Il est certain d’abord que le monastère de la Séauve, était de la filiation de celui de Mazan, en Vivarais, et tenait son origine de ce dernier. Voici ce qn’on lit au tome II, page 432, de l’Histoire générale du Languedoc : « Les quatre abbayes de Mercoir, en Gévaudan, de Bellecombe, de Séauve-Bénite, de Clavas, en Velay, doivent leur origine à l’abbaye de Mazan, en Vivarais et sont de saflliation. « Le Gallia Christiana dit la même chose. On voit, au reste, les abbés de Mazan intervenir souvent, soit pour confirmer les acquisitions faites au nom du monastère, soit pour remplir d’autres fonctions inhérentes à leur dignité et qui dénotent leur supériorité. D’après le Christiana Vetus, l’abbaye de Mazan était fille de celle de Bonneval, diocèse de Viviers et fut fondée le 3 des calendes de novembre 1119.
Un autre point parait pareillement établi, c’est qu’on a aucun monument certain du monastère de la Séauve, avant 1223. L’iHstoire du Languedoc, la Gaule chrétienne ne donnent rien qui soit antérieur à 1228. Un dictionnaire de statistique religieuse, qui forme le neuvième volume de la Nouvelle Encyclopédie religieuse, publiée par M. Migne, dit néanmoins que le couvent de la Séauve fut fondé avant 1228. Nous devons aux savantes recherches du révérend père Fita, de la compagnie de Jésus, la date plus ancienne que je viens de donner. Aux Tablettes historiques de la Haute-Loire, n° 5, page 169, l’illustre paléographe cite un testament de Guillaume de Chapteuil, daté de 1223, 25 juin. Le testateur y donne à la maison de la Séauve C. solidos et à celle de Clavas un libras .
Il semble hors de doute que les premières religieuses qui vinrent dans cette partie extrême du Velay sortaient du monastère de Bellecombe et en étaient comme une colonie. Pour peupler la Séauve, les abbés de Mazan ne pouvaient aller chercher loin ce qu’ils avaient tout près, dans le Velay même. Or la maison de Bellecombe ayant été formée vers 1148, il n’est pas présumable qu’elle ait mis si longtemps à en former d’autres. Dans ces temps de foi, l’ébranlement se produisait vite et la main était bientôt à l’oeuvre. Il parait, au reste, que l’institut de Citeaux pour les femmes répondait à un besoin réel de la société. Les familles seigneuriales le comprirent de suite et le favorisèrent de tout leur pouvoir. On peut donc avec raison placer la fondation de la Séauve vers le commencement XIII siècle. Je dirai plus tard, en parlant de Bellecombe, que le premier monastère fut bâti au Suc-Ardu, dans un des vallons du Mégal et que de graves raisons le firent transférer en suite à Bellecombe, vers l’an 1210. Or, serait on téméraire de présumer que , lors de cette translation, le personnel se divisa en deux parts dont l’une vint habiter le nouveu monastère et l’autre forma la colonie qui fut envoyée à la Séauve? J’inclinerais pour cette hypothèse et placerais, par conséquent, la fondation de la Séauve-Bénite, vers 1210.
On peut regarder comme certain que les comtes de Forey furent les fondateurs de l’abbaye de la Séauve. L’histoire générale du Languedoc, Arnaud, dans son Histoire du Velay, tome I, page 158, le disent expressément. La question devient difficile à résoudre quand il s’agit de donner le nom de celui qui accorda la charte de fondation et fit les premières donations au monastère. Si l’on accepte la date que j’ai donnée tout-à-l’heure, on est forcé d’admettre que ce fut Guy IV qui fonda l’abbaye. Auguste Bernard, dans son Histoire du Forey, donne à ce comte le titre de Pieux. Il parait, en effet, qu’il se distingua par les sentiments pieux qui l’animèrent et les établissements religieux qu’il fonda. A peine à la tête du comté, il s’occupa activement de la construction de l’église de Notre-Dame à Montbrison. On y travailla, sans relâche, pendant onze ans. Après cet espace de temps on put enfin y célébrer le culte, mais ce ne fut que longtemps après que l’église fut entièrement finie.
Guy IV fonda encore, pendant son administration, la maison religieuse des Pénitents de Montbrison, qui s’éteignit deux siècles après et plusieurs églises du côté des montagnes de l’Auvergne, comme celles de Verrières, de Chazelles, de Gumières, etc., etc.
Un des prédécesseurs de Guy IV, Guy II, s’était pareillement fait remarquer sous le même rapport. Il avait fondé et doté, entr’autres, les abbayes de Valbenoîte, de Bonlieu et de la Bénissons-Dieu. Cette dernière tirait son nom de l’exclamation que poussa saint Bernard en découvrant ce beau site : Benedicamus Deo, Praires. Parmi les bienfaiteurs du second ordre il faut compter surtout les diverses générations de la noble et ancienne famille de Saint-Didier.
Amphelise de Chalencon, épouse de messire Joucerand de Saint-Didier et fille de Bertrand de Chalencon, par son testament du lundi après la fête de saint Michel, 1266, élit expressément sa sépulture à l’église de la Séauve, légue au monastère cinquante sols viennois de revenu ou cinquante livres de viande, au choix de son héritier, pour la célébration d’un anniversaire qui se doit faire tous les ans, le même jour de son trépas et veut que le jour de son enterrement il soit donné deux sols à chacune des religieuses de l’abbaye.
