Abbesses de la Séauve

Le mot abbé, en latin abbas, vient d’un mot hébreux, ab qui signifie père. Les Chaldéens et les Syriens ont ajouté la lettre a et ont fait abba dans le même sens ; les Grecs et les Latins ont ajouté la lettre s et ont fait abbàs.

 

 I. Agathe.

Elle était supérieure à la Séauve, avec le titre de prieure, dés l’année 1228. On peut donner comme très-probable au moins, sinon comme certain, qu’elle ne fut pas la première à la tête de l’abbaye. L’histoire ne dit pas quelles furent celles qui la précédèrent dans la direction du monastère. Le 8 des Ides de juin, le onzième jour de la lune, 1228, elle acheta d’Arnaud Roland, tout le droit qu’il avait sur le mont Volusien, au lieu de Chastelet. Cette convention eut pour caution, Adhémar, seigneur d’Annonay, et Wilhem de Lavieu. L’acte de vente fut passé au couvent d’Annonay. Jean, archevêque de Vienne confirma cette donation et la scella de son sceau.

Gallia Christiana.

 

 II. B.

La Gaule chrétienne ne donne que les initiales de son nom. Elle était prieure à la Séauve en 1233.

(Gallia Christiana)

 

 III. Aigline.

C’est la première qui porte le titre d’abbesse. Elle gouvernait le monastère en 1256. Ne serait-ce pas Aygline de Polignac qui était à Bellecombe l’année suivante ?

(Gallia Christiana.)

 

IV. Sibille II de Bédages.

Il est question d’elle comme abbesse dés 1 278. En 1303, parmi les seigneurs qui assistèrent au château d’Aubain, dans l’affaire du roi Philippe avec Boniface VIII, se trouva un B… de la Cropte, seigneur de Bédages, au diocèse du Puy.

(Gallia Chrittiana.)

 

 V. Beatrix 1er de Saint-Priest.

La maison de Saint-Priest , dit l’auteur de l’article sur Gabriellede Saint-Chamond, Tablettes historiques de la Haute-Loire, n° 1 1 , page 481 , est l’une des plus anciennes du Forey. Elle possédait de vastes domaines à Feugerolles. Rochelaillée, la Fouillouse et autres lieux, et tenait principalement en fief et en toute justice cette ville de Saint-Etienne de Furans, à la quelle l’industrie moderne réservait de si bel les destinées. Les premiers Saint-Priest connus appartenaient à la maison de Jarez issue elle-même des comtes de Forey, suivant La Mure, et des comtes de Genève, suivant Guichenon. Les d’Urgel vinrent, dans le douzième siècle, d’Auvergne, d’autres disent de Catalogne, s’enter sur la race des Jarez , par le mariage de Josserand d’Urgel avec Mateline, dame de Jarez. Contemporains de saint Bernard, les d’Urgel fondèrent en 1 1 58 l’abbaye de Valbenoîte aux environs de Saint-Etienne. La seigneurie de Saint-Chamond était déjà entrée dans cette famille au XIIe siècle, puisque des deux fils de Briand, fils de Josserand d’Urgel, Guy, l’aîné, portait le nom de Saint-Priest, et le puîné, Guichard, celui de Saint-Chamond. Les Saint-Priest firent à toutes les époques grande figure dans le pays de Forey. Ils fournirent plusieurs branches, dit M. d’Assier de Valenches, et particulièrement celle d’Apinac ou Epinac vers la fin du treizième siècle; de Saint- Chamond, en 1387; de Fontanès en 1333 qui fit la rameau de Saint-Priest d’Albuzy en 1 589, enfin la branche de la Fouillouse et celle de Sury en Beaujolais. Les guerres du moyen-âge et les guerres de Religion firent surgir de nobles chefs et de grands personnages dans la maison de Saint-Priest, mais leur caractère, trop en harmonie avec les moeurs de l’époque, dégénéra quelquefois en férocité. Mais à quelle de toutesces familles appartenait notre abbesse ? Il n’est pas facile de le dire. Je trouve dans le Laboureur. Mazures de l’Isle Barbe, qu’au nombre des dix enfants de Gaudemar de Jarez et de Béatrix de Roussillon, fdle de Guillaume, seigneur d’Annonay et de Roussillon en Dauphiné, figure une fille du nom de Béatrix que l’auteur dit avoir été religieuse à l’abbaye de Saint-Pierre-les-Nonains, à Lyon. Cette Béatrix ne serait-elle pas l’abbesse de la Séauve? On serait tenté de regarder l’affirmative à cette question comme très-probable, attendu que le mariage de Gaudemar eut lieu vers le milieu du xme siècle et que Saint-Pierre les Nonains était du même ordre que le monastère de la Séauve. Une difficulté se présente néanmoins. A l’époque où Béatrix était abbesse, les Jarez n’étaient pas encore seigneurs de Saint-Priest. Ils ne se fondirent, d’après M. Testenoire-Lafayette, avec les d’Urgel de Saint-Priest que par le mariage de Matalonne de Jarez avec Josserand d’Urgel. Et alors comment justifier cette déno mination de Sainl-Priest donnée à Béatrix ? Peut-être l’appela-t-on ainsi à cause de la fusion des deux familles qui se fit à cette époque. En 1284, Béatrix de Saint-Priest promit fidélité à l’évêque du Puy pour son monastère.

(Gallia Christiana)

 

VI. Sibile II.

Elle devint abbesse en 1287, au mois de novembre. L’année suivante, le 8 des kalendes de mai, elle transigea avec Frédole, évêque du Puy, pour la justice et la juridiction du lieu de la Séauve ; l’acte fut passé à Espaly, dans la chapelle épiscopale.

(Gallia Christiana.)

 

VII. Amphelise de Bouzois.

Les auteurs de la Gaule chrétienne la donnent comme gouvernant le monastère vers la fin du XIIIe siècle et la disent fille de Bertrand de Chazals. Les mêmes auteurs donnent à Bellecombe et pour les mêmes années, Amphelise de Chazals pour abbesse. Ils disent encore celle-ci fille de Bertrand de Chazals. Si les auteurs de la Gaule chrétienne ne se sont pas trompés il faut dire que celaient là deux soeurs qui portaient le même prénom. Plusieurs difficultés sont à résoudre. Pourquoi les auteurs cités lui donnent-ils le nom d’Amphelise de Bouzols et pourquoi appellent-ils son pére Bertrand de Chazals ? Il n’y a pas eu à Bouzols de famille portant le nom de Chazals. A mon avis une seule hypothèse me semble plausible : Bertrand, père d’Amphelise, aura été ou un cadet ou un bâtard de la maison de Saint-Romain, possessionée à Bouzols dans le xme siècle. Devenu maitre de Chazeaux, près d’Yssingeaux, il aura pris le nom de cette terre, tout en conservant dans certains actes celui de sa maison ; Pourquoi donne-t-on à l’abbesse de la Séauve le nom d’Amphelise de Bouzols et à celle de Bellecombe celui d’Amphelise de Chazals ou Chazeaux ?Je n’expliquerais cette différence de noms, donnés à deux filles du même père que parce ce que je viens de dire. Peut-être le nom de Bouzols résonnait-il mieux que celui de Chazals et était-il plus facile de le faire adopter à la Séauve à cause de l’éloignement où ce monastère se trouvait du lieu d’habitation de Bertrand.  Quoiqu’il en soit de ces questions, il est certain que notre abbesse gouvernait la Séauve en 1294, année où elle reconnut tenir son monastère de l’évèque.

(Gallia Christiana.)

 

VIII. Sibille III.

Une seule chose est constatée par la Gaule Chrétienne, c’est qu’elle était abbesse à la Séauve en 1295 et en 1306.

(Gallia Christiana.)

 

IX. Marguerite de Chalencon.

La famille Chalencon était une des plus anciennes et des plus puissantes du Velay. Pour donner une idée de la puissance de cette maison ,dit l’abbé Payrard (Tablettes historiques du Yelay,2e année, n° 1er, page 23), nous empruntons la page suivante à l’Histiore de la maison de Polignac . Dans la seconde livraison, je dirai quelque chose de plus, à propos de Bellecombe dont cette famille fut fondatrice. Marguerite vint au monde au château de Chalencon que l’on voit encore sur les bords encaissés de l’Anse, entre Saint-André et Tiranges. Elle était fille de Bertrand Ier et d’Egline de Beaumond. Bertrand était seigneur de Saint-Pal, de Beaumond, prés Brioude, de Craponne et d’un grand nombre d’autres localités. Amphelise, une de ses soeurs, qui avait reçu en dot 12,000 sols, épousa en 1373, Josserand, baron de Saint-Didier-la Séauve. J’ai fait con naître la teneur de son testament dans ma brochure sur Saint-Just-Malmont. Deux de ses frères étaient chanoines de Notre-Dame du Puy. Un troisième, du nom de Pons, fut syndic du chapitre de Sainl-Jullien de Brioude et était fort-doyen en 1331. Robert, faisant partie de la même génération, fut religieux au monastère de la Chaise-Dieu. Une de ses soeurs devint religieuse à la Vau-Dieu. Tant de vocations à l’état religieux sont, ce semble , un indice de l’esprit qui dominait dans cette noble et illustre famille ; c’était l’esprit chrétien. Nous verrons au reste, plus tard, combien elle était dévouée aux oeuvres du christianisme. D’après le Gallia Christiana, Marguerite aurait été abbesse pendant les années 1311, 1312, 1313. L’histoire se tait sur sa vie entière et necite rien de ses actes. Respectons ce silence qui voue, peut-être, à l’oubli des vertus que nous aimerions à connaître.

