Le Velay, avant l’an 1790, époque d’une nouvelle division de la France en départements, était cette contrée méridionale dont on forma avec une partie de l’Auvergne et quelques paroisses du Gévaudan, du Vivarais et du Forez, le département de la Haute-Loire. Le Velay, depuis le XIIIe siècle jusqu’alors, fut du gouvernement de Languedoc. Il se régissait par des états particuliers, dont la composition peut être comparée, sous plusieurs rapports, à celle des états généraux de cette belle et vaste province.
La ville du Puy fut toujours la capitale du Velay depuis que St. Vosy, évêque du pays, y transféra, vers la fin du VIe siècle, le siège épiscopal qui était alors à Saint Paulien, l’ancien Ruessium et la capitale de la cité des Velaunes du temps des Romains.
LE Velay, dans les temps les plus reculés, faisait partie du pays des Celtes, nom général donné aux habitants de la Gaule. Dans la suite les Romains ayant observé que les trois différents peuples qui l’habitaient, avaient chacun sa langue, ses mœurs, ses lois, ses coutumes particulières, et l’ayant à raison de cela distinguée en trois parties, appelées la Belgique, l’Aquitanique et la Celtique proprement dite, le Velay se trouva compris dans cette dernière. Il l’était également dans celle des deux grandes divisions de la Gaule, connue sous le nom de Gallia comata, Gaule chevelue, de la chevelure que les peuples qui habitaient cette division, prenaient grand soin de laisser croître.
An de Rome 696. L’Histoire ne nous a transmis aucun événement concernant le Velay, jusqu’à l’an de Rome 696 que Jules César, ayant obtenu le gouvernement de la Gaule Transalpine ou Province-Romaine, et le commandement de quatre légions pour cinq années, commença la conquête des Gaules. A cette époque, les peuples du Velay étaient, ainsi que ceux du Gévaudan, du Rouergue et du Quercy, sous la dépendance et le gouvernement des Auvergnats, ce qui changea dans la suite; car du vivant de Strabon, qui florissait sous l’empire d’Auguste et sous celui de Tibère, les Velaunes ou peuples du Velay se gouvernaient par eux-mêmes.
Ces peuples appelés Vellavi ou Velauni par les anciens, étaient séparés des Helviens ou habitants du Vivarais, par les montagnes des Cévennes. Ceux-ci étaient compris dans l’étendue de la Province-Romaine, quoique soumis à un prince de leur nation. Leur principale ville était Alba Augusta, qu’on croit être la ville d’Alps, située à deux lieues au nord-ouest de Viviers. Les Velaunes avaient aussi pour voisins les peuples du Gévaudan, les Auvergnats et les Segusiens ou habitants du Forez.
La principale ville des Velaunes, dont les anciens nous ayant laissé quelque connaissance, est Revessio, Ruessio ou Ruessium, qui fut appelée ensuite Vallava, Civitas Vellavorum ou Civitas Vetula. On ne doute pas que cette ville ne fût située au lieu où est aujourd’hui St-Paulien, à deux lieues et demie du Puy : les distances de l’itinéraire de Théodose, mais plus encore les inscriptions et autres antiquités qu’on y a découvertes, même dans ces derniers temps, ne laissent aucun lieu d’en douter.
On connaît dans l’ancien pays de Velay, par le même itinéraire de Théodose, le lieu l’AquisSegete, situé à huit mille de Feurs en Forez du côté de St-Didier, et sur les frontières de ce dernier pays ; celui d’Icidmago à vingt-cinq mille de Feurs et à quatorze de St-Paulien ou Revessio, et qu’on croit être le même que la ville d’Yssingeaux ; et enfin le lieu de Condate An de à douze raille de Revessio, du côté à peu près où est à présent le lieu de Saint-Privat.
Tel était l’état du Velay lorsque Jules César entreprit la conquête des Gaules.
Les peuples des Gaules étaient partagés en cantons ou pays, connus chez les Romains sous le nom de Cité. Chaque canton ou cité était dans une espèce de dépendance de l’une ou l’autre des deux factions générales qui partageaient toute la nation gauloise, dont les principaux peuples avaient tour-à-tour l’autorité et le commandement sur tous les autres. Les Auvergnats étaient alors chefs de l’une des factions, et les Eduens ou Autunois, chefs de l’autre La cité des Velaunes était, sous la dépendance et le gouvernement des Auvergnats.
An de Rome 703. La forme du gouvernement était aristocratique, et le chef de la république un souverain magistrat ou petit roi, élu tous les ans, ayant sous lui des officiers subalternes. L’élection se faisait dans l’assemblée générale, où étaient aussi admises les femmes, qui y donnaient leur avis. Les affaires particulières se traitaient dans les assemblées de cité ou peuple; mais dans ces assemblées comme dans les générales, la masse du peuple, qui était en quelque sorte sous la dépendance et l’autorité des grands, en était exclue ; de manière qu’elles étaient composées des druides et des chevaliers. Les premiers étaient chargés de tout ce qui avait trait à la religion et à la justice et les chevaliers, s’occupaient uniquement de ce qui concernait la guerre ; ceux-ci s’y rendaient suivis de Leurs vassaux ou clients auxquels ils commandaient.
Les Gaulois, à ce qu’il paraît, n’avaient qu’une femme. Avant la célébration des noces, le mari lui assignait pour douaire autant qu’elle apportait en dot; tout était mis en commun et appartenait au dernier survivant avec les revenus qui en provenaient. Les maris avaient pouvoir de vie et de mort sur leurs femmes aussi bien que sur leurs enfants. Ces derniers ne paraissaient en public que lorsqu’ils étaient en âge et en état de porter les armes. Ces mêmes enfants servaient leurs pères à table dans les repas, qu’ils prenaient à terre sur des peaux et auprès d’un foyer où ils faisaient cuire de gros morceaux de viande. Leurs repas étaient souvent suivis de quelque dispute ou de quelque combat particulier. Ils couchaient à terre sur des peaux.
L’esprit de ces peuples était délié et propre aux sciences ; aussi avaient-ils soin de les cultiver, et en particulier la langue grecque. Elle était si commune parmi eux, qu’au rapport de César et de Strabon, ils écrivaient les actes et les contrats publics en cette langue. Il nous reste encore une main symbolique, trouvée dans les Gaules, sur laquelle on lit une inscription grecque, dont le sens indique l’union des peuples du Velay avec les Auvergnats leurs voisins. Cette inscription est composée de ces mots : symbolon pro’s Ovelaunious.
L’un des devoirs des druides, qu’on accusait d’usure et d’avarice, était d’instruire la jeunesse dans la théologie, la philosophie, la physique, l’astronomie.les druides s’appliquaient aussi à la médecine. On sait la vénération que ces prêtres gaulois et le reste de la nation avaient pour le chêne, et pour le gui qui croissait sur cet arbre. Il y avait encore des druidesses qui s’appliquaient à l’art des augures comme les druides, et se mêlaient de prédire l’avenir. Les Gaulois avaient leurs poètes, qu’ils appelaient Bardes, et qu’ils recevaient avec honneur dans toutes les compagnies ; on cessait même de parler, pour avoir le plaisir de leur entendre réciter les vers qu’ils avaient composés.
