Les titres de duc, comte et vicomte, personnels sous les rois Visigoths, signes de fonctions administratives ou militaires sous Charlemagne, devinrent très vite héréditaires et munis des attributs de la suzeraineté. Après l’assemblée de Quercy (877), les leudes étaient assez affranchis pour signer leurs actes « par la grâce de Dieu ». Le Velay, rude et fier pays, marche entre le Nord et le Sud, entre l’Auvergne et l’Aquitaine, se trouva rattaché à l’Auvergne à l’époque où les divisions de la Gaule romaine, bouleversées par les invasions, réapparurent en dessinant les fiefs ; les comtes d’Auvergne puis les ducs d’Aquitaine prirent le titre de comtes du Velay : mais ce titre n’était qu’honorifique, et les plus puissants seigneurs de la province, les Polignac, ne relevaient point des comtes d’Auvergne puisqu’en 1165 un acte montre un Héracle de Polignac comme arbitre sur le même pied que le comte de Clermont et le seigneur Archambaud de Bourbon. Dès 1056, apparaît un Polignac comme vicomte héréditaire et suzerain, possédant le droit de justice, de lever les impôts, de battre monnaie. Par la suite, ces pièces de monnaie furent appelées « viscontines ».
Vers 875, un Hérimand ou Armand de Polignac avait reçu de Norbert de Poitiers, frère du comte d’Auvergne, élu évêque de S a i n t – P a u l i e n ville fort ancienne et importante de ce nom, et le siège de l’évêché fut transporté à Anis (Le Puy), peut-être pour en assurer la tranquillité (886). Hérimand défendit contre ce Norbert les droits de Vital, sans doute son frère, abbé de Saint-Pierre-de-la-Tour, à l’évêché. En 924, Raoul de Bourgogne profita de la captivité de Charles le Simple pour se faire élire roi au nord de la Loire. Le duc Guillaume II d’Aquitaine lui ayant fait sa soumission, Adalard, évêque du Puy, tira habilement parti de la situation confuse pour demander la seigneurie du Puy, avec les droits d’octroi et d’impôts sur les marchés, la juridiction sur le district, et l’interdiction à toute personne séculière d’intervenir. Il obtint ces privilèges, par lesquels Raoul se faisait à bon marché sa publicité. Mais ce que Raoul donnait à l’évêque appartenait aux Polignac. Une guerre affreuse, qui devait durer deux siècles, naquit de ce mépris du droit féodal. On sait que la féodalité issue de la famille, groupée autour d’un chef sur une « motte » entourée de palissades, avait seule été capable après les totales dévastations des hordes barbares, de recréer un état social permettant aux autochtones de survivre. Groupées, les tribus étaient devenues « mesnies », puis fiefs, avec des armes, des forts en bois puis en pierre, un honneur qui rejaillissait sur tous ses membres, une tradition, un « cri », un gonfanon, un idéal très vrai, fondé sur la défense du plus faible par le plus fort, et l’échange de services rendus. Devant l’impuissance du roi à chasser les barbares, à empêcher la famine qui amenait le cannibalisme encore au X siècle, les petits fiefs se groupèrent autour des grands :
La féodalité était née. Or, elle avait ses devoirs, mais aussi ses droits et ses armes, celles du clergé devant rester spirituelles. La charte de Raoul, premier pas peut-être du roi vers le pouvoir absolu, apportait avec l’affaiblissement du fief le danger des attaques de hordes. Contrairement à ce qui se passait ailleurs, les Polignac, suzerains, entrèrent donc en lutte, non avec les communes qui à mesure qu’elles se fortifiaient et n’avaient plus besoin de la protection armée du seigneur se rebellaient contre lui, mais avec les évêques; curieux concept de juridiction et de pouvoir, particulier au Velay, sur lequel il nous semble bon d’insister : car si le Velay, fou d’indépendance, devait donner du fil à retordre aux rois pendant plusieurs siècles, les Polignac, également fous d’indépendance, menèrent une lutte contre l’évêché dans un climat de désordres, de pillages réciproques, de violences souvent sanglantes ; mais ils le firent pour défendre un état social qui se cherchait, puis s’affirmait, bien plus que par intérêt égoïste. La preuve en est dans cette curieuse contradiction : s’ils se dressèrent contre le pouvoir temporel du clergé, ils ne montrèrent jamais d’impiété, et, profondément pieux et charitables, ne cessèrent de combler de donations cette Eglise qu’ils attaquaient, donnant librement et spontanément ce qu’ils n’admettaient point qu’on leur prît de force.