(Gallia Christiana)

 

X. Artaude de Lâvieu.

Coadjutrice en 1313, elle ne fut maîtresse absolue du supériorat que l’année suivante, après la mort de Marguerite de Chalencon. Sa famille occupait un rang des plus distingués parmi les familles illustres du Forez. Les seigneurs de Lavieu étaient vicomtes. Outre la terre de Lavieu, prés Montbrison, la principale de leurs possessions et le lieu de leur résidence, ils étaient encore maîtres de plusieurs autres seigneuries dans le Forez, entr’autres, de celles de Roche-la-Molière, Poncins, Boisset, Ecotay, Chalain-le-Comtal, Chantois, etc., etc. Ce fut vers la fin du XIIIe siècle qu’un membre de cette famille, Hugues de Lavieu, fils de Gaudemar, acheta Feugerolles et vint y établir sa demeure. Cette maison portait, d’ancienneté, son écusson, d’or, diapré de gueules à la bande dentelée de sable. — Pour cimier, un gantelet.— D’après dom Estienot : de gueules au chef de vair. Artaude était fille de Josserand de Lavieu. Elle était encore abbesse en 1324. Rien de sa vie, de son administration et de sa mort.

(Gallia Christiana.)

 

 XI. Alice de Rochebaron.

Le château de Rochebaron faisait partie du Forez et se trouve aujourd ‘hui dans le département de la Haute-Loire. Placé sur un rocher escarpé et inaccessible au Nord, à l’Orient et au Sud, il domine toute la plaine de Bas-en-Basset. Le panorama que l’on découvre de ce point n’est pas sans charmes. Les constructions qui formaient l’ensemble du manoir occupaient une certaine étendue de terrain. Il y avait double enceinte et fortifications en rapport. On ne voit plus, dans ce moment, que des ruines, mais ces ruines sont assez belles encore pour exciter l’admiration des touristes et donner une idée de la splendeur passée. C’est là que naquit Marguerite vers la fin du XIIIe ou le commencement du XIVe siècle. Elle eut pour père Briand de Rochebaron et, pour mère, Hélise de Séneictère. Après sa première éducation, elle quitta le monde et se dévoua à Dieu dans le couvent de la Séauve. Ses talents et ses vertus lui méritèrent la dignité abbatiale dont elle jouit de 1326 à 1345, à peu près. Pendant son administration elle fit beaucoup d’acquisitions qui furent confirmées en 1 345 par Etienne de Lama, abbé de Mazan. Héracle, frère de Marguerite, se jeta dans le parti des Bourguignons qu’il appela dans nos contrées, auxquels il livra les places fortes qu’il possédait et qui firent de grands ravages dans l’Auvergne, le Limousin, le Forez et le Velay. Jean de Serres, dans son histoire de France, affirme que la guerre suscitée dans le Velay, à cette occasion, fut un horrible brigandage. D’après M. du Moulin, Histoire des baronnies du Velay, le père d’Alice aurait reçu, en donation, de Josserand de Saint-Didier, le Maz, domaine et bâtiments du lieu de Lafraissange qu’il aurait vendus ensuite, le 22 juillet 1352, à noble Jean Allier. La maison de Rochebaron portait pour armes, son écu de gueides au chef échiqueté d’argent et d’azur, de deux traits. — D’après dom Estienot : de gueules à la bande d’argent à la brodure d’azur bordé d’or chargée de fleurs de lys de même.

(Gallia Christiana)

 

 

XII. Alice ou Adélaïde de Saint-Germain-Laval.

Si nous nous en rapportons au Gallia Christiana et à Jean-Marie de La Mure, Alice aurait été abbesse de la Séauve de 1350 à 1355. A mon avis, elle peut l’avoir été plus tôt comme elle peut l’avoir été plus tard. Les deux ouvrages cités ne donnent ces deux dates que parce que seules elles peuvent être justifiées par des titres authentiques. Le père d’Alice fut Artaud de Saint-Ger main, deuxième de nom. Saint-Germain se trouve dans le département de la Loire, à égale distance, à peu près, de Roanne et de Montbrison. Guyot de Saint-Germain, oncle de notre abbesse, fut chevalier de Rhodes et commandeur de Chazelles, en Forez. Sa tante, Alisette de Saint-Germain, se maria avec Girard, seigneur de Crussol. Ce fut en 1302 que son père échangea avec Jean, premier de ce nom, comte de Forez, sa seigneurie de Saint-Germain-Laval avec la seigneurie de Montrond. Artaud de Saint-Germain, septième de ce nom, quitta le nom de sa famille pour celui d’Apchon. La terre d’Apchon, en Auvergne, ne lui fut donnée par son oncle Aimé, qu’à condition que lui et sa postérité en prendraient la dénomination. Cette famille de Saint-Germain Laval était fort ancienne et extrêmement noble, dit Jean-Marie de La Mure. Les armes de cette maison étaient blasonnées de gueules, à une fasce d’argent, accompagnées de six colombes en rang d’argent , trois en chef et trois en pointe. — Dom Estienot dit : 3.2.1

(Gallia Chrittiana.)

 

XIII. Beatrix II d’Albon, de Terr albâ.

Le Laboureur, dans ses Mazures de l’Isle Barbe, après avoir parlé de l’origine que certains auteurs donnent à cette famille et après avoir combattu les suppositions faites à ce sujet, ajoute ceci : « J’ai feuilleté de bout à aurte les titres de la maison d’Albon, je n’y ai rien vu qu’une suite perpétuelle et non jamais interrompue de braves et généreux gentils-hommes, tous ornés de l’ordre de chevalerie, toujours alliés en des maisons de qualité et qui ont donné à l’Eglise et l’Etat des archevêques, abbés et prélats de divers ordres, des maréchaux de France, gouverneurs de provinces. généraux d’armées, chevaliers de l’ordre de nos rois et autres personnes illustres en toutes manières, tous du nom et armes d’Albon. » Ce fut sous elle que se termina le procès qui existait depuis longtemps entre le monastère et les barons de Saint-Didier. Tous les legs faits aux religieuses par les divers membres de cette famille furent intégralement acquittés et, à dater de ce moment, les donateurs furent enterrés dans la chapelle du monastère. La tombe des barons de Saint-Didier fut construite à la Séauve vers le milieu du XIVe siècle par Josserand de Saint-Didier, qui testa en 1362. Elle était placée sous le maître-autel. La généalogie de Béalrix n’a pu être découverte. Un doute existe sur son nom patronymique. Faut-il rendre Turris alba par La Tour d’Albon ? Je laisse à de plus savants que moi la solution de ce doute. En traduisant comme je l’ai fait, j’ai suivi un auteur de grande autorité.

(Gallia Christiana)

 

XIV. Alix de Montaigu, de Monte-Acuto.

La Gaule chrétienne la dit abbesse de 1478 à 1482. Elle garde le silence sur tout le reste et ne dit mot, ni de sa famille ni de sa vie. D’après les auteurs il y aurait eu deux familles de ce nom dès le XIIIe siècle, l’une en Vivarais, où elle possédait le fief de Saint- Marcel en-deçà, le fief de la Romignières au-delà du Rhône, auxquels elle ajouta successivement la co-seigneurie de Peyrolas et la terre d’Aos dans le diocèse de Nimes, l’autre en Auvergne connu sous le nom de Montague-Champeix. Moréri et le généalogiste Audigier font descendre la première de la seconde. Celle-ci a produit, entr’autres, deux hommes illustres : 1°Guérin de Montagu, grand maître de Saint-Jean de Jérusalem, élu en 1206 après la victoire que les chrétiens d’Arménie remportèrent sur Soliman ; 2° Bernard de Montagu, évèque du Puy, de 1236 à 1248, qui, par suite d’une sédition, dût s’éloigner quelque temps et frapper d’interdit sa ville épiscopale. Ce fut la famille possessionnée en Vivarais qui devint maîtresse de Bouzols en Velay, par l’acquisition qu’en fit Josué de Montagu, le 27 mai 1621. On ne sait point à laquelle de ces deux branches appartenait notre abbesse de la Séauve.