Au rapport de Pline, les Gaulois réglaient leur temps, non par le cours du soleil, mais par celui de la lune. Ils en marquaient la durée par les nuits, et non par les jours, parce qu’ils se prétendaient descendus de Pluton. De nos jours même, dans le Velay, le mot aneui, dérivant de neui qui veut dire nuit, signifie aujourd’hui. Les Gaulois étaient francs et ennemis du déguisement ; leurs discours étaient laconiques, mais obscurs, parce qu’ils abondaient en figures et en hyperboles. Ils étaient si intrépides, qu’ils ne fuyaient point devant les flots de la mer quand ils étaient surpris par la marée, et ne sortaient pas d’une maison prête à tomber ou que le feu allait réduire en cendres. Ils joignaient à de grandes vertus des vices grossiers. Du moins, selon quelques historiens, ils étaient sujets à l’ivrognerie et d’autres vices encore plus infâmes ; on leur reproche aussi l’amour déréglé de l’argent et du pillage dont ils donnèrent effectivement des marques. Naturellement curieux, ils étaient amateurs des nouveautés, et n’aimaient pas moins à se louer eux-mêmes, qu’à parler des autres avec mépris. . Il nous reste un grand nombre de médailles ou monnaies gauloises : les plus anciennes sont d’un goût très-barbare et d’un fort mauvais métal, qui paraît être un alliage de cuivre, d’étain et de plomb.
Les funérailles des Gaulois étaient magnifiques. Ils brûlaient les corps morts, et avec eux les meubles les plus précieux, les Esclaves, les clients et les animaux même pour lesquels ils avaient témoigné plus d’inclination et d’attachement pendant leur vie.
DOMINATION DES ROMAINS.
- CÉSAR OCTAVEayant été informé de divers mouvements qui s’étaient élevés dans les Gaules depuis leur soumission aux Romains, et qui furent dissipés par le gouverneur Messala, et après avoir reçu du peuple et du Sénat romain le titre d’Auguste, se rendit à Narbonne. Il y convoqua l’assemblée générale des Gaules, afin d’établir dans ces provinces l’ordre et la police, ce que les guerres qui avaient suivi les conquêtes de Jules César dans ce pays n’avaient pas encore permis. Dans cette assemblée, Auguste, sans changer la division que le même César fait des Gaules, en Belgique , Aquitanique et Celtique, outre la Province-Romaine ou Gaule Narbonnaise qui faisait une quatrième partie, érigea chacune des trois premières en province, au lieu qu’auparavant elles ne formaient qu’une seule province romaine. La Belgique et l’Aquitanique conservèrent leurs anciens noms la Celtique prit celui de Lyonnaise, de Lyon sa métropole. Cet empereur changea alors les limites de cette dernière, dont il démembra une grande partie qu’il joignit à l’Aquitanique, pour donner à celle-ci une étendue proportionnée aux trois autres. Il lui unit quatorze peuples qui habitaient entre la Garonne et la Loire, et qui auparavant étaient de la dépendance de la Celtique. Du nombre de ces peuples furent ceux du Velay et du Gévaudan. Ainsi le Velay, qui jusqu’alors faisait partie de la Celtique, fut désormais compris dans l’Aquitanique.
An 201 de J-C. L’empereur Claude, qui était natif de Lyon, obtint à Rome que les Gaulois des trois provinces conquises par Jules César fussent admis au sénat. Ainsi l’honneur d’y remplir la dignité de sénateur, qui jusque-là n’avait eu lieu que pour ceux de la Narbonnaise, fut accordé dès lors aux Gaulois de la Gaule chevelue, dans laquelle était compris le Velay. Quoique sous le règne de Caracalla ceux qui professaient le christianisme fussent persécutés, cet empereur accorda à toutes les provinces des Gaules le droit de bourgeoisie romaine. Par cette concession le droit romain devint le droit commun de l’empire, et il n’y eut presque plus de différence dans les provinces entre le droit des colonies, celui des villes municipales ou qui jouissaient du droit latin et italique, et celui des villes assujetties au droit provincial.
- Les provinces des Gaules, autres que la Narbonnaise, furent jusqu’à l’empire d’Alexandre Sévère, appelées prétoriennes parce qu’elles étaient gouvernées par des préteurs. Ce prince en confia le commandement à de simples présidents, ce qui les fit nommer présidiales. Le pouvoir de ces présidents se bornait à la seule administration de la justice : le commandement des troupes était entre les mains d’un autre officier. Alexandre accorda aux chrétiens la liberté de leur culte.
- Sous le règne de Valérien, l’empire fut divisé en préfectures, dont l’une comprenait à la fois les Gaules et l’Illyrie. Constantin, devenu maître de tout l’empire ;330, en fit une nouvelle division en quatre préfectures : les Gaules en formèrent une, de laquelle dépendaient l’Espagne et l’île de Bretagne. La charge de préfet, qui auparavant était militaire, devint alors purement civile, et fut bornée à la seule administration de la justice et des finances. Les préfets étaient regardés cependant comme les premiers officiers de l’état, et leur autorité égalait presque celle des empereurs. Le préfet des Gaules choisit Trêves pour sa résidence. Il avait quatre vicaires, qui sous ses ordres administraient chacun un diocèse de sa juridiction, savoir : l’Espagne, l’île de Bretagne, An33″ les Gaules proprement dites, et les cinq provinces des Gaules, du nombre desquelles était l’Aquitanique, qui comprenait le Velay. Chaque province était gouvernée par un proconsul ou par un président dont les appellations étaient portées en dernier ressort au préfet : on ne pouvait appeler des jugements de ce dernier.
DOMINATION DES VISIGOTS.
LE Velay ayant ainsi passé sous la domination d’Euric, ce pays fit partie des états des rois des Visigots jusqu’en l’an 533.
An 473 de J-C. Euric, après ces succès, continua ses conquêtes dans les Gaules, à la faveur des troubles qu’avaient occasionnés dans l’empire la déposition et la mort de l’empereur Anthème, le court règne d’Olybrius, l’interrègne qui avait suivi et l’élection de l’empereur Glycerius. Ce roi des Visigots se rendit maître, sans obstacle, du Berri et de la Touraine. De là il porta ses armes victorieuses dans’ l’Auvergne ; c’était la seule province de l’Aquitaine qui lui restait à soumettre; ses troupes la ravagèrent, et il mit le siège devant Clermont; mais il fut obligé de le lever.
- Il rentra, la campagne suivante, dans l’Auvergne, et y fit de nouveaux ravages, ce qui obligea enfin l’empereur Nepos(475)à faire la paix avec ce roi conquérant. Depuis ce traité, Euric eut la paisible possession de la Narbonnaise première, des trois Aquitaines y compris la Novempopulanie, et en particulier de l’Auvergne, qui faisait partie de la première Aquitaine. On conjecture que l’empereur Nepos lui céda non seulement toutes les nouvelles conquêtes qu’il avait faites, et l’Auvergne dont il n’avait pu se rendre maître, mais encore le domaine absolu sur tous ses états ; en sorte que ce roi des Visigots eut la satisfaction qu’il souhaitait depuis longtemps d’avoir la Loire, le Rhône, la mer Méditerranée, les Pyrénées et l’Océan pour bornes de ses états dans les Gaules,(an 475 de J-C) et que lui et ses successeurs régnèrent despot1quement sur tout ce pays.
Euric envoya aussitôt le duc Victorius pour prendre possession de l’Auvergne, qui lui avait été cédée par son traité avec l’empire. Ce prince avait nommé ce seigneur quelque temps auparavant, duc ou gouverneur général des sept cités ou peuples de l’Aquitaine première qu’il avait déjà soumis, et qui, avec le pays d’Auvergne, composaient toute cette province. Du nombre de ces sept cités ou pays, était le Velay. Victorius, outre l’autorité qu’il avait en qualité de duc de toute l’Aquitaine première, fut pourvu du gouvernement particulier ou comté d’Auvergne, et fixa sa résidence habituelle à Clermont : il gouverna pendant neuf années consécutives.