Donnant aussi à l’Eglise, à toutes les générations, de nombreux moines, chanoines, doyens et évêques. De leur côté, les évêques, déjà comblés de biens par Charlemagne, presque aussi forts que les féodaux, se voyaient généralement soutenus par le pouvoir central, qui, dès qu’il eut mis la main sur la justice, s’efforça d’affaiblir les grandes mesnies. Celle-ci, c’était inévitable, se battaient entre elles, offraient au roi un prétexte d’intervention. Philippe I commença de s’annexer certains fiefs, comme le Vexin et le Gâtinais, en profitant de l’absence des Croisés. Dès l’an 955, l’évêque Gotescale ayant fait confirmer par Lothaire la charte de Raoul, l’antagonisme entre l’évêché du Puy et les Polignac avait pris un caractère aigu. Mais en même temps, un Armand, peut-être second du prénom, avait cédé (vers 900) à Hervé I abbé de Tournus, des biens considérables, dont la superbe église de Saint-Paulien ; Godescalc, abbé de Saint-Chaffre, avait posé la première pierre (962) de l’extraordinaire petite église de Saint-Michel-d’Aiguilhe, près du Puy; Dalmas, vicomte de Velay de 926 à 964, abbé laïque de Saint-Julien de Brioude, souscrivit aux fondations des monastères de Sauvillanges et de Chanteuge; Agne fit une donation au prieuré de Chamalières-en-Velay, et parut comme témoin à la fondation du monastère de Saint-Pierre-le-Monastier par l’évêque Guy d’Anjou (993). Son père, Etienne, avait confirmé la donation faite à l’abbaye de Tournus. Armand, probablement troisième, et premier qualifié de vicomte de Polignac, fut témoin d’une charte de l’évêque Etienne de Mercœur donnant une église du Vivarais à Saint-Pierre-le-Monastier (1028). Ce fut lui sans doute qui bâtit et dédia à saint Andéol, apôtre du Vivarais, l’église du château de Polignac, que l’un de ses fils, Armand, religieux à l’abbaye de Tournus, donna à l’abbaye de Pébrac, avec un revenu suffisant pour en faire entretenir le service par des moines Augustins. Et cependant, ce premier vicomte entra en lutte avec le neveu et le successeur d’Etienne de Mercœur, qui, affranchi par le pape de la juridiction des métropolitains de Bourges, relevait directement du Saint-Siège. Mais son frère Guillaume, époux d’Auxiliende de Tournon, sœur de l’évêque du Puy, abandonna ses prétentions sur l’abbaye du Monastier-Saint-Chaffre, et un autre de ses frères, Etienne, fut doyen et prévôt du chapitre de Saint-Julien de Brioude. Jusque-là, la rareté des documents retrouvés rend la filiation des Polignac incertaine. Elle ne peut se baser que sur des probabilités très fortes, puisqu’on les voit de génération en génération poursuivre les mêmes luttes et les mêmes donations.