(Gallia Christiana)

 

XV. Blanche de Marcilly Chalmazel.  (elle a blasonné l’Abbaye avec ses propres armes)

Chalmazel, où naquit Blanche, se trouve dans l’arrondissement de Montbrison, sur les limites du département de la Loire et de celui du Puy-de- Dôme. Le château qu’on y voit fut construit par Arnaud de Marcilly, seigneur forésien au XIIIe siècle, sur la permission qui lui en fut donnée par Guy IV, comte de Forey et de Nevers. Ce fut du moment de cette construction que la famille de Marcilly prit le nom de Chalmazel. Cette dénomination fut continuée et affirmée dans cette maison par Jean de Marcilly. De son épouse, Dauphine de Sénectère, dame de Pralong, en Forey, celui-ci eut quatre enfants : Antoine qui lui succéda, et trois filles qui furent Béatrix, Blanche et Isabelle. Antoine mourut sans enfants, et, par son tes tament de 1370, il donna les seigneuries de Chalmazel et de la Ferriére à sa soeur Béatrix, qui avait épousé, en 1301, Mathieu, seigneur de Talaru en Lyonnais, et de Marcilly en Forey. Par ce don fait à sa femme, Mathieu fut le premier seigneur de Chalmazel, de l’illustre maison de Talaru. Blanche fut d’abord religieuse de Bonlieu, en Forey. Elle ne fut transférée comme abbesse à la Séauve que vers 1383 ou 1384. Cette translation put être l’effet de l’influence qu’avait sa famille sur la partie du Velay où se trouve la Séauve. Une de ses tantes, en effet, Marguerite de Chalmazel, habitait la Faye, près de Marlhes, où elle s’était mariée avec Guillaume de Montravel, seigneur de cette châtellenie. Blanche fut abbesse à la Séauve de 1387 à 1399. Les armes de la famille Chalmazel étaient : d’argent a une main tenant trois rameaux au naturel, au chef d’azur, chargé d’un chat d’argent, langue de gueules.

(Gallia Christiana.)

 

XVI. Adélaïde de Rochebaron.

Le Gallia Christiana dit : Adélaïde ou Alix III de Rochebaron, et Jean Marie de La Mure : Alix de Rochebaron, seconde de ce nom. Je ne sais pourquoi cette différence. Il me semble que, puisque dans le catalogue des abbesses de la Séauve, il n’en figure que deux de cette famille, l’auteur forésien a raison de donner le second rang à celle-ci, à moins qu’il n’y ait une lacune dans l’énumération donnée par les Bénédictins, ce qui est fort possible. Adélaïde était fille de messire Guigon, seigneur de Rochebaron, chevalier. Elle fut attirée, jeune encore, à l’abbaye de la Séauve, par sa tante qui gouvernait le monastère, et elle de vint abbesse elle-même, après Blanche de Marcilly Chalmazel. Elle se trouvait à la tête de la maison en 1402. Elle était parente, à un degré rapproché, avec  Marguerite de Rochebaron, abbesse de Chazeaux, en Forey, sur laquelle M. de La Tour-Varan a donné un roman qui ne peut guère satisfaire quiconque n’aime que l’histoire vraie et basé sur des documents certains. M. Javelle, curé de Chazeaux, a fait bonne justice de cette fantaisie dans sa belle Monographie du monastère de ce nom.

(Gallia Christian)

 

XVII. Béatrix III de la Tourette.

Elle fut élue abbesse et confirmée par Hugon, abbé de Mazan, aux calendes de novembre, 1403. Elle gouvernait encore en 1411. Jean-Marie de La Mure la croit d’origine forézienne. Il ne l’affirme pas cependant d’une manière absolue. Il existe tout près de Saint-13onnet-le-Château une paroisse qui porte ce nom. La famille de notre abbesse n’aurait-elle pas été possessionnée dans cette localité?

(Gallia Christiana.)

 

XVIII. Alix de la Chaise.

Abbesse de 1412 à 1428, dans les dernières années elle eut pour coadjutrice celle qui suit. Originaire de Montbrison ou des environs d’Autun. Dans un acte de l’an 1419, Alix de la Chaise. Alix de Chiesa, figure comme abbesse avec Hellinore de Tournon qui devait être prieure. Dans cet acte il est fait mention de Béatrix de Torreta condam abbatissa. — Assistent comme témoins, nobilis Vidalitus Solacius  banilus silvoe Bénédicte, Bartholemeus Bergericus, procurator, Abbatissae et Petrus, bastardus de Flossac.

(Gallia Christiana.)

 

 

XIX. Blanche de Talaru Chalmazel.

Elle était petite nièce de l’abbesse de ce nom, dont il a été question et appartenait à la famille de Talaru Chalmazel. Elle eut pour pére Jean de Talaru, fils d’Antoine et petit-fils de Matthieu de Talaru qui avait épousé Béatrix. de Chalmazel. Catherine de la Tour, sa mére, était fille d’Anet de la Tour, chevalier, seigneur d’Oliergues et de Béatrix de Chalencon. Amédée de Talaru , archevêque de Lyon et comte de Lyon, était son oncle. Blanche était coadjutrice dès M\1. Ce fut vers 1430 qu’elle gouverna seule la maison de la Séauve. Armoiries de cette famille : de sable semé de molettes d’or, au lion de même.

 

XX. Bellonde de Tournon.

Tout ce qui contribue à la gloire d’une grande maison, se rencontre avec avantage dans celle de Tournon. L’antiquité, l’opulence, les alliances, les dignités de l’Etat et de l’Eglise soutenues d’un rare mérite. Je ne suivrai par le Laboureur dans les preuves qu’il avance, je sortirais

de mon but. Pons de Tournon, d’abord abbé de la Chaise-Dieu, et ensuite évêque du Puy appartenait à cette famille. Bellonde était fille de Guillaume de Tournon, Ve de nom, et d’Antoinette de la Boue, fille d’Armand, seigneur de la Boue et d’Isabeau de Chalencon. Un de ses frères, Claude de Tournon, qui était enfant naturel de Guillaume, devint évêque de Viviers. Au rapport de Laboureur, il répara le vice de sa naissance par quantité de d’actions vertueuses. Sa vie ayant été terminée par une heureuse mort, fut pleurée par des larmes véritables de son clergé et de tout le diocèse. François, cardinal de Tournon, archevêque de Lyon, si célèbre par les services qu’il rendit à la religion, en France, sous François Ier, était neveu de Bellonde. Deux autres de ses neveux devinrent évêques, l’un de Rodez et l’autre de Valence. Matthieu de Buriane, abbé de Doue, transigea avec Bellonde, en 1461 . Elle était encore abbesse en 1463. Une des soeurs de Bellonde, Blanche de Tournon, habitait Saint -Didier et avait épousé Tanneguy de Joyeuse, vicomte de Joyeuse et baron de Saint-Didier.

(Gallia Christiana.)

 

XXI. Alix de Tournon.

D’après Sonyer Dulac, dans son manuscrit des fiefs du Forey, elle était abbesse en 1485. Ce fut cette année là qu’elle transigea avec Jean dAntosuni, commandeur de la commanderie de Montbrison, par acte reçu Gravit, no taire. Cette abbesse n’a pas été relatée par le Gallia Christiana. Les dates données par cet ouvrage font assez présumer des lacunes dans la série qu’il donne des supérieures de la Séauve. 11 est cependant étonnant que le Laboureur ne mentionne pas Alix dans la généalogie des Tournon. Peut-être appartenait-elle à la famille des Tournon, de Meyres, qui possédaient alors Reveyrolles, en la paroisse de Sainte-Sigolène.

(Sonyer Dulac, Fiefs de Forez, au mot Seauve.)

 

XXII. Françoise de La Roue.

Trois maisons distinguées par leur ancienneté chevaleresque ont porté le nom de La Roue, de Rota. Françoise était membre de la famille de la Roue-Solignac. Sibille, dame de la Roue, de Montpeloux, après son frère Rertrand, avait épousé, vers 1290, Gilbert, baron de Solignac et seigneur de Saint-Agrève, en Velay. Ce fut leur fils Bertrand qui prit le nom et les armes de la Roue, conformément aux dispositions testamentaires de sa mère. Elle eut pour père, Claude, seigneur de La Roue, d’Usson, de la Chaux, etc., etc., et, pour mère, Billette de Tournon. Claude de La Roue était frère d’Antoinette de La Roue, épouse de Guillaume V, seigneur de Tournon, et Billette, mère de Françoise étant soeur du même Guillaume V, Françoise se trouvait par son père, cousine germaine de Bellonde de Tournon, dont nous avons parlé tout à l’heure. Ce fut en 1 491 , que Françoise fut élue abbesse de la Séauve. Le monastère était encore sous sa juridiction en 1517. La terre et chatellenie de La Roue étaient situées en la paroisse de Saint -Anthelme. C’était un fief du comté de Forez, mais dépen dant, pour le ressort, de la sénéchaussée d’Auvergne. Avant la Révolution française, on distinguait encore les ruines de l’ancien château de La Roue, avec une tour carrée qui avait résisté au temps. Il paraît que la grosse tour d’Aurec fut cons truite en 1 464, par son père qui acheta, à peu près à la même époque, la terre de la Fare du seigneur de Saint-Vidal. Les armes de La Roue étaient : d’argent au chef de gueules.

 

 

XXIII. Marguerite de La Roue.

Son père, Guillaume de La Roue, possédait les seigneuries d’Usson, de La Chaux, de Montpeloux, de Saint-Anthelme et d’autres lieux. Il avait épousé Gabrielle de Chauvigny de Blot, fille de Hugues, seigneur de Blot et de Catherine Mottier de La Fayette. De ce mariage naquirent sept enfants, dont Marguerite fut la dernière. Antoine, fils aîné de la famille fut armé chevalier de la main même de François Ier à la bataille de Marignan. Jean, autre enfant de Guillaume, fut protonotaire du Saint-Siège, chanoine du Puy et prieur d’Aurec. Marguerite prit la direction de la maison de la Séauve en 1531, par la cession que lui en fit Françoise de La Roue, sa tante. Il paraît cependant qu’elle participait à la direction du monastère dés 1519.

