Elle était fort jeune lorsqu’elle fut reçue dans le monastère. Ce fut, dit Henriquez, dès la première fleur de sa jeunesse, a primeevo juventutis flore, L’année cistercienne ne parle pas autrement, quoi qu’en d’autres termes: Elle fut pieusement élevée dans cette sainte retraite dès les années de sa première innocence, a primæ innocentiez annis in sacro gynæceo pie educata. Les auteurs de la Gaule chrétienne ne veulent pas faire entendre autre chose, quand ils affirment qu’avant d’être religieuse, elle avait été élève du monastère, ejus quondam coenobii aluinna.
Il semble qu’on est en droit de conclure qu’elle n’avait guère que dix à douze ans et peut-être moins, lorsque sa famille la confia aux pieuses filles de Cîteaux. Enfant docile aux leçons qui lui furent données, aux exemples édifiants dont elle fut témoin, elle contracta, de bonne heure, des habitudes ,d’ordre et de piété. A l’abri des dangers du monde et des plaisirs du siècle, elle sut garder son cœur pur et exempt de toute affection terrestre. Les douceurs du cloître, les charmes de l’innocence qu’elle avait seuls connus, furent aussi les seules joies dont elle voulut jouir. Tout entière à, Dieu, elle se sépara du monde et se donna à la religion sans hésitation comme sans regret. Nous verrons combien son sacrifice fut parfait alors.
Fonctions de Marguerite à la Séauve.
Elle y exerça les fonctions de sacristaine. Jean- Marie de la Mure, le Calendrier de Cîteaux, Philippe Seguin, le Chronicon cisterciense, l’Année cistercienne et dom Chalamot l’affirment de manière que le doute ne soit pas permis sur ce point. L’Année cistercienne nous apprend, en outre, que le soin de la chapelle et des ornements sacrés ne lui fut confié par l’abbesse qu’afin qu’il lui fût plus facile de satisfaire sa piété envers l’auguste sacrement de nos autels. D’après Philippe Seguin, elle ne se serait chargée de cet emploi qu’avec la plus grande humilité. Elle s’en croyait indigne, elle qui cependant le méritait à tant de titres. On peut voir dans les auteurs que je viens de citer comment elle s’acquittait de sa charge. Animée de la foi la plus vive envers le Dieu eucharistique, elle tenait dans la propreté la plus exquise tout ce qui servait à l’oblation sainte. Les linges, les vêtements sacrés étaient, de sa part, l’objet de tous ses soins et de toute sa sollicitude. Elle eut eu honte et eut regardé comme un crime pour elle que la maison de Dieu n’eût pas été dans un état décent.
Marguerite doit être donnée comme un modèle à tous ceux qui sont appelés, de près ou de loin, à exercer les fonctions qu’elle exerçait elle-même dans son cloître. Qui ne lui adressera pas la belle prière que lui fait l’auteur de l’Année cistercienne : Apprenez-
moi à traiter les divins mystères avec des mains et un cœur pur; car ce Dieu, auteur de la pureté, ce Dieu qui scrute les cœurs et les reins, abhorre les moindres souillures.
Doce me puris maibus et corde divina mysteria tractare, nam et minimas sordes aversatur ille puritatis amator, ille scrutans corda et renes Deus.
Paque en cuivre.
Elle est conservée dans la chapelle de la Séauve et porte, gravée, l’inscription suivante:
Les présentes sont pour attester, comme les habitants du château, les habitants des Paulins et des Mures ont, lors de la grande peste de 1628 et 1629, fait vœu de célébrer la fête de sainte Marguerite de la Séauve, à perpétuité, et quoique tout le voisinage en fût infesté, ils en furent entièrement préservés par les mérites de cette Sainte.
Plaque en marbre.
On la voit aussi à la Séauve et on y lit:
Ci-gît le corps de sainte Marguerite, religieuse de l’abbaye de la Séauve.
Pieux usage en l’honneur de sainte Marguerite.
Il se pratique surtout à Monistrol, et consiste à revêtir d’un habit blanc les enfants qui sont atteints de certaines affections maladives et que l’on voue à sainte Marguerite de la Séauve.
