Lyonnais et du Beaujolais sous le gouverneur M. de la Guiche. Il fut ambassadeur extraordinaire en Piémont, en 1602, et mourut le 7 mars 1607, à l’âge de cinquante-un ans, dans son château de Septême, près de Vienne en Dauphiné.

Jacques Mitte appartient presque autant au Velay qu’au pays de Forez. Il joua un grand rôle dans nos luttes civiles et religieuses. Envoyé, le 10 octobre 1594, en Velay, par le connétable de Montmorency, pour faire reconnaitre l’autorité royale, il fut nommé gouverneur de notre petite province, par lettres du Roi du 8 octobre 1594, et, à partir de ce moment, il exerça une grande influence sur la ville du Puy et toutes les contrées environnantes.

L’union de Jacques Mitte avec Gabrielle de Saint-Chamond fut heureuse. Pendant que son mari guerroyait en Velay, en Forez et sur d’autres champs de bataille, la marquise gardait le logis et s’occupait à introduire l’économie et l’ordre dans cette grande maison de Chevrières. On a remarqué, en effet, que Jacques Mitte, malgré les dépenses énormes que lui coûtèrent toutes ses expéditions, augmenta ses domaines, surtout par l’acquisition de bois dans la forêt de Mont-Pilat, depuis 1577 jusqu’en 1596, c’est-à-dire pendant toute la durée de son mariage avec Gabrielle de Saint-Chamond. Mais la marquise de Saint-Chamond ne se borna point à l’exercice des vertus domestiques. C’est à elle et à son époux que la ville de Saint-Chamond doit une grande partie de sa splendeur passée, de ses monuments et de ses communautés religieuses.

La maison des Ursulines, entre autres, fut fondée et dotée par la marquise elle-même. La piété de cette dame, son dévouement aux bonnes oeuvres et l’exemplaire régularité de sa vie, sont un éloquent témoignage qu’elle n’avait pas quitté le monde par dérèglement ou libertinage. Aussi lorsqu’ elle mourut, le 2 janvier 1596, âgée de quarante-neuf ans, son époux lui fit élever un mausolée, et, en exprimant la douleur qu’il ressentait de sa perte, il fit on même temps l’éloge des vertus qui l’avaient ornée.

Gabrielle de St-Chamond avait donné le jour à sept enfants. De cette nombreuse postérité, il ne resta qu’un fils et une fille. La fille, Gasparde de Chevrières, fut mariée, en premières noces, à Jean-Timoléon de Beaufort, marquis de Canillac, et, on deuxièmes noces, à Guillaume de Laubespine, marquis de Châteauneuf. Elle épousa, en troisièmes noces, Henri de La Chatre, bailli et capitaine du château de Gien, seigneur de Sigonneau et de Bridoré, comte de Nançay, par lettres patentes du mois de juin 1609, gentilhomme de la chambre du Roi, et veuf lui-même de Marie de la Guesle, fille de Jacques de la Guesle procureur général au Parlement de Paris, avec laquelle il s’était marié le 15 juin 1605.

Le fils de Gabrielle de Saint-Chamond, Melchior Mitte de Chevrières, marquis de Saint-Chamond et de Montpezat, comte de Miolans, pronom. Baron du Lyonnais et de Savoie, fut nommé conseillé d’État à l’âge de vingt-huit ans et passa la plus  grande partie de sa vie à représenter le Roi près les cours étrangères. Il fut employé à vingt-trois ambassades, notamment à la cour des ducs Vincent Ier et Charles II de Mantoue, en Angleterre et à Rome, et subit quatre disgrâces. Il était dans la ville éternelle, lorsque les troubles de la Fronde le rappelèrent en France. Il fut nommé, le 4 mai 1612, lieutenant du Roi en Lyonnais, Beaujolais et Forez, sous le gouvernement de Charles de Neufville d’Alincourt de Villeroi, dans l’église des Augustins, le 31 décembre 1619, maréchal de camp le 17 novembre 1621, lieutenant général des armées du Roi en Provence, le 4 décembre 1630, et ministre d’Etat le 10 février 1633.

Melchior Mitte, fidèle aux traditions de son père et de sa mère, consacra tous ses soins et une partie de son immense fortune à embellir la ville de Saint-Chamond. Il épousa Isabeau de Tournon, fille de Just-Louis, baron de Tournon, comte de Roussillon, et de Magdeleine de La Rochefoucauld, et eut neuf enfants de cet unique mariage.

La piété de ce seigneur était vive et sincère. Il aimait passionnément les saintes reliques et en avait apporté plus de cent cinquante de ses ambassades. Cette dévotion lui venait surtout des leçons de sa mère, Gabrielle de Saint-Chamond Les 9 et 10 octobre 1634, il fonda la collégial de Saint-Jean-Baptiste, à Lyon, et dépensa plus de trois cent mille livres pour cette église, qu’il orna, on outre, de reliques et autres libéralités. Il mourut à Paris, dans son hôtel de la rue Saint-Denis, le 10 septembre 1650.

Le portrait de Melchior Mitte figure dans la belle collection de Larmessin et de Louis Boissevin. Sous l’image de ce grand seigneur, qui fut surtout un homme de bien, se trouve cette mention :

J. Frosne sculpsit, avec les armes, qui se blasonnent ainsi :

Ecartelé au 1 et 4 d’argent, au sautoir de gueules, à la bordure de sable, chargée de huit fleurs de lis d’or, qui est Mitte, au 2 et 3 d’or, à l’aigle aux deux tètes de sable, qui est Miolans, sur le tout d’argent à la face de gueules, parti d’azur plein, qui est Saint-Chamond.

On remarque que les armes de Miolans n’indiquent pas le 1er  et 4me quartier, qui sont de gueules à trois bandes d’or.

Après la mort de Melchior Mitte, la maison de Chevrières maintint sa splendeur, mais elle tomba en quenouille par le mariage de Marie-Anne Mitte, fille et unique héritière de Henri de Chevrières, marquis de Saint-Chamond, avec Charles-Emmanuel de la Vieuville, seigneur de Cholleaux, comte de Vienne et de Confolens, baron de la Villate d’Arzilhères, et premier baron de Champagne (30 novembre 1684).

Vingtième abbesse JEANNE DE CLERMONT-CHASTE.

Elle était fille naturelle de François de Clermont-Chaste, baron de Chaste, de la Brosse et de la Faye, qui fut tué en 1594, durant les guerres civiles, devant la ville du Puy, qu’il assiégeait, pour la mettre sous l’obéissance du Roi, dont il commandait les troupes dans le Gévaudan, le Velay et le Vivarais.

Jeanne, reconnue par son père, fut placée jeune à l’abbaye de Clavas, qui, depuis longtemps déjà, avait été gouvernée par des membres de la famille dont elle porta le nom. Répondant aux soins qu’on eut de son enfance, elle crut, quand l’âge de raison fut venu, que le meilleur parti pour elle était de rester dans le cloître. Son origine, qu’elle n’ignorait pas, mais dont elle n’était nullement responsable, dut sans doute lui faire craindre la déconsidération dans le monde. D’ailleurs, pleine de piété et d’amour pour Dieu, l’état religieux allait d’une manière parfaite à toutes ses inclinations. Elle trouvait, en outre, des amies dévouées dans les religieuses du couvent, qui s’efforçaient par tous les moyens de lui faire oublier le vice de son origine.

Elle se détermina donc à se revêtir de l’habit de Cîteaux. Les progrès qu’elle fit dans la vertu fendant son noviciat, l’instruction qu’elle avait acquise avant et qu’elle augmenta encore pendant le temps de son épreuve, firent comprendre ce qu’elle deviendrait un jour. La dignité abbatiale lui fut en effet conférée, et elle s’acquitta, à la satisfaction générale, des fonctions qui lui étaient propres. Elle sut ramener au monastère le calme que le départ précipité de Gabrielle de Saint-Chamond et ce qui s’ensuivit avaient momentanément fait disparaître. Tout s’apaisa, grâce à la solidité de sa vertu, à ses bonnes manières et à sa rare intelligence.

A la tête de la maison de suite après Gabrielle, elle y était encore dans les premières années du XVIIe siècle. Sa mort fut ce qu’avait été sa vie : un sujet d’édification pour tout le monastère.

Vingt-unième abbesse MAGDELEINE DE CLERMONT-CHASTE.

Elle était soeur de Jeanne et avait la même origine. Nommée abbesse en 1607, elle ne reçut que le 16 août 1609, la bénédiction abbatiale, qui lui fut donnée à Bellecombe par Claude Masson, abbé de Morimond. Elle fut ce qu’avait été sa soeur, et je pourrais dire d’elle ce que j’ai dit de cette dernière (1).

(1) Dame Magdeleine de Clermont-Chaste figure à Yssingeaux comme marraine d’une fille à sieur Masmea, marchand de ladite ville (1600 — 2 mai). ] Était-elle religieuse à cette époque? et, si elle l’était, comment expliquer sa présence à Yssingeaux pour porter un enfants sur les fonts ?

En 1611, elle fit dresser le terrier de l’abbaye. Les reconnaissances furent reçues par Descours, notaire. Ce terrier est souvent cité par celui de 1744.

Ce fut en 1619 que fut partagé entre les habitants des Mazeaux, du consentement de Magdeleine de Chaste, un tènement de bois, appelé la Pinatelle. Je copie textuellement ce que dit à ce sujet le terrier Souvignhec :

Plus un bois appelé la Pinatelle,

Plus un autre bois, appelé Montservier,

Plus un autre bois au dit terroir, lesquelles deux pièces font partie d’un tènement, appelé la Pinatelle, contenant environ vingt-neuf sétérées, partagé entre tous les habitants des Mazeaux, le 17 mars 1619, du consentement de la dame abbesse, sous la condition que le servis n’est que pour les bois branlants, que lorsque les dits habitants le cultiveront, le quart appartiendra à la daine abbesse et que le dit partage ne durera qu’autant ‘qu’il ni plaira et qu’il sera trouvé utile pour le profit de ladite abbaye, comme est porté par le dit partage reçu par M. Mounier, notaire, plus ça ,part des terres quartives, communes et indivises avec tous les habitants des Mazeaux, désignées confrontées en la reconnaissance de M. Chaolidar.

Sous Magdeleine de Chaste, l’abbaye reçut la visite de Mgr Just de Serres, évêque du Puy. Je (lois à l’obligeance intarissable de M. Chaleyer, de Firminy, une copie du procès-verbal de cette visite. Je ne puis mieux faire que d’en donner le texte intégralement.

Visite de Clavas.

Du jeudy quinzième jour du mois d’octobre six cent vingt-six.

Nous Just de Serres, évêque du Puy, comte de Velay et suffragan spécial de l’Eglise de Rome faisant à présent la visite générale de notre diocèse.   

Nous sommes portés ce jourd’hui, quinzième d’octobre mil six cent vingt-six au monastère et abbaye des dames religieuses de Clavas, ordre de saint Bernard, où accueillis à l’entrée par r6v6rente mère dame Marie de Chaste, abbesse du dit monastère, et par plusieurs autres miennes religieuses après estre entré dans l’église. du dict Clava et faict nostre prière ordinairé avons apprins que la dicte église avaict esté cy devant profané par meurtres en icelle commis et par la ruyne et démolicion intervenue durant ces troubles et remuemens suscités par les Calvinistes en ce royaume qui ennemis jurés de nostre Religion pour en esteindre la mémoire sy leur pouvoir eut répondu à leur malice renversant églises, brisaient images, rompaient autels, pillaient monastères et par un excès de cruaulté faisaient la guerre aux créatures mesme inanimées s’en prenaient jusques aux pierres et démolissaient ces magnifiques édiffices qui avaient été construits les siècles passés pour y honorer nostre Dieu y chanter ses louanges et pratiquer nos saincts et religieux exercices.