(Gallia Christiana )

 

XXIV. Jeanne Bertrand.

Elle naquit au Puy, en Velay. Son frère était juge-mage dans sa ville natale. Elue supérieure en 1535, elle mourut le 22 avril, assassinée par trois seigneurs voisins parce qu’elle résista à leurs attaques impies, parce qu’elle s’opposa de toutes ses forces à leurs intentions perverses. Laissons la parole à M. de Vinols, qui raconte ce fait dans son Histoire des guerres de religion dans le Velay, page 38.

Chrystophe de Cublaise, Phliippe de Cha-

« zalets, Robert de Rouveyrolles, accompagnés

« de leurs amis, s’emparèrent du monastère de

« la Séauve, près de Saint-Didier et assassinè-

« rent l’abbesse qui s’était efforcée de résister à

« leur entreprise. Ils avaient pour complices les

« religieuses du couvent, fatiguées, sans doute,

« de la vie régulière, et avides d’échanger con

« tre la dissipation et les plaisirs le recueille-

« ment et les austérités du cloître. Le sénéchal

« du Puy condamna au dernier supplice les

« trois gentilshommes et leurs compagnons ,

« mais les coupables s’étaient établis et fortifiés

« dans le monastère de la Séauve. Us résistèrent

« avec succès aux efforts qu’on fit pour s’empa-

« rer de leurs personnes, et Marguerite Guitard

« de Saint-Privat, mère de l’abbesse assassinée,

« et qui poursuivit avec ardeur la vengeance du

« meurtre de sa fille, fut obligée de s’adresser

« aux Etats du Languedoc pour obtenir main-

« forte. Les Etats accueillirent sa requête, mais

« de plus graves événements ne tardèrent pas

« à détourner l’attention publique d’un forfait

« isolé et qui demeura impuni. »

Voilà le fait tel que le raconte M. de Vinols Il est évidemment très-grave. A cause de sa gravité on aimerait que celui qui le raconte eut cité les sources où il l’a puisé. M. de Vinols fait les religieuses complices de ce guet-à-pens. Il leur prête des dispositions au désordre. Il ne l’affirme pas, il est vrai, d’une manière absolue, mais il le suggère formellement : Ils avaient pour complices les religieuses du couvent, fatiguées sans doute, etc., etc.Il existe une quasi-preuve du contraire de ce que suggère l’auteur. D’après lui, Jeanne Bertrand fut assassinée le 22 avril 1563. C’est là, en effet, la date que la Gaule chrétienne donne à sa mort. Par l’acte de sa nomination, celle qui lui succéda fut élue le lendemain même du meurtre ; cette élection fut approuvée et maintenue ; l’abbesse nommée était digne en tout point du supériorat qui lui fut conféré. Or, comment expliquer tout cela si, comme on le dit, les religieuses étaient animées des senti ments qu’on leur prête, si les assassins s’établirent dans le couvent, s’ils s’y fortifièrent, etc., etc. Evidemment, ou l’élection n’eut pas eu lieu, ou elle se fut ressentie des circons tances fâcheuses où elle s’était opérée,  Il paraît que les parents de l’abbesse ne furent pas tout à fait sans compensation. Il est constaté dans un procès-verbal que je donnerai intégralement et dont l’original est conservé aux archives de Lyon, qu’ils enlevèrent les terriers et les reconnaissances concernant les droits du monastère et que l’abbesse qui vint après fut obligée de les racheter au prix de quatre cents écus et davantage. Ce fut pendant que Jeanne Bertrand était abbesse que Jacques, vicomte de Joyeuse et baron de Saint-Didier, élut sa sépulture dans l’église du couvent. Les barons du Villars, en la paroisse de Sainte-Sigolène, avaient également, ainsi que les membres de leur famille, le même privilège que le baron de Saint-Didier. D’après un acte daté de 1548, reçu Copier, notaire, étaient religieuses à la Séauve, à cette époque, Marguerite du Villars, prioresse, Giliberte de Chambon, Françoise du Villars, Catherine de Busset et Clauda de La Roue. Une chose est à remarquer dans cet acte, c’est que l’abbesse n’y figure à aucun titre.

(Gallia Chrisliana.)

 

XXV. Marguerite de Saint-Priest.

Marguerite de Saint-Priest eut pour père Pierre de Saint-Priest et, pour mère, Benoîte de Geissant. Elle était petite- nièce de Marguerite de La Roue dont il a été question précédemment. Un de ses frères, Pierre de Saint-Priest, fut curé de Saint-Etienne; un autre, Pierre de Saint-Priest, devint proto-notaire apostolique. Elue abbesse le lendemain où Jeanne Bertrand fut victime de son dévouement à l’ordre, le 23 avril 1563, elle conserva cette dignité jusqu’à l’année 1599. Son administration fut singulièrement agitée. C’était l’époque où la France entière était comme en conflagration. Comment un monastère depuis longtemps renommé dans les provinces voisines et qui se faisait remarquer par son dévouement à Henri IV, même avant son abjuration, eut-il échappé à l’incendie général ? Aussi ne fut-il pas épargné. Le fait suivant et le procès-verbal que je citerai, édifieront suffisamment sur ce point. Il y aurait là matière à des pages émouvantes. Je laisse à une plume ayant des prétentions littéraires le soin de les écrire. Le fait annoncé est rapporté par les compilateurs de la Gaule chrétienne, qui disent l’avoir recueilli sur la garniture d’un vieux livre. Le voici textuellement.

« L’an 1594, dit-on, le vingt-un juillet, à six

« heures du matin, le sieur de Champétières,

« accompagné de 500 soldats, posa le pétard de-

« vant le château de l’abbaye de la Séauve, mais

« Antoine Gontaud, sieur de Lavallée, avec sept

« soldats seulement, les obligea à se retirer et à

« laisser leurs échelles et leur pétard, qu’il of-

« frit le lendemain, à l’offertoire de la messe de

« Sainte-Magdeleine. Pendant le siège, Mme Mar-

« guerite de Saint-Priest, abbesse, était en prière

« avec ses religieuses devant le tombeau de la

« bienheureuse Marguerite. »

Le fait, dit un archéologue émérite, s’explique quant au fond, sinon quant à toutes ses circonstances. Le sieur de Champétières n’est autre que Jean Mottier, seigneur de Paulin et de Champétières, bon général et soutenant avec ardeur le parti de la Ligue, à Monistrol, à Vssingeaux et au Puy. Il était trop bon capitaine pour reculer avec 500 hommes devant sept hommes. Je ne pense pas, non plus, qu’une pensée impie l’amena au couvent de la Séauve, mais 1594 était la triste époque où les royalistes croyants faisaient, de toutes parts, des courses contre les ligueurs, de Saint-Didier et son abbaye qui était sincèrement et chaudement royaliste. Le seigneur de Paulin voulut, sans doute, prendre sur eux une petite revanche que d’ailleurs il paya plus cher que la perte de ses échelles et de son pétard, car, peu après, le château de Paulin fut brûlé par le parti contraire. On aurait tort encore de voir dans cet échec un effet des prières des Dames de la Séauve, ou, du moins, s’il en fut ainsi, sainte Marguerite ne tarda pas de réparer le tout, puisque la peste s’étant déclarée à Paulin, les pauvres habitants, tenanciers du sieur de Champétières, eurent recours à sainte Marguerite de la Séauve et furent exaucés, comme l’atteste un ex-voto et une plaque en cuivre qu’on voit encore aujourd’hui dans la chapelle de la Séauve. Je n’ajouterai à cette manière de voir qu’une seule observation. A mes yeux, le fait tel qu’il est rapporté par l’auteur de la note constituerait un véritable miracle. Un général qui fuit avec 500 soldats devant sept hommes qui les attaquent, ne peut être un fait purement naturel. C’est,’ au reste, ce que l’on veut faire entendre par ce que l’on dit à la fin. Or il parait très-extraordinaire qu’un fait ainsi compris n’ait été constaté que sur la porte d’un vieux livre. Tout en admettant le fait qui se trouve, au reste, constaté par un procès-verbal, je pense que le sieur de Champétières aura renoncé à son projet d’attaque ou parce que des supplications lui auront été adressées par les religieuses de l’abbaye, ou parce qu’il aura compris qu’il ne pourrait y tenir longtemps et qu’à vaincre sans péril on triomphe sans gloire.

