L’INDUSTRIE DANS LE VELAY DU NORD-EST.

source:http://www.la-seauve-sur-semene.fr/fr/information/38717/village-tissage-ville-textile

Le plateau du Velay du Nord-Est, c’est-à-dire la portion du Velay granitique située à l’Est de la Loire, offre au milieu de son paysage agreste champs, de prairies et de bois des bourgades d’aspect quasi citadin ; ainsi manifeste l’originalité d’une région agricole où toute une partie de la population se livre de façpn plus ou moins exclusive à l’activité industrielle. A la vérité, l’une des formes de cette activité, de caractère particulier, dentelle à la main, exécutée par les femmes pour les « fabricants » du Puy, sur le point de disparaître, et elle ne voit pas se substituer à elle, contrairement à ce qui se passe en d’autres régions du Velay, la dentelle en usine, dont l’expansion est gênée par l’existence des industries déjà établies. En revanche le travail du bois, lié à l’exploitation des forêts qui, certaines communes couvrent jusqu’aux trois quarts de la superficie, a un grand essor pendant la Guerre et au lendemain : les anciennes petits établissements cantonnés au bord des rivières et le plus près des forêts, les scieries récentes, plus importantes, installées au voisinage agglomérations, des routes et des gares en vue des facilités de et de transport, préparent des bois de charpente et de menuiserie, des télégraphiques, et, pour les mines de la Loire, des bois de calage et Signalons enfin la papeterie, attirée par la pureté des eaux, suscitée aussi par l’influence du Vivarais, aux confins duquel il y avait à Tence, xvme siècle, une papeterie appartenant aux Montgolfier. Les deux qui existent aujourd’hui ne continuent probablement à vivre qu’en des conditions particulières où elles travaillent ; l’une, celle de gnon, au confluent de la Loire et du Lignon vellave, et qui ne date que 1889, fabrique, après diverses vicissitudes, du papier couché pour une librairie parisienne ; l’autre, fondée en 1625, dans la vallée de la au Crouzet, près de Saint-Didier-en-Velay, est spécialisée aussi ; avec seigle que la région avoisinante lui fournit elle produit pour Lyon et Etienne des cartons pour métiers Jacquard et d’autres articles similaires. Les deux industries principales du Velay du Nord-Est sont la et le textile.

Les appartenances stéphanoises de la première sont Aussi bien elle était et elle est restée localisée à proximité du bassin stéphanois. Jadis elle faisait ouvrer à domicile à Aurec, Monistrol-sur-Loire, Saint- Ferréol du fer qu’elle recevait de Lyon et Saint-Étienne et qui repartait pour ces villes sous forme de clous et de serrures. Les usines où elle est aujourd’hui concentrée à Pont-Salomon et à Monistrol-sur-Loire ont en général leur origine dans des initiatives venues du bassin industriel. En particulier celle de Pont-Salomon, remarquable par sa curieuse spécialisation dans la fabrication des faux et des fourches, n’est qu’une dépendance des établissements d’Unieux, dont elle est séparée par une dizaine de kilomètres à peine ; fondée pour utiliser la pente rapide de la Semène, elle en tire encore aujourd’hui bon parti ; car si elle emploie pour les opérations préparatoires la force électrique venue du dehors, c’est par une série de chutes d’eau judicieusement aménagées que sont actionnés les marteaux-pilons, avec lesquels le platinage des lames est effectué. Quant aux autres usines, elles se consacrent à la boulonnerie, au décolletage, à la serrurerie, aux pièces détachées pour bicyclettes, automobiles, avions, bref aux fabrications caractéristiques de la petite métallurgie stéphanoise. Pas plus que cette dernière, la métallurgie du Velay n’a renoncé à tirer parti de la main-d’œuvre rurale, soit qu’elle fasse monter des pièces à domicile, soit qu’elle embauche comme renfort des paysans pendant la morte-saison agricole.

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Les deux branches du textile sont le moulinage de la soie et le tissage de la soie. Le premier ne serait apparu que tardivement, vers 1760, alors qu’il était fort ancien déjà dans le Forez. Mais, tandis qu’il a disparu du Forez, il a prospéré dans le Velay. Il y comptait ces dernières années environ soixante établissements travaillant pour Saint-Étienne et surtout pour Lyon. Les plus importants, qui peuvent employer en période de grande activité 25 à 30 femmes, sont souvent sous la dépendance d’un tissage ; les autres qui occupent 6 à 10 femmes ouvrent la soie à forfait. Tous, de capacité en somme limitée, cherchent à réduire leurs frais au minimum ; aussi ont-ils recours le plus souvent comme moteur à la force hydraulique pure et simple, d’autant qu’ils peuvent se contenter de peu. Ils la demandent en particulier au cours rapide de la haute Dunières, le long de laquelle près de la moitié d’entre eux se succèdent à Dunières et à Riotord, et où peut-être les relations avec Bourg- Argental ont contribué à les fixer.