La nation française également puissante et belliqueuse était composée de différents peuples de la Germanie, d’où elle tirait son ancienne origine. Ces Germains, qui dès le IIIe siècle étaient déjà connus sous le nom de Francs, s’étaient rendus célèbres depuis longtemps par leurs excursions dans les Gaules, leurs exploits militaires et les marques de valeur qu’ils avaient données en différentes guerres qu’ils avaient soutenues, soit pour leur propre défense, soit en faveur de l’empire qu’ils avaient souvent servi en qualité d’auxiliaires(an486 de J-C). Ces Francs ou Français, à qui on donnait ainsi qu’à plusieurs autres peuples le nom de Barbares, profitant des désordres et de la décadence de l’empire d’Occident, s’emparèrent d’abord des provinces des Gaules situées le long du Rhin, et qui étaient à leur voisinage et à leur bienséance.
Clovis régnait alors sur une grande partie de ces peuples. Dans le dessein d’étendre les limites de ses états, après avoir entièrement défait près de Soissons Syagrius, général romain, qui avait sous son autorité une grande partie des pays situés entre la Seine et le Rhin, il porta ses armes victorieuses dans le reste de la Belgique ; il étendit ensuite ses conquêtes jusqu’à la Loire, et par conséquent jusqu’aux frontières du royaume des Visigots.
Alaric, alarmé de la rapidité des victoires de Clovis et surtout de son voisinage, se ligua avec Théodoric> roi des Ostrogots. L’union de ces deux princes n’empêcha pas Clovis de déclarer la guerre à Alaric.
An 507 de J-C. Il entra dans la Touraine à la tête de ses troupes, s’avança jusqu’à Vouglé dans le Poitou, où était campée l’armée d’Alaric, et lui livra bataille. Alaric y fut tué, et son armée presque entièrement taillée en pièces.
Clovis, après cette fameuse journée, partagea son armée en deux corps, se mit à la tête de l’un, et donna le commandement de l’autre à Thierri son fils. Ce dernier, après avoir conquis le Quercy, le Rouergue et l’Albigeois, porta ses armes dans l’Auvergne, et soumit à l’empire français toute la partie de l’Aquitaine qui était de ce côté-là jusqu’aux frontières des An 5o7 Bourguignons, c’est-à-dire, jusques vers le Rhône et la Loire. Le Velay tomba alors au pouvoir des Français; mais ils ne conservèrent pas longtemps cette partie de leurs conquêtes, comme nous le verrons ci-après.
Les Bourguignons, qui étaient ligués avec Clovis par un traité, le secoururent puissamment dans cette guerre, et ils avaient déjà fait en sa faveur une irruption dans l’Auvergne, où, après s’être emparés de la ville de Brioude, ils avaient pillé la célèbre église de St Julien; mais Allire étant venu du Velay avec un corps de troupes, les avait mis en fuite et avait repris sur eux le butin qu’ils avaient fait.
Tandis que Thierri était occupé à ces expéditions, Clovis soumettait l’autre partie de l’Aquitaine jusqu’à la Garonne. Ce roi des Français se rendit maître (508). L’année suivante de la Novempopulanie, qu’on appela dans la suite Gascogne, et entra dans Toulouse qui se soumit volontairement. Il mit ainsi fin au royaume de Toulouse, qui subsistait depuis quatre-vingt-neuf ans.
Les armes de Thierri n’eurent pas le même succès du côté d’Arles : les Français furent entièrement défaits par Ibbas, général des Ostrogots, que Théodoric leur roi avait envoyé d’Italie, à la tête d’une armée, au secours des Visigots. Ibbas, profitant de sa victoire sur Thierri, reprit Narbonne et presque toute la Narbonnaise. Ce général reprit aussi sur les Français le Gévaudan et le Velay (an 509 de J-C), qu’il remit sous l’obéissance des Visigots, deux ans après leur avoir été enlevés par Thierri.
- Les ayant enfin terminées, il déclara la guerre aux Visigots, mit une armée sur pied et en confia la conduite à Théodebert son fils. Ce jeune prince s’étant mis en campagne, se rendit maître successivement et presque sans résistance de Rodez et du Rouergue, de Lodève et de son diocèse, du Gévaudan et duVelay, qui passèrent dès-lors de la domination des Visigots sous celle de Thierri roi de Metz ou d’Austrasie.
Avant de reprendre le cours des évènements, je parlerai de la religion, des lois et des mœurs des habitants du Velay sous les rois des Visigots.
Lorsque les Visigots se furent rendus maîtres du Velay, ses anciens habitants, c’est-à-dire, les Romains ou Gaulois d’origine, furent maintenus par ces peuples dans l’usage de leurs lois et l’exercice de leur religion. Ils contractèrent cependant peu à peu la barbarie de leurs mœurs, par le commerce habituel qu’ils étaient obligés d’avoir avec eux.
Soit que les Visigots en maintenant d’abord les anciens habitants du Velay dans l’exercice de leur religion, n’eussent pas le dessein de les en laisser (An 533) jouir en toute liberté, soit que les rois des Visigots ne fussent pas toujours dans les mêmes dispositions envers eux, soit enfin que ceux-ci se fussent dans quelque circonstance attiré des rigueurs, ils furent contrariés dans leur attachement à la foi catholique par quelques-uns de ces princes. Il s’était à peine écoulé trois ans depuis que le Velay avait passé sous la domination d’Euric, que ce roi des Visigots, au rapport de Sidoine Apollinaire alors évêque de Clermont, persécutait ouvertement les catholiques de ses états, et son zèle pour l’arianisme dont il faisait profession, était si outré, qu’il donnait lieu de douter s’il cherchait moins à étendre sa domination en soumettant les villes des Romains, qu’à éteindre leur religion. Cet auteur ajoute que ce prince fit emprisonner un grand nombre d’ecclésiastiques, et fit souffrir la mort ou l’exil à quelques-uns ; qu’il refusa de permettre de remplir le siège de plusieurs évêchés vacants; en sorte que quelques églises, entre autres celle du Gévaudan, restèrent longtemps sans évêques. Euric fit encore boucher d’épines les portes des églises dans l’espérance d’éteindre la religion dans le cœur des fidèles, par la difficulté de fréquenter les assemblées ecclésiastiques autant que par la disette de prêtres. Euric traita ensuite les catholiques avec moins de rigueur. Alaric, beaucoup plus modéré et moins zélé pour sa secte qu’Euric son prédécesseur, laissa aux églises catholiques de ses états, la liberté de choisir leurs évêques, et à ceux-ci celle de tenir des conciles.
Par cette conduite la paix et la justice régnèrent dans son royaume ; mais il maltraita plusieurs évêques : il paraît cependant que ce fut moins par attachement à sa secte que sur le soupçon d’infidélité de leur part, qui put n’être pas toujours sans fondement.
Malgré l’attachement des rois des Visigots à l’arianisme, et les contrariétés que quelques-uns d’eux firent essuyer à leurs sujets catholiques dans l’exercice de leur religion, les anciens habitants du Velay restèrent constamment attachés à leur foi tant qu’ils furent sous la domination de ces princes.
