Les guerres ruineuses de Louis XIV. — Ses actes maladroits. — La carrière militaire de Louis-Achille de Nérestang.
Il passa une partie de son temps à liquider les biens de son père. — En mourant, le 7 février 1733, le duc de Cadagne institua héritière sa tante, la marquise de Châtillon. — Cette dernière conserva la baronnie trois mois, jusqu’au 3 mai 1733.
A la mort de son père, en 1705, Louis-Achille devint marquis de Nérestang, baron de Saint-Didier, comte d’Entremont, baron de Roche-en-Régnier, Aurec, Oriol, St-Victor et La Fouillouse. Il était né le 3 janvier 1673, par conséquent, au cours du règne de Louis XIV, en pleine ascension de la France et de son roi.
Ainsi que nous l’avons dit, le traité des Pyrénées consacrait le triomphe de la maison de Bourbon sur les Habsbourg d’Espagne. Louis XIV en avait grandement conscience, aussi ses premiers actes affirmèrent-ils son dessein de donner à la France, suivant sa propre expression, la première place entre tous les Etats de l’Europe. Et alors, ce fut le débordement des guerres, des guerres les plus diverses, de prestige ou d’intérêts.
Hugues de Lionne, qui était alors secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, ne perdit jamais de vue la succession espagnole. Il négocia avec le Portugal, l’allié de l’Angleterre, avec la Hollande, avec le Danemark, avec la Ligue du Rhin, avec l’Empereur.
Louis XIV ne songeait pas à réclamer toute la succession espagnole, du vivant de Philippe IV, mais il faisait valoir ses droits sur les Pays-Bas, en vertu du droit de dévolution.
A la mort du roi d’Espagne, en septembre 1665, Louis XIV affirma plus énergiquement encore les droits de Marie-Thérèse, sa femme.
Il fit envahir les Pays-Bas espagnols et, en deux mois, Turenne fit la conquête de la Flandre. En 1667, Lille, la ville la plus riche et la plus forte Le 19 janvier 1668, venait de se conclure à Vienne, un traité de partage éventuel de la succession de la monarchie espagnole. Malgré l’intervention de l’Angleterre, de la Hollande et de la Suède (triple alliance de La Haye, janvier 1668), Louis XIV donna ordre à Condé d’envahir, en plein hiver, la Franche-Comté. En moins de vingt jours, toute la province était conquise.
Le traité d’Aix-la-Chapelle, signé en 1668, lui laissa la Flandre, mais il rendit la Franche-Comté à l’Espagne. En 1672, on voulait la guerre avec la Hollande pour diverses raisons. Une campagne diplomatique précéda les opérations. Après avoir pris Nimègue et Utrecht, l’armée française, forte de 100000 hommes, arriva sur les bords du Zuyderzée. Une première coalition se forma contre la France, à La Haye, en 1673. La Hollande s’allia avec l’Angleterre, l’Espagne et l’Allemagne.
Condé arrêta Guillaume d’Orange, le 11 août 1674, à Senef, pendant que Turenne s’immortalisait par sa campagne d’Alsace. En juin 1674, il battit les Allemands à Sintzheim, en juillet, à Ladenbourg. Il fut contraint de repasser le Rhin. Après avoir reçu quelques renforts, il passa, en plein hiver, par la trouée de Belfort et pénétra en Alsace. Il surprit l’ennemi et le battit près de Mulhouse, puis, à Turckheim. L’Alsace était délivrée par une des plus belles campagnes qui soient connues dans l’histoire.
Malheureusement, Turenne fut tué à Salzbach (en Bade) en 1675. Le roi lui fit faire des funérailles solennelles.
Les opérations militaires se poursuivirent dans le Nord de 1675 à 1678 avec le maréchal de Créqui, qui prit Fribourg-en-Brisgau, en 1676 ; Vauban, qui fit tomber Condé, Valenciennes, Bouchain et Cambrai ; le duc d’Orléans et le maréchal de Luxembourg, qui débloquèrent Cassel, après avoir battu le prince d’Orange.
Sur mer, Duquesne battit les Hollandais de Ruyter à Stromboli, à Agosta, en 1676, à Palerme, quelques jours après.