Source : L’Église Saint Martin de Polignac
Pour l’église du château de Polignac, nous dirons tout de suite qu’au X V I siècle il n’en restait que des ruines, qui peut-être furent prises pour celles du légendaire temple d’Apollon ; on les surnommait « chambre d’Apollon », ou « Puits de l’Oracle ». D’après G. Branche (Vie des saints d’Auvergne, 1652) elle était peinte de « figures horribles avec le trépied d’Apollon », et l’une représentait le jugement de Midas entre Apollon et Pan. Mais ces peintures, évidemment postérieures à la chapelle, qui était romane, n’ont pu être faites que d’après une tradition locale. La lutte, sur le plan temporel, entre l’évêque E. de Mercœur et les Polignac, avait tourné au détriment de ceux-ci. Ce fut peut-être pour parer à la difficulté qu’ils firent du doyen Etienne, dit Taillefer, un évêque de Clermont. Elu vers 1054, Taillefer s’en alla à Rome faire ratifier son élection. Mais les Capétiens de leur côté étaient en lutte avec le pape au sujet des investitures, et Grégoire VII interdit l’investiture laïque, qui amenait la simonie. Les papes entraient également en lutte avec les grandes abbayes, comme Cluny, fondée en 910 par Guillaume le Pieux qui soutenait Ronulphe comte de Poitiers contre Eudes, et dont la puissance inquiétait les évêques. Les papes, ne pouvant réduire cette puissance, déclarèrent que les abbayes relevaient d’eux seuls. Philippe I devait combattre cette mesure par « l’immunité », qui permettait aux rois des faveurs libres envers telle ou telle abbaye, qu’ils s’attachaient ainsi. Sentant faiblir leur puissance, les évêques dès lors se montrèrent souvent hostiles au pape et favorables au roi. Dans cette lutte, incessante depuis Hugues Capet jusqu’à François I Taillefer inscrivit son action : car devant les tergiversations de Grégoire VII au sujet de la ratification de son élection, il tourna bride, rentra chez lui et pendant dix ans brava le peuple, le clergé, les légats, conciles et excommunications et se laissa déclarer simoniaque par le concile de Clermont en 1077. Mais ensuite, il se lassa de la lutte et se retira au monastère de Lérins pour expier ses péchés. Son frère aîné, Guillaume, avait eu trois fils. L’un, Héracle, s’empara des biens d’Eglise durant un pèlerinage de l’évêque Adhémar de Monteil. La guerre flamba de nouveau, qui avait eu un répit. Mais les prédications à Clermont du puissant orateur le pape Urbain II bouleversèrent les cœurs, les transportèrent de foi et d’enthousiasme : que signifiaient les querelles d’intérêt quand Jérusalem attendait la délivrance ! Héracle et son frère Pons, par contrition, démembrèrent leurs biens pour les donner à l’Eglise et se croisèrent, à la suite de l’ardent Raymond de Saint- Gilles, comte de Toulouse, en compagnie des Chalancon, des Fay, des Montlaur et d’autres seigneurs du Velay et d’Auvergne. La retentissante conversion du roi Etienne de Hongrie avait ouvert la voie du Danube. Peut-être aussi les continuelles razzias des Sarrazins, l’horrible famine de l’an 1095 eurent-elles une part dans l’extraordinaire flux vers l’Orient que représenta la croisade populaire de familles et de chariots suivant Pierre l’Ermite, dans une exaltation inouïe. En même temps, cette guerre lointaine était pour l’ardeur batailleuse des seigneurs une soupape. Une période de paix intérieure en effet vint de l’absence de tant d’hommes, et l’ouverture des barrières et douanes dressées entre fiefs supprima la famine. Mais les hordes de Pierre l’Ermite, d’abord enthousiastes, sombrèrent dans le désordre, la famine, devinrent pillardes, se livrèrent même au cannibalisme. Arrivées en 1096 à Constantinople, elles ne tardèrent pas à se débander, à dévaster le pays et furent enfin détruites à Civitat. Quand les cinq corps d’armée des chevaliers arrivèrent en 1097, ils découvrirent avec horreur une montagne d’ossements. Ces chevaliers étaient bien organisés, bien commandés par l’évêque Adhémar de Monteil, homme fier et d’une grande intelligence.