Chacun des deux peuples, des anciens habitants et des Visigots, parlait son langage particulier. La langue celtique ou gauloise était encore en usage à la fin du Ve siècle parmi les habitants du pays : ceux-ci parlaient cependant plus communément alors la langue latine qui leur était devenue comme naturelle. Mais depuis l’établissement des Visigots au milieu d’eux, on vit cette dernière langue perdre peu à peu de sa pureté et s’altérer par le commerce que ces peuples eurent ensemble; en sorte que du mélange du latin avec la langue des Visigots, et du commerce de ces derniers avec les Romains ou Gaulois d’origine qui ne firent enfin qu’un seul peuple, il se forma insensiblement une nouvelle langue qu’on appela romaine, et qui est à peu près la même qu’on parle aujourd’hui dans le pays. On appelle maintenant encore au Puy, oulla pour olla, une marmite; et dans quelques parties du Velay, lou vespre pour vespere, le soir.
An 533 de J-C. Sous la domination des Gots l’Aquitaine première, qui comprenait le pays de Velay, avait, de même que les autres provinces de la monarchie gothique, pour gouverneur général un duc ou comte du premier ordre, qui outre le maniement des affaires publiques, avait le commandement des troupes et la principale autorité dans l’administration de la justice civile et criminelle. Le Velay, ainsi que chaque autre cité ou diocèse, avait un comte du second ordre pour gouverneur particulier sous les ordres du duc ou gouverneur général de la province. Ce comte avait sous lui un ou plusieurs viguiers ou vicaires, et sous ces derniers un grand nombre d’autres officiers subalternes, subordonnés entre eux.
Chaque peuple devant être jugé suivant ses lois et ses coutumes particulières, les Romains étaient jugés entre eux par des comtes ou juges de leur nation; mais quand le procès pétait entre un Romain et un Got, le comte de cette dernière nation prenait alors un jurisconsulte romain pour assesseur.
Quand le juge avait porté un jugement par passion ou par malice, ou qu’on avait lieu de craindre qu’il le portât, l’évêque diocésain était en droit d’évoquer l’affaire à son tribunal; et après avoir appelé ce juge et avoir pris pour assesseurs quelques ecclésiastiques ou autres personnes capables, il la terminait lui-même avec eux, ou réformait le jugement mal rendu; mais alors l’évêque était obligé d’envoyer sa sentence au roi pour en obtenir la confirmation, si elle était juste et conforme à la loi; si non, elle était cassée.
An 533 de J-C. Les évêques aidés de quelques assesseurs, qu’ils choisissaient à leur gré, étaient les juges naturels des pauvres; ils terminaient leurs différends, et les juges séculiers étaient obligés d’exécuter leurs sentences. Il était défendu sous des peines très-sévères aux juges, aux gouverneurs des provinces et aux officiers du fisc de vexer les parties et d’en rien exiger, étant suffisamment gagés par le prince. Il était permis à chacun, excepté aux évêques et aux princes, de plaider soi-même sa cause.
Les habitants, soit Romains. Soit Visigots ou étrangers, étaient divisés en libres et en esclaves. Les premiers étaient tous censés nobles. Les serfs ou esclaves l’étaient du roi ou des particuliers. Ceux-là avaient quelque avantage de plus que ceux-ci. Au reste les lois des Visigots qui concernaient les serfs et les affranchis, étaient assez conformes à celles des Romains.
Les alliances des personnes libres avec les esclaves étaient défendues; comme aussi celles d’une femme plus âgée que le mari : c’était un moyen de faire casser le mariage.
Le mari ou ses parents fixaient et payaient la dot de la femme.
Les Visigots et leurs rois même étaient vêtus de peaux ou fourrures. Leur principal exercice était celui des armes. Ils étaient bien faits, forts, robustes, et avaient le teint blanc et la chevelure blonde.
Les Visigots étaient tous soldats; quand le roi convoquait les troupes de ses provinces, tous ceux en peines corporelles et pécuniaires, de se trouver au rendez-vous. Tant que le Velay resta sous la domination des Visigots, cette obligation ne regardait que ceux de leur nation; car, lorsqu’elle devint commune dans la suite aux Romains ou anciens habitants des pays qui leur étaient soumis, le Velay n’était plus sous leur domination, mais sous celle des Français. Dans certaines occasions les ecclésiastiques et les évêques n’étaient pas exempts de marcher en armes. Les troupes en marche recevaient leur solde non en argent, mais en provisions ou espèces.
Les Visigots possédaient les deux tiers des terres, et les naturels du- pays le reste.
Toutes les personnes, à l’exception de ceux constitués en dignités, étaient sujettes aux tributs. Les ducs, les comtes et les autres officiers des provinces avaient l’administration des finances, et en faisaient parvenir les deniers au trésor royal.
Il n’existait alors ni droit féodal, ni justice seigneuriale. Ce droit ne fut établi que depuis le Xe siècle.
Les rois Visigots tiraient aussi des tributs considérables sur les juifs établis dans leurs états.
Les Visigots étaient très-assidus à fréquenter leurs églises. Elles étaient distinguées de celles des catholiques pendant tout le temps que le Velay resta sous leur domination ; elles ne cessèrent de l’être que lors de leur abjuration de l’arianisme : ce qui n’eut lieu que dans la suite. Leurs morts étaient enterrés avec (An 533 de J-C) pompe, et revêtus de leurs habits et de leurs ornements les plus précieux. Les lettres et les sciences ne furent presque plus cultivées sous la domination des Visigots, à l’exception néanmoins de la jurisprudence et de la médecine, dont ils ne bannirent cependant pas l’étude.
DOMINATION DES ROIS D’AUSTRASIE.
Theodébért, qui, sur les ordres de Thierri son père, roi d’Austrasie, s’était mis à la tête d’une armée et venait de reprendre entre autres le Velay sur les Visigots, ayant accordé à ces peuples la liberté de se retirer sans obstacle chez leurs compatriotes, ils passèrent dans la Septimanie ou au-delà des Pyrénées.(562) Après la mort de Clotaire, ses quatre fils s’étant partagé la monarchie française, Sigebert eut pour sa part le royaume de Metz, dont on démembra quelque pays, pour agrandir les états de ses frères, et les proportionner à ceux de ce prince. Il ne conserva des provinces méridionales du royaume de Metz ou d’Austrasie que l’Auvergne, le Rouergue, le Gévaudan et le Velay dans l’Aquitaine première, une partie de la Provence, et les pays d’Usez et de Lodève.
Une partie des états de Sigebert, entre autres le Velay, eut beaucoup à souffrir plusieurs années après par le passage d’une armée de Saxons qui y firent quelque séjour. Ces peuples originairement sujets des rois d’Austrasie, s’étaient détachés de leurs compatriotes vers l’an 568 pour suivre la fortune des Lombards, qui s’établirent alors en Italie. Les Saxons firent ensuite une irruption en-deçà des Alpes.
An 572 de J-C. Ils furent défaits par Mommole, général des armées de Gontran, roi d’Orléans et de Bourgogne, qui leur fit promettre de reprendre l’année suivante la route de la Germanie leur ancienne demeure, pour y vivre sous l’obéissance du roi Sigebert. S’étant mis en 573. Marche au temps marqué, ils arrivèrent aux environs d’Avignon, où ils causèrent des dommages, que le général Mommole les obligea de réparer. Ils passèrent ensuite le Rhône et se rendirent en Auvergne par le diocèse d’Usez, le Velay et le Gévaudan, et de là dans leurs anciennes demeures sur la rive droite du Rhin, après avoir commis cependant différents désordres dans tous ces pays, et avoir abusé entre autres de la simplicité des peuples à qui ils donnèrent du cuivre doré pour de l’or.