On nous présente quelquefois, dit M. le curé de Monistrol, des robes en laine blanche qu’on nous prie de bénir, et qui doivent être portées par de jeunes filles ou par de jeunes garçons, en l’honneur de sainte Marguerite de la Séauve. Je crois que nos bons paroissiens seraient fort étonnés, même un peu scandalisés, si nous ne donnions pas cette bénédiction , reste d’une pieuse coutume, autrefois bien générale, nous a-t-on assuré. (M. le curé de Monistrol.)
Statue en pierre.
Dans la chapelle du château du Flachat, qui a appartenu aux familles de Béjet et de Charbonnel ,les quelles ont fourni plusieurs doyens au chapitre du Puy, il y avait une statue en pierre, représentant la Bienheureuse Marguerite, avec la robe blanche- de l’ordre de Cîteaux. Cette statue existe encore aujourd’hui dans la maison de M. Jean-Louis Souvignet, aux Ages, près Monistrol. (M. le curé de Monistrol.)
Chapelle en l’honneur de sainte Marguerite de la Séauve, à Saint-Maurice-de-Lignon.
Elle fut érigée par les soins et aux frais de la noble et illustre famille de La Tour-Maubourg, sur un terrain qui lui appartenait. Sa bénédiction eut lieu le 9 mai 1729. L’autorité locale avait eu soin d’obtenir préalablement la permission de l’abbé de Béjet, doyen
de la cathédrale. Furent présents à la cérémonie, entre autres, MM. Tollin, curé; Davenas, prêtre fiscal et Boucliet, vicaire. En 93, elle fut détruite par les démagogues. Sa restauration ne s’est opérée qu’en 1854. Je transcris textuellement l’acte qui constate la nouvelle bénédiction qui eut lieu:
L’an 1851 et le 6 octobre, nous soussignés, Jean-Claude Souvignet; curé de la paroisse de Saint-Maurice-de-Lignon, spécialement délégué par Mgr l’Evêque, pour bénir la chapelle de BouilIon, construite aux frais de la noble famille de La Tour-Maubourg, sous le vocable de sainte Marguerite de la Séauve, avons procédé à cette cérémonie, conformément à ce qui est prescrit dans le Rituel, en présence de MM. César de Fay de La Tour-Maubourg, marquis; Jean Bruyère, des Chabaneries, Joseph Gueyton, Jean-Claude Mutuon, Maurice Gidon et Jacques Jourda, de Cubliaise, lesquels ont signé avec nous.
Selon la tradition accréditée à Saint-Maurice et dans les environs, sainte Marguerite aurait passé par là et se serait reposée auprès d’une fontaine encore existante. Ce pèlerinage est très-fréquenté, surtout pendant l’été. On boit de l’eau de la fontaine et on s’en frotte les membres affectés.
Chapelle de la Séauve.

Il ne peut être question de l’ancienne chapelle qui avait servi à l’usage des Cisterciennes. Il ne reste rien de ce monument qui était vaste et beau; d’après les auteurs de la Gaule chrétienne. Il fut démoli de fond en comble par Bonnet de Treiches, conventionnel, dès qu’il en fut possesseur. Il ne s’agit que du petit oratoire qui existe de nos jours. Sa construction est due. à M. Royer, de Saint-Etienne et eut lieu en 1825. On le bénit 1832. Comme le précédent, il est sous le vocable de Sainte-Marguerite de la Séauve et un lieu de pèlerinage très-fréquenté.
Tableaux représentant sainte Marguerite de la Séauve.
Il en existe quatre, un à l’église paroissiale de Saint -Didier, un autre à la petite chapelle de la Séauve, deux à l’église des Pénitents. Ces quatre toiles sont sans nom d’auteur et sans date. Elles Représentent les circonstances principales de la vie de la Bienheureuse Marguerite. On voit sur l’une son entrée à la Séauve; une autre représente une extase; la troisième rappelle un fait merveilleux qui n’est relaté dans aucun auteur, mais qui est arrivé à la postérité par la tradition. Il s’agit d’un orage qui éclate sur le monastère, de suite après l’expulsion de Marguerite, tandis que le soleil brille dans tous les alentours. La tradition voit dans ce fait une punition de Dieu exercée contre les religieuses du couvent qui avaient chassé Marguerite, à cause de ses infirmités. On voit enfin, sur la quatrième, son entrée au ciel.