(procès verbal visible sur NOTES HISTORIQUES Sur LES MONASTÈRES DE LA SÉAUVE BELLEGOMBE, GLAVAS ET MONTFAUCON THEELLIERE, curé de Retournaquet, page 108)

ce procès-verbal et qui regardent tout autant l’histoire civile de Saint-Didier même que celle du monastère, j’en ferai remarquer deux concernant spécialement celui-ci. Il est hors de doute que l’abbaye ne comptait, à cette époque, que douze religieuses. 11 est plus que probable que la fondation avait été faite pour ce nombre. Quand un monastère se fondait, l’acte de fondation portait toujours le nombre de religieuses qui devaient l’habiter. On pourrait en donner de nombreux exemples ; je n’en cite que deux. Saint-Thomas-les-Nonains qui fut fondé pour douze religieuses, et Chazeaux pour huit.  D’après le procès-verbal le personnel de la maison se composait encore d’un confesseur de l’Ordre de Cîteaux, d’un prêtre pour dire la messe et d’un certain nombre de serviteurs et de chambrières pour le service du monastère. Le revenu dont jouissait l’abbaye au xvie siècle se trouve pareillement constaté dans le procès-verbal. Il n’atteignait guère que le chiffre de cinq à six cents écus, ce qui pouvait valoir cinq à six mille francs de notre monnaie. Si l’on fait ensuite attention à tous les embarras où se trouva le monastère pendant près d’un demi siècle, aux pertes qu’il eut à subir, on sera con vaincu qu’il était loin d’être prospère alors sous le rapport des finances. Etait-il plus prospère sous les autres rapports ? Aucune raison ne permet d’en douter. Il est difficile néanmoins de penser que tout ce qui eut lieu à cette époque n’ait pas porté quelque atteinte soit à l’observation de la régle, soit à l’esprit de recueillement et de calme, toutes choses si indispensables dans toute maison religieuse pour la conservation de l’ordre et de l’esprit intérieur. Quoiqu’il en soit il est incontestable que Marguerite de Saint-Priest se montra à la hauteur des conjonctures difficiles où elle se trouva. Grâce à son intelligence peu ordinaire et surtout à sa grande piété, elle sut maintenir la discipline, empêcher les suites fâcheuses qui pouvaient résulter de l’attentat commis contre celle qui l’avait précédée dans la dignité abbatiale et tenir tête contre les événements qui se produisirent ensuite et qui auraient pu, sans elle, amener dans son monastère des désastres sans remèdes. Lasse de tant d’agitations, déjà avancée en âge, Merguerite se démit de sa charge en 1595, vécut quelques années encore et mourut en 1599 re grettée comme une mère par les religieuses et  comme une âme d’élite par tous ceux qui avaient eu l’avantage de la connaître. M. de La Tour Varan définit les armes de la famille de Marguerite : Cinq points d’or équipolé, à 4 points d’azur. Dom Estienot les définit d’une autre manière mais qui revient à la même chose : D’or à 4 billettes d’azur posées en croix.

(Gallia Christiana.)

 

XXVI. Françoise de Saint-Priest .

Elle était nièce de Marguerite et fille d’Aymar de Saint-Priest et de Catherine de Polignac, celle-ci fille de François, vicomte de Polignac, baron de Chalencon. Aymar de Saint-Priest, dit M. de La Tour Varan, s’est malheureusement illustré par l’excessive dureté de son caractère et ce coeur de silex n’avait de comparaison qu’avec le coeur, d’acier de Chrystophe de Saint-Chamond, son parent et son contemporain. Le meurtre du seigneur de Roche-la-Moliére, dont il se rendit coupable, fut fatal à sa maison qui s’éteignit bientôt aprè en un fils qui était innocent des fautes de son père. Elève de Saint-Pierre de Lyon, Françoise, par  la résignation de Marguerite, sa tante, fut instituée abbesse par une bulle de Clément VIII, don née à Saint-Marc, l’an de l’Incarnation 1595, aux nones d’août, la 4me année de son pontificat. Elle transigea avec Juste de Serres, évêque du Puy, en 1625, pour le village de Prunières, dans la paroisse de Saint-Pal-de-Mons. La fin du xvie siècle avait failli devenir désastreuse au monastère de la Séauve. Un malheur non moins grand que les précédents vint l’atteindre, vers la deuxième année du xvne siècle : un violent incendie réduisit le couvent en cendres en 1602. La maison presqu’entière devint la proie des flammes. Il existait un procès-verbal constatant les dégâts causés et attestant que les titres de l’abbaye avaient été, en partie, pillés ou brûlés en cette circonstance. La vie manuscrite de sainte Marguerite que j’ai citée déjà, parle de cet incendie. La pièce est assez curieuse pour que je la cite ici dans son intégrité.

« Comme le couvent de la Séauve fut brûlé en l’année mil six cents. »

« Au régne du roi Robert fit grande guerre et

« discension en tout le pays de Lenguedoc, la

« quelle causa plusieurs grande nécessitez au

« pauvre peuple.

« En mesmé temps cet année advint grand

« tremblement de terre, on vit plusieurs co-

« mettes et signes ; il eut feu du ciel, et autres

« miracles furent eus.

« Les pauvres habitants des villages voisins

« du couvent de la Seauve furent contrains re-

« mettre et conduire leurs ménage et biens dans

« le dit couvent à cause d’une nation de peuple

« qu’on nommé les Gots qui faisaient guerre

« mortelle contre les chrétiens.

« Dans ce sacré couvent y avait tant de peu-

« pie qui y estoit entré pour sauver leurs biens

« et ménage que le dit couvent en étoit tout

« plain et remply, et alors pour accident le feu

« se mit au dit couvent du costé de la rivière

« regardant presque sur le soir et lors toutes

« les chambres depuys l’habitation de celle de

« madame l’abbesse jusqu’à l’autre quarre tout

« ce costé fut brulé et parties de l’église jusques

« à la petite porte d’icelle mais nantra guère

« dans l’Eglise.

« Il fut ainsi brulé tout le bien des dames

« relligienses et du pauvre peuple qui cestoit re-

« tiré au dit couvent.

« En même temps y demeurait un prêtre

« nommé François Fayard le quel ne peut rien

« sauver que son bréviaire et la vie de sainte

« Marguerite qui se trouvarent sains et entier,

— m —

« il prit dévotion d’aller à saint Jacques et à son

« retour il mourut à Barcelonne, du quel cette

« vie a été depuis gardée et conservée par les

« dames relligieuses du dit couvent. »

Nous avons là un beau specimen des belles choses que raconte la vie manuscrite. Le roi Robert et les Gots en l’an mil six cents ! ! Qu’on fasse attention encore à ce prêtre nommé François Fayard qui ne sauve de l’incendie que son bréviaire et la vie manuscrite et du quel cette vie a depuis été gardée et conservée par les dames religieuses du dit couvent. Je tirerai plus tard de cette affirmation des conclusions qui confirme ront ce que j’ai dit ailleurs.

(Gallia Christiana)

 

 

XXVII. Jeanne de Saint-Priest.

Après le décès de sa soeur Françoise, Jeanne fut promue à sa place en 1628. Elle gouverna le monastère jusqu’en 1656 qui fut l’année de sa mort. Il y avait eu, de sa part, pendant sa maladie, cession de sa charge en faveur de sa nièce, Marie de Chaslus.

(Gallia Christiana.)

 

XXVIII. Marie de Chaslus.

Les auteurs de la Gaule chrétienne disent : Marie de Chalusset de Cordé ou de Cordet de Chaslus. Dom Estienot dit simplement : Maria de Cordé de Chaslus. La famille de Chaslus, en Auvergne, était des meilleures et des plus anciennes de cette pro vince. Un de ses membres nommé Bubulco se rendit célèbre dans son pays et voici comment il mérita ce surnom. Bubulco de Chaslus , chambellan du roi, eut le malheur de déplaire à ce maître qui lui défendit de jamais paraître devant lui, à pied ou à cheval. Quelque temps après, Bubulco osa se présenter monté sur un boeuf et le roi charmé de la manière dont son chambellan avait éludé la difficulté en se conformant à ses ordres, lui rendit ses bonnes grâces, en l’appelant Bouvier, surnom qui lui resta. L’abbesse eut pour père Claude Chaslus, chevalier, baron d’Orgival et de Cordet et, pour mère, Antoinette de Saint-Priest, soeur de Françoise et de Jeanne. Sa mère voyant que sa famille allait s’éteindre par la mort de son frère qui était sans enfants, eut l’adresse de porter celui-ci à une donation universelle de ses terres en faveur de son propre fils. Ce fut Gilbert, frère de Marie de Chaslus qui, le premier de sa famille, devint, par cette donation, maître du château de Saint-Priest. Marie de Chaslus appartenait au couvent de Billom lorsque, par la résignation que fit sa tante, elle fut mise à la tête du monastère de la Séauve. Sa nomination fut confirmée par une bulle d’Alexandre VII , donnée le 7 des ides d’octobre 1 656, la deuxième année de son pontificat. Elle ne prit possession que le 20 avril de l’année suivante. Ce fut pendant qu’elle était à la tête du monastère que furent vérifiées par deux religieux de l’ordre de Citeaux les reliques que possédait la maison. Un manuscrit rapporte qu’on en garnit quatre reliquaires et que le surplus fut laissé dans les anciens coffrets qui les contenaient tou tes auparavant. Il y eut ensuite une exposition générale le 26 mai 1658. Le nom de chaque relique était, dit-on, écrit en latin sur des billets ou des écorces d’arbres.  L’opération qui eut lieu en 1658 ne fut-elle pas un véritable triage, un choix fait? Il est très-probable qu’il en fut ainsi, d’autant plus que parmi les reliques citées il s’en trouve qui paraissent assez extraordinaires. Le triage fait, celles qui furent laissées dans les anciens coffrets ne devaient pas avoir sans doute toute l’authenticité voulue. Il paraîtrait que l’église paroissiale de Saint- Didier possède deux des quatre reliquaires dans lesquels furent renfermées les reliques qui furent jugées authentiques. Voir la note. Armes de la famille de Cordet de Chaslus.—D’azur au poisson d’argent. Le champ semé d’étoiles d’or.