Le tissage, notamment sous la forme de la rubanerie, n’est pas seulement plus ancien que le moulinage, il occupe un personnel de beaucoup plus nombreux ; il est par excellence l’industrie du Velay du Nord-Est. Ses origines sont difficiles à préciser ; en tout cas à la fin du XVIe siècle des tyssotiers de soie existaient en mainte localité ; leur activité était intimement liée à la région lyonnaise : le règlement du 22 août 1630 affilie à la maîtrise de Lyon les ouvriers du Velay (de même d’ailleurs que ceux du Lyonnais, du Forez, du Beaujolais) et les considère « comme des membres de la fabrique même de Lyon, à la vérité ordinairement dispersés, mais qui font corps avec les autres ouvriers de la ville ». C’étaient des façonniers qui entraient directement en rapport, sans intermédiaire, avec les fabricants pour le compte desquels ils travaillaient ; on en trouve le témoignage dans un texte de la fin du XVIIIe siècle, qui a de plus l’intérêt de montrer les rapports avec la région stéphanoise : « Ce sont les ouvriers eux-mêmes, qui rapportent dans le Forez les rubans qu’ils ont fabriqués, pour y recevoir leurs salaires des gros négociants qui les ont travailler ; les ouvriers, presque tous pauvres, sont très avares de leur temps ; pour le ménager, c’est le dimanche qu’ils rapportent les rubans qu’ils ont travaillés la semaine et qu’ils remportent de nouvelles soies pour le travail de la semaine suivante ».

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Le tissage s’effectuait alors dans des ateliers familiaux ; il a continué de s’y effectuer jusqu’à une époque récente. Il animait non seulement les bourgs, mais aussi les hameaux et bien des fermes isolées. Il était fréquemment complémentaire de l’activité agricole ; beaucoup de tisseurs, pour ne pas dire la plupart, propriétaires d’un petit bien, faisaient battre leur métier dès que leur champ leur laissait quelque liberté. A la fin du xixe siècle, l’introduction du métier mécanique mû par l’électricité a changé ces conditions. En effet les bourgs seuls ont d’abord et pour un temps assez long bénéficié de l’électricité ; elle y a favorisé la création d’ateliers nouveaux, en même temps qu’elle y en a attiré d’autres, immigrés des hameaux et des fermes ; lorsque les rubaniers dispersés à la campagne ne se sont pas décidés à venir se fixer ainsi dans les centres, ils ont fermé boutique, sauf quelques-uns qui se sont installés sur des chutes d’eau ou qui ont adopté le moteur à gaz ou à essence. Bref, il s’est produit une concentration des ateliers familiaux dans les bourgs, concentration purement topographique, car chaque atelier est resté et reste borné en général au nombre de deux à quatre métiers. Il n’est même pas dit que le monopole ainsi récemment acquis par les bourgs soit définitif ; l’électrification des campagnes le menace ; par elle le tissage peut revivre dans les écarts ; par elle les métiers pourront bruire à nouveau dans ces bâtiments ruraux qui surprennent par leurs hautes fenêtres aménagées au premier étage en vue de laisser abondamment pénétrer la lumière. Mais, quoi qu’il en doive advenir, pour l’heure les ateliers sont déracinés du milieu champêtre. Il ne faudrait pas en conclure qu’ils ont perdu leur caractère domestique ; ils l’ont même plutôt accentué ; en effet le « compagnon » que le tisseur prenait souvent comme auxiliaire a disparu, depuis que l’emploi de la force motrice a permis aux femmes et aux filles de la maison de participer sans difficulté à un travail naguère fort pénible(…).

source, extrait:

Arbos Philippe. L’industrie dans le Velay du Nord-Est. In: Annales de Géographie, t. 44, n°250, 1935. pp. 416-420.

DOI : https://doi.org/10.3406/geo.1935.11105

www.persee.fr/doc/geo_0003-4010_1935_num_44_250_11105