INFLUENCE DE LA FABRIQUE SUR LE HAMEAU DE LA SÉAUVE.

La prospérité, comme la misère, est contagieuse; le hameau de la Séauve est devenu, par suite de l’exemple donné par la maison Colcombet, un gros bourg. Cette maison ne contribue plus seule, il est vrai, à le maintenir; mais elle soutient son développement dans une proportion hors de toute
comparaison. Il appartenait à M. Colcombet de compléter son œuvre en prévoyant les progrès que devait faire l’agglomération des habitants de la Séauve, grâce à l’industrie qu’il y avait appelée. Il devait doter cette agglomération de tout ce qui est indispensable au culte, à l’enseignement et à la vie publique d’une commune.

C’est ce qu’il a fait ; son intérêt et son devoir se trouvaient d’accord pour l’y engager; il fallait bien préparer la résidence centrale de la future commune, dont les habitants devaient pourvoir aux besoins des futures usines et croître avec elles. La Séauve étant construite dans un ravin, près d’une ancienne abbaye, il était difficile de lui donner, dans cet endroit même, l’élargissement devenu nécessaire.

En même temps qu’il reconstruisait son usine, sur un modèle plus récent, M. Colcombet faisait préparer un vaste terrain dont il était possesseur pour recevoir, en grande partie, la nouvelle assiette de la Séauve.

A la place de la chapelle primitivement jointe à la vieille usiné, il a fait élever une véritable église à trois nefs, destinée à être érigée en paroisse. Tous les habitants des environs s’y rendent déjà pour y assister
à l’office divin. Les appartements donnés aux cinq religieuses des premières années, ont été changés en une vaste maison où une dizaine de sœurs de Saint-Joseph ont ouvert des écoles pour toutes les petites filles des habitants indistinctement.

En face de la maison des religieuses et sur une place destinée à devenir place publique, une école de garçons, érigée aux frais de M. Colcombet, a été mise sous la direction des frères Maristes. Enfin, au travers d’un terrain de quarante mille mètres de superficie, il a tracé des promenades, des rues, tout un système de voirie et même des conduites pour l’eau destinés à la future commune. Dans ce terrain, pour attirer et fixer la population nécessaire aux besoins des usines et en particulier aux ouvriers de la Séauve, il a assigné des lots.

Le terrain est donné gratuitement. Les constructions doivent se faire d’après un plan étudié par les
ingénieurs les plus compétents et conformément à toutes les règles de la salubrité. La seule servitude imposée au nouvel habitant est l’obligation à perpétuité de ne jamais construire de débits de boissons ou de cabarets sur le terrain concédé.

Cette clause est onéreuse à la maison Colcombet, en ce sens qu’elle eût tiré un bien meilleur parti de ses terrains si elle eût toléré les débits de liquides; mais il lui a semblé qu’il valait mieux préférer un système lésant peut-être ses intérêts, mais dont la moralité publique doit profiter. Avant peu le hameau de la Séauve pourra demander à être détaché de la commune de Saint-Didier, dont il fait partie, et vivre de sa vie propre.

XAVIER DE MONTER.

source: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62081542