L’abbaye de Clava ayant ressenti cest orage et participé aux effets de ceste cruelle esmotion le cloistre n’estait plus que cendre et leur église que masure mais le ciel ayant calmé ce trouble et réuni les religieuses dans le monastère elles ont tasché de le restablir et faire rebastir leur église. Ce nouveau restablissement faict néanmoings sur les mesmes fondements réquérint une réconciliation selon les saincts droicts nous avons dabord procédé à icelle avec les aspersions, processions et cérémonies ordinaires portées par nostre pontifical et après avoir reconcilié la dicte église avons sacré deux autels en icelle à savoir le grand à l’honneur de la glorieuse Vierge Marie vraye tutrice des religieuses et l’autel d’une chapelle posée du costé de l’épître à l’honneur de Saint Bernard, leur patron, et en chacun des deux autels y avons mis des reliques de l’ung des Saincts Innocents.

La reconciliation de l’église et le sacre des autels finy, après l’administration du saint sacrifice de la messe, avons donné le sacrement de confirmation à ceulx qui s’y estoient disposés et eu suyte avons faict nos prières sur les morts suivant l’ordre de nos visites auxquelles les dames religieuses contribuant par leur dévote psalmodie, ont chanté le psalme Miserere mei, Deus, etc.

A Les dictes prières finies, nous sommes portés vers le grand autel et visitant le saint Sacrement avons trouvé dans le ciboire trois hosties bien tenues et avons remarqué que dans le dict ciboire on réservoict une aragnée qui se trouva quelque temps y a dans le sang prétieux au calice consacré à la messe à l’instant l’avons bruslée et enjoint à frère et père spirituel des dames illec présent de jeter les cendres dans la sacraire; avons aussi recogneu que le tabernacle dans lequel on repose le saint Sacrement estant mal assy et mal affermy menassant cheute evidante sur l’autel et par ainsin prévoyant le scandalle que en pourrait survenir mesmement si la dicte cheute arrivoit cependant qu’au dict autel on célèbre la sainte messe avons à l’assistance des dictes dames religieuses enjoinct au dict frère ….. de fere affermir et mieux assurer le dict tabernacle.

« Par l’exhibition à. nous faicte du porte-dieu dans lequel on expose le saint Sacrement aux festes solemnelles et par la confrontation des hosties avec le rond ou soleil dans lequel on le repose avons recogneu le dict rond estre trop petit et incapable de recevoir une hostie de suffisante grandeur et partant avons jugé estre nécessaire d’en recouvrer ung autre, ce que nous avons enjoinct au d. frère.

u De relevée après l’office des vespres chantées par les dames religieuses pour leur spirituelle consolation, le fi. P. Lamour de la Compaignio de Jesus prins pour prédicateur en ceste notre visite par ung sien discours faiet à nostre présence et des dictes dames dans le choeur de la dicte église a représanté leurs faits et advantages de nostre visite desquels il rendoit des premiers par le procédé d’icelle mesmement de ce matin rapportant la cérémonie du sacre des autels à la consecration que nous devons fere à Dieu, de nom urnes et par exprés l’attribuant à l’estat religieux un discours finy nous sommes retirés de la dicte esglise après avoir recommandé aux dévotes prières des dames religieuses l’heureux succès de nostre visite épiscopalle le fruit de laquelle nous désirons réussir à la gloire de Dieu et à la mainte police de nostre diocèse.

A Clos et signé le présent verbal. — Just de Serres, évêque du Puy et comte de Velay. » (1)

(1) Visite faite par messire Just de Serres (in-folio, p. 177). Manuscrit au pouvoir de M. Chaleyer, de Firminy.

Vingt-deuxième abbesse. MARGUERITE DE LA BORIE.

La Gaule chrétienne ne donne qu’une date 1634, et dit qu’elle était abbesse fiduciaire. Elle fut fidèle au fidéicommis qu’elle avait reçu, et résigna, quand le moment fut venu, en faveur de celle qui lui avait été désignée. On peut présumer avec raison que Marguerite n’avait été promue à la dignité abbatiale, avec la condition de 1ft remettre plus tard, que parce que Anna de Chaste, qui suivra, était trop jeune encore pour en exercer les fonctions. Les exemples de ce genre se présentaient quelquefois à cette époque;

J’en ai cité un, à peu près analogue, à propos de Bellecombe, au sujet de Françoise I de la Tour-Saint-Vidal, nommée abbesse par bulle papale, lorsqu’elle n’avait que douze ans, et qui fut maintenue malgré les protestations qui se produisirent. Une différence pourtant me semble avoir existé entre Anna de Chaste et Françoise de Saint-Vidal. La première n’était point encore abbesse et-ne devait l’être qu’après Marguerite de la Borie, et à l’époque désignée par le fidéicommis; tandis que Françoise jouissait de la dignité, quoique les fonctions en fussent remplies par la prieure, à sa place.

Je regarde comme très probable que notre abbesse fiduciaire était originaire de la Faye de Marlhes. La famille de la Borie y était en effet possessionnée à cette époque.

J’ai en mon pouvoir le testament de noble Antoine de la Borie, écuyer, habitant à la Faye, paroisse de Marlhes. Le testateur y donne lu nom de sa femme et cite ses deux filles. Il était marié à demoiselle Françoise Morison, d’une famille que je ne connais pas et qui était originaire de Marlhes. L’aînée de ses enfants, du nain d’Anna, épousa noble Claude de Lagrevol, sieur du Reliou, et la cadette, mademoiselle Jeanne, fut mariée à messire Jean Bayle. Le testament est daté du 28 février 1657.

Je présume donc que Marguerite était soeur d’Antoine, ou peut-être sa tante.

En 1634 (1er février), il y eut reconnaissance ; d’honnête Louis Rosier, tanneur d’Annonay, en faveur de dame Marguerite de la Borie, abbesse de Clavas, de neuf fessoirées vigne au vignoble d’Annonay et terroir de Chames, sous la cense Humilie et perpétuelle d’une saumée de vin pur et net, mesure d’Annonay, laquelle vigne a été reconnue, en 1477 et le 18 juillet, à dame Isabeau Saint-Germain, abbesse de Clavas (1).

(1)Archive du Puy, casier Clavas

Notre abbesse gouvernait encore le monastère, lorsqu’en 1638, l’Apôtre du Velay, saint François-Regis, vint évangéliser nos Cisterciennes et les populations environnantes.

Voici comment d’Aurignac raconte cette mission :

De Saint-Sauveur, notre saint Jésuite alla visiter l’abbaye de Clavas (claire vallée), située dans une gorge des plus hautes montagnes qui joignait le Velay au Forez, et qui alors étaient couverte de forêts. Là, Jean-François-Régis ranima la ferveur parmi les nobles recluses de l’ordre de Cîteaux, qui avaient fait vœu de renoncer au monde et à ses vanités, mais qui n’avaient pu être admises à prononcer ce vœu qu’après prouvé les quartiers de noblesse exigés par les statuts de la fondation. Les vassaux de l’abbaye eurent une large part aussi à l’évangélisation du père des pauvres, et Clavas se glorifia encore de cette faveur dont le souvenir lui a été transmis par les générations passées. (1)

(1) Histoire de saint François-Régis, p. 222.

Ce fut cette année-là même, peut-être à la suite de la mission, que notre abbesse fiduciaire se désista de sa place, en vertu de son fidéicommis, en faveur de la suivante.

Vingt-troisième abbesse. ANNA DE CLERMONT—CHASTE.

Elle était fille de Charles de Clermont-Chaste et d’Anne de Lattier-Charpey. Son père, sénéchal du Puy, ayant volé, en 1621, au secours de la ville d’Yssingeaux, assiégée et prise par les religionnaires de Privas, au nombre de 400 hommes, n’arriva que lorsque ces derniers eurent été vivement repoussés par le curé, homme septuagénaire, à la tête des habitants, mais assez tôt pour infliger une défaite complète aux troupes de Blacons. Arnaud dit qu’il y eut à peine quarante hommes qui purent échapper aux armes de de Chaste et des paysans du pays et retourner dans leurs foyers.

Magdeleine, soeur d’Anne, était prieure de Clavas en même temps qu’Anne était abbesse. Marie, une autre de ses soeurs, fut aussi prieure du même couvent. Il y avait encore à la même époque une autre fille de Charles à Clavas.

Anne de Clermont-Chaste, nommée abbesse par bulle d’Urbain VIII, donnée à Saint-Pierre, on 1642, le 8 des ides de novembre, la vingtième année de son pontificat, fut mise en possession par messire Claude Jourdan, official et vicaire général du chapitre du Puy, le siège étant vacant.

Je ne sais ce qui eut lieu en 1699. Notre abbesse résigna-t-elle en faveur de la suivante ? Y eut-il là encore fidéicommis? Je l’ignore. Toujours est-il qu’à l’époque désignée, elle fut remplacée par N. Rochefort, et qu’après la mort de cette dernière, elle reparut de nouveau et résigna en faveur d’Anne de Montmorin Saint-Hérem. Son acte de résignation se trouve dans les minutes de M° Maisonnial, notaire. En voici la teneur :

1698 (2 décembre). Haute et puissante dame Amie de Clermont-Chaste, religieuse professe et abbesse de Clavas, a constitué son procureur général, auquel elle donne pouvoir de résigner, en mon nom, entre les mains de notre saint Père le Pape, monseigneur son vice-chancelier ou autre, ayant de ce pouvoir, la dite abbaye ou monastère des filles do Clavas, de l’ordre de Cîteaux, qu’elle possède paisiblement, en faveur de soeur Anne de Montmorin Saint-Hérem, religieuse professe du même ordre et prieure claustrale de la dite abbaye de Clavas, sous la réserve toutefois d’une pension annuaire et viagère de 300 livres sur les fruits et revenus de l’abbaye.

Fait à Clavas, au-delà du ruisseau, en Velay. — Pierre Amal, religieux profès de l’abbaye de Bonneval. Outre sa qualité d’aumônier, il était encore syndic du monastère.

Mme Anna de Clermont avait porté la crosse pendant cinquante ans, lorsqu’elle fut remplacée dans la dignité abbatiale par la suivante, en 1692. Sa résignation n’avait dû être que temporaire à cette époque, puisqu’elle ne résigna définitivement que six ans plus tard.

Je ne m’explique pas plus cette réserve d’une pension viagère que je ne me suis expliqué celles payées à Mme de Gerba, en ses différentes qualités. Si les Cisterciennes vivaient de la même vie, à la même table, en communauté, je ne comprends pas ces pensions.

Arrivée à un âge très avancé, après une administration des plus paisibles et des plus sages, notre abbesse rendit son âme à, Dieu, vers les premières années du XVIIIe siècle. Sa mort fut l’écho de sa vie.

Vingt-quatrième abbesse. — N. DE ROCHEFORT.