Le duc Gontran Boson, gouverneur d’Auvergne 584, pour Childebert, roi d’Austrasie, ayant été arrêté à son passage à la cour du roi de Bourgogne, qui lui reprocha d’avoir introduit dans les Gaules Gondebaud, fils naturel de Clotaire, établi auparavant à Constantinople, Boson rejeta entièrement l’entrée de ce nouveau prince en France sur le duc Mommole et offrit d’aller assiéger ce duc dans Avignon. Mommole, qui avait quitté le service du roi de Bourgogne dont il avait été général, s’était retiré dans cette ville pour y vivre sous la protection du roi Childebert. Gontran Boson s’étant rendu en Auvergne, y assembla une armée composée des peuples du pays et de celui de Velay qui faisaient partie du royaume d’Austrasie, et marcha à l’attaque d’Avignon (an 584). Aux approches de cette ville, Mommole lui tendit un piège qui fit périr une partie de son armée. Il fit préparer à l’opposite d’Avignon des bateaux dont les planches étaient si mal liées que le moindre mouvement pouvait les séparer facilement. Gontran Boson, à son arrivée sur les bords du Rhône, ayant trouvé ces barques, qui lui parurent en bon état, s’en servit pour faire passer ses troupes ; mais à peine furent-elles au milieu de la rivière, que toutes les planches s’étant détachées les unes des autres par le mouvement des rameurs, les barques firent eau de tous côtés, ce qui obligea chacun de se jeter à l’eau pour tâcher de gagner le rivage à la nage; mais plusieurs à qui les forces manquèrent, furent emportés par la rapidité du courant. Malgré cet accident, Boson entreprit le siège de cette ville ; mais le roi Childebert donna ordre au général Gondulfe de l’obliger de l’abandonner, ce qui fut exécuté.
La peste.
An 588-589. La peste fit de grands ravages dans la Septimanie, .l’Albigeois, le Gévaudan et le Velay, pendant les années 588 et 589. Elle se renouvela avec violence (590) dans tout le Vivarais l’année suivante, et le voisinage fit craindre aux habitants du Velay qu’elle ne s’y propageât.
Ce fléau avait à peine cessé de désoler ces pays, que les peuples furent livrés à la séduction de plusieurs faux prophètes qui s’élevèrent dans le môme temps. Il y en eut un entre autres qui devint fameux. C’était un bucheron natif du Berri, qui, travaillant dans un bois, fut assailli et maltraité si cruellement .par un essaim de mouches, qu’il en resta fou pendant deux ans.( an 590) Il alla ensuite dans la province d’Arles, où il fit l’homme inspiré de Dieu. Il était vêtu de peaux et se mêlait de deviner les choses futures. De là il passa dans le Gévaudan, avec une femme qui le suivait et qu’il faisait appeler Marie. Cet imposteur séduisit un si grand nombre de peuple que plus de trois mille personnes, parmi lesquelles étaient plusieurs ecclésiastiques ignorants qui le regardaient comme un grand prophète, l’accompagnaient partout sur la réputation qu’il s’était acquise d’avoir le don de guérir les malades : on lui en amenait en foule de toutes parts., ce qui lui attirait beaucoup de présents qu’il acceptait fort volontiers. Pour mieux en imposer aux peuples, il .distribuait tout ce qu’on lui donnait aux pauvres, en faveur desquels il se croyait en droit de détrousser les passants. On remarque que toutes ses prédictions étaient funestes. Il affectait cependant, en les faisant, de longues prières et avait l’impiété de se faire adorer de ceux qu’il avait séduits par ses impostures. Étant entré dans le Velay, il s’avança jusqu’à Anicium,Anis, aujourd’hui la ville du Puy, et s’arrêta devant les églises qui en étaient tout près, avec sa nombreuse troupe, qu’il rangea en bataille comme s’il eût eu dessein de combattre Aurelius, évêque du Velay, le siège épiscopal étant alors à Anis. Il envoya en même temps à ce prélat quelques-uns de sa suite, qui aussi extravagants que lui, sautant et dansant tout nus étaient chargés d’annoncer son arrivée.
Aurelius, surpris de la folie de ces envoyés, dépêcha vers l’imposteur leur maître quelques personnages des plus distingués et des plus braves du pays. Un d’entre eux s’étant approché, comme s’il eût voulu baiser les genoux de ce faux prophète, celui-ci ordonna à ses gens de se saisir de la personne de ce seigneur et de le dépouiller; mais ce même seigneur ayant tiré aussitôt son épée, lui en donna tant de coups et avec tant de violence qu’il le hacha eu pièces; après quoi tous ses compagnons se dissipèrent sans faire le moindre mouvement. Marie, sa compagne, fut prise et mise à la torture, où elle avoua les prestiges et les impostures de son maître, dont la mort ne fit pas cependant cesser entièrement la séduction. Plusieurs personnes qu’il avait fascinées, furent encore assez simples pour croire et soutenir que ce bûcheron était le Christ et que Marie était une portion de la Divinité.
L’évêque Aurelius qui combattit les erreurs, ou pour mieux dire les extravagances de cet imposteur, est reconnu pour Saint dans le pays. Il paraît qu’il fut le successeur immédiat d’Évode ou St. Vosy, évêque du Velay, qui transféra le siège épiscopal de Ruessio, ancienne capitale des Velaunes, où il était établi d’abord, à Anicium, aujourd’hui le Puy. Odo de Gissey et Théodore , dans leurs Histoires de l’Église du Puy, donnent beaucoup plus d’ancienneté à cette translation, qu’ils assurent avoir eu lieu l’an 221 ou 222; mais quelle confiance aurait-on dans cette assertion, tandis que d’un autre côté M. de Trêves, chanoine du Puy, plein de zèle pour les droits et les intérêts de son église, dans une dissertation qu’il adressa aux auteurs de l’Histoire de Languedoc, leur opposait l’opinion commune et la tradition de cette église , qui mettait la translation du siège épiscopal à la fin du IIIe siècle?.
Gissey et Théodore donnent à St. Vosy cinq prédécesseurs outre – St. George, Georgius, premier évêque du Velay, qu’ils disent avoir été envoyé dans ce pays par St. Pierre. Ils placent aussi entre l’épiscopat de St. Vosy et celui d’Aurelius, l’un sept autres évêques du Puy, et l’autre huit : ils rapportent même plusieurs circonstances des vies de ces prélats; mais ils ne se fondent principalement que sur des légendes très modernes. En effet, elles sont contenues dans deux Bréviaires de l’église du Puy, imprimés l’un en 1516 et l’autre en 1532, et dans le Propre du même diocèse, imprimé en 1661 ; et, outre qu’elles ne disent rien de l’époque de la translation du siège épiscopal au Puy, elles sont contraires en plusieurs points aux anciens monuments. Ainsi, dans le même Propre, il est dit aux leçons de St. George, dont la fête tombe au 10 de novembre : « que St. Pierre l’envoya évêque dans le Velay » et aux leçons du jour de l’octave de ce saint prélat : « que revenant de voir Ste. Marthe, » il alla à Toulouse pour voir St. Saturnin, qu’il trouva » en arrivant couronné du martyre. » Cependant, selon les plus habiles critiques, entre autres Tillemont, le P. Ruinart et les auteurs de l’Art de vérifier les dates, St. Saturnin fut fait premier évêque de Toulouse l’an 25o et souffrit le martyre en 257, par conséquent près de deux cents ans après St. Pierre, qui! Mourut l’an 66. On trouve d’ailleurs dans ces légendes des contradictions : St. Marcellin est qualifié « troisième évêque du Velay » dans les Bréviaires imprimés en 1516 et 1532; et dans le Propre imprimé en 1661 il est dit : « qu’il succéda immédiatement à St. George.» Le défaut de preuves solides sur les premiers évêques du Velay, c’est-à-dire, sur ceux antérieurs à St. Vosy, met hors d’état de fixer l’époque précise de l’établissement de cette église. Gissey et Théodore mettent au nombre des prédécesseurs de St. Vosy, St. Paulien. Ce dernier a donné son nom à l’ancienne ville de Ruessio ou Civitas Vellavorum, qui fut le siège des premiers évêques du pays, et où ses reliques sont honorées. Celles de St. George sont conservées dans l’église paroissiale de son nom au Puy.