(Gallia Christiana)

 

XXIX. Phillberte de Gayardon de Grézolles.

Dans ses Généalogies de quelques familles nobles de la généralité de Lyon et provinces voisines, M. Julien de Bessy affirme que Philiberte fut abbesse à la Séauve. La Chenaye des Bois et Badier disaient simplement qu’elle était reli gieuse à Bonlieu. La Gaule chrétienne n’en dit mot. De ce que disent les auteurs de Y Armoriai du Forey, Lyonnais et Beaujollais, on ne peut con clure que Philiberte n’a point été à la tête du monastère de la Séauve. Elle a pu être successivement religieuse à Bonlieu et abbesse dans notre abbaye du Velay. Le silence des savants Bénédictins ne prouve pas davantage. Ils ne parlent point de Philiberte, très-probablement parceque son passage à la Séauve ne fut que de très-courte durée et ne laissa pas de trace. J’admets donc l’affirmation de M. Jullien de Bessy, tout en exprimant le regret que l’auteur n’ait point donné ses preuves. Reste la question de savoir à quelle époque elle fut revêtue de la dignité abbatiale. Elle ne put être abbesse qu’entre Marie de Chaslus et Catherine du Prat des Cornets, vers 1660. La famille de Gayardon de Grézolles était originaire de Bretagne. Elle était venue s’établir dans le Forey, près de Roanne, dés les premières années du xv6 siècle. Suivant un arrêt du conseil du roi, du 19 juin 1641, déposé au bureau de la Généralité de Lyon, au dit an, cette famille remonte jusqu’à Emmanuel de Gayardon, écuyer , seigneur de la Motte-Blanche, près de Quimper-Corentinen Bretagne. Il eut, entr’ autres enfants, un fils puîné, nommé Pierre de Gayardon, 1er de nom, qui s’établit dans le Forey, et testa le 1er janvier 1496. Philiberte eut pour père François de Gayardon qui faisait le septième degré de la généalogie de sa famille. François se distingua d’une manière qui mérite d’être citée. Il fut capitaine d’une compagnie de cent hommes de guerre sur le pied Français, chevalier de l’Ordre du roi en 1638 et gentilhomme ordinaire de sa chambre. Marié le 21 novembre 1 623, à Marie de Bais, il eut douze enfants dont neuf entrèrent en religion. Après la mort de sa femme, il quitta le monde lui-même, reçut la prêtrise et devint un missionnaire plein de zèle pour la gloire de Dieu et le salut des âmes. Laissons parler de La Mure, dans son Histoire du Forey.

(Armoriai du Forey, Lyonnais et Beaujollais. – Julien de Bessy. — De La Mure.)

 

 

XXX. Catherine Duprat des Cornets.

La famille Duprat était originaire de la ville d’issoire, où elle s’était enrichie avant 1400. Elle a été illustrée par plusieurs personnages justement célèbres, parmi lesquels on compte un chancelier de France devenu cardinal, cinq évêques, plusieurs chevaliers de l’ordre du roi, des gentilshommes de la chambre, des capitaines de chevaux- légers, bon nombre d’officiers de tous grades, des chanceliers de l’ordre de Malte, et cinq chanoines comtes de Lyon. Catherine était religieuse au monastère de Billom lorsqu’elle en fut retirée pour être abbesse au couvent de la Séauve. Elle fut nommée par le roi le 9 août 1 661 , et reçut ses bulles la même année, le 17 des calendes d’octobre. Elle de meura à la tête de l’abbaye pendant plus de 45 ans. Pleine de mérites, dit la Gaule chrétienne, aux yeux de tout le monde et ayant bien mérité surtout de son église qu’elle rétablit et décora. On aimerait à savoir en quoi consista ce rétablissement? Y eut-il rétablissement complet ou seulement partiel? A la suite de quoi s’opéra-t-il ?Fut-ce par suite d’un incendie, d’un écroulement dans la construction? Impossible de répondre à ces questions. Il n’est pas possible davantage de savoir quelle fut la décoration opérée. Avant les auteurs de la Gaule chrétienne, dom Estienot avait dit de notre abbesse : Et eo anno 1677 quo scribo in sollicitudine gerit. Catherine avait donc montré le plus grand zèle dans sa gestion dès les premières années de l’exercice de sa charge.  Elle mourut le neuf août mil sept cent sept , et fut ensevelie dans la nef de l’Eglise. Sa famille avait pour armes : D’or à la fasce de sable, accompagné de trois trèfles de sinople, 2 en chef et \ en pointe.

(Gallia Christiana.)

 

 

XXXI. Jeanne de Gayardon de Grézolles.

André de Gayardon, son père, était seigneur de Grézolles, de Luré, de Bufferdon, etc., etc., capitaine d’une compagnie d’infanterie dans le régiment de Lyonnais, aide-de-camp des armées du roi en 1654. 11 épousa, le dix février de la même année, Anne Chavet de Lasprée, fille de Godefroy Charles, seigneur de Saint-Nizier, capitaine major du régiment du seigneur de Lasprée, son père, et d’Etiennette de Grand-Vau. La Séauve ne fut pas le premier monastère de Jeanne. Elle avait fait profession d’abord dans l’abbaye de Bonlieu. Elle fut retirée de là et élevée à la dignité abbatiale pour la Séauve, par nomination royale le 15 août 1707. Cette nomination fut due, d’une part, au mérite exceptionnel et à la piété rare de Jeanne, et, d’autre part, à l’influence et aux soins du révérend père de La Chaise, qui était son parent. Elle ne gouverna le monastère que pendant cinq ans et mourut le dernier jour du mois de mai 1713.

(Gallia Christiana)

 

 

XXXII. Marie-Marguerite de Molette Morangier.

La généalogie de la maison de Molette Morangier, dit Bouillet, l’une des plus remarquables du Gévaudan, commence à Bertrand de Molette, coseigneur de la Garde-Guérin de 1237 à 1264. D’après Gustave de Burdin, Etude sur le Çévaudan, tome il, elle était originaire de la partie du Velay qui confme à l’Auvergne. Le premier, dit le même auteur, dont les chroniqueurs ont conservé le souvenir, est Humbert de Molette, chevalier, qui assista en 1045, à la donation faite au monastère de Sauxillanges , diocèse de Clermont , par Messire Hugues de Montboissier. Ce fut en 1410 que cette famille ajouta au nom qu’elle portait déjà celui de Morangier, Jean de Molette reçut, à cette époque, de Guillaume de Barusse, seigneur de Morangier, et de Dauphine de Montalet, sa femme, donation des châteaux, terres, forêts et dépendances de leur seigneurie, à condition de prendre désormais le nom et les armes de Morangier. Ces armes étaient : D’azur au cor de chasse d’argent, lié et enguiché de gueules. A partir de cette époque les armes se modifièrent et furent : D’azur au cor de chasse d’argent, lié et enguiché de gueules, accompagné de trois molettes d’or, 2 en chef et 1 en pointe. La maison de Molette Morangier s’est illustrée par le nombre de ses membres qui ont servi sous les drapeaux. Pierre-Charles de Molette parvint au grade de lieutenant général en 1748.

Jean-François-Charles de Molette était maréchal de camp en 1762. D’apré la Gaule Chrétienne cette maison donnait, au xme siècle, un abbé à la Chaise-Dieu, qui assista au concile de Clermont en 1263 et qui fut inhumé le 30 septembre 1282, au côté gauche de l’autel de sainte Marie, dans le choeur de l’église de son monastère. Selon notre historien du Velay, Odo de Gissey, un Guillaume de Molette fit transporter de Catalogne au Puy, en 1 334, le corps d’une vierge, compagne de sainte Ursule. Je n’ai point trouvé dans les généalogistes que j’ai eu à ma disposition le nom de Marie Marguerite. La Gaule chrétienne dit qu’elle était soeur de Louise, abbesse de Bellecombe. Or le même ouvrage donne à celle-ci , pour père , Charles de Molette, seigneur de Morangier et, pour mère, Marguerite Félicie de Montmorency. J’en parlerai quand il sera question de l’abbesse  de Bellecombe. Ce fut au couvent de Mercoir que Marie-Marguerite se consacra à Dieu pour sa vie entière. Elle y était professe depuis quelques années lors qu’elle fut nommée abbesse de la Séauve. Sa nomination qui eut lieu le jour de l’Ascension 1713, fut confirmée par une bulle de Clément XI, donnée à Rome, à Sainte-Marie-Majeure, l’année citée, le 11 des calendes d’octobre. Elle ne fut mise en possession que l’année suivanle, le 25 mai, par Pierre-Nicolas Girardin, chanoine et celerier du Puy, vicaire général et of ficial du diocèse. Dame Marguerite de Molette Morangier, dit Sonyer Dulac, prêta hommage pour la Séauve, le 26 juin 1717, et remit le dénombrement.