D’après la Gaule chrétienne, elle fut nommée le 1er novembre 1692, et mourut au mois de juillet 1698. C’est tout ce que dom Boyer nous apprend de cette abbesse. Cette pénurie de détails a lieu d’étonner, vu que Mme de Rochefort était à la tête de la maison à une époque peu éloignée de celle où le savant bénédictin se présenta au monastère pour compulser les titres de la maison. On ne comprend pas qu’il n’ait point découvert sa bulle de nomination, le procès-verbal de la bénédiction et celui de son installation.

Il y a eu plusieurs familles de Rochefort, et chacune de ces familles se divisa en plusieurs branches. L’une de ces familles, dit l’Armorial Lyonnais, Forez et Beaujolais, pourrait être originaire de Rochefort, en Lyonnais. Il est très probable que notre abbesse appartenait à cette maison, mais il est impossible de dire à quelle branche. J’affirmerais néanmoins, mais d’une manière dubitative, qu’elle était membre de celle le Rochefort La Valette. Cette branche avait fourni déjà, vers le commencement du XVe siècle, trois religieuses à Clavas : Clauda et Jordane de Rochefort La Valette, filles de Jean et d’Isabeau de Fay, issue de Pérot de Fay-Gerlande; et Lyon-nette de Rochefort, fille de Guillaume et de Jeanne Mitte de Chevrières. D’après Jean-Marie La Mure, la Valette, dont se titrait cette maison, n’est pas loin de Saint-Etienne de Furan, circonstance qui rend mon hypothèse plus plausible encore.

Nommée abbesse en 1692, son supériorat fut d’assez courte durée. Mme de Rochefort mourut pendant l’année 1698.

Vingt-cinquième abbesse. ANNA DE MONTMORIN SAINT-HÉREM.

Les de Montmorin étaient seigneurs, comtes et marquis de Montmorin, d’Auzon, de Rillac, de Nades, de Saint-Hérem, de la Chassaigne et autres lieux.

La maison de Montmorin était l’une des plus anciennes et des plus illustres de la province d’Auvergne. Elle tirait son nom d’une terre considérable, située près de Motu. Son château, bâti sur une montagne isolée, est nommé dans les anciens titres  Mons Mauritii.

Cette famille s’est divisée en plusieurs branches qui se sont toutes illustrées dans la carrière des armes, dans celles de l’administration et du sacerdoce. On trouve aussi plusieurs de ses membres dans les chapitres de Brioude, de Lyon, de Malte, et elle a eu trois chevaliers de l’ordre du Saint-Esprit.

Notre abbesse était fille d’Edouard de Montmorin, qui fit la branche de la Chassaigne, et de Marie de Champfeu, fille de Gilbert de Champfeu, seigneur de Gensac, et de Marie d’Aubigny. Son père fut capitaine de cavalerie dans le régiment de la Ferté et dans celui de l’Altesse.

Anna avait fait profession au monastère de l’Esclache, dont elle était supérieure, lorsqu’elle fut nommée, dans les premiers mois de 1698, prieure et commissaire de Clavas, par l’abbé de Citeaux. A la mort de dame de Rochefort et en vertu de la résignation d’Anne de Chaste, elle fut proclamée abbesse cette même année, à la fête de l’Assomption, et sa promotion confirmée par la bulle d’Innocent XII, donnée à Sainte-Marie-Majeure, le 15 des calendes de janvier 1699, la septième année de son pontificat. Envoyée en possession par Armand de Béthune, évêque du Puy, le 22 février 1699, elle ne reçut la bénédiction que le jour de la Toussaint, dans l’église métropolitaine de Vienne, d’Armand de Montmorin, archevêque, assisté de D. de Villars, de Saint-André de Vienne, et de D. de Gordes, de Sainte-claire d’Annonay, abbés l’un et l’autre.

En 1711, une nièce d’Anna de Montmorin se présenta pour être reçue comme novice. Je copie textuellement, comme spécimen de ce qui se passait dans ces sortes de circonstances, le procès-verbal de sa réception. Il y a au reste dans ce titre, des détails qui ne me semblent pas dépourvus d’intérêt.

Au nom de Dieu et à tous soit notoire que ce jourd’hui sixième du mois de juin avant midi de l’an mil sept cents onze, fut présente dame Marie-Amable de Montmorin Saint-Hérem, fille naturelle et légitime d’illustrissime et révérendissime Marie-Josèphe-Gaspard de Montmorin Saint-Hérem, à présent, évêque d’Aire, et de défunte haute et puissante dame Louise-Françoise de Bigny-Ainay, laquelle de son gré s’étant dévouée au service de Dieu, pour vivre et mourir selon la règle de saint Benoît et dans le monastère de l’abbaye Nostre Dame de Clavas, ordre de Cîteaux, a très humblement supplié et requis dame Anna de Montmorin Saint-Hérem, abbesse du dit monastère, dames Marguerite de Saissandoux, Françoise-Henriette de Beaufort, Jeanne-Louise du Chaylas, Jeanne de Villelonge, Apnée-Françoise de Feneaux, Marie-Magdeleine Deyrieux, Marie de Vallon, Françoise de Mereville, Jeanne-Denis d’Alleman, Anne de Montmorin Marie d’Espinchal, Delphine Bac du Mollie, Marguerite de la Rochette et Diane de Massiac, religieuses assemblées à sa prière, au son de la cloche, dans le parloir de la dite abbaye, de vouloir la recevoir au dit monastère en suite du consentement prêté par le dit seigneur évêque, mon père, suivant sa procuration faite à haut nt puissant seigneur messire François, marquis d’Espinchal, seigneur et baron de Dunières, Massiac et autres places, reçue Lagardette, notaire royal, le 17 mai dernier, annexée aux présentes, conformément à laquelle le dit seigneur marquis d’Espinchal, icy présent au nom du dit soigneur évêque, a autorisé la dite dame Marie-Amable de Montmorin Saint-Hérem à l’effet de sa profession au dit monastère, à laquelle prière les dites dames abbesse et religieuses ayant égard; comme étant convaincues de la vocation de la dite dame de Saint-Hérem et de su persévérance depuis plus de huit années qu’elle a resté prétendante au dit monastère et notamment depuis plus de deux ans novice tout présentement reçue ayant icelle promis d’observer les règles et statuts de la dite abbaye et unit que les dites dames n’en soient surchargé, elle s’est constituée en dot envers les dites dames, abbesse et religieuses, la somme de quinze cents livres de principal sur la légitime part et portion dans les biens de la dite défunte dame de Bigny-Ainay, sa mère, pour subvenir à son entretien et subsistance, et la somme de cent cinquante livres de pension viagère que la dite défunte dame, sa mère, lui a donnée et léguée par son testament pendant sa vie ainsi que lui est donné pouvoir de se constituer par la dite procuration; en conséquence de laquelle établit le dit seigneur marquis d’Espinchal, procureur spécialement fondé de la susdite procuration qui suivant le pouvoir à lui donné tant par le dit seigneur évêque que par haut et puissant seigneur messire François-Gaspard de Montmorin, chevalier, comte du dit lieu et autres places, fils du dit sieur évêque, et de la dite défunte daine de Bigny-Ainay, a promis pour et au nom du dit seigneur évêque, de payer annuellement la somme de cinquante livres en diminution de la dite pension pendant sa vie et promet pour, au nom et de la part du dit seigneur et messire François-Gaspard de Montmorin, de payer à la dite dame abbesse et religieuses la dite somme quinze cents livres pour la dot cy-devant pro mise par le dit seigneur évêque à dame Anne de Montmorin, son autre fille, religieuse professe en ce dit monastère, par contrat reçu Bouchet, not_ roy. le 20 avril 1705, en six termes égaux, chacun de la somme de cinq cents livres dont le premier commencera d’aujourd’hui en deux ans, ainsi continueront de deux ans et deux ans jusques à l’entier acquittement des dites deux sommes montant à celle de trois mille livres sans intérêt jusques aux dits termes seulement après chacun desquels termes l’intérêt de ce qui sera échut commencera à courir et sera payé en fin de chaque année en raison de six deniers par livre seulement, nonobstant toutes ordonnances a ce contraires et quoique les termes de la dot de la dite dame Anne de Montmorin portés pour son contrat d’entrée en Religion soient déjà élus, promettant aussi le dit seigneur marquis d’Espinchal pour et au nom du dit seigneur conte de Montmorin de payer à chacune des dites dames Anne et Marie-Amable de Montmorin, religieuses, la somme de cent livres de pension à elles léguée par le testament de la dite défunte dame de Bigny, leur mère, pendant la vie du dit seigneur évêque, leur père, et après son décès la dite pension entière de cent cinquante livres à chacune des dites dames, Anne et Marie-Amable de Montmorin, à commencer comme est dit en la dite procuration et cy-dessu, et moyennant la susdite somme et icelles servies aux susdits termes avec leurs hypothèques, la dite dame Marie-Amable de Montmorin quitté, cédé, remis, renoncé et s’est départie de sa légitime part et portion qu’elle a ou peut avoir aux biens et à la succession de la dite défunte dame de Bigny-Ainay, sa mère, en quoique les dits biens puissent consister et qu’ils soient assis et situés, en faveur et au profit du dit seigneur François-Gaspard, comte de Montmorin, son frère absent, le dit seigneur marquis d’Espinchal procureur susdit pour lui acceptant, conformément aux charges insérées au contrat de mariage du dit seigneur comte de Montmorin avec dame Marie-Michelle de Beauvergier-Montgon, son épouse, reçu par le dit de Lagardette, not., le six du dit mois de mai dernier, et à la forme de la dite procuration, en conformité de laquelle le dit seigneur d’Espinchal, procureur susdit, promet de la part du dit seigneur évêque, qu’il continuera pendant la vie de payer la somme de cinquante livres pour parfaire la dite pension de cent cinquante livres de la dite dame Anne de Montmorin, jointe avec celle de cent livres cy-devant promise de la part du dit seigneur, comte de Montmorin, lesquelles pensions demeureront éteintes après la mort des dites dames de Montmorin, religieuses, chacune à leur égard; et de plus le dit seigneur marquis d’Espinchal promet pour et au nom du dit seigneur évêque conformément à la lettre missive de lui écrite et signée, datée du dit mois de mai dernier, restée au pouvoir de la dite dame abbesse, de donner un présent de cent livres pour l’église du dit monastère de Clavas, outre ce que dessus payable à la première réquisition de la dite dame abbesse. Convenu de par et exprés que où et quand la dite dame Marie-Amable de Montmorin sortirait du dit monastère pour aller dans un autre sous quelque prétexte que ce soit, la dite pension de cent cinquante livres sera payée à la dite dame abbesse du monastère où elle sera, et pour le payement des dites sommes principal et intérêt et pension le dit seigneur d’Espinchal procureur susdit a soumis et obligé les biens des dits, seigneur évêque d’Aire et comte de Montmorin, père et frère des dites dames de Montmorin et par préférance et spéciale hypothèque, les biens demeurés du décès de la dite dame de Bigny-Ainay, leur mère, et sans déroger ny anover aux hypothèques cydevant acquises ny que la spéciale déroge à la générale ny au contraire.

Ainsi arrêté et promis observer par promesses, obligations, soumissions, renonciations et clauses à ce requises, fait au parloir de la dite abbaye en présence de dom Jean.Leaulté, prieur de „Mazan, de messire Jean Baillard de Senotix; prêtre docteur en théologie et curé de Sainte-Se-golaine, messire Barthelemy Coste, prêtre et curé de Dunières, noble Paul du Faure, seigneur de Maisonnettes du dit Dunières, messire M. Chappuis, avocat en Parlement, juge du dit Clavas, sousignés avec les parties , soit controllé à la forme de le dit , et encore présent dom Pierre Arnal, religieux professe de Bonneval, aumônier de la dite abbaye aussi signé.