Source : L’Église Saint Martin de Polignac
Li esveque du Pui fust preux et emparlés,
dit la chanson d’Antioche. Héracle de Polignac avait tenu à être le porte-étendard de cet évêque auquel pourtant il s’était attaque, ce qui démontre une fois de plus la singularité, la localisation de ces luttes. Il se battit avec t a n t de vaillance et de feu qu’il f u t surnomme ≪ Miles Christi ≫. Il fut tué devant Antioche en 1098, probablement le 28 juin. Il avait épouse Richarde de Montboissier. L’évêque de Monteil m o u r u t a son tour, il fut remplacé par l’évêque de Martorano puis par Godefroy de Bouillon. Celui-ci parvint à apaiser les querelles qui sévissaient entre Croises, et après le monstrueux massacre de la prise de Jérusalem, il réorganisa cette ville. Le commerce s’ouvrit entre Orient et Occident, et les grands Ordres se fondèrent, des Templiers et des Hospitaliers. Cependant le vicomte Pons, frère d’Héracle, qui avait épouse Elisabeth de Montboissier, multiplia les donations a l’Eglise et les fondations, céda ses prétentions sur l’évêché du Puy à Adhémar de Monteil et en 1112, accompagna à Rome le nouvel évêque du Puy, Maurice de Montboissier. D’une profonde et ardente piète, il mourut dans la ville éternelle, et le pape Paul II le fit ensevelir à Saint-Jean de Latran, après de somptueuses funérailles. Son fils, Armand IV, confirma toutes les donations faites par lui et par ses ancêtres. Mais ensuite la lutte rejaillit de ses cendres et flamba de plus belle. Armand en effet établit un péage sur les routes traversant ses domaines, rançonnant de ce fait les pèlerins, au détriment de l’évêché. Or, la féodalité était maintenant vigoureusement charpentée : ordre réel, nullement fiction, fait remarquer P. Imbart de la Tour représentant une institution divine, ou, selon Chastellain, le clergé avait la charge de la foi, la noblesse celle de la justice et de la protection du peuple, et de l’exemple des vertus chevaleresques, le tiers celle du travail ; tentative peut être unique dans l’histoire d’une société fondée sur la foi jurée, pleine de grandeur, mais qui plaçait trop haut le caractère des hommes et leur dévotion a un idéal, et qui sombra dans la tyrannie et la lutte pour les intérêts matériels. Toute forme de civilisation, son sommet atteint, se dégrade, se corrompt, et, s’accrochant a des droits devenus privilèges, que n’équilibre plus le sens des devoirs, s’abime dans les haines : Taine fait remarquer que les mobiles des hommes, à la fin du Moyen Age, devinrent l’intérêt pour le tiers et souvent pour le clergé, et l’orgueil pour la noblesse.
Le pouvoir central sut profiter des divers éléments de cette évolution qui dégradait une idée, une force. Louis VI le Gros, aide par son extraordinaire ministre, le moine Suger, commença de diviser les féodaux en ralliant ceux du nord de la Loire contre l’empereur d’Allemagne ; il termina la guerre d’Auvergne commencée en 1122 par Guillaume VI contre l’évêque Aimery de Clermont, assiégea Montferrand, fit couper le poing à tous les partisans de Guillaume, donna a l’évêque Humbert du Puy un diplôme confirmant sa suzeraineté sur ce lieu qui de ≪ bourg ≫ fut promu ≪ cite ≫, avec une organisation militaire et commerciale (1134). Puis, Louis VII le Jeune, dont la femme Eléonore d’Aquitaine devait par son retentissant divorce et son mariage avec Henri Plantagenet apporter à ce dernier sa riche province, germe de la guerre de Cent ans, Louis VII donc accorda à la nouvelle cite un subside pour un pèlerinage en Terre sainte : générosité intéressée, car en même temps il réservait pour la première fois à la Couronne ≪ domination royale, justice et coutumes du royaume ≫ de cette cite.