Cette abbesse se fit remarquer par la sagesse de son administration, la distinction de ses manières et la portée de ses vues. Un rapport que j’ai cité dans mon opuscule sur sainte Marguerite de la Séauve dit, dans son préambule, que Saint-Didier est recommandable par une illustre abbaye de dames de l’ordre de Ctteaux et encore plus par l’abbesse qui la gouverne. Ces dernières paroles qui regardent Marie-Marguerite supposent évidemment qu’on avait conçu une haute idée de son mérite dès 1730. D’après un arrêt du Parlement de Toulouse, où il est question d’un procès dans lequel le monastère de la Séauve se trouvait intéressé et qui est daté de 1745, on serait tenté de croire qu’entre Marie-Marguerite et Anne de Montmorin, il y eut une abbesse intermédiaire. On voit, en effet, figurer dans cet arrêt comme abbesse, madame de Celles. Le nom de cette dame avec la qualité énoncée s’y trouve répété quatre à cinq fois. Il y a eu là évidemment erreur de la part du Parlement. Madame de Celles qui agissait dans ce procès au nom du monastère ne devait agir que comme prieure; par le procès-verbal d’installation d’Anne de Montmorin, que je transcrirai tout à l’heure, on verra que celle-ci succéda immédiatement à Marie -Maguerite de Molette Morangier. Il est cependant plus que probable qu’à cette époque madame de Morangier n’était abbesse que de nom. Son âge ne devait guère lui permettre d’administrer alors. Etant morte en 1759, âgée de 101 ans, elle n’a vait pas moins de 87 ans au moment dont je parle. Je pense donc que madame de Celles aura été abbesse de fait, sinon de droit, pendant assez longtemps.

Le projet de réunir le personel de Clavas à ce lui de la Séauve était mis en avant dès les premières années de Marie-Marguerite. Il paraît que déjà on faisait les enquêtes ordonées dans les cas semblables. Je ne sais quelles raisons né cessitaient la réunion de ces deux monastères. Il est très-probable que la raison principale était celle prévue dans le livre des anciennes définitions de l’ordre de Cîteaux, dist. 3, ch. 3.Voici ce que nous lisons à l’endroit cité.

« Les petits monastères, soit de moines, soit

« de religieuses, dans lesquels ne peuvent pas

« être suffisamment entretenus dix moines ou

« religieuses y ayant habituellement leur rési

« dence, de telle sorte qu’ils ne puissent en tou

te tes choses observer les statuts communs de

« l’ordre, les frères abbés doivent les unir à

« d’autres après avoir pris l’avis des fondateurs

« et du chapitre général, en forçant par la cen-

« sure de l’ordre les moines et les religieu-

« ses qui se montreraient contumaces et re-

« belles contre les décisions prises sur ce

« point. »

Tout porte à croire que Clavas se trouvait dans ce cas. La question, au reste, sera examinée d’une manière plus spéciale dans la seconde livraison. Quoiqu’il en soit, il est hors de doute que les religieuses de la Séauve ne voyaient ce pro jet qu’avec la plus grande peine. Elles firent tout ce qui fut en leur pouvoir pour en empêcher la réalisation. Cela ressort de la lettre suivante écrite par madame de Charpin à M. Danhiet de Monistrol.

« Ayant lieu de croire que vous serez ap-

« pelé dans les enquêtes que MM. les commis-

« saires doivent faire au sujet de la réunion

« de Clavas à la Séauve, je viens vous prier de

« nous être favaroble, en déposant sur l’inu-

« tilité de ce projet. Je voudrais être à même de

« vous faire voir les raisons que nous avons

de nous y opposer et les inconvénients qui

« s’en suivent pour les deux maisons, tant au

« temporel qu’au spirituel. L’abbaye de la

« Séauve peut se suffire à elle-même, tant pour

« l’entretien que pour les bâtiments qu’il y a

« à faire. Nos épargnes et nos économies nous

« mettent à même de nous passer des biens

« de Clavas, qui nous seraient plus onéreux

« que profitables pour le présent. Le transport

« de Clavas ici diminuerait considérablement

« nos revenus et les charges absorberaient la

‘ meilleure partie de ces revenus et, par con-

« séquent, il ne nous resterait pas assez de

« liquide pour l’entretien des douze personnes

« qu’on veut nous donner. Vous voyez par là,

« Monsieur , que les biens de la Séauve en

« souffriraient. Je vous prie, Monsieur, d’insi-

« nuer ces raisons à M. Fouletier et autres

« qui pourraient être appelés dans cette en

te quête et sans nous compromettre. Nous vous

« en aurons une obligation éternelle et Dieu

« en sera honoré et glorifié comme il l’a été

« depuis 700 ans dans les deux maisons qui

« peuvent subsister l’une sans l’autre. Ce se-

« rait une chose très-agréable à Dieu de ne

« pas frustrer les fondateurs et bienfaiteurs

« des prières et aumônes qu’ils ont droit d’at-

« tendre des deux abbayes.

« 11 août 1761.

« M » ‘de Charpin.

 

Nous verrons que l’opposition qui fut faite au projet en question n’aboutit pas et que la réunion s’opéra. Madame de Charpin, qu écrivait à M. Danhiet, était entrée comme religieuse au monastère de la Séauve en même temps qu’une de ses soeurs en 1742. L’acte qui fut passé à cette époque existe encore. Je le donne textuellement. On verra les formalités qui avaient lieu, les stipulations qui étaient faites dans les circonstances de ce genre.

« Nous, dame Marguerite laMolette de Moran-

« gier, dame abbesse de la Séauve, agissant de

« l’agrément de Révérendissime Monseigneur

« l’abbé de Citeaux, abbé général de notre Ordre,

« sur l’avis que nous lui en avions donné et du

« consentement des autres dames qui compo-

« sent notre dite abbaye, assemblées au son de

« la cloche, capitulairement, à la manière accou-

« tumée, d’une part; demoiselle Anne-Diane de

« Charpin et demoiselle Marie-Anne de Char

te pin de Feugerolles, filles de défunts Louis

« de Charpin, écuyer, seigneur, comte de Feu-

« gerolles et de dame Marie Polixène de Rivery,

« mariés, procédants en tant que de besoin de

« l’avis et conseil de Joseph-Gabriel Duploux,

« écuyer, seigneur de Saint-Romain, que les

« dites demoiselles de Charpin nomment leur

« curateur pour la validité des présentes, habi

te tant au château de Feugerolles, paroisse du

« Chambon, pays de Forey, d’autre part, avons

« fait les promesses, obligations et renon

ee dations qui suivent, savoir que nous, dite

« abbesse, après avoir accordé aux dites demoi-

« selles Anne-Diane de Charpin et Marie-Anne

« de Charpin, de Feugerolles, |de les recevoir

« dans la dite abbaye à leur prière et humble

« supplication précédées des trois mois de

« brobation accoutumés et leur avoir été donné

« l’habit par dom Louis Boucharêne de Fa

« brége, directeur de la dite abbaye, commis

« par dom Schorichon, vicaire général de la

« Province, avons promis de les admettre à la

« profession en notre dite abbaye, l’année de

« leur noviciat expirée, pourvu qu’elles conti-

« nuent de donner les mêmes marques de leur

« vocation, zèle et piété, et nous nous obligeons

« avec les autres dames de la dite abbaye envers

« les dites demoiselles de Charpin de leur four-

« nir pendant leur vie les aliments à elles néces-

« saires, en la manière des autres dames reli

ée gieuses, et nous dames de Charpin, procédant

« de l’avis et conseil du dit seigneur Duploux,

« en reconnaissance des dites promesses et obliee

gations des dites dame abbesse et autres

« dames religieuses, promettons de notre chef

« et nous nous obligeons de payer ou faire payer

« par Jean-Michel de Charpin, écuyer, seigneur

« comte de Feugerolles, notre frère, héritier du

« dit seigneur comte de Feugerolles et dame de

« Rivery, nos père et mère communs, lors de

« notre profession, à la dite dame abbesse ou,

« à son défaut, à sa successeresse, la somme de

« trois mille livres, pour chacune de nous dites

« demoiselles de Charpin, à condition néan-

« moins d’en employer la somme de cinq cents

« livres aussi pour chacune en achat d’une rente

« constituée de vingt livres pour chacune dont

« la prestation cédera au bénéfice de chacune de

« nous dites demoiselles de Charpin de Feuge-

« rolles, pendant notre vie, pour nous aider à

« nos vêtements, et dont chacune de nous pourra

« recevoir payement sur la seule quittance des

« redevables de ladite rente et redevance d’icelle

« demeureront acquis à la dite abbaye incom-

« mutablement à la dite abbaye, comme compris

« en la dite somme de trois mille francs pour

« chacune de nous dites demoiselles de Charpin

« de Feugerolles, promettons en outre et nous

« obligeons de payer ou de faire payer par le

« dit seigneur comte de Feugerolles, notre

« frère, débiteur de nos droits légitimaires pa-

« ternels et maternels et autres à chacune de

« nous afférant pour la pension de chacune de

« nous de l’année de noviciat seulement la som-

« me de cent vingt livres.