Signés sous la minute

à Marie-Amable de Montmorin SaintHérem.

D ‘Espinchal, procureur susdit. 

J. Leaulté, commissaire.  

De Montmorin Saint-Hérem, abbesse de Clavas. Soeur de Sainssandoux.

Soeur H. de Beaufort.  

Soeur Chailas

A. F. Feneau.

Soeur Derieux.

Soeur de Valon.         

Soeur Dallemance.

Soeur de Mereville.

Sœur de Montmorin. 

Soeur d’Espinchal.

Soeur de Massiac.      

Soeur Bac.

Soeur de la Rochette.

B. de Senoux, curé présent.

P. Arnal, présent.

Chappuis, présent.

Coste, curé,

Mesonnettes. cc Et moy not. Royal, sodsigné recevant, Fangier; controllé à Marlhes, le 21 juin 1711. R. 8, F. 19.

Ce fut Anna de Montmorin qui reçut dom Boyer lorsqu’il vint à Clavas pour compulser les vieux parchemins de l’abbaye. Le savant bénédictin fut accueilli avec la déférence qui était due à son caractère et surtout à la mission qu’il venait remplir. On lui présenta tout ce qui avait échappé au pillage et aux divers incendies dont le monastère avait eu considérablement à souffrir dans différentes circonstances. De ses recherches résulta le précieux mais très court travail inséré dans la Gaule chrétienne et qui comprend d’une manière très succincte la nomenclature des abbesses de Clavas.

Cette étude est loin d’être sans lacune. IL sera difficile de la combler jamais.

Les rédacteurs du Gallia, pénétrés du mérite’ do notre abbesse sur les affirmations de dom Boyer, qui avait été à même d’en juger pendant son séjour dans l’abbaye, terminent leur étude sur Clavas en faisant d’elle le plus bel éloge, quoique en très peu de mots Ilactenus feliciter prœest et prodest.

Anna de Montmorin Saint-Hérem continua dé gouverner avec sagesse et profit pour son couvent jusqu’en. 1722, époque où la crosse passa en d’autres mains, soit par la mort de la précédente, soit par la résignation qu’elle en fit. Elle avait été  pendant vingt-trois ans à la tête de la maison.

Vingt-sixième abbesse ANNE DE MONTMORIN SAINT-HÉREM.

A ce que j’ai rapporté déjà de cette famille, j’ajouterai ce qu’en dit Lachesnaye-Desbois : Elle est une de celles de l’Auvergne qui a le mieux mérité de l’Etat et de la patrie. Elle est très distinguée par l’éclat de ses alliances. Parmi elles on compte les maisons de Joyeuse, de Mercœur, d’Auzon, de Flotte, de Rochefort, de Gamaches, de Vissac, de Saint-Nectaire, de Chalencon, de Flageac, de Léotoing, de Marols, de Montboissier, , d’Urfé, de Polignac, de Saint-Aignan, de Chazeron, de Coligny, de Castille, de Chauvigny, Le Gros de Vaubercey, de Harville des Ursins, de Rioult de Douilry , de Chambon , Le Valois de Villette, de Banneville, Le Tellier de Souvré, de Champfeu, de la Chassaigne, etc., etc.

Notre abbesse appartenait à la branche de la Chassaigne, dont le premier fut Edouard, seigneur de Montmorin, cinquième fils de Gilbert-Gaspard, marquis de Saint-Hérem, et de Catherine de Castille, seigneur de la Chassaigne, Sémiers, Gensac, capitaine de cavalerie dans le régiment de la Ferté et dans celui de l’Altesse.

De son épouse, Marie de Champfeu, il eut, outre la précédente abbesse, trois autres enfants, parmi lesquels Joseph -Gaspard, qui fut père d’Anne de Montmorin, de laquelle il s’agit dans ce moment.

Joseph-Gaspard se titrait seigneur de Montmorin, Ainay-le-Château, Saint-Amand, Méaulme, le Colombier et Drevant. Il fut cornette blanche (lu régiment, colonel, général, et servit volontaire à Strasbourg. Veuf, en 1700, de Louise-Françoise de Bigny-d’Ainay, qu’il avait épousée en 1684, il quitta le monde, embrassa l’état ecclésiastique, devint d’abord grand-vicaire, fut ensuite, en 1710, nommé par le Roi à l’évêché d’Aire, sacré en 1711, et mourut en 1723.

Lachesnaye-Desbois cite neuf enfants issus du mariage de Gaspard, dont six entrèrent en religion. Il ne me paraît pas sans intérêt de faire connaître ces derniers. Il y a là un exemple qu’on ne voit pas souvent.

1° Gilbert, né en 1691, docteur en théologie de la Faculté de Paris, qui fut nommé coadjuteur de son père à l’évêché d’Aire, le 1er juin 1722, sacré le 7 novembre 1723, le même jour que son père mourut. Il fut fait évêque-duc de Langres, pair de France, le 27 mai 1734, reçu au Parlement en cette qualité, le 15 mars 1736, prélat commandeur de l’ordre du Saint-Esprit, dans la chapelle du château de Versailles, le 2 février 1742, et mourut en 1770 ;

2° Thomas, abbé de Bonnevaux, docteur de la Sorbonne, mort en 1723, âgé de vingt-neuf ans, étant député de la province d’Auch à l’assemblée du clergé ;

3° Claire-Louise, d’abord abbesse de Mercoire, puis de Port-Royal, à Paris, et enfin de Fontevrault, diocèse de Poitiers. Morte le 20 décembre 1753 ;

4° Catherine, successivement abbesse de Charenton, au diocèse de Bourges, de Jouarre, diocèse de Meaux et de Montreuil-les-Darnes-sous-Laon ;

5° Marie-Amable, religieuse à Clavas;

6° Anne, qui fait l’objet de ce travail, Née en 1690, elle fut reçue jeune à Clavas. Ses premières années se passèrent sans éclat, à l’ombre du cloître, mais elle fit apparaître les qualités qui la distinguèrent plus tard. A la mort de sa tante, elle fut nommée d’une voix unanime à la dignité abbatiale, vers 1722. Sous la sage direction de la soeur de son père, dont les Bénédictins font l’éloge que j’ai cité, elle avait acquis, surtout pendant les années de sa probation, les vertus nécessaires pour administrer l’abbaye, et, initiée de bonne heure aux divers besoins de la maison, elle comprit, dès qu’elle tint la crosse, ce à quoi elle devait s’appliquer d’une manière particulière.

La direction des religieuses lui fut une tâche facile. La régularité la plus parfaite régnait dans l’abbaye; elle n’eut qu’à maintenir ce qu’avait fait sa tante et elle sut y réussir.

Le soin le plus important qui lui incomba fut d’augmenter les revenus, qui étaient loin d’être dans un état de prospérité. Les divers désastres survenus au monastère avaient nécessité des dépenses considérables et épuisé en partie les ressources. Anne de Montmorin lutta pendant une vingtaine d’années pour améliorer les finances. A bout de moyens, et voyant qu’elle ne parvenait pas à son but, elle tenta un dernier effort.

Les redevances ne se payant pas régulièrement, soit par mauvaise volonté de la part’ des tenanciers, soit parce qu’un grand nombre étaient tombées en désuétude, elle fit renouveler les reconnaissances vers 1740. Le terrier qui les contient est au pouvoir de M. Peyrieux, notaire à Riotord.

C’est un énorme in-folio qui n’a pas moins de 800 pages, cinquante-cinq centimètres de long sur quarante de large et quinze d’épaisseur. Il est signé : Sauvignhec, notaire. Le 20 décembre 1744, madame l’abbesse se présenta devant le notaire à terrier pour faire sa déclaration. Le tabellion l’annonce en ces termes :

L’an 1744, et le 20 décembre, avant midi, par gués, a comparu haute et puissante dame Anne de Montmorin Saint-Hérem, abbesse de l’abbaye royale de Notre-Dame de Clavas, ordre de Cîteaux, laquelle a déclaré tenir de sa directe et en toute justice, haute, moyenne et basse, les fonds suivants provenus des divers particuliers à la masse de son abbaye.

Suit la nomenclature et la désignation des fonds en question, parmi lesquels ne figure aucune propriété de quelque étendue, mais des champs, des prairies, des bois, situés ou dans les environs de Clavas ou dans la paroisse de Marlhes.

Il serait difficile de dire au juste quel fut le résultat obtenu par cette opération. Il ne paraît pas pourtant qu’il ait répondu à l’espoir qu’on en avait conçu. Les choses en vinrent à un point qu’il fallut songer enfin à prendre des mesures exceptionnelles. On pensa à l’abandon de Clavas et à la réunion des religieuses qui s’y trouvaient avec celles de la Séauve. Le projet dormit quelque temps, mais ne tarda pas d’être étudié d’une manière sérieuse. Il y eut enquête sur enquête. Je ne sais trop quelles étaient à ce sujet les idées des Cisterciennes de Clavas; mais il est hors de doute que celles de la Séauve résistèrent longtemps et firent tout ce qui fut en leur pouvoir pour empêcher la réussite du projet. J’en ai dit un mot dans ma première livraison.

Marie-Marguerite de Molette-Morangier, abbesse de la Séauve, étant morte en 1759, âgée de cent un ans, on poussa activement les informations, pendant la vacance. Je crois même que ce fut pour cette cause que cette vacance se prolongea jusqu’en 1764. Le moment vint pourtant où la réunion fut enfin décidée. Sur le rapport que firent en dernier lieu les commissaires enquêteurs, les supérieurs prononcèrent définitivement l’abandon de Clavas.

Pour adoucir l’amertume qui dut se faire sentir dans le coeur des religieuses de l’abbaye abandonnée, l’autorité crut devoir conserver à Anne de Montmorin sa dignité abbatiale. Elles devaient retrouver dans leur nouvelle demeure celle qui les avait dirigées pendant plus de quarante ans et qu’elles avaient appris à estimer et à aimer. Une autre raison dut influer peut-être sur le choix qui fut fait. J’ai dit qu’à la Séauve on était loin d’avoir vu avec faveur le projet de réunion.

L’opposition qui avait été faite avait peut-être bien laissé dans les âmes quelques traces de mécontentement, un je ne sais quoi dont on ne se rend pas compte, mais qui peut à un moment devenir un ferment de discorde. Il y avait donc à ménager les esprits, à faire disparaître tout ce qui pouvait nuire à la bonne entente, à l’union des coeurs. Or, personne ne pouvait mieux que notre abbesse réussir sur ce point. Exceptionnellement pieuse, pleine de talents, douée d’une prudence rare et d’une amabilité sans égale, il lui était facile de s’insinuer dans les âmes.

Anne de Montmorin fut installée par procureur, abbesse de la Séauve, le 22 juillet 1764, par dom Pousin , religieux profès de l’ordre de Cîteaux, directeur de la dite abbaye. On peut voir dans ma première livraison le procès-verbal de cette installation.

La nouvelle supérieure ne devait pas vivre longtemps après sa nomination. Arrivée à l’âge de soixante-quatorze ans, la pensée de quitter les lieux où elle avait passé plus de cinquante années de sa vie, remplit son âme du plus violent chagrin. Elle ne put résister à la secousse qui se produisit dans son être et mourut à Clavas, quelques mois après sa prise de possession. Ses restes mortels reposent sous les dalles de la chapelle de l’abbaye.

