Le Velay et ces vigueries

Période gauloise et gallo-romaine. Antérieurement à la conquête de la Gaule par les Romains, le