Fontaines sous le vocable de sainte Marguerite de la Séauve.

1° Fontaine au-dessus de la Séauve, sur le versant nord. On ne sait à quelle époque on l’a entourée de murs et construit le tout petit oratoire qui lui est superposé. C’est là que les pèlerins se rendent après leur visite à la chapelle de l’abbaye. Le peuple croit que l’eau de la fontaine a la vertu de faire disparaître les gales et les autres éruptions cutanées. La croyance que Marguerite, chassée du couvent, se serait retirée auprès de cette fontaine et aurait été guérie en s’y lavant, est très-vive encore dans les environs.
2° Fontaine dans la paroisse d’Yssingeaux, près du pont de la Sainte. C’est à peu près la même chose qu’à la Séauve. Une fontaine et un pauvre oratoire au-dessus, avec une statue plus pauvre encore. On y vient de tous les lieux circonvoisins. Je ferai remarquer cette dénomination de Pont de la Sainte, que beaucoup croient être la véritable, contrairement à quelques-uns qui disent: Pont de l’Enceinte. Cette dernière est inexplicable; la première s’explique par le passage de Marguerite dans ces parages. Le pont aurait été dénommé ainsi en commémoraison de ce voyage. On dit aussi qu’une petite niche pratiquée sur l’ancien pont renfermait une statue de sainte Marguerite de la Séauve.
3° Fontaine à Saint-Maurice-de-Lignon. Elle est tout près de la chapelle érigée en l’honneur de Marguerite et l’objet du même culte. Il serait difficile de dissuader les fidèles de la vertu que possède l’eau de cette source.
Pierre de Sainte-Marguerite.

Elle se voit à la Brosse, près de Tence. Les populations se rendent à cette pierre comme à une espèce de pèlerinage. C’est notre héroïne qu’ils vont vénérer dans ce lieu.
Fête de sainte Marguerite de la Séauve.
D’après le monitoire dont il a été question, il est incontestable qu’elle se célébrait à la Séauve, le 3 février. Henriquez, dom Chalamot, le Calendrier de Cîteaux la fixent au 13 des calendes d’août, date qui répond au 20 juillet. L’Année cistercienne et le Journal des Saints de Cîteaux pour l’abbaye de Tart, la donnent pour le 24 juillet. Cette divergence s’explique. Les deux derniers ouvrages ne parlent de la fête que pour l’abbaye de Tart. Elle pouvait se célébrer ce jour-là dans ce monastère, quoiqu’elle se célébrât ailleurs un autre jour. Pour ce qui regarde la Séauve, il est certain qu’on y honorait publiquement et solennellement sainte Marguerite et le 3 janvier et le 10 juillet. Les vieillards parlent surtout de celle qui avait lieu à cette dernière époque. Il est très-probable que c’était là et l’anniversaire de sa mort et celui de la translation de ses restes mortels. On dit que des paroisses entières se rendaient en procession à la Séauve, au 20 juillet. Cette assertion me paraît gratuite; du moins, m’a-t-il été impossible d’en trouver une trace quelconque. Une seule chose est prouvée, c’est que, ce jour-là, le concours des populations était considérable. Depuis la fermeture des couvents, en 93, il n’est plus question de ces. fêtes; soit à cause de la dispersion des religieuses et de la destruction de l’église du monastère, soit à cause de la perte des restes mortels de Marguerite. Il y aurait à examiner si ces fêles se célébraient légitimement et avec l’autorisation de l’autorité compétente. Pour mon compte, je ne puis croire qu’il n’y ait eu là que de l’arbitraire. Ces fêtes ne reviendront-elles pas? Elles reviendront, si on le veut et si on y met du zèle.