La conférence de paix, réunie à Nimègue, dès 1675, traîna en longueur. Et, comme l’Angleterre avait adhéré à la coalition, Louis XIV recommença la guerre. En février 1678, il lança 120000 hommes sur les Pays-Bas.
Des traités furent signés avec la Hollande, l’Espagne et l’Empire.
La trêve de Ratisbonne, en 1684, laissa Louis XIV en possession de toutes les places occupées par lui depuis 1678, y compris Strasbourg et Luxembourg.
Comme Louis XIV était le plus puissant souverain d’Europe,
il ne tarda pas à commettre des actes maladroits. En 1685, il révoqua l’édit de Nantes, après avoir pris, dès 1661, un certain nombre d’édits de persécution. Malgré les menaces pour tous les sujets qui sortiraient du royaume, les Protestants, par milliers, se réfugièrent en Hollande, en Angleterre, en Allemagne du Nord et contribuèrent à y développer le commerce et l’industrie.
Puis, voici, de 1688 à 1697, la guerre de la Ligue d’Augsbourg.
L’ancien stathouder de Hollande, Guillaume d’Orange, devint roi d’Angleterre sous le nom de Guillaume III.
Il lance contre la France la Ligue d’Augsbourg avec l’Allemagne, l’Angleterre, l’Espagne, la Hollande et la Savoie.
La guerre éclate. Louvois fait incendier le Palatinat. Le maréchal de Luxembourg bat Guillaume III à Fleurus (1690), à Steinkerque (1692), à Nerwinde (1693). A cette bataille, Jean Armand, marquis de Joyeuse, y fut blessé. En Italie,
Catinat est victorieux à Staffarde (1690) et à La Marsaille (1693).
Sur mer, Tourville, Jean Bart et Duguay-Trouin s’illustrent par leurs exploits. Tourville est vaincu au cap de la Hogue (1692), mais, l’année suivante, il est vainqueur à Lagos (Portugal).
En 1697, la paix était signée à Ryswick, Louis XIV sortait humilier.
En 1700, une nouvelle guerre éclata au sujet de la succession d’Espagne. Soulignons que les Anglais prirent Gibraltar, en 1704.
Cette campagne fut malheureuse pour la, France.
La paix d’Utrecht, en 1713, et le traité de Rastadt (1714) mirent fin à cette guerre désastreuse. Ces traités constatèrent la ruine du pays.
Si les Alliés traditionnels de la France, la Turquie, la Pologne et la Suède sortaient diminués de ces guerres, par contre, on voyait grandir à l’horizon deux nouveaux Etats, la Prusse et la Russie. La puissance maritime et coloniale de l’Angleterre s’affirmait. Elle avait enlevé à l’Espagne le monopole du commerce avec l’Amérique du Sud et avec l’Amérique centrale. L’acquisition de l’Acadie et de Terreneuve pouvait lui faire entrevoir la prépondérance dans l’Amérique du Nord.
La situation financière de la France, après la guerre de la Succession d’Espagne, était désastreuse. Des économistes formulèrent des projets de réforme, mais tout cela n’empêcha pas que la dette publique fut portée au chiffre énorme de 2 milliards 800 millions de livres.
La fin du règne de Louis XIV fut attristée par des deuils cruels. En effet, le roi perdit, en 1711, son fils, le Grand Dauphin; en 1712, son petit-fils, le duc de Bourgogne ; la duchesse de Bourgogne, Adélaïde de Savoie, et un de leurs fils, le duc de Bretagne. Son seul héritier était, désormais, un de ses arrière-petits-fils, le duc d’Anjou, âgé de 5 ans.
Louis XIV mourut le 1er septembre 1715, âgé de 72 ans, après avoir donné les plus sages conseils à son successeur.
Il laissa la France ruinée par des guerres glorieuses, certes, mais inutiles. Le pays, de surcroît, était écrasé par les impôts.
Sans doute, les arts et la littérature brillèrent sous son règne d’un éclat sans pareil. Mais ce n’est pas Louis XIV qui a fait le grand siècle, c’est l’étonnante et splendide éclosion de grands et puissants esprits qui firent cette période éblouissante.
