ORIGINES DES NOMS DE LIEU EN HAUTE-LOIRE

NOMENCLATURE DU DICTIONNAIRE.

Il existe pour le département de la Haute-Loire deux dictionnaires des lieux habités, l’un publié par Deribier, en 1820 et l’autre dû à H. Malègue et dont la dernière, édition a paru en 1888. Mais ces oeuvres, déjà incomplètes au moment de leur apparition contiennent, en outre, de nombreuses inexactitudes, provenant de documents erronés ou d’une connaissance insuffisante des règles philologiques. Il importait donc de procéder à une revision minutieuse des lieux habités pour en dresser une nouvelle nomenclature, de rechercher les localités disparues et de relever les bois, montagnes, rivières et ruisseaux qui entrent pour une si large part dans la toponymie historique. Pour atteindre ce but, on a eu recours aux cartes de Cassini, de l’Etat-Major et des Ponts et Chaussées ainsi qu’aux plans cadastraux, obligeamment complétés jusqu’à nos jours par les secrétaires de mairies. A ces données générales, qui ont le mérite d’une authenticité certaine, on a cru devoir ajouter certains vocables de lieux-dits, rappelant par leur conformation l’habitation de l’homme. Les uns, de l’époque gallo-romaine, sont terminés en -iacus (Lioussac), d’autres appartiennent à la période gallo-franque (Viallevieille, Villevieille, etc.), et d’autres sont d’origine romane (les Chazaux, etc.). Bien que n’impliquant pas toujours l’idée de lieux habités, on a aussi admis les noms se rattachant à un souvenir religieux comme la Croix-des-Regardins, la Croix-du-Bail, la Croix-du-Cornet, la Croix-du-Mauvais-Tuchin la fontaine Saint-Ferréol, la fontaine Sainte-Marguerite, la fontaine Saint-Firmin, la fontaine Saint-Guignafort,Saint-Albe, Saint-André, Saint-Cire, Saint-Domnin ,Sainte-Apollonie, Saint-Georges, Saint-Haon, Saint- Hijipoly te Saint-Jean, Saint-Pierre, Saint-Saturnin. Enfin, à cause de leur évident intérêt pour l’histoire et l’archéologie, on a cru devoir recueillir les dénominations relatives à des croyances ou des superstitions populaires, telles que le Châteaudes Sarrazins, les Cuves des Sarrazins, la Pierredes Fades le Pré des Fades, la Tuile des Fées, etc.

Ces divers éléments forment la base essentielle de ce dictionnaire, dont les articles ont été rédigés à l’aide d’actes provenant des sources les plus variées, dépôts publics ou collections particulières.

 

Noms d’origine Gauloise ou gallo-romaine.

On rencontre un assez grand nombre de noms d’origine gauloise, formés quelquefois de mots simples, tels que Arlet, Arlatc, Brioude, Brives et Vieille-Brioude, Brivas, Cohade, Colide et Goudet, Godit, mais le plus souvent dérivés d’un radical latin, terminé par les suffixes celtiques oialos et acos qui, sous la domination romaine, se transformèrent en ogilum, oioîum et acus.

Les premières désinences, ogilum et oiolum, ont donné les noms suivants Chanteuges, Cantogilum; Chassagnolles et Chassignolles, Caucinogilum; Couteuges, Cultoiolum?; Séneujols, Senoiolum; Venteuges, Ventoiolum?

Le suffixe acus, ajouté à des gentilices ou à des cognomina romains, entre dans la composition de quarante-trois noms communaux, terminés de nos jours en ac, as, at, ou ec Agnat, Agnacus?; Alleyrac et Alleyras, Alayracum; Aubazat, Albazacum; Autrac, Autracmf; Bauzac,Bausacus; Blanzac, Blanzacum; Blassac, Blassacus; Cerzat, Sarazacus; Ceyssac, Celsiacus; Chadrac, Chadracus?; Champagnac, Campaniacus; Chaniat, Chamnhacusf; Chaspuzac, Cltaspuzacus; Chavagnac, Cavaniacum; Cliilhac, Chishacus; Cussac, Cussacus; Domeyrat, Almeyracusf; Ferrussac, Ferrusacum; Grazac, Grasacus; Josat, Joiacus? Langeac, Langiacum; Lantriac, Lanturilacus; Le Monastier, Calmilliacus; Lissac, Lissacus; Lubilhac, Lubiliacus; Mazerat, Maraziacus; Mazeyrat, Maceriacus; Pauihac, Pauliacus; Paulhaguet, Pauliacum; Pébrac, Pipcracus; Polignac, Podoniacus;Reilhac, Reliacus; Retournac, Relornacus; Sanssac, Sanssacum; Solignac Sollempniacus; Tailhac et Taulhac, Tauliacus; Torsiac, Torsiâcus?; Vergezac, Vergesncum; Vissac, Viziacus; Yssingeaux, Isînglacus.