La réunion ne s’opéra qu’en 1765.

A dater de ce moment, le monastère de la Séauve ne fut plus connu que sous le nom de Séauve-Clavas, et fut gouverné dès cette année-là même jusqu’à la Révolution française, par dame Marguerite-Laure de Fumel, d’une des familles les plus distinguées du Quercy.

Extrait de l’ouvrage :

NOTES HISTORIQUES

SUR

LES MONASTÈRES

DE LA SÉAUVE

BELLECOMBE, CLAVAS ET MONTFAUCON

THEILLIER, curé de Retournaguet

Installation des Abbesses de Clavas

Les auteurs de la Gaule chrétienne qui vinrent à Clavas pour compulser les vieux titres de l’abbaye, afin de pouvoir en rendre compte dans leur immortel ouvrage, furent loin d’y en trouver autant qu’ils en avaient trouvé aux monastères de la Séauve et de Bellecombe.

L’abbaye avait subi divers incendies, et des déprédations y avaient été commises vers la fin du XVIe siècle. Bien des parchemins avaient dû périr, être dilacérés ou livrés aux flammes. Grace pourtant à l’obligeance de dame Anne-Marie de Montmorin Saint-Hérem, disent les rédacteurs du GALLIA, notre docteur, Jacques Boyer, a pu donner la série suivante des abbesses, par le moyen des titres peu nombreux qui existent encore. Cette série, que je suivrai, est loin d’être sans lacunes. Dans mes recherches, je n’ai pu découvrir qu’un seul nom que les savants Bénédictins ne citent pas.

Il est impossible de dire d’une manière exacte quelle fut la première abbesse de Clavas et d’où elle vint. Celle que cite dom Boyer au premier rang, et qui gouvernait le monastère en 1259, n’est probablement pas la première qui fut à la tête de la maison. Du moment do la fondation à l’époque indiquée par l’auteur, il y a un trop long espace de temps pour qu’il soit permis de le présumer.

Avant celle-là, il y eut donc à Clavas une ou deux autres religieuses qui portèrent la crosse. Il est à peu près certain que leurs noms seront ignorés dans l’histoire dans les temps futurs, comme ils le sont aujourd’hui.

On peut affirmer, d’une manière à peu près certaine, que la colonie qui vint peupler le nouveau moutier partit de la Séauve ou de Bellecombe.

Peut-être se composa-t-elle de Cisterciennes prises dans les deux monastères à la fois. Ils étaient l’un et l’autre de la filiation de Mazan, monasterii Mansiadae.

 Mazan est dans le Vivarais. Il y avait un monastère d’hommes. L’abbé avait la haute main et la surveillance sur tous les couvents qui étaient de sa filiation. On l’appelait le Père immédiat, et rien d’important ne se faisait sans son avis préalable. Quand il était question de la fondation d’une abbaye, c’était lui qui envoyait des Pères visiteurs pour s’assurer si les lieux choisis étaient en tout conformes aux exigences de la règle de Cîteaux, si toutes les autres conditions requises étaient exactement accomplies.

Il est prouvé d’ailleurs que l’abbaye de Clavas fit partie du même groupe, c’est-à-dire de la même filiation. Dans ces conditions, il n’est pas permis de présumer que l’Abbaye-mère soit allée chercher dans d’autres couvents que dans ceux sur lesquels il avait pouvoir et qui étaient situés dans la même province, les sujets et la Supérieure qui devaient composer le personnel de la nouvelle maison.

Il y a une hypothèse qui me semble ici très plausible. En parlant de Bellecombe, j’ai dit ce qui eut lieu par rapport au monastère du Suc-Ardu. Cette première maison, qui avait été bâtie dans les gorges sauvages du Mégal, ne put y être maintenue longtemps.

L’intempérie exceptionnelle du climat, la difficulté d’y avoir tout ce que prescrivait la règle de Cîteaux, les dangers qu’y faisaient courir les bêtes fauves aux serviteurs de l’abbaye, dont plusieurs furent dévorés par leurs dents meurtrières, forcèrent les supérieurs à en opérer la translation, et cette translation eut lieu vers les premières années du XIIIe siècle. Or, ne peut-on pas présumer avec quelque raison que lorsque le Suc-Ardu fut abandonné, une partie des religieuses entra à Bellecombe, et l’autre fut envoyée à la nouvelle maison de Clavas, qui venait d’être fondée. Cette abbaye de création récente ne pouvait recevoir pour premières religieuses que des personnes déjà engagées dans l’Ordre et au courant de la règle ; or, quelle circonstance plus favorable que celle qui se présenta lors de la translation.

Le Suc-Ardu avait un nombreux personnel, formé depuis longue date à la vie du cloître. Clavas avait besoin d’être peuplé de suite. N’est-on pas en droit de présumer que les choses se passèrent ainsi que je viens de le dire, avec d’autant plus de raison que la date du transfert concorde assez avec celle de la fondation du monastère qui nous occupe.

Quand le moment du départ fut venu, la petite colonie s’achemina sur Montfaucon. Les religieuses étaient montées sur des haquenées et accompagnées par quelques membres de leurs familles, et des Pères de Mazan, chargés de les Installer dans leur nouvelle demeure. Le moment de leur séparation d’avec les compagnes qu’elles laissaient à Bellecombe, dut être bien pénible pour ces exilées du monde ! Il existait entre elles l’union la plus intime, et elles n’avaient toutes qu’un coeur et qu’une âme. Elles se séparaient peut-être pour ne plus se revoir. Des larmes furent versées, mais ces pleurs étaient loin d’être des protestations contre l’ordre qu’elles avaient reçu. Dans les premiers temps de Cîteaux les sacrifices étaient complets, comme ils le furent dans la suite, et lorsque les supérieurs commandaient, les coeurs émus au premier moment, se calmaient vite et étaient prêts à tout ce qui était exigé.

Les quelques religieuses de la Séauve qui devaient faire partie de la colonie, rejoignirent celles du Suc-Ardu à Dunières, et de là la caravane au complet partit pour Riotord, qu’elle traversa sans arrêt, parvint au sommet de la colline qui se trouve au levant des Mazeaux, arriva au village des Setoux et fut vite dans la vallée de Clavas. Tous les habitants des environs, de Riotord, de Marlhes, de Saint-Julien, de Vanosc, de Saint-Sauveur, de Burdigne, du Bourg-Argental, étaient venus souhaiter la bienvenue à ces anges qui allaient fixer leur séjour dans ces contrées. Les familles fondatrices, toute la noblesse des alentours avaient tenu à assister à l’installation. La cérémonie fut splendide.

Dès le lendemain, le silence fut revenu; les exercices commencèrent dans ce désert, et ils devaient s’y continuer pendant cinq à six siècles.

Extrait de l’ouvrage :

NOTES HISTORIQUES

SUR

LES MONASTÈRES

DE LA SÉAUVE

BELLECOMBE, CLAVAS ET MONTFAUCON

THEILLIER, curé de Retournaguet

Conformité des lieux avec les exigences de la règle de Cîteaux pour la construction des monastères

Il ne me semble pas hors de propos de dire ici quel fut l’esprit de l’ordre de Cîteaux par rapport aux lieux dans lesquels devaient être construits les monastères de l’Ordre, et il entre tout à fait dans mon rôle de faire voir combien on se conforma à cet esprit en fondant Clavas.

A Cîteaux, dit un auteur, on a observé particulièrement trois choses au sujet indiqué. Il me Semble inutile de parler de la première, qui concerne l’exemption de la juridiction de l’ordinaire.  On voulut, en second lieu, que les lieux fussent bus et aquatiques, pour trois raisons : la première était pour se conformer en cela à l’esprit et à la règle de saint Benoît, qui avait ordonné, au chapitre LXVI, que ses monastères fussent, si faire pouvait, en des lieux où ils eussent tout ce qui leur était nécessaire, comme les eaux, les moulins, les jardins et les autres choses indispensable afin que les religieux ne fussent jamais contraints de sortir de leurs monastères pour chercher toutes ces choses, cela n’étant pas expédient au bien et au salut de leurs âmes. La deuxième est celle qu’en donne ordinairement saint Bernard, ainsi que Fastredus, son disciple et son successeur en l’abbaye de Clairvaux, nous le rapporte en l’une de ses épîtres où il dit que ce saint avait coutume de répéter ce qui suit :

Sancti patres nostri valles humidas et declives monasteriis construendis indagabant, ut sape infirmi monachi, morte in ante oculos habentes, securi non viverent.

Nos saints Pères et prédécesseurs ont choisi les vallées humides et profondes pour y édifier leurs monastères, afin que les religieux n’eussent jamais une santé trop parfaite, et qu’au contraire, étant toujours infirmes, ils eussent sans cesse la mort devant les yeux et ne fussent jamais sans crainte. La troisième est colle qu’a touchée Guillaume, abbé de Saint-Thierry, au chapitre IXe de la vie qu’il a faite de notre Père saint Bernard, où parlant de la situation du monastère de Clairvaux, il dit qu’il était bâti dans une vallée environnée d’une forêt sombre, épaisse, et enfermée entre deux montagnes qui la pressaient de toutes parts, en sorte que ce lieu était une image et une représentation de la grotte en laquelle notre Père saint Benoît fut autrefois trouvé par les pasteurs, et cela, dit cet auteur, afin d’imiter la solitude et la forme de la demeure du saint dont ils imitaient la vie, motif qui a été généralement suivi par tous nos anciens Pères.

La troisième condition est que les monastères devaient être toujours construits dans les lieux séparés de la fréquentation des hommes,  in locis a freguentia populi remotis. — In civitatibus, dit la règle, in castellis aut villis nulla nostra construenda sunt ccenobia, sed in locis a conversatione hominum semotis.

On ne doit construire aucun monastère ni dans les cités, ni dans les châteaux, ni « dans les villages, mais bien dans les lieux séparés de la conversation des hommes.

Je n’ai pas à juger les raisons de l’exigence de la règle de Cîteaux sur le point en question. Aux yeux de la foi, elles ont parfaitement leur valeur. Il est évident qu’il n’en serait pas de même, au point de vue de la pure raison, de ce qu’on appelle aujourd’hui la libre pensée, dans notre siècle matérialiste où quelques-uns bornent la destinée de l’homme aux jouissances physiques ici-bas et au néant après la mort, ou à une transformation indéfinie de notre être, conception do Cerveaux creux et sans consistance.

Mon rôle devant se borner à faire voir que Clavas répondait d’une manière parfaite à ce que la règle de Cîteaux exigeait, je m’en tiens à ce rôle.

Le petit filet d’eau, si bien nommé Clavarine, vient du nord, par deux branches qui se joignent  quelques centaines de métres au-dessus de Clavas, est séparées l’une de l’autre par une colline à pic, couronnée par le bois de Taillat. Placé dans une gorge profonde, il ne tarit jamais, et il peut, par le moyen d’un réservoir, suffire parfaitement à faire tourner un moulin.