On voyait encore vers la fin du XVIIIe siècle dans l’église de St. Vosy au Puy, époque où elle fut démolie, le tombeau d’Aurelius avec celui de S. Benigne son successeur, et celui de St. Scutaire, aussi évêque de cette ville, dont je parlerai à la fin de cet ouvrage. Gissey et Théodore prétendent que St. Bénigne fonda en l’an 596 l’Hôtel-Dieu du Puy; mais ce fait n’est appuyé que sur l’autorité de monuments suspects. Un homme, suivant ces auteurs, nommé Manant Gras et son épouse , propriétaires d’une hôtellerie située près de l’église cathédrale de cette ville et destinée à recevoir la foule d’étrangers qui venaient en pèlerinage visiter cette église, firent un de grand profit. Devenus possesseurs de biens considérables, particulièrement de la prairie située tout près de la ville du Puy, appelée Le Breuil, et étant sur le déclin de l’âge et sans enfants, ils donnèrent une partie de ces biens à St. Benigne, pour accroître le domaine de son évêché ; et l’autre partie, entre autres l’hôtellerie, dont ils disposèrent aussi en faveur de ce prélat, fut réservée pour l’établissement de cet hôpital. Ces pieux époux ayant survécu peu de temps à ce» dispositions, Benigne s’occupa dès-lors de cet établissement.
Théodebert II, fils aîné de Childebert roi d’Austrasie et de Bourgogne, eut en partage après la mort de son père le royaume d’Austrasie, et par conséquent le Velay qui en dépendait. Quelques années après, ïhierri II son frère, roi de Bourgogne, l’ayant vaincu et fait mourir avec ses deux fils, succéda à tous ses états(612).
DOMINATION DES ROIS FRANÇAIS.
THIERRI étant mort, Clotaire II réunit en sa personne toute la monarchie française (an 613).
Dagobert succéda à Clotaire son père. Ce prince donna par forme d’apanage et en fief héréditaire (an 628), le duché d’Aquitaine ou de Toulouse à Boggis et à Bertrand ses neveux. Boggis fut la tige d’une longue suite de princes, dont la postérité se perpétua jusqu’à Louis d’Armagnac, duc de Nemours, tué à la bataille de Cérignoles en 15o3.
(An 637)Pépin d’Héristal étant parvenu à se faire reconnaître duc d’Austrasie, gouverna sous ce titre ce royaume durant quelques années. Il paraît néanmoins qu’il n’exerça pas son pouvoir sur le Velay, et que ce pays demeura sous l’obéissance de Thierri III, roi de Neustrie et de Bourgogne.
Malgré la corruption des mœurs qui régnait alors en France et les guerres civiles dont elle était désolée, elle ne manquait pas de personnes de piété. Calmin ou Calmilius, Auvergnat de naissance, de famille sénatoriale, et également distingué par sa piété et ses richesses, gouvernait la province d’Auvergne, sous le titre de duc, quand il forma le dessein, vers l’an 680, de faire bâtir une église à l’honneur de St. Pierre, dans une terre qu’il possédait en Velay, appelée le Villar. Il faisait son séjour ordinaire dans cette terre, et il en possédait plusieurs autres dans le même pays, qui, selon toute apparence, dépendait de son duché ou gouvernement, le même sans doute que l’Aquitaine austrasienne (an 681). Après l’exécution d’un si pieux dessein, il fit construire auprès de l’église un monastère qu’il dota. Il partit ensuite pour Rome, où il mit cette abbaye sous la protection de St. Pierre. A son retour, il passa par le monastère de Lérins en Provence, et pria l’abbé de lui donner quelques-uns de ses religieux pour remplir le nouveau monastère qu’il avait fait bâtir en Velay. L’abbé lui accorda sa demande et lui donna entre autres un de ses religieux appelé Eudes, qui fut le premier abbé de l’abbaye de Carineri, ainsi appelée d’abord du nom de Calmin ou Calmilius son fondateur. Eudes était issu d’une famille considérable d’Orange et avait été archidiacre de St.-Paul-Trois-Châteaux avant sa retraite à Lérins. A son départ pour Carmeri, il prit avec lui un de ses neveux nommé Théofred ou Chaffre, dans le langage du pays, fils de son frère utérin, qui se rendit ensuite célèbre par la sainteté de sa vie et donna son nom à cette abbaye.
Vers le milieu du XVIIIe siècle, elle portait encore le nom de Monastier-Saint-Chaffre, aujourd’hui la ville du Monastier, située à trois lieues au sud-est du Puy. Ce monastère subsistait encore sous la règle de St. Benoît en l’an 1787, époque où il fut supprimé par lettres patentes du Roi, ainsi que les prieurés conventuels qui en dépendaient. Ses abbés avaient séance dans le chœur de la cathédrale du Puy, et y étaient reçus avec beaucoup de cérémonie lorsqu’ils se présentaient pour la première fois. Ils faisaient alors le serment de garder fidèlement l’ancienne union fraternelle qui existait entre leur monastère et le chapitre de cette église. L’abbaye de St.-Chaffre avait sous sa dépendance plusieurs prieurés conventuels, entre autres St. Pierre du Puy, où l’on établit dans la suite une paroisse à laquelle fut unie celle de St.-Hilaire, en l’an 1723, et dont la cure était à la nomination du prieur; Chamalières en Velay et le monastère de filles de St.Pierre-de-Fraissenet, voisin de St.-Chaffre. Calmin et Namadie sa femme furent enterrés dans l’église du monastère de Mauzac en Auvergne, dont ils furent aussi les fondateurs et où ils furent honorés comme Saints.
An 687. Pépin d’Héristal, duc d’Austrasie, qui avait fait plusieurs fois la guerre à Thierri, ayant défait ce prince avec toutes ses troupes, se rendit maître de Paris ; laissant à Thierri le vain titre de roi, il s’empara de toute l’autorité et, sous le titre de prince des Français, gouverna désormais en maître absolu les trois royaumes d’Austrasie, de Neustrie et de Bourgogne.
Cette nouvelle domination déplut aux peuples et aux gouverneurs des provinces, et servit de prétexte à plusieurs d’entre eux pour se soustraire à l’obéissance de leurs souverains. Le fameux Eudes, due ou prince héréditaire de l’Aquitaine neustrienne, se rendit indépendant (an 688),agrandit ses états en s’emparant de tout le reste de l’Aquitaine, et régna sur le Velay, qui fut sous sa domination et celle de ses successeurs pendant quatre-vingts ans.
Les rois français, en mettant sous leur domination les anciens peuples du Velay, les conservèrent aussi dans l’usage du droit romain; il en résulta qu’on vit ensuite dans ce pays l’usage de trois sortes de droit par rapport aux différents peuples qui l’habitaient, savoir : le droit romain suivi par les anciens habitants, la loi salique par les Français d’origine et le Code visigotique par ceux des Visigots qui y étaient demeurés. Il en était encore ainsi au Xe siècle. Ces trois différentes nations s’étant mêlées et confondues ensemble dans la suite des temps, surtout depuis la fin du XIe siècle que les noms propres des familles furent introduits, les Romains, les Visigots et les Français qui demeuraient dans le Velay, ne fermèrent enfin qu’un seul peuple qui vécut sous la loi romaine.
