Fondateurs.
Le monastère de Clavas, disent les auteurs de la Gaule chrétienne, a été soumis à divers désastres qui ont très souvent forcé les religieuses à fuir et à quitter leur demeure. Il n’est donc pas étonnant que les savants Bénédictins nous donnent si peu sur le couvent en question. Combien de manuscrits, combien de titres, combien de documents durent périr dans ces bouleversements ? Voilà pourquoi je me vois réduit, pour traiter la question énoncée, à ne fournir que des quasi-preuves, que des inductions que je ne regarde pourtant pas comme sans valeur. J’aurais aimé pouvoir donner les actes de fondation; on est si heureux quand on a ces premiers titres, lorsqu’on peut faire connaître d’une manière incontestable le nom des fondateurs, les motifs qui les ont fait agir, en quoi ils ont participé à l’établissement, quels droits et quels honneurs ils se sont réservés, devant quels témoins les conventions ont été faites, etc., etc. Mais la bonne volonté ne peut rien là où l’essentiel manque.
Deux familles puissantes semblent avoir concouru à la fondation de Clavas celle de Pagan d’Argentai, et celle de Clermont-Chaste.
FAMILLE DE PAGAN
ARMES : De… à la bande de.. Accompagnée de deux fleurs de lis en chef et deux en pointe.
Telles sont les armes que le marquis de Satillieu donne à cette maison. On remarque cependant qu’en 1272 et en 1273 Guigues IV, seigneur d’Argental, et son frère Aymon, seigneur de Mahun, portent, chacun, dans leur sceau, une seule fleur de lis.
Je base mon affirmation relative à la participation de cette famille à la fondation de Clavas :
1° sur certaines transactions qui eurent lieu entre cette maison et l’abbaye, et que je rapporterai en sien temps;
2° sur cette raison que Clavas et cette partie de la paroisse de Riotord appartenaient aux de Pagan, et qu’il n’est pas permis de présumer qu’une famille étrangère soit venue Implanter un couvent sur les terres d’autrui;
3° sur cette autre, enfin, que les de Pagan se sont distingués par leur zèle pour les établissements religieux, quoique quelques-uns d’entre eux aient eu, par moment, des sentiments hostiles, mais sentiments qui ne duraient pas et faisaient place bien vite à des sentiments tout opposés.
Je n’examinerai pas quelle peut être l’étymologie du nom de Pagan, Paganus.
On donne sur ce point plusieurs hypothèses plus ou moins plausibles, mais que je ne regarde pas comme suffisamment satisfaisantes.
Je n’examinerai pas davantage la question de savoir si Hugues Pagan, fondateur des Templiers, appartenait ou non à cette maison. Cette question est loin d’être définie, et il n’est pas en mon pouvoir de l’élucider moi-même.
Les Pagan d’Argental venaient-ils du Dauphiné, de la vallée du Grésivaudan ou d’ailleurs ? Il paraît qu’on ne le sait guère. Quoi qu’il en soit, je donne comme certain qu’une famille de ce nom existait dans le Velay, dès le XIe siècle. Il en est question aux numéros 7 et 26 du Cartulaire de Chamalières. Au numéro 7, Pierre Pagan, Petrus Paganus, son épouse Raymonde et leurs enfants, Gerald et Jarenton, cèdent au couvent tout le droit qu’ils pouvaient avoir sur la terre de Combres. Cette cession eut lieu vers 1097. Le numéro 26 cite Pierre Pagan comme vassal d’Héracle de Polignac, vers la même époque, Il donne au monastère, avec Jarenton Baria, sepulturam ecclesia de Roseriis et omnia ad eam pertinentia, qu’ils ont possédée jusqu’alors justement ou injustement, excepto decimo. Il est donc incontestable que cette famille avait des possessions à Chamalières et à Rosières à la fin du XIe siècle, et que Pierre Pagan habitait le Velay et dans la paroisse même de Rosières.
Or, serait-il impossible que les de Pagan d’Argental fussent sortis des de Pagan du Velay? Ces derniers existaient dans la seconde moitié du XIe siècle, et ceux d’Argental ne paraissent dans ces nouvelles possessions que dans la seconde moitié du douzième.