L’évêque Pierre III, homme d’une subtile intelligence, vit le parti à tirer de la manœuvre royale et de son alliance, et obtint du pape une bulle abolissant les péages dans un rayon de vingt lieues autour du Puy.
Voilà pourquoi les hostilités recommencèrent. Forts importants, les péages servaient à l’entretien des routes, mais a bien d’autres choses aussi. Apres les chartes de 924 les évêques avaient joui de certains d’entre eux, mais en se gardant de tuer la poule aux œufs d’or en pressurant les pèlerins, au lieu que les Polignac, dont les domaines se fermaient comme une main autour de la petite ville, créaient de vrais octrois et percevaient de fortes taxes, avec imprévoyance.
A Brives, ils édifièrent une grosse tour d’où un guetteur surveillait les péages, et qui portait cette inscription : ≪ Marchand, nole oblidar de la Peage pagar. ≫ Et le voyageur ou le pèlerin qui tentait de s’écarter du chemin se voyait souvent pris par des bandes, rançonne, meurtri, tue même. D’ailleurs ces bandes n’avaient pas forcement l’aveu des vicomtes, et un chacun tentait de tirer les marrons du feu. Les péages étaient un couteux inconvénient : du moins apportaient-ils une sécurité. Armand de Polignac, donc, les rétablit, refusant de reconnaitre la juridiction papale sur la police féodale et territoriale, et se rebellant contre la Bulle. Les Montlaur et la plupart des seigneurs firent comme lui. Un accord intervint en 1151, pour lequel Armand livra à l’évêque trente chevaliers ; vite rompu par les armes, renouvelé en 1153 par la médiation du pape Eugene III, avec une trêve jurée de sept ans, viole derechef, cet accord fut porte devant Louis VII par l’évêque de Mende qui dénonça la participation de l’évêque du Puy aux rapines pour lesquelles il excommuniait les Polignac : en effet, l’on découvrit que les moines de la Chaise-Dieu et de Mazon achetaient leur tranquillité en partageant leurs péages entre l’évêché et la vicomte. Le roi fit comparaitre l’évêque, le vicomte et ses fils, et à Souvigny en 1162, fit promettre a ceux-ci, sous peine de confisquer tous leurs biens, d’observer la traite d’abolition des péages. Pons III, vicomte, fut donc garant de la traite : mais loin de l’observer, il s’allia avec le comte Guillaume VIII d’Auvergne, d’autres seigneurs et même le comte de Rodez, contre ce roi qui se mêlait des affaires intérieures de leur suzeraineté ; ils attaquèrent les biens d’Eglise au Puy et à Clermont, malgré les excommunications fulminées par Alexandre III. Le fils de Pons, Héracle, homme violent et brutal, se rendit odieux par ses excès, pilla et brula Brioude et Saint-Germain, tua la mule de l’abbé de la Chaise-Dieu sous ce personnage. Alors les moines appelèrent le roi a l’aide.

Gravures du château de Polignac
Source : https://www.archives43.fr/actualites/annee-2016/gravures-du-chateau-de-polignac
La Chaise-Dieu, fondée en 1043, par saint Robert, avait des 1095 une grande célébrité et attirait, de loin, les pèlerins. Une curieuse légende raconte que l’un des vicomtes de Polignac qui tenait en dure prison un chevalier nomme Renard, s’en alla dévotement à l’abbaye, le premier dimanche de l’Avent. Cependant, dans sa détresse, Renard pria si fort que saint Robert lui apparut et le délivra. Fers en mains, il se rendit aussitôt en actions de grâces à l’abbaye, et le vicomte, ébahi et contrit, le rencontra en chemin. Héracle n’eut pas affaire à une benoite apparition : le roi, outre de tant de désordres, se mit à la tête d’une petite armée et ramena à la raison les comtes d’Auvergne qui renoncèrent à leurs droits sur le Velay, mais reprirent les armes dès que le roi eut tourne le dos. Il revint, les défit complètement, assiégea les Polignac dans leur forteresse de Nonette, les prit et les emmena, captifs, à Paris (1169) et devant son Conseil, les fit condamner par Thibaud, comte de Blois, a des confiscations telles qu’elles équivalaient à la ruine totale.