Messire Jousserand, époux d Amphelise et fils de Guigon de Saint-Didier et d’Isabelle de Clérieu, par son testament daté de l’an 1279, élit pareillement sa sépulture au monastère de la Séauve, à la condition toutefois que le procès qui existe entre lui et l’abbesse sera terminé après un an, à partir du jour de sa mort. Si la condition s’exécute les Cisterciennes recevront le legs fait par Amphelise et, en outre, 1 cent livres viennoises qu’il donne lui-même pour être fait une acquisition de cent sols viennois de rente à l’effet de fonder un anniversaire qui se fera chacun an et le jour même de son décès; 2 autres cinquante livres viennoises qui jointes au legs de sa femme produiraient une rente de cent sols pour deux anniversaires qui seront célébrés, l’un pour son père, le lendemain de la circoncision deN. S., et l’autre le lendemain de sainte Lucie. Si la condition en se remplit pas, il veut être ensépulturé au prieuré de Dunières.
A l’exemple de son père Jousserand et de sa mère Amphelise , Alexandre de Saint-Didier, époux d’Agnès de Chaylas, élit sa sépulture au couvent de la Séauve et pose les mêmes conditions que son père. Il ne doit être enseveli à la Séauve que si le procès existant est terminé un an après son décès. Son héritier le fera enterrer où bon lui semblera si l’accord n’intervient pas. Si, au contraire, les contestations finissent, il donne à l’abbaye cent livres viennoises pour une fois ou cent sols viennois chacun an. Dans ce second cas, il entend que tous les legs faits par ses prédécesseurs soient intégralement payés au monastère sauf l’accomplissement des anniversaires imposés. A son enterrement, chaque religieuse recevra trois tournois de gros argent ; 1327.
En 1367, testament de messire Jousserand, fils d’Alexandre et d’Agnès du Claylas, marié, en première noces, à Thiburge, fille d’Alais, dame de Lapte, et en deuxième noces, à Quérine, dame de Saint -Romain- de- Val -Mordane. Ce testateur ordonne qu’il soit ensépulturé en l’église du monastère de la Séauve, au devant du grand autel, en la tombe qu’il à fait construire et dans laquelle il a fait apporter les ossements de son père et de quelques-uns siens parents. Il donne au couvent cinquante sols de pension, annuellement pour la fondation d’un anniversaire. Il entend qu’après la célébration de la messe conventuelle, les cloches sonnant, les portes du choeur ouvertes, le prêtre étant revêtu de ses habits sacerdotaux, le de profundis soit chanté à haute voix, et après le kirie eleison, par trois fois soit fait aspersion d’eau bénite sur ladite tombe avec le Pater noster et les deux oraisons des trépassés. Il donne encore audit monastère cinquante sols de pension annuelle payable, vingt-cinq sols le lendemain de la fête des âmes de la Noël, et vingt-cinq sols le lendemain de la fête des âmes de la Toussaint, à la charge pour le monastère de célébrer, à chacun des jours spécifiés, une messe des trépassés à haute voix, avec diacre et sous diacre, et la messe dite et les portes du choeur ouvertes, chanter sur la tombe des seigneurs de Saint-Didier un service semblable à celui ci-dessus.
Le dernier membre de cette famille qui intervient comme bienfaiteur est Guiote de Saint-Didier, fille d’Alexandre et d’Agnès de Chaylas. Elle fut mariée en premières noces au seigneur de Gyris, et en secondes noces, àMessire Odibier,seigneur de Châteauneuf et de Saint-Quentin.
Par son testament daté de l’an 1373, elle élit sa sépulture dans la chapelle de la Séauve , et donne aux religieuses cinquante florins d’or pour une fois, pour la célébration de quatre anniversaires perpétuels en ladite église, chacune année, l’un à la conception de Notre-Dame, le second au même jour que son corps sera mis en sépulture, le troisième à la fête de la Purification de Notre-Dame, et le quatrième le lendemain de la fête de Sainte-Marguerite, vierge.
Si son héritière universelle, Thiburge de Saint-Didier, sa petite nièce, fdle de Pierre de Saint-Didier, dit Testard, vient à mourir sans enfants, elle lui substitue le monastère.
Elle ordonne que son héritière institue un prébandier pour le service de la chapelle de Saint-Didier, en l’église de la Séauve. Pour la dotation de cette chapelle, elle fait don de cinquante florins or pour une fois, pour être acquis, rentes et pensions, pour ladite chapelle. Elle entend que la collation de ce bénéfice appartienne à son héritière et à ses hoirs et successeurs.
Elle donne encore au dit monastère un calice d’argent pour servir à la chapelle de Notre-Dame.
Quels furent les autres bienfaiteurs de l’abbaye ? Il n’a pas été en mon pouvoir de le découvrir. Il n’y a pas à douter qu’ils furent nombreux. Les familles nobles tenaient singulièrement à ces établissements et se faisaient une gloire de participer à leur entretien et à leur prospérité. Elles regardaient surtout comme un honneur d’avoir leur tombe dans leurs églises respectives.
NOTES HISTORIQUES
Sur
LES MONASTÈRES
DE LA SÉAUVE
BELLEGOMBE, GLAVAS ET MONTFAUCON
THEELLIERE, curé de Retournaquet