La législation des Francs se bornait à condamner à certaines sommes ceux qui avaient commis des crimes, tels que le vol et l’homicide. On se purgeait en justice par les épreuves absurdes qu’on appelait le jugement de Dieu, lesquelles consistaient à manier sans brûlure un fer ardent, ou à plonger de même la main dans de l’eau bouillante, ou bien. à sortir vainqueur d’un duel’.
Les Francs ou Français combattaient à pied avec l’arc et les flèches, Pépée, le javelot et la francisque, hache à deux tranchants. Le roi commandait l’armée. Les Ducs et les comtes avaient le commandement sous lui. Ils étaient les gouverneurs des provinces et des villes, chargés de conduire à la guerre les hommes libres de leur département. Les comtes et leurs vicaires rendaient la justice ; et tous les Francs étant soldats, le pouvoir civil se trouvait réuni partout au pouvoir militaire.
An 688 de J-C. Les causes ordinaires se jugeaient par des centeniers, des décenniers, qui étaient les chefs de petits districts, et les principaux parmi le peuple de leurs cantons. En général on avait pour juges ses pairs, c’est-à-dire, des hommes de sa condition ; mais le comte était un juge supérieur, qui prononçait en dernier ressort. .
Les rois francs et les princes de leur race portaient une longue chevelure, qui les distinguait de leurs sujets. Lorsqu’on voulait rendre un roi inhabile à la couronne, on le rasait, et dès-lors il rentrait dans l’ordre des sujets.
DOMINATION DES DUCS D’AQUITAINE.
EUDES, qui avait succédé à Boggis son père, et à Bertrand son oncle, dans le duché de Toulouse ou de l’Aquitaine neustrienne et dans celui de Gascogne, s’empara de la partie de l’Aquitaine que Dagobert s’était réservée lors de la cession du surplus de cette province au roi Charibert son frère. Ce fut là l’époque de la souveraineté qu’Eudes et ses successeurs affectèrent dans la suite sur toute l’Aquitaine. Par là ce duc régna sur toute la partie de la France située entre la Loire, l’Océan, les Pyrénées et la Septimanie, soumise encore aux Visigots qui régnaient en Espagne, et ajouta aux états qu’il possédait déjà, le Berri, l’Auvergne, le Limousin, le Bourbonnais, le Rouergue, l’Albigeois, le Velay, le Gévaudan et l’Usége; en sorte qu’il étendit sa domination sur tout le Languedoc français, à la réserve du Vivarais.
An 716 de J-C. Aux rois français Clovis III, Childebert III et Dagobert III, qui laissaient toute l’autorité à Pépin d’Héristal régnant sous leur nom, avait succédé Chilperic IL Ce prince résolut de résister à Charles Martel, qui, depuis la mort de Pépin son père, avait été reconnu pour duc ou pour mieux dire pour souverain d’Austrasie par les peuples de ce royaume. Chilperic s’étant mis en campagne, remporta d’abord divers avantages sur Charles Martel ; mais ce duc d’Austrasie battit bientôt après l’armée de ce prince et gagna, l’année suivante, une bataille sur lui et Rainfroi, son maire du palais(716). Chilperic et Rainfroi voyant qu’ils avaient en tête un ennemi si dangereux, envoyèrent des ambassadeurs à Eudes, duc d’Aquitaine, pour implorer son secours contre Charles et le solliciter de prendre leur défense contre la tyrannie de ce duc. Pour réussir plus sûrement dans cette négociation, Chilperic reconnut la souveraineté d’Eudes sur toute l’Aquitaine, et il la lui confirma. Eudes se ligua volontiers avec Chilperic et unit ses forces à celles de ce prince. Charles ayant mis leur armée en déroute,(an 718). Chilperic fut se réfugier en Aquitaine. Charles Martel, qui après cette fuite s’était emparé du gouvernement des royaumes de Neustrie et de Bourgogne, fit demander à Eudes de lui remettre Chilperic, et à ce prix il lui offrit son amitié et son alliance(719) ; en cas de refus, il devait mettre tout son pays à feu et à sang. Eudes livra Chilperic et fit un traité d’alliance avec Charles Martel. On croit que ce duc d’Austrasie reconnut la souveraineté d’Eudes.
Après la mort de Charles Martel, les Aquitains et 741. les Gascons refusant de se soumettre à l’autorité de Carloman et de Pépin, et le duc Hunold se croyant dispensé d’un serment que leur père lui avait en quelque manière arraché les armes à la main, ces deux princes lui déclarèrent la guerre, portèrent le fer et le feu dans son duché, et l’obligèrent enfin à leur prêter serment de fidélité( an 745). Après cet hommage, Carloman et Pépin laissèrent Hunold paisible possesseur de ses états. Hunold ayant abdiqué la couronne ducale et étant entré dans le monastère de l’île de Ré, sur les côtes du pays d’Aunis, Waifre son fils lui succéda dans le duché d’Aquitaine, qui comprenait entre autres le Velay.
DOMINATION DES ROIS DE FRANCE.
Pépin, après avoir réuni à la couronne toute l’Aquitaine et la Gascogne, entre autres le pays de Velay qui faisait partie de l’Aquitaine, songea à pourvoir au gouvernement de ces provinces; mais il n’en eut pas le temps : il mourut trois mois après Waifre. Il avait partagé ses états entre ses deux fils Charles et Carloman. Charles eut toute l’Aquitaine ; en sorte qu’il régna sur le Velay. Un des premiers soins de ce prince fut de s’occuper du gouvernement de l’Aquitaine et de pacifier entièrement cette province. On croit qu’il laissa le gouvernement de chaque pays entre lés mains des comtes ou gouverneurs particuliers qui étaient déjà en place.
Hunold, père de Waifre, retiré depuis vingt-trots ans dans le monastère de l’île de Ré, voulant profiter du désir qu’avaient les Aquitains de s’affranchir du nouveau joug des Français, quitta sa solitude, assembla des troupes et se fit reconnaître pour légitime souverain de l’Aquitaine (an 769). Charles, à qui la postérité a donné le nom de Grand ou de Charlemagne, marcha à la tête d’une armée contre lui, le poursuivit jusqu’en Gascogne et obligea le duc de ce pays à le lui livrer. On ignore comment Hunold parvint à s’échapper (an 771); il est certain du moins que deux ans après il se retira auprès de Didier, roi des Lombards, alors ennemi de Charlemagne. Ce dernier entra en Italie avec une An armée, et mit le siège devant Pavie, où Hunold fut tué par les assiégés (an 774).
An 778. Charlemagne, étant paisible possesseur de l’Aquitaine, donna les comtés ou gouvernements des villes et diocèses de ce duché à des seigneurs français dont il connaissait la probité. Bullus eut le comté de Velay. Chorson, gouverneur de Toulouse, eut le titre de ‘ duc ; et ses successeurs, qui le prirent aussi sous la seconde race des rois de France, exercèrent une autorité supérieure sur tous les autres comtés d’Aquitaine.
DOMINATION DES ROIS D’AQUITAINE.