Ce bâtiment, indispensable à toute abbaye cistercienne, et qui ne devait moudre que la farine nécessaire aux divers usages du monastère, était situé sur la rive gauche du ruisseau et à quelques mètres de la maison. On en voit encore les restes, de même que ceux de l’écluse. De toutes les parties du couvent il était facile d’entendre le bruit saccadé du mécanisme mis en mouvement, et une âme méditative pouvait y voir un signe de la brièveté de la vie, qui n’est en réalité qu’une suite d’instants se succédant avec une rapidité qui ne peut se dire.

La montagne qui s’élève au couchant est tellement imprégnée d’eau à sa surface et à une certaine profondeur du terrain mouvant qui la couvre, qu’on craint à chaque instant des éboulements. Il s’en est produit un, il y a deux ou trois ans, qui a failli ensevelir la cure. La place publique seule en a souffert et a été encombrée pendant un certain temps des débris entraînés dans cette circonstance.

L’endroit sur lequel s’élevaient les constructions n’est qu’une masse d’eau à une certaine profondeur. Toutes les habitations qui s’y trouvent seraient inhabitables si des conduits en sens divers n’avaient été pratiqués pour assainir les lieux et faciliter l’écoulement des eaux.

Il fut facile aux Pères visiteurs envoyés pour voir les lieux, de s’assurer que le petit vallon de Clavas répondait en tout point à la première condition exigée. L’endroit est tellement bas, que, pour voir le ciel, soit au nord, soit au levant, il faut lever la tête bien haute.

A l’est, la vue est bornée, en prenant la position que je viens d’indiquer, par le bois de Clavas, et au septentrion par celui de Taillat, autrement dit la Forêt des Dames. C’était- bien là comme une représentation de la grotte ou saint Benoît fut trouvé par les pasteurs. Il serait superflu, après ce que j’ai dit, de faire voir que le lieu n’était pas moins humide qu’il n’était bas. Avec tout cela, il était bien difficile que des religieuses eussent une santé parfaite et ne ressentissent pas un moment ou l’autre les atteintes de quelques-unes de ces affections maladives que produisent ordinairement, surtout sur des natures délicates, le manque d’air, la fraîcheur de l’atmosphère et les émanations des eaux croupissantes.

Il fallait que les religieuses n’eussent jamais une santé parfaite, afin qu’étant toujours infirmes, elles eussent sans cesse la mort devant les yeux et ne fussent jamais sans crainte.

C’était bien un moyen efficace pour les dégoûter de la vie et les faire soupirer après le ciel.

Les Pères visiteurs auraient pu trouver sans doute ailleurs, sur cette ligne de montagnes et de gorges qui s’étendent sur cette partie de la contrée, à partir du Tracol jusqu’à Fultin et plus loin encore, bien des lieux en conformité avec la règle pour ce qui regarde la seconde condition; cette région est si accidentée, si boisée, si pittoresque, si déserte! Mais après examen sérieux, ils durent s’arrêter et fixer leur choix sur Clavas. Il n’y avait là ni cité, ni château, ni village.

Le petit vallon était entièrement isolé et séparé de toute habitation. Aujourd’hui même, à 700 ans d’existence, on voit que l’emplacement choisi convenait excellemment.

Le village de Clavas était loin d’exister à l’époque de la fondation du monastère. Il n’y avait là que le silence du désert, silence qui n’était interrompu que par le murmure du petit ruisseau, le bruit de la forêt quand grondait l’orage, et certainement par le cri des bêtes sauvages. Les quelques habitations qui se voient disséminées sur la rive droite de la Clavarine, auraient une origine assez intéressante, s’il faut s’en rapporter à ce qui m’a été dit sur les lieux mêmes. Quand les religieuses eurent pris possession des bâtiments, elles appelèrent auprès d’elles des domestiques pour les différents services de la maison. Il y en avait des deux sexes. Or, d’après la tradition, lorsque ces domestiques avaient servi un certain temps, on les établissait en mariage.

Les religieuses faisaient construire une maisonnette pour chaque union, et abénavisaient aux nouveaux mariés des prés, des terres et des bois. C’étaient là des vassaux fidèles de l’abbaye, d’autant plus fidèles qu’ils lui devaient tout ce qu’ils possédaient.

Il est impossible d’aborder Clavas par le nord, le levant et le couchant. Les trois collines qui resserrent le village sur ces trois points, sont l’une déclivité telle que c’est à peine si un homme à pied peut se hasarder à en opérer l’ascension ou la descente, en ligne directe. Il n’est possible d’arriver au village que par le sud, et encore, si on veut y parvenir avec un véhicule quelconque, il faut prendre de grandes précautions et mettre souvent pied à terre, qu’on vienne par Riotord ou par Saint-Julien-Molhesabate.

Le tableau qui se déroule aux regards, au tournant de la route qui va des Setoux à Clavas, n’est pas sans quelque grandeur. A droite, des terrains cultivés s’étendant sur la commune de Saint-Julien; devant soi, des prairies les plus verdoyantes dans un vallon profond, des forêts de sapins qui étonnent par leur belle venue et les proportions qu’elles atteignent; çà et là, quelques maisonnettes isolées et un ou deux villages au milieu des bois, perdus dans la verdure; à gauche, des gorges insondables par où l’Ardèche se relie à la Haute-Loire, et, dominant tout le tableau, la montagne du Fultin, dont la cime est à 1350 mètres au-dessus du niveau de la mer, avec ses arbres séculaires, ses rochers fendillés par le temps et l’intempérie des saisons. Là on s’arrête, comme malgré soi, pour contempler ce pittoresque panorama.

Il y avait donc bien dans ce lieu isolement complet de toute habitation humaine. C’était un vrai désert où il n’était possible d’aborder qu’en traversant d’autres déserts. Ce n’est guère autre chose aujourd’hui. Aussi, à la première visite, il tut décidé que ce serait là et non ailleurs que l’abbaye serait édifiée. On ne tarda pas à se mettre à l’oeuvre, et il est hors de doute qu’elle fut bien vite terminée. A cette époque de foi, quand un établissement de ce genre était décidé, il était immédiatement fondé et ne tardait guère d’entrer en exercice. Les fondateurs étaient pressés de voir leur oeuvre accomplie.

Extrait de l’ouvrage :

NOTES HISTORIQUES

SUR

LES MONASTÈRES

DE LA SÉAUVE

BELLECOMBE, CLAVAS ET MONTFAUCON

THEILLIER, curé de Retournaguet

Etymologie du mot Clavas

Le lieu de Clavas se trouve sur les confins de la Haute-Loire, de la Loire et de l’Ardèche, dans la commune de Riotord, Rivi Torti, et au levant de cette circonscription communale. Il est chef-Lieu d’une paroisse, composée de 400 habitants, à trente kilomètres de Saint-Etienne, soixante-cinq du Puy, vingt d’Annonay, et quinze du Bourg-Argental. Son altitude au-dessus du niveau fin la mer est de 1064 mètre.

La paroisse de Clavas existe depuis1826. Elle fut érigée par ordonnance royale en date du 5 juin, et eut pour premier curé M. Carrot, vicaire de Riotord et déjà chapelain de Clavas depuis le 3 juin 1824. Elle est limitrophe de celles de Riotord, Saint-Julien-Molhesabate, le Monestier, Vanosc et Marlhes.

Daurignac, dans son histoire de saint François-Régis, dit que le mot Clavas vient des deux mots latins clara vallis, claire vallée. Quand on a vu les lieux, on ne comprend pas la raison de cette étymologie. Il est difficile de ne pas la trouver, au contraire, dans ceux-ci : clausa vallis, vallon caché, clos, resserré.

En amont de la localité, c’est à peine s’il existe sur les bords de la Clavarine un chemin pour la culture des terres. La pente des deux collines qui se trouvent au levant et au couchant, commence au ruisseau même. Ces deux collines s’élèvent au moins à cent cinquante mètres au-dessus, par une déclivité rapide et d’une ascension qui est loin d’être facile si on l’opère en ligne droite. Le vallon s’élargit un peu là où fut construit le monastère. Cet élargissement existait-il naturellement, ou fut-il créé pour asseoir les fondations de l’abbaye et établir les dépendances ? Il serait difficile de le dire. Toujours est-il qu’en aval le rétrécissement du vallon recommence, à peu près dans les mêmes proportions qu’en amont, mais avec cette différence que les deux collines qui encaissent la Clavarine vont en s’abaissant et disparaissent surtout au couchant, qui est le point par lequel on arrive à Clavas si l’on vient de Riotord.

Extrait de l’ouvrage :

NOTES HISTORIQUES

SUR

LES MONASTÈRES

DE LA SÉAUVE

BELLECOMBE, CLAVAS ET MONTFAUCONTHEILLIER, curé de Retournaguet

Date approximative de sa fondation

Il est impossible de donner la date exacte de la fondation du monastère. On présume avec raison que ce dut être vers les dernières années du douzième siècle ou les premières du treizième, peu de temps après la construction et l’établissement de celui de la Séauve.

On a pourtant une date précise : 1223. A cette époque, l’abbaye était déjà peuplée et on peut dire en plein exercice. Le Père Fita nous en fournit la preuve aux Tablettes historiques du Velay, t. I, p. 196. Dans ses savantes recherches sur les Augustines de Vals, il cite un testament de Guillaume de Chapteuil, daté du 25 juin 1223, dont il fait connaître plusieurs legs, et un, en particulier, en faveur des religieuses de Clavas, auxquelles le testateur donne quatre livres, IIII libras, somme qui nous paraît insignifiante aujourd’hui, mais qui ne l’était pas alors quatre livres pouvaient valoir de 80 à 100 francs de notre monnaie.

Comme il ne reste rien des anciennes constructions, je ne puis en donner une description quelconque.

Les bâtiments, au reste, ont subi, à diverses époques, plusieurs désastres qui ont nécessité la reconstruction à peu près intégrale de l’abbaye. On ne sait si dans ces reconstructions on suivit le même plan adopté pour le premier monastère. On se fera néanmoins une certaine idée de ce que pouvait être la maison par ce que je vais dire.

Dans un ouvrage par le R. P. dom Julien Paris, où il est traité du premier esprit de l’ordre de Cîteaux, je trouve des indications précises sur les dispositions que devaient avoir les moutiers cisterciens. Il n’est pas permis de douter qu’à Clavas, fondé dans le premier siècle de l’Ordre, on ne se soit conformé à la lettre aux exigences de la règle sous ce rapport. Or, voici les différentes parties qui devaient exister :

1° L’église, pour y célébrer les messes, pour y chanter l’office et y faire les prières;

2° Le cloître, où se faisaient les processions et les lectures spirituelles, et qui servait aussi quelquefois de cimetière;

3° Le chapitre, pour les confessions secrètes des fautes secrètes, et pour les confessions publiques des fautes publiques;

4° Le dortoir, et dans le dortoir les lits pour s’y reposer pendant la nuit ;

5° Le réfectoire, pour prendre les réfections;

6° Le chauffoir, pour se chauffer en hiver;

7° L’infirmerie, pour les malades.

Il y avait, en outre, les appartements réservés à l’abbesse, et qu’on appelait abbatiale, les cellules pour chacune des religieuses, et enfin les lieux où étaient reçus les visiteurs et les femmes du monde qui sentant le besoin de se recueillir un peu devant Dieu, venaient faire des retraites dans la maison. Dans certains monastères, des chambres spéciales étaient destinées aux élèves, quand il y en avait.

Je ne chercherai pas à décrire et à orienter toutes ces parties qui constituaient l’abbaye de Clavas, mais je puis faire connaître l’orientation du monastère dans son ensemble.