A aucune époque, on ne vit une réunion plus merveilleuse d’hommes illustres et de grands génies. Notons, simplement, et leurs noms suffisent : Racine, Molière, La Fontaine, Boileau, Bossuet, Fénelon, Fléchier, Bourdaloue, Massillon, Pascal, La Rochefoucauld, La Bruyère, Mme de Sévigné, le duc de Saint-Simon ; dans la musique, Lulli ; dans la peinture, Lebrun et Mignard ; dans la sculpture, Girardon, Coysevox et Pugnet ; dans l’architecture, Claude Perrault’ Hardouin-Mansard, Le Nôtre, et d’autres encore.
Le marquis Charles-Achille de Nérestang et son fils, le marquis Louis-Achille de Nérestang, brillèrent sur les champs de bataille.
Le marquis Louis-Achille de Nérestang devint maître de camp de gendarmerie.
Il n’accepta les successions de ses parents que sous bénéfice d’inventaire.
Louis-Achille de Nérestang eut, d’ailleurs, une carrière militaire assez remplie.
Dangeau en parle dans son Journal.
A la date du 13 avril 1706, et de Versailles, il écrit :
… M. le marquis de Nérestang a le guidon de gendarmerie qui vaquait par la dernière promotion ; il est neveu du duc d’Aumont qui a demandé cette charge-là au roi pour lui. Il était capitaine de cavalerie dans notre armée d’Italie et en très bonne réputation. Il donnera à M. de Roquelaure les 20.000 livres que le roi lui a données à prendre sur cette charge.
De Versailles encore, le 28 janvier 1708 :
Le roi donne commission de mestre de camp au marquis de Nérestang, qui n’est que guidon. Du 7 octobre 1719 : On a fait six brigadiers de gendarmerie qui sont… Nérestang… je ne sais pas leur rang. M. de Nérestang, dont je viens de parler, va prendre le nom de Gadagne, qui est une terre dans le comtat d’Avignon, que le pape a érigée en duché, il y a plusieurs années. Il a hérité de cette terre par Mme de Gadagne qui est morte depuis quelques mois.
Louis-Achille de Nérestang passa, d’ailleurs, la majeure partie de son existence à liquider certains des biens qui lui étaient échus.
Le 22 février 1708, il vendit à Jean Lhermet, du lieu de la Peyrouse, la terre du Foultier pour 196 livres.
Le 6 mars 1708, il vendit à Antoine Marie, comte de Maison-seul je et baron du Villard, le mandat de la Chapelle et une partie du haut mandat d’Aurec,
Le 17 juin 1717, il prêta hommage pour Saint-Didier, Roche-en-Régnier, Oriol, Saint-Ferréol et en remit le dénombrement.
En 1719, il devint duc de Gadagne. Ce titre, moins productif qu’honorifique, lui vint de sa tante, Jeanne de Grave, épouse sons postérité de Félix de Gailliani, duc de Gadagne, lieutenant général des armées du roi, et soeur de Françoise de Grave, mère de Louis-Achille.
Le 23 juillet 1730, il donna un alignement pour la reconstruction de la maison de Christophe Parchas. Les principaux habitants de Saint-Didier ont signé au bas de cet acte.
Le 24 juillet 1730, par contrat, il vendit définitivement la seigneurie de Roche-en-Régnier et la baronnie à noble Jean Jourda de Vaux, père du maréchal.
Le marquis Louis-Achille de Nérestang, baron de Saint-Didier, duc de Gadagne, mourut à Paris, le 7 février 1733, chez sa tante, la marquise de Chatillon, rue Saint-Honoré, à proximité de la porte du même nom. Il fut enterré, le lendemain, dans l’église Saint-Roch, sa paroisse, alors que plusieurs de ses aïeux furent inhumés dans la chapelle des Cordeliers, près de la place des Jacobins, à Lyon.
Il était sans alliance, donc sans héritier légal.
Il fit héritière sa tante, la marquise de Chatillon.
Avec lui, tout finit, la race, le nom et la fortune des Nérestang.
Le 3 mai 1733, c’est-à-dire, trois mois après, la marquise de Chatillon vendit la baronnie de Saint-Didier et d’Aurec, au comte de Séneulols de Genestet.
Extrait de l’ouvrage, « D’Azur au Lion d’Argent » Tome II.
Paul Ronin