Charlemagne avait le dessein de rétablir le royaume d’Aquitaine ou de Toulouse. Dès les premiers instants de la naissance de son fils Louis le Débonnaire, il le déclara roi d’Aquitaine. Il ne l’envoya cependant dans ses états, pour en prendre possession, que trois ans après. Le nouveau royaume d’Aquitaine, dont Toulouse fut la capitale ou le siège principal, eut plus d’étendue qu’il n’en avait eu d’abord sous les Visigots et ensuite sous le roi Charibert, à qui Dagobert, son frère, l’avait cédé l’an 63o. Il eut pour bornes la Loire, l’Ebre, le Rhône et les deux mers.
Il convient de donner ici par avance une idée succincte du gouvernement du royaume d’Aquitaine.
Les comtes ou gouverneurs, dont l’origine remonte avant la décadence de l’empire romain, et dont quelques auteurs ont faussement rapporté l’institution à Charlemagne, furent, ainsi que les ducs auxquels ils étaient subordonnés, d’abord destituables au gré du prince de qui ils tenaient leur autorité ; mais ils se rendirent héréditaires et ensuite maîtres absolus de leurs comtés ou gouvernements avant la fin de la seconde race des rois de France.
Le pays de Velay, qui renfermait un diocèse et un comté, était alors, ainsi que ceux d’Albigeois et de Gévaudan, soumis à la métropole de Bourges sous le rapport de la hiérarchie ecclésiastique.
Le duc ou gouverneur général d’une province possédait en- même temps le comté ou gouvernement particulier de la capitale; ainsi Toulouse était duché et comté tout ensemble, et l’on’ donnait indifféremment le titre de duc et de comte à ses gouverneurs.
Chaque comte ou gouverneur particulier avait dans l’étendue de son comté le commandement des troupes, l’intendance des finances du prince et l’administration de la justice, ou par lui-même ou par des officiers qui lui étaient subordonnés. Les vicomtes tenaient la place des comtes dans toute l’étendue de leur comté (an 778).
Les vassaux immédiats du roi étaient ses premiers Sujets, et leur bénéfice ou fief les rendait pairs en dignité. Ce sont les mêmes à qui dans la suite on donna le titre de barons. Ce n’est que longtemps après qu’on s’est servi du titre de baron pour désigner une dignité inférieure à celles de duc, de marquis, de comte et de vicomte.
Outre les petits, plaids ou audiences ordinaires que le comte était en droit de tenir dans toutes sortes de lieux de son ressort, excepté dans les églises et dans leurs vestibules, il y avait des assemblées générales qui se tenaient dans un lieu destiné à cet objet, et qu’on appelait mallum ou mallum publicum. Le comte devait tenir ces dernières assemblées au moins deux ou trois fois l’année.
An 875. Le Velay fut habité, sous la seconde race des rois de France, par les Romains ou anciens habitants, les Visigots et les Français. Ces peuples conservèrent pendant ce temps-là leurs lois et leurs coutumes particulières. Quant aux juifs qui pouvaient s’être établis dans le pays, ils étaient regardés comme un peuple étranger.
La loi romaine, était néanmoins plus commune dans le Velay, parce que le plus grand nombre des habitants étaient Romains ou Gaulois de naissance. L’hérédité des fiefs et l’usurpation des droits régaliens par les grands vassaux de la couronne ayant causé un grand changement dans le gouvernement, ces trois peuples, c’est-à-dire, les Romains anciens habitants, les Visigots et les Français se confondirent enfin et n’en formèrent qu’un seul (an 877). On vit alors la loi romaine prévaloir et être la seule en vigueur dans les provinces méridionales du royaume, où la plus grande partie des habitants étaient Gaulois ou Romains d’origine. Elle y fut depuis généralement observée, à quelques coutumes près qui «’introduisirent, surtout par rapport aux fiefs, inconnus au droit romain et à celui des Visigots.
Les anciens peuples du Velay, ainsi que ceux du reste des Gaules, parlaient alors une langue qu’on appelait romaine, tandis que les Français se servaient encore de la tudesque. La première différait fort peu de celle qu’on parle aujourd’hui dans l’ancien Velay et dans les autres pays qu’embrassaient le Languedoc, la Provence et une partie de l’Aquitaine : preuve que cette langue, qui est une corruption du latin, se forma d’abord dans ces provinces où les habitants étaient en effet pour la plupart Gaulois ou’ Romains d’origine. Cette langue devint dans la suite particulière aux provinces méridionales de France, et c’est la seule qui fut en usage depuis que les Francs et les autres peuples barbares s’étant mêlés et confondus avec les anciens habitants, ne formèrent lus avec eux qu’un seul peuple. D’un autre côté, il se forma par ce mélange une nouvelle langue dan» les provinces septentrionales de la monarchie, et comme les Français y étaient en plus grand nombre que les Gaulois ou Romains, on l’appela langue française. Elle se ressentit d’abord de la barbarie de son origine; mais elle se perfectionna peu à peu, et après avoir exclu en France l’usage de la tudesque, elle a prévalu enfin et est devenue la langue générale de toute la France, sans préjudice néanmoins de la langue romaine qui s’est toujours perpétuée dans les pays méridionaux.
La différence de ces deux idiomes donna lieu aux rois-de France, vers la fin du XIIIe siècle, de diviser le royaume en deux parties, distinguées par la langue qui était en usage dans chacune, savoir : en langue d’oui ou langue française, lingua gallica, et en langue d’oc, lingua occitana -y parce qu’on disait oui dans la première et oc dans l’autre. C’est là l’origine du mot Languedoc, qui fut ensuite restreint à la province connue sous ce nom. Au reste, malgré la barbarie: qui régnait dans ce pays, sous la seconde race, on n’y ignorait pas le latin, puisque tous les actes étaient alors rédigés en cette langue.
Les peuples du Velay, comme ceux du reste des Gaules, étaient ou libres ou serfs. Les premier pouvaient seuls posséder des biens en alleu, c’est-à dire, succéder héréditairement à leurs proches. L’alleu était exempt de toutes charges et redevances. Plusieurs terres furent ensuite assujetties à divers droits seigneuriaux depuis l’usage des fiefs, qui commença dans le pays vers la fin de l’IXe siècle.
Les subsides ordinaires consistaient dans les dons gratuits, que les grands et les peuples avaient coutume d’offrir tous les ans au roi dans la diète ou assemblée générale de l’automne.
Quoique les personnes libres ne dussent à personne ni hommage, ni cens, ni service, comme vassaux ou à raison des alleux qu’ils possédaient, ils devaient cependant le serment de fidélité à leur souverain, comme sujets.
Chaque province étant alors gouvernée par un duc, dont l’autorité s’étendait sur un certain nombre de comtés ou diocèses, le comté de Velay était soumis aux comtes de Toulouse, qui en qualité de ducs d’Aquitaine y avaient une autorité supérieure, de même que sur plusieurs autres comtés dépendant de ce duché. Les comtés ou diocèses avaient des gouverneurs particuliers, appelés comtes ou pairs.
An 877. Les vicomtes, qui étaient les lieutenants généraux des comtes, étaient au nombre d’un ou plusieurs dans chaque comté, suivant son étendue. Ce ne fut d’abord qu’un titre personnel, et ils n’y ajoutèrent les noms des villes, des châteaux ou des pays où ils exerçaient leur juridiction, que lorsqu’à l’exemple des comtes ils eurent usurpé les droits régaliens et rendu leurs dignités héréditaires ; ce qui n’arriva pas sitôt. Au nombre de ceux qui rendirent dans la suite leurs dignités héréditaires, fut le vicomte de Polignac dans le Velay.
Info et extrait : Histoire du Velay jusqu’à la fin du règne de Louis XV, Volume 1
Par Jean-André-Michel Arnaud.
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