Monseigneur de Castellane

à Bellecombe, Son arrivée et sa fuite.

La Constitution civile du clergé avait été décrétée par l’Assemblée Législative. Partout on exigeait de la part du clergé le serment à cette Constitution. Beaucoup de prêtres, dans le premier moment, se laissèrent surprendre et accédé-lent à ce que la loi exigeait d’eux. On sait qu’un grand nombre se rétractèrent et se repentirent e ce qu’ils avaient fait d’abord. Il faut dire, à la gloire de la généralité du Clergé français, que le plus grand nombre résista et refusa le serment exigé. La plupart des évêques et des prêtres préférèrent la proscription, les persécutions, l’exil et la mort même plutôt que d’accepter une Constitution qui renversait, de fond en comble, celle donnée à l’Eglise par son divin fondateur. Ce que Dieu a établi, il n’appartient pas à l’homme de le démolir ou de le modifier à sa fantaisie, et au gré de ses passions! Et quand l’homme y touche, il y a, pour tout chrétien, devoir indispensable, absolu, de résister et de se faire tuer plutôt que d’accepter et de condescendre.

Du nombre de ceux qui résistèrent fut Monseigneur de Castellane, évêque de Mende. Son refus fut formel et public. Regardé, dès lors, comme réfractaire à la loi, immédiatement poursuivi comme tel, il prit le parti de fuir et de se cacher. Il ne crut pas, néanmoins, devoir demeurer dans son diocèse et se décida à aller chercher un asile ailleurs.

Ce fut quelques jours après son départ de Mende qu’il arriva à Bellecombe. Il était travesti et accompagné d’un seul domestique. Au village de Couteaux, il avait jugé prudent de prendre un guide. Ce guide, qui était un excellent chrétien, le conduisit au monastère.

Son coeur s’ouvrit et il commença à respirer un peu, lorsqu’il se vit sous ce toit hospitalier. Les Religieuses le reçurent avec une indicible joie ; elles étaient heureuses de posséder un martyr de la foi. Malgré les circonstances critiques et les appréhensions de chaque jour, il y eut, à l’abbaye de Bellecombe, un rayon de bonheur. Les exhortations du digne prélat les fortifièrent et les raffermirent dans les bonnes dispositions où elles étaient déjà.

Le monastère était néanmoins sans cesse menacé. On ne crut pas que Monseigneur fut suffisamment en sûreté ; les Religieuses s’occupèrent donc de lui chercher un asile plus sûr. Elles le trouvèrent chez un protestant du voisinage, dont on aimerait bien à connaître le nom et la famille. Le proscrit fut reçu dans cette maison avec une cordialité parfaite. Il y fut, pour ainsi dire, fêté. Là, il n’avait rien à craindre, parce qu’il s’y trouva des coeurs généreux qui, malgré leurs sentiments religieux contraires, ne virent dans Monseigneur de Castellane qu’une victime de l’intolérance révolutionnaire et du despotisme le plus révoltant.

Quelques jours après, il partait pour Lyon. Saisi bientôt comme un véritable criminel, il fut conduit à Paris et massacré tout près de M. de Retz, son diocésain et son ami. Avant de mourir, il eut le temps de bénir ceux qui périssaient avec lui et de leur donner une absolution générale.

(M. Péala. — Gustave de Burdin.)

Extrait de l’ouvrage :

NOTES HISTORIQUES

SUR

LES MONASTÈRES

DE LA SÉAUVE

BELLECOMBE, CLAVAS ET MONTFAUCONTHEILLIER, curé de Retournaguet