Des inductions que je suggère, on en fera le cas que l’on voudra : j’ai cru devoir les faire connaître. Des documents inconnus jusqu’ici, mais sur lesquels un chercheur heureux peut mettre la main plus tard, nous apprendront peut-être la vérité.
On donne comme indubitable que le premier qui devint maître d’Argental fut Aymon Pagan :
Aimo Pagani qui nupserat dominœ d’Argentau,
On ne connaît ni le nom de son père, ni celui de sa mère, et on dit que la filiation certaine de sa famille ne remonte qu’à lui. Si la supposition que j’ai faite est fondée, je le regarderais comme fils de Gerald Pagani, qui vivait vers le milieu du XIIe siècle et dont il est question au numéro 76 du Cartulaire de’ Chamalières, et comme petit-fils de Pierre Pagan et de Raymode de ….. Je ferai remarquer qu’au numéro cité on donne à Gerald le nom de Pagan, avec la même désinence qu’à celui donné à Aymon. Pour l’un comme pour l’autre, c’est Pagani et non Paya-nus : ce qui, évidemment, ne constitue pas un nom différent.
Le mariage d’Aymon eut lieu vers le milieu du XIIe siècle. Il eut du chef de sa femme, dont on ignore le nom, la terre dont se titrait la famille de celle-ci et qui comprenait Burdigne, Vanosc, Riotord, la Faye, Saint-Genest et, probablement, Mahun et Vaucanse.
Il y faut compter encore Saint-Sauveur, Montchal, Saint-Julien-Molinmolette. Parmi les vassaux figuraient les seigneurs de Boras, Colombier-le-Vieux, Sarras et le Monestier.
La famille de Pagan fut maîtresse d’Argental pendant environ 200 ans, et elle Veut, paraît-il, quatre branches :
La première posséda les terres d’Argental, Montchal, etc.;
La deuxième fut celle des seigneurs de Mahun, de Feray, etc.;
La troisième avait les terres de Meys et de Miribel ;
La quatrième était celle des seigneurs de Fontaney, Chastellus et Cuzieu.
Ainsi que je l’ai dit déjà, le monastère de Clavas fut fondé vers le commencement du
XIIIe siècle. Je regarderais donc comme fondateur Guignes Ier, fils d’Aymon et de la dame d’Argentau. Il était maître des possessions de sa mère l’époque que je viens d’indiquer. On l’avait surnommé le doux qui ob pacatos mores dulcis pocabatur. Il eut pour épouse Faïna, d’une famille qu’on ne conne pas. Ce fut, très probablement, après son retour de la troisième croisade dont il fit partie et pendant laquelle il prit part à la prise de Ptolémaïs ou de Saint-Jean-d’Acre, qu’il s’occupa de la fondation de Clavas.
Déprédateur avant sa conversion, il fut tout autre lorsqu’il fut venu à repentance; il se distingua par ses libéralités pour les oeuvres pies, et surtout le bien qu’il fit aux moines de Saint-Sauveur. Quoique l’histoire se taise ici, il est plus que probable qu’il contribua puissamment par ses largesses à l’établissement Cistercien de Clavas. Il voulut avoir là, sous ses yeux, sur sa terre, un asile pour les orphelines des Croisades dont il avait vu peut-être les pères dans l’une de ces guerres lointaines, un asile pour les âmes qui ne Voudraient point vivre dans le monde ou qui seraient rebutées du siècle.
Nous verrons dans la suite plusieurs membres cette famille intervenir dans les affaires du monastère, et deux de ses enfants y exercer les dictions d’abbesse.
FAMILLE DE CLERMONT-CHASTE ARMES
Comme ci-dessus
La famille de Chaste était une branche de celle de Clermont. — Clermont est un bourg considérable en Dauphiné, dans le Viennois, avec titre de comté. C’est de ce bourg que la maison en question a tiré son nom. Elle est connue depuis Si-baud, premier du nom, seigneur de Clermont et de Saint-Geoire, mentionné dans un titre de la Chartreuse de Silvebénite de l’an 1080.