« Fait double entre nous sous les obligations,

« soumissions et renonciations en tel cas re-

« quises et nécessaires, le 1er septembre 1749.

« Soeur de Morangiez, abbesse. — Soeur de

« laFaye, prieure. — Soeur du Roure, maîtresse

« des novices. — Soeur Véron. — Soeur de

» Jouis, — Soeur de Pyères. — Soeur de Char-

« pin. — Soeur de Feugerolles. — Duploux de

« Saint-Romain, curateur. — F. Boucharêne de

« Fabrége. »

Marie-Marguerite] de Morangiez mourut le 2 septembre 1759, à l’âge de 101 ans, après avoir gouverné le monastère, à peu près, la moitié d’un siècle.

 

XXXIII. Anne de Montmorin.

Elle était fille de Joseph Gaspard, seigneur de Montmorin, du vieux château d’Aisné, de Saint-Aman, de Méaune, de Colombier et de Drevant. Gaspard fut cornette blanche du régiment colonel et servit volontaire à Strasbourg. Il se maria le 10 février 1684, avec Louise-Françoise de

Bigny d’Aisné, fille de Louis-Armand de Bigny, comte d’Aisné, et d’Isabeau de Château-Rodeau. Anne fut le sixième enfant issu de ce mariage, née le 12 juillet 1690, abbesse de Clavas en 1722, et à la tête de la maison de la Séauve en 1764. Son père ayant perdu son épouse, quitta le

monde, se fit prêtre, fut grand-vicaire de Vienne et devint évêque d’Aire le 12 juillet 1710, sacré le 4 janvier 171 1 . Une autre particularité digne d’être rapportée, c’est que son fils Gilbert de Montmorin fut nommé coadjuteur de son père à l’évêchô d’Aire le 1er juin 1722, et sacré le 7 novembre 1733 , le jour même que son père mourut. Thomas de Montmorin, autre enfant de Gaspard, était docteur de Sorbonne et abbé de Bonneveau. Il mourut à l’âge de 39 ans, étant député de la province d’Auch à l’Assemblée du clergé. Ce fut en 1764 et le 22 juillet, qu’Anne de Montmorin fut installée comme abbesse de la Séauve. La translation d’Anne de Montmorin de Gavas à la Séauve avait, sans nul doute, un but spécial. Cette translation serait inexpliquable autrement si Ton fait attention à l’âge qu’avait notre abbesse lorsqu’elle eut lieu. Elle n’avait pas moins de 74 ans. J’ai dit que la réunion des deux monastères devait s’opérer et que les religieuses de la Séauve s’opposaient à cette réunion. Or, l’autorité supérieure ne dût transférer Anne de Montmorin que dans l’espoir qu’elle ménagerait, qu’elle préparerait la réunion projetée. Personne, en effet, ne pouvait mieux qu’elle réussir sur ce point. Exceptionnellement pieuse, pleine de talents, douée d’une prudence rare et d’une amabilité sans égale, il lui était facile de s’insinuer dans les esprits et dans les coeurs. Quel résultat obtint-elle ? Dieu seul le sait. Quoiqu’il en soit, une chose est certaine , c’est qu’il ne lui fut pas donné de voir la réunion en question. Cette réunion ne s’effectua qu’en 1767 et elle mourut le 30 novembre 1765. Elle était la dernière de cette génération des Montmorin qui donna à la religion cinq de ses membres, y compris le chef lui-même. Armoiries de la famille de Montmorin : De gueule semé de molettes d’argent au lion de même.

(le Laboureur.— Masures de l’Isle Barbe. — La Chanaye des Bois et Badier. — Titres manuscrits.)

 

XXXIV. Marguerite-Laure de Fumel.

Fumel , baronnie en Quercy, dont les seigneurs sont connus dès le xni » siècle. La famille de Fumel occupait un rang distingué parmi la noblesse française. Un de ses membres, Bertrand de Fumel, devint vicomte de la Barthe en 1283 par son mariage avec Brunissende de la Barthe. Un autre, François premier, baron de la Barthe, fut capitaine desgardes de la Porte, gouverneur de Marienbourg et ambassadeur auprès de Soliman II, empereur ottoman. Il fut massacré, dans son château, par les religionnaires, le 25 novembre 1561. La baronnie de Fumel fut érigée en vicomte sous Henri IV. Cette érection fut obtenue par Charles, baron de Fumel. Charles était le bisaïeul de l’abbesse de la Séauve. Celle-ci était fille de Louis, vicomte de Fumel et de Catherine Thomas de Berthier, fille et héritière du premier président du Parlement de Toulouse. Elevée par une mère éminemment  chrétienne, elle suça, pour ainsi dire, la piété avec le lait. Le monde qui se présentait à elle sous la plus belle perspective ne put lui plaire. Elle préféra aux joies, aux plaisirs bruyants du siècle, les charmes plus doux et plus réels du cloître. Ce fut d’abord dans une maison hospitalière du Quercy, de Tordre de Malte, sous le vocable de Saint-Jean de Jérusalem, qu’elle se voua à Dieu et au service des pauvres. La haute portée de ses vues, sa piété sincère, son , zèle à remplir les fonctions qui lui furent imposées la firent remarquer dans cette première position. Elle ne devait pas y demeurer longtemps.

La Séauve venait de perdre celle sur laquelle on avait fondé de grandes espérances et la réunion projetée ne s’était pas opérée encore. Il fallait à la tête de la maison une personne capable de la faire réussir. Une transformation complète des bâtiments qui composaient le monastère devenait urgente ; les constructions tombaient en ruine. Pour une pareille oeuvre, il était nécessaire d’une supérieure qui fut apte à conduire à bonne fin une entreprise de ce genre. On ne crut pas que madame de Fumel fut au-dessous de cette double mission.

Nommée par lettres patentes à l’abbaye de la Séauve, le 29 décembre 1765, elle fit profession dans l’ordre de Citeaux, le 24 mai 1766. Cet fut dans la chapelle des pénitents bleus de Toulouse qu’elle reçut la bénédiction abbatiale, le 8 juin suivant, de M. de Fumel, son frère, qui était évêque de Lodève. Le 25 du même mois elle prenait solennellement possession de son nouveau poste. Dans l’ordre de Malte, chaque membre en faisant partie était strictement obligé d’en porter les insignes. C’était une croix qui se plaçait sur le costume de régle. Il était expressément défendu de s’en revêtir si l’on quittait l’ordre. Une exception fut faite pour madame de Fumel, et le 9 juillet 1 767, le grand maître de l’Ordre lui accordait, par brevet, le privilége spécial et inconnu jusqu’alors, de continuer à porter la croix. Le moment était venu de réaliser enfin la réunion projetée. Toutes les enquêtes prescrites avaient eu lieu, toutes les informations avaient été prises. Une seule mesure était nécessaire. L’union des deux monastères devait être autorisée par le roi. Elle le fut par lettres patentes du mois de décembre 1767, qui furent dûment enregistrées. Toutes les religieuses de Clavas se transportèrent, immédiatement après l’autorisation donnée, à la Séauve, qui prit dés lors la dénomination de Séauve-Clavas qui ne disparut que lorsque s’effectua, en France, la fermeture des couvents. L’abbaye n’étant plus suffisante pour le personnel et tombant en ruines de vétusté, madame de Fumel songea enfin à remplacer le monastère par une construction nouvelle et plus en rapport avec les besoins du moment. L’ancienne maison fut rasée dans son entier. On ne conserva que la chapelle qui devait, plus tard, tomber elle même sous le marteau des démolisseurs de 93. Il fallut à madame de- Fumel de 15 à 16 ans pour parfaire son oeuvre. Les travaux commencés en 1770 ne furent terminés qu’en 1786. On est étonné qu’un si long espace de temps ait été nécessaire pour une pareille construction. Il serait difficile d’en donner les motifs. De quelle joie dût être inondé le coeur de toutes les religieuses lorsqu’elles s’installèrent dans leur nouvelle abbaye ! Autant elles étaient logées à l’étroit dans l’ancienne maison, autant elles se trouvèrent au large dans celle-ci. Autant le monastère écroulé était de modeste apparence, autant celui-ci avait l’air monumental. La joie et le bonheur ne devaient pas durer longtemps. La tempête éclata bien vite et la maison bâtie avec tant de peine, avec tant de soin, fut forcément désertée par celles- qui l’habitaient et tomba entre les mains de l’Etat comme propriété nationale. Madame de Fumel quitta, en pleurant, le monastère qui lui avait causé tant de privations et tant de travaux. J’ignore où elle alla finir ses jours.

(La Chenaye des Bois et Badier. — Du Temps.— Le Clergé français. — Titres manuscrits.)

 

NOTES HISTORIQUES

Sur

LES MONASTÈRES

DE LA SÉAUVE

BELLEGOMBE, GLAVAS ET MONTFAUCON

THEELLIERE, curé de Retournaquet