Quand les biens des moines furent vendus, lors de la Révolution française, comme biens nationaux, ceux qui restaient encore de nos Cisterciennes eurent le sort commun. Je dois à l’obligeance de M. Chaverondier, archiviste de la ville de Saint-Etienne, la communication de quelques documents concernant cette vente.

D’après un de ces documents, furent vendus en un seul lot :  

La grande maison de l’abbaye de Clavas, située au lieu de Clavas, paroisse de Riotord, l’enclos au dedans d’icelle et les pâturaux y joignant, contenant environ neuf quartelées.  

Le tout, y est-il da, était confiné du levant et midi par le ruisseau de Clavas, du soir et septentrion par la rue dudit lieu, de septentrion et occident par le jardin attenant à la chapelle, de septentrion par une vieille allée complantée d’arbres, passant au nord de ladite chapelle et de là du côté d’occident.

Le document dit encore que le lot comprendra, en sus, le surplus du dit enclos, joint avec la petite grange aboutissant au chemin de Clavas, avec les propriétés de la dite abbaye, en suivant e susdit chemin. Dans la présente adjudication, dit-on enfin, ne seront pas compris les meubles ni la chapelle. Je parlerai plus bas de ces divers objets.

Le lot fut adjugé à M. Lhospital, au prix de 3800 francs, le 26 septembre 1790.

D’après le document que je viens de citer, il est hors de doute que le monastère existait encore, au moins dans la plupart de ses parties, lors de la Révolution française. Il paraît pareillement hors de doute que les bâtiments devaient être à cette époque dans un certain état de délabrement.

Les religieuses ne les habitaient plus depuis une trentaine d’années, depuis 1765, époque où elles avaient été réunies à celles de la Séauve. Il n’est pas probable que pendant un aussi long espace de temps, la maison ait pu se soutenir dans un état parfait de conservation. Quoi qu’il en soit, ce que le temps n’avait pas détruit, la main de l’homme ne tarda pas de le faire disparaître. S’il faut s’en rapporter aux affirmations qui m’ont été données sur les lieux mêmes, les matériaux démolis auraient été transportés dans diverses directions et auraient servi à la construction de plusieurs habitations des alentours. L’endroit où s’élevait autrefois l’abbaye est occupé en partie par le jardin du presbytère, en partie par la place publique, et le reste par la maison des Soeurs de la Croix, qui se trouve au levant et longe la Clavarine. La cure, qui servait de logement à l’aumônier de l’abbaye, occupe la partie occidentale de la place et touche à l’angle de la chapelle.

Extrait de l’ouvrage :

NOTES HISTORIQUES

SUR

LES MONASTÈRES

DE LA SÉAUVE

BELLECOMBE, CLAVAS ET MONTFAUCON

THEILLIER, curé de Retournaguet

l’Abbaye de Clavas

Fondateurs.

Le monastère de Clavas, disent les auteurs de la Gaule chrétienne, a été soumis à divers désastres qui ont très souvent forcé les religieuses à fuir et à quitter leur demeure. Il n’est donc pas étonnant que les savants Bénédictins nous donnent si peu sur le couvent en question. Combien de manuscrits, combien de titres, combien de documents durent périr dans ces bouleversements ? Voilà pourquoi je me vois réduit, pour traiter la question énoncée, à ne fournir que des quasi-preuves, que des inductions que je ne regarde pourtant pas comme sans valeur. J’aurais aimé pouvoir donner les actes de fondation; on est si heureux quand on a ces premiers titres, lorsqu’on peut faire connaître d’une manière incontestable le nom des fondateurs, les motifs qui les ont fait agir, en quoi ils ont participé à l’établissement, quels droits et quels honneurs ils se sont réservés, devant quels témoins les conventions ont été faites, etc., etc. Mais la bonne volonté ne peut rien là où l’essentiel manque.

Deux familles puissantes semblent avoir concouru à la fondation de Clavas celle de Pagan d’Argentai, et celle de Clermont-Chaste.

FAMILLE DE PAGAN

ARMES : De… à la bande de.. Accompagnée de deux fleurs de lis en chef et deux en pointe.

Telles sont les armes que le marquis de Satillieu donne à cette maison. On remarque cependant qu’en 1272 et en 1273 Guigues IV, seigneur d’Argental, et son frère Aymon, seigneur de Mahun, portent, chacun, dans leur sceau, une seule fleur de lis.

Je base mon affirmation relative à la participation de cette famille à la fondation de Clavas :

1° sur certaines transactions qui eurent lieu entre cette maison et l’abbaye, et que je rapporterai en sien temps;

2° sur cette raison que Clavas et cette partie de la paroisse de Riotord appartenaient aux de Pagan, et qu’il n’est pas permis de présumer qu’une famille étrangère soit venue Implanter un couvent sur les terres d’autrui;

3° sur cette autre, enfin, que les de Pagan se sont distingués par leur zèle pour les établissements religieux, quoique quelques-uns d’entre eux aient eu, par moment, des sentiments hostiles, mais sentiments qui ne duraient pas et faisaient place bien vite à des sentiments tout opposés.

Je n’examinerai pas quelle peut être l’étymologie du nom de Pagan, Paganus.

On donne sur ce point plusieurs hypothèses plus ou moins plausibles, mais que je ne regarde pas comme suffisamment satisfaisantes.

Je n’examinerai pas davantage la question de savoir si Hugues Pagan, fondateur des Templiers, appartenait ou non à cette maison. Cette question est loin d’être définie, et il n’est pas en mon pouvoir de l’élucider moi-même.

Les Pagan d’Argental venaient-ils du Dauphiné, de la vallée du Grésivaudan ou d’ailleurs ? Il paraît qu’on ne le sait guère. Quoi qu’il en soit, je donne comme certain qu’une famille de ce nom existait dans le Velay, dès le XIe siècle. Il en est question aux numéros 7 et 26 du Cartulaire de Chamalières. Au numéro 7, Pierre Pagan, Petrus Paganus, son épouse Raymonde et leurs enfants, Gerald et Jarenton, cèdent au couvent tout le droit qu’ils pouvaient avoir sur la terre de Combres. Cette cession eut lieu vers 1097. Le numéro 26 cite Pierre Pagan comme vassal d’Héracle de Polignac, vers la même époque, Il donne au monastère, avec Jarenton Baria, sepulturam ecclesia de Roseriis et omnia ad eam pertinentia, qu’ils ont possédée jusqu’alors justement ou injustement, excepto decimo. Il est donc incontestable que cette famille avait des possessions à Chamalières et à Rosières à la fin du XIe siècle, et que Pierre Pagan habitait le Velay et dans la paroisse même de Rosières.

Or, serait-il impossible que les de Pagan d’Argental fussent sortis des de Pagan du Velay? Ces derniers existaient dans la seconde moitié du XIe siècle, et ceux d’Argental ne paraissent dans ces nouvelles possessions que dans la seconde moitié du douzième.

Des inductions que je suggère, on en fera le cas que l’on voudra : j’ai cru devoir les faire connaître. Des documents inconnus jusqu’ici, mais sur lesquels un chercheur heureux peut mettre la main plus tard, nous apprendront peut-être la vérité.

On donne comme indubitable que le premier qui devint maître d’Argental fut Aymon Pagan :

Aimo Pagani qui nupserat dominœ d’Argentau,

On ne connaît ni le nom de son père, ni celui de sa mère, et on dit que la filiation certaine de sa famille ne remonte qu’à lui. Si la supposition que j’ai faite est fondée, je le regarderais comme fils de Gerald Pagani, qui vivait vers le milieu du XIIe siècle et dont il est question au numéro 76 du Cartulaire de’ Chamalières, et comme petit-fils de Pierre Pagan et de Raymode de ….. Je ferai remarquer qu’au numéro cité on donne à Gerald le nom de Pagan, avec la même désinence qu’à celui donné à Aymon. Pour l’un comme pour l’autre, c’est Pagani et non Paya-nus : ce qui, évidemment, ne constitue pas un nom différent.

Le mariage d’Aymon eut lieu vers le milieu du XIIe siècle. Il eut du chef de sa femme, dont on ignore le nom, la terre dont se titrait la famille de celle-ci et qui comprenait Burdigne, Vanosc, Riotord, la Faye, Saint-Genest et, probablement, Mahun et Vaucanse.

Il y faut compter encore Saint-Sauveur, Montchal, Saint-Julien-Molinmolette. Parmi les vassaux figuraient les seigneurs de Boras, Colombier-le-Vieux, Sarras et le Monestier.

La famille de Pagan fut maîtresse d’Argental pendant environ 200 ans, et elle Veut, paraît-il, quatre branches :

La première posséda les terres d’Argental, Montchal, etc.;

La deuxième fut celle des seigneurs de Mahun, de Feray, etc.;

La troisième avait les terres de Meys et de Miribel ;

La quatrième était celle des seigneurs de Fontaney, Chastellus et Cuzieu.

Ainsi que je l’ai dit déjà, le monastère de Clavas fut fondé vers le commencement du

XIIIe siècle. Je regarderais donc comme fondateur Guignes Ier, fils d’Aymon et de la dame d’Argentau. Il était maître des possessions de sa mère l’époque que je viens d’indiquer. On l’avait surnommé le doux  qui ob pacatos mores dulcis pocabatur.  Il eut pour épouse Faïna, d’une famille qu’on ne conne pas. Ce fut, très probablement, après son retour de la troisième croisade dont il fit partie et pendant laquelle il prit part à la prise de Ptolémaïs ou de Saint-Jean-d’Acre, qu’il s’occupa de la fondation de Clavas.

Déprédateur avant sa conversion, il fut tout autre lorsqu’il fut venu à repentance; il se distingua par ses libéralités pour les oeuvres pies, et surtout le bien qu’il fit aux moines de Saint-Sauveur. Quoique l’histoire se taise ici, il est plus que probable qu’il contribua puissamment par ses largesses à l’établissement Cistercien de Clavas. Il voulut avoir là, sous ses yeux, sur sa terre, un asile pour les orphelines des Croisades dont il avait vu peut-être les pères dans l’une de ces guerres lointaines, un asile pour les âmes qui ne Voudraient point vivre dans le monde ou qui seraient rebutées du siècle.

Nous verrons dans la suite plusieurs membres cette famille intervenir dans les affaires du monastère, et deux de ses enfants y exercer les dictions d’abbesse.

FAMILLE DE CLERMONT-CHASTE ARMES

Comme ci-dessus

La famille de Chaste était une branche de celle de Clermont. — Clermont est un bourg considérable en Dauphiné, dans le Viennois, avec titre de comté. C’est de ce bourg que la maison en question a tiré son nom. Elle est connue depuis Si-baud, premier du nom, seigneur de Clermont et de Saint-Geoire, mentionné dans un titre de la Chartreuse de Silvebénite de l’an 1080.

La branche des seigneurs de Chaste commence à Joffrey ou Geoffroy de Clermont, fils de Sibaud, deuxième du nom, seigneur de Clermont, et d’Helvide de la Chambre.

Geoffroy fit partage de la succession de son père avec Sibaud, son frère aîné, le vendredi avant les calendes du mois d’août 1189; il eut pour sa part les terres de Chaste et de Crespol, au diocèse de Vienne, avec 1200 florins d’or.

Selon l’usage du temps, il prit dès lors le nom de la terre de Chaste, qu’il transmit à ses descendants.

En 1324, dans un hommage fait de la terre de Chaste au dauphin Guignes, Amédée de Clermont est qualifié coseigneur de Chaste : ce qui explique ce titre donné pareillement, à une des branches de la famille Allemand. Chaste était alors une coseigneurie.

Les de Chaste devinrent maîtres de la Faye, près Saint-Genest-Malifaux, par le mariage de Joffrey de Clermont avec Baudouine de Retourtour, fille de Brilland de Retourtour, seigneur de Beauchastel, d’Argental et de la Faye, et probablement, au rapport de M. Anatole de Galber, d’Eléonore de Canillac.

Geoffroy de Chaste, sixième du nom, après avoir prétendu à toute l’hérédité paternelle, transigea avec les de Tournon et obtint la terre de la Faye. Cette seigneurie alla à sa postérité, qui la posséda jusque vers le milieu du XVIIIe siècle, époque où les Courbon des Gaux et les Chovet, de la chance acquirent Saint-Genest et la Faye.

Ibod de Chaste, dont se plaint Mme de Conis, était fils de Geoffroy et de Baudouine de Retourtour.

Il est qualifié seigneur de Chaste, de la Motte-Galaure, de la Faye, de Poliénas, de Gessans et de Crespol. Il fut un des premiers écuyers de la compagnie d’Aimar de Clermont qui fit montre à Arras, le 24 août 1383. Il avait épousé, en 1393, Françoise de Bressieu, fille de Joffrey, Seigneur de Bressieu, et de Marguerite de Poitiers, dame de Taulignan.

La famille de Clermont de Chaste a tenu un rang très distingué, soit à la cour des dauphins du Viennois, soit à celle des rois de France. On l’a vue figurer dans toutes les affaires importantes, s’allier à des familles illustres et rendre des services signalés à l’Etat.

Les charges de sénéchal du Puy et de bailli royal de Velay, pour ainsi dire héréditaires dans cette maison, la rapprochèrent de l’Auvergne, où elle contracta des alliances qui la mirent en possession de plusieurs fiefs de la province.

Je trouve la preuve de la participation de cette famille à la fondation de Clavas, dans un titre cité dans le Mémoire pour monsieur Coterbon de la Faye. Il y est dit que Marguerite de Conis, abbesse de l’abbaye de Clavas, vers la fin du XIVe siècle, eut des démêlés avec Ibod de Chaste, maître de la Faye. Or, dans un écrit, elle se plaint des tracasseries qui lui sont suscitées, surtout, dit-elle, parce que cette famille de Chaste a contribué pour sa part et la fondation du couvent.

Si à cette preuve nous ajoutons le grand nombre d’abbesses issues de cette maison et portant la crosse à Clavas, et le droit de sépulture qu’elle avait dans la chapelle de l’abbaye, la chose ne peut être douteuse. Au reste, par ce que j’ai dit au premier chapitre, on verra que peu de familles, qu’aucune famille n’a laissé à Clavas autant de traces de son passage. Clavas était le monastère de prédilection des de Chaste. Rien d’important ne s’y faisait, à une époque, sans la participation de quelqu’un de ses membres. Elle intervenait par ses conseils, mais surtout par ses finances, quand le besoin s’en faisait sentir.

Extrait de l’ouvrage :

NOTES HISTORIQUES

SUR

LES MONASTÈRES

DE LA SÉAUVE

BELLECOMBE, CLAVAS ET MONTFAUCON

THEILLIER, curé de Retournaguet

Hippolyte Royet,Tissages

Buste en fonte de Hippolyte Royet (1788-1853), maire de Saint-Etienne de 1819 à 1830. Buste de Montagny à qui l’on doit également les deux statues de La Rubanerie et de la Métallurgie de l’Hôtel-de-Ville, réalisées en 1872 et 1875 avec un legs par testament de Hippolyte Royet. Photo Collection Musée du Vieux Saint-Etienne

Jean-François Hippolyte dit Hippolyte Royet est un négociant et homme politique français né à Saint-Étienne le 25 janvier 1788 et mort à Valbenoîte, dans la banlieue de Saint-Étienne, le 1er juillet 1853. Maire de Saint-Étienne sous la Restauration, il a réussi à mener à bien un grand nombre de travaux nécessaires dans une ville en plein essor. Maire de Saint-Etienne de 1819 à 1831.

Biographie

Fils et petit-fils d’armurier, il n’a pas vingt ans quand il devient l’associé de son frère François Royet au sein d’une société de rubans sous la raison Royet frères. Après le décès accidentel de François en 1814, il continue seul. Comme fabricant de rubans, il favorise les innovations, tentant d’adapter la mécanique Jacquard au métier à la barre et organisant dès 1830 une usine hydraulique sur les bords de la Semène dans la Haute-Loire.

21 Juin 1819, vente des bâtiments et dépendance, bois, prés … par Joseph-Balthazar Bonnet de Treyches à Mr Hippolyte Royet négociant à Saint-Etienne et future maire de Saint-Etienne. Tous ces biens furent vendus 100000 francs, dont 40000 payables le lendemain. Le deuxième paiement de 30000 Francs devait être effectué, trois mois après ; et le troisième paiement de 30000 Francs, six mois après. Un intérêt de 5% ne pouvait jouer qu’en cas de retard. L’acte de vente fut passé, le 21 Juin 1819, et, enregistré à Saint-Didier, le 22 Juin 1819. Ont comparu, le vendeur Joseph-Balthazar Bonnet de Treyches, propriétaire, demeurant à Paris,49 rue de Richelieu, et de son autorité, dame Prescille-Anna-Caroline-Françoise du Chantal Fesquet, son épouse, représentée par demoiselle Clotilde Bernard, à Saint-Didier, et, l’acheteur, Hippolyte Royet, négociant à Saint-Etienne. Ce dernier fut l’acquisition de tous les bâtiments et dépendances, bois, prés, et autre qui constituaient l’ancienne Abbaye de la Séauve, détaillés au contrat d’acquisition du 23 Mai 1791 et du 21 germinal, an V.

Conseiller municipal depuis 1818, il est nommé maire en 1819 et devait conserver ses fonctions jusqu’à la fin de la Restauration, même si les autorités n’apprécient guère son libéralisme. Étant célibataire, il peut consacrer tout son temps à ses fonctions et n’hésite pas à payer de ses deniers certains travaux. Sous son administration, l’Hôtel de ville est enfin construit ainsi que la condition des soies et le palais de justice. Il se préoccupe aussi de donner à la ville un réseau d’égouts, des rues pavées et même des trottoirs. Il abandonne ses fonctions en novembre 1830 et est élu colonel de la garde nationale en 1831. Il continue de siéger au conseil municipal pendant toute la durée de la Monarchie de Juillet et entre au conseil général de la Loire en 1839. Au moment de la révolution de février 1848, en raison de sa popularité, il est nommé maire provisoire et se voit même attribué les fonctions de préfet.

Débordé par les démocrates avancés, qui ont favorisé les émeutes d’avril 1848 et le pillage des couvents, il démissionne en mai et se retire de la vie politique locale. Par testament, il donne une somme pour la mise en place de deux statues de bronze pouvant orner la façade de l’Hôtel de ville en demandant qu’elles soient réalisées par Montagny. Après de laborieuses négociations entre les héritiers et la ville, la statue de la Métallurgie est inaugurée en 1872 et celle de la Rubanerie en 1875.

Source : Descreux, Notices biographiques stéphanoises, Saint-Étienne 1868.

En consultant le catalogue des brevets délivrés en France, on trouve, en effet, le nom de M. Hippolyte Royet, de Saint-Etienne, inscrit pour un mécanisme destiné à faire basculer le levier de la mécanique dite à la Jacquart et adapté au métier à la zurichoisel; mais ce brevet d’invention, d’une durée de cinq ans seulement, porte la date du 29 juin 1819, postérieure de quatre années à celle indiquée par M. Hedde, et coïncidant avec la date d’un autre brevet, également d’invention?, où le même mécanicien propose de remplacer les anciens clins à axe coudé, qui dans leur demi-révolution chassaient brusquement les navettes des métiers à la zurichoise d’une coulisse du battant dans l’autre, en rompant souvent les fils de chaîne des plus larges rubans, par un système de mouvants ou cames fermées, mobiles entre les côtés de châssis verticaux montés, à l’une des extrémités du battant, sur des conducteurs ou tiges horizontales à coulisses et chariots – traîneaux qui, munis d’échancrures, impriment aux crampons tournants des navettes un mouvement accéléré progressif, continu et très-doux, par lequel elles s’insinuent sans aucune secousse dans les ouvertures de leurs chaînes respectives. Plus tard encore (juin 1830), le même Hippolyte Royet s’occupait de la production d’étoffes ou rubans façonnés et panachés, dont le principe consiste spécialement dans l’emploi, alors nouveau sans doute, d’une chaîne chinée ou imprimée pour des étoffes diverses, pleines ou à jours.

Source : Rapport sur les machines et outils employés dans les manufactures, Volume 2

De Jean Victor Poncelet.

RÉSUMÉ

La puissance industrielle de la maison Colcombet peut s’estimer ainsi :

L’outillage qu’elle occupe est de cinq cents métiers.

Trois cents sont mus à la main et isolés d’après la division du travail, la plus anciennement et la plus particulièrement usitée à Saint-Étienne.

Deux cents sont mus mécaniquement et groupés dans l’usine de la Séauve.

Le système mécanique de ces métiers est le système-tambour.

La maison donne du travail à six cents ouvrières pour toutes les manipulations que le ruban exige, elle en a posé un certain nombre, les ouvrières notamment, autour de son usine, donnant ainsi naissance à un village qu’elle a doté de divers services publics.

L’usine Colcombet dispose par la moteur hydraulique d’une force de vingt chevaux, et en outre de vingt chevaux-vapeur.

Une des première; la maison Colcombet a appliqué la main d’œuvre de campagne, à la grande industrie; elle a essayé dans son usine de la Séauve et dans le but d’améliorer les conditions des classes laborieuses, des combinaisons qui ont attiré l’attention d’économistes de diverses écoles.

Cette industrie a créé et soutient à la Séauve tout ce hameau qui est sur le point de devenir une commune.

Le chiffre d’affaires de la maison s’élève annuellement à trois millions de francs.

Ses produits sont connus et répandus aussi bien à l’étranger qu’en France. Son exportation a lieu, notamment en Angleterre, aux États-Unis, en Allemagne, en Espagne, en Russie, etc. etc.

Le chef actuel de la maison (médaillé de 1e classe, Paris 1867) est vice-président de la chambre syndicale des tissus de la ville de Saint-Étienne.

CONCLUSIONS.

A raison des faits énoncés dans l’exposé qui précède, la maison Colcombet se croit autorisée à prétendre à la médaille de progrès et, surtout à cause de son personnel, à la Médaille d’honneur.

Elle demande, en outre, une récompense, à titre de collaborateur, pour JEAN-LOUIS GARDON> son principal employé, et une récompense pour la communauté des religieuses de Saint-Joseph, du Puy, qui ont la surveillance de ses ateliers.

Saint-Étienne, le 28 Mars 1873.

Fre, Colcombet

source:

Notice complète

SUR L’USINE HYDRAULIQUE ET A VAPEUR

DE LA MAISON COLCOMBET FRÈRES ET CIE

FABRICANTS DE RUBANS A SAINT-ÉTIENNE, 5, RUE ROYAL.

BNF.fr

http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb33504947r