La branche des seigneurs de Chaste commence à Joffrey ou Geoffroy de Clermont, fils de Sibaud, deuxième du nom, seigneur de Clermont, et d’Helvide de la Chambre.
Geoffroy fit partage de la succession de son père avec Sibaud, son frère aîné, le vendredi avant les calendes du mois d’août 1189; il eut pour sa part les terres de Chaste et de Crespol, au diocèse de Vienne, avec 1200 florins d’or.
Selon l’usage du temps, il prit dès lors le nom de la terre de Chaste, qu’il transmit à ses descendants.
En 1324, dans un hommage fait de la terre de Chaste au dauphin Guignes, Amédée de Clermont est qualifié coseigneur de Chaste : ce qui explique ce titre donné pareillement, à une des branches de la famille Allemand. Chaste était alors une coseigneurie.
Les de Chaste devinrent maîtres de la Faye, près Saint-Genest-Malifaux, par le mariage de Joffrey de Clermont avec Baudouine de Retourtour, fille de Brilland de Retourtour, seigneur de Beauchastel, d’Argental et de la Faye, et probablement, au rapport de M. Anatole de Galber, d’Eléonore de Canillac.
Geoffroy de Chaste, sixième du nom, après avoir prétendu à toute l’hérédité paternelle, transigea avec les de Tournon et obtint la terre de la Faye. Cette seigneurie alla à sa postérité, qui la posséda jusque vers le milieu du XVIIIe siècle, époque où les Courbon des Gaux et les Chovet, de la chance acquirent Saint-Genest et la Faye.
Ibod de Chaste, dont se plaint Mme de Conis, était fils de Geoffroy et de Baudouine de Retourtour.
Il est qualifié seigneur de Chaste, de la Motte-Galaure, de la Faye, de Poliénas, de Gessans et de Crespol. Il fut un des premiers écuyers de la compagnie d’Aimar de Clermont qui fit montre à Arras, le 24 août 1383. Il avait épousé, en 1393, Françoise de Bressieu, fille de Joffrey, Seigneur de Bressieu, et de Marguerite de Poitiers, dame de Taulignan.
La famille de Clermont de Chaste a tenu un rang très distingué, soit à la cour des dauphins du Viennois, soit à celle des rois de France. On l’a vue figurer dans toutes les affaires importantes, s’allier à des familles illustres et rendre des services signalés à l’Etat.
Les charges de sénéchal du Puy et de bailli royal de Velay, pour ainsi dire héréditaires dans cette maison, la rapprochèrent de l’Auvergne, où elle contracta des alliances qui la mirent en possession de plusieurs fiefs de la province.
Je trouve la preuve de la participation de cette famille à la fondation de Clavas, dans un titre cité dans le Mémoire pour monsieur Coterbon de la Faye. Il y est dit que Marguerite de Conis, abbesse de l’abbaye de Clavas, vers la fin du XIVe siècle, eut des démêlés avec Ibod de Chaste, maître de la Faye. Or, dans un écrit, elle se plaint des tracasseries qui lui sont suscitées, surtout, dit-elle, parce que cette famille de Chaste a contribué pour sa part et la fondation du couvent.
Si à cette preuve nous ajoutons le grand nombre d’abbesses issues de cette maison et portant la crosse à Clavas, et le droit de sépulture qu’elle avait dans la chapelle de l’abbaye, la chose ne peut être douteuse. Au reste, par ce que j’ai dit au premier chapitre, on verra que peu de familles, qu’aucune famille n’a laissé à Clavas autant de traces de son passage. Clavas était le monastère de prédilection des de Chaste. Rien d’important ne s’y faisait, à une époque, sans la participation de quelqu’un de ses membres. Elle intervenait par ses conseils, mais surtout par ses finances, quand le besoin s’en faisait sentir.
Extrait de l’ouvrage :
NOTES HISTORIQUES
SUR
LES MONASTÈRES
DE LA SÉAUVE
BELLECOMBE, CLAVAS ET MONTFAUCON
THEILLIER, curé de Retournaguet