Noms d’orrigine Romaine.

Les noms de la période romaine se présentent sous les formes les plus variées. Tantôt on les rencontre avec les désinences us, ius ou ium, sans aucun développement de suflixe, comme dans Auvers, Auvercius; Bas, Bassius; Berbezit, Berbezinus;Blavozy» Blavosmm; Bournoncle, Bumunculus Cliarraix, Carasius; Landos, Landocius; Lapte, Laptus; Loudes, Lodesitis; Thoras, Thorascius. D’autres fois ils se composentd’un gentilice, avec la désinence du datif pluriel Ahy, Alis; Bains, Bintis; Cayres, Cairis; les Vastres, Lavastris; ou de l’accusatif pluriel Barges, Barias; Vazeilles , Vallilias et Vaseillas. Ces noms se terminent aussi par le suffixe latin anus Lempdes, Lendanus, et Tence, Tencianus; ou le suffixe o, au génitif onis, tels que Auzon, Alzo; le Brignon, Brinio; Chadron, Cadro; Chambezon, Chamhezo; Coubon, Cobo Vézézoux, Vezedo.

Noms d’orrigine Gallo-Franque.

Il n’existe, dans la toponymie communale, aucun nom de lieu de rapportant au souvenir des barbares qui s’établirent en Gaule sous le Bas-Empire, ni au langage des Francs. Le nom commun mons, synonyme du mot français «montagne», se trouve seulement combiné à un nom de personne dans Montfaucon, Mons Falconis, et joint à un adjectif, à une époque très probablement postérieure à la période romane, dans Beaumont, Bellus Mons; Montclar, Mons Clarus; Nlontregard, Mons Regardns; Montusclat, Mons Ustus.

Le mot latin vallis, pris dans le sens de «vallée»), a servi pour désigner Vals et il est accompagné d’un adjectif qualificatif dans Bonneval, Bonna Vallis et Valprivas, Vallis Privata ou précédé de l’article roman Lavai, Vallis; mais, dans ces divers cas, nous estimons que ce vocable ne saurait être antérieur à l’époque mérovingienne. Le nom communvilla, qui remonte au moins aux temps carolingiens, pour désigner un vaste domaine rural, se retrouve dans le nom de Villeneuve , Villanova et dans celui des Villettes, Vialeta, pour Villela, diminutif de villa.

Noms d’origine romane. (Ordre civil. )

Plusieurs de ces noms remontent peut-être à la période romaine et certainement aux origines du moyen âge. Nous mentionnerons d’abord ceux dont l’étymologie rappelle une particularité topographique ou autre, et qui ne nous sont parvenus le plus souvent qu’avec d’importantes altérations dues à l’influence de la langue vulgaire Aiguilhe, Aculea, de la conformation du rocher qui avoisine cette localité; Beaulieu, Bellus locus, allusion à l’agrément du site; Chazelles, Cliazellas, diminutif de casce, les petites maisons Collât, Coïïatum, bâti sur la crête de la montagne; Croisance et Cronce, Crosancia, pour indiquer un carrefour; Cubelles, Cuhelloe, de l’emplacement de ce lieu en forme de coupe; Esplantas, Plantati, localité plantée d’arbres; les Estables, Slabulm, écuries ou bergeries pour les troupeaux nombreux en cette région; Fontannes, Fontanoe, les sources; le Mas, Mansus, pour désigner une habitation rurale; le Monteil, Montillum; le Pertuis, Pertusium; le Puy, Podium, la montagne; Riotord, Rivus Tortus, le ruisseau sinueux; la Voûte , Volta, pour rappeler les lacets des cours d’eau qui traversent ces localités.

Les localités suivantestirent leurs vocables du règne végétal Bessamorel, Bessamaurellus,

le pré de Morel; Chassagnes, Cassariias, du mot languedocien casse qui signifie «chêne m; Fay, Fagus, le hêtre; Prades, Pradas, Pradelles et Pratellas, deux noms de forme romane, certainement du mot latin pratum, le pré. Les suffixes etum et eta, ajoutés à des noms de végétaux, entrent dans la composition des noms de lieux suivants Boicet, Boicetum; le Bouchet, Boschetum; la Chomette, Chahneta; Freycenet(2), Fraxinelum; Rauret, Rouretum; et le Vernet, Vernetwn, formés sur les noms anciens du bois, du chaume, du frêne, du chêne rouvre et de l’aune.

Noms d’orrige Romane (Ordre ecclésiastique.)

L’onomastique communale a emprunté à la religion chrétienne un grand nombre de vocables, dont les uns appartiennentà des noms communs et les autres à des noms de saints. Dans la première catégorie nous citerons le mot monasterium, dont les diminutifs Monastrelium et Monastrolium ont fourni Monistrol , et Capella qui, de nos jours, a donné la Chapelle ; on doit aussi attribuer à une même origine le nom de la Chaise- Dieu, Casa Dei.

Les noms de saints entrent dans la composition de soixante-huit vocables communaux Saint-André, Sanctus Andreas; Saint-Arcons , Sanctus Arconcius; Saint-Austremoine, Sanctus Austremonius Saint-Beauzire, Sanctus Baudelius; Saint-Berain, Sanctus Benignus; Saint-Bonnet, Sanctus Boniius; Saint-Christophe , Sanctus Christojorus; Saint-Cirgues, Sanctus Cyricus; Saint-Didier , Sanctus Desiderius; SaintÉble, Sanctus Ebulus; Sainte-Fiorine, SanctaFlorina; Sainte-Marie, Beata Maria; Sainte-Sigolène, Sancta Segolena; Saint-Étienne Sanctus Slephanus; Saint-Ferréol,Sanctus Ferreolus , »Saint Front Sanctus Fronto; Saint-Geneys,Sanctus Genesius; Saint-Georges, Sanctus Georgius; Saint-Germain,Sanctus Germanus Saint-Géron, Sanctus Gereo; Saint-Haon, Sanctus Abundus;Saint-Hilaire,Sanctus Hilarius; Saint-IIostien,Sanctus Ustianus; Saint-Hpize, Sanctus Ilpi&us; Saint-Jean, Sanctus Johannes; Saint-Jeure, Sanctus Georgius; Saint-Julien, Sanctus Julianus; Saint-Just, Sanctus Juslus; Saint-Laurent, Sanctus Laurencius; Saint-Maurice , Sanctus Mauricius; Saint-Pal ou Saint-Paul , Sanctus Paulus; Saint-Paulien, Sanctus Paulianus; Saint-Pierre , Sanctus Pelrus; Saint-Préjet , Sanctus Prejectus; Saint-Privat (a), Sanctus Privatus; Saint-Quintin, Sanctus Quintinus; Saint-Romain,SanctusRomamis; Saint-Vénérand,Sanctus Yenerandus; Saint-Vert, Sanctus Verus; Saint-Victor , Sanctus Victor; Saint-Vidal, Sanctus Vilalis; Saint-Vincent, Sanctus Vincentins. Il faut naturellement comprendre dans cette catégorie les communes de Blesle, Blesilla, dont l’adjectif sancta a disparu, et Sambadel, forme altérée de l’ancienne dénomination Sanctus Baudelius .

Noms d’orrigine Française

La féodalité, qui a laissé des empreintes si profondes dans l’histoire des diverses provinces appelées à contribuer à la formation territoriale du département de la Haute-Loire, n’a pourtant fourni à la toponymie communale que de très rares vocables. On ne peut, en effet, attribuer à cette période que le nom de la Mothe, Mota. C’est aussi de la seconde moitié du moyen âge et postérieurement au xie siècle que datent les appellations de Malvalette, Mala Voleta, la mauvaise vallée, et celle de la Sauvetat, Salvitas, qui rappelle la sauvegarde concédée aux habitants de cette localité.

Noms changés.

Les événements politiques ou religieux ont amené des changements assez fréquents dans les vocables communaux. C’est ainsi que, suivant leur coutume, les Romains substituèrent le nom du peuple de Velay, Civitas Vellavorum, à celui de la capitale de cette province, Revessione, dénommée plus tard Saint-Paulien,Sanctus Paultanus. A la fin du XIIIe siècle, Grazac, Grazacum, adopta le nom du château féodal d’Allègre, Allegrium, qui domine cette localité. Les noms de Bassacus, Pallegiagus, Cariacus et Podendagus, dérivés, comme Grazacum, d’un radical et du suffixe acus, ou de son équivalent agus, se transformèrent en Bellus Mons, Beaulieu; Mons Regardas, Montregard; Sanctus Baudelius, Saint-Bauzire, et Sanctus Mauricius, Saint-Maurice,tandis que Anicium devenait Podium, le Puy, et Gavaretum? Sanctus Desiderius, Saint-Didier.

La formeromane, d’ordre civil, Chalmas-Ellarias disparaissait aussi pour faire place à celle d’ordre ecclésiastique Sanctus Justus, Saint-Just. En 1487, une ordonnance royale prescrivait de changer le vocable de Comps en latin Cumoe, c’est-à-dire des vallons », par celui de la Vaudieu, pour éviter les propos «de plusieurs maldisans» à l’égard des religieuses Bénédictines qui avaient élevé un couvent dans cette localité. Enfin, de nos jours, la commune de Saint-Just-près-Chomelix, Sanclus Justus, a obtenu l’autorisation de reprendre son ancienne appellation révolutionnaire de Bellevue-la-.Montagne.

Source:DICTIONNAIRE TOPOGRAPHIQUE

DU

DÉPARTEMENT DE LA HAUTE-LOIRE

PAR M. AUGUSTIN CHASSAING

ARCHIVISTE-PALÉOGRAPHE, JUGE AU TRIBUNAL CIVIL DU PUY