Pons, libère sous condition, voyant qu’il ne pourrait payer les sommes exigées, revint se constituer prisonnier. Ce ne fut qu’en 1171 qu’il obtint des conditions moins rigoureuses et qu’il put revenir à Polignac. L’évêque du Puy, voyant que les conditions étaient encore trop dures et ne souhaitant pas l’anéantissement de la vicomte, accepta en 1173 un arbitrage des évêques de Clermont et de Viviers, que le roi confirma dans la charte de Fontainebleau. L’évêque devait rendre au vicomte la moitié du ≪ monnayage ≫, de la leyde et autres droits de seigneurie, ainsi que les châteaux de Ceyssac, et d’Eyssac en fiefs, ceux de Saint-Quentin et Seneuil sans conditions. De son cote, Polignac restituait à l’évêque ses acquisitions sur les domaines de Beaumont. Les deniers de péage par ≪ trousseau ≫ de la ville du Puy, dont les habitants seraient exonérés, se verraient partages entre l’évêque, le vicomte et le chapitre ; il fut interdit de lever d’autres impôts, de construire de nouvelles forteresses et d’exiger des droits sur les terres du voisin. Philippe Auguste sanctionna cette charte en 1188 et 1192. En 1181, Héracle, à genoux, avait reçu d’un moine la discipline, humiliation qu’il accepta avec un repentir sincère, puis il entra, pieds nus, dans Brioude, versa deux mille marcs au chapitre de cette ville, et lui céda le château de Cusse qui lui fut sur-le-champ rendu en fief ; enfin il fonda le prieuré de Viage. Pons III accompagna Philippe Auguste en Terre sainte en 1190 et mourut avant 1198.
Il avait épouse Guillemette de Ceyssac. Ainsi se termina enfin (1213) la lutte terrible qui avait duré deux siècles. Les droits régaliens que les Polignac avaient possèdes avant la Charte de Raoul se virent partages, la suzeraineté des évêques fut reconnue, première fissure dans l’Etat féodal. Ce fut à Bertrand de Chalencon, alors évêque du Puy, qu’Héracle fit hommage, et Pons IV, son neveu, allant plus loin encore dans l’expiation, reconnut même son patrimoine comme fief de l’évêché : ≪ Soit à tous notoire que nous, Pons, vicomte de Polignac, de notre propre libéralité et franche volonté, non contraint ni force par personne, confessons par notre serment avoir fait fidélité et hommage lige a vous, Bertrand, élu évêque du Puy… ≫ Il ajoutait que si ses deux fils mouraient sans héritier, ce don deviendrait total et définitif, ≪ pour le salut de mon âme et de l’âme de mes parents ≫ (1213). Plusieurs baronnies suivirent son exemple, et a ceux qui résistèrent, comme Montlaur, le roi et le comte du Forez ordonnèrent de rendre le même hommage lige. Les évêques étaient donc suzerains.
Néanmoins ils ne prirent le titre de comtes du Velay qu’en 1405, peut-être pour ne pas froisser la susceptibilité encore à vif des Polignac. Quant aux comptes d’Auvergne, ils avaient depuis longtemps renonce à ce titre. Ainsi fut tournée la page sur toute une époque. La lutte, pour les seigneurs, dut parfois prendre l’aspect d’un drame cornélien, déchires qu’ils étaient entre leur foi vraie et ardente, et le respect du droit féodal. Peut-être certains esprits éclaires pressentaient-ils le danger pour l’Eglise de son avidité des richesses temporelles, qui devait amener la Reforme. Quant aux rois, ils se servaient de tous les atouts dans leur assaut du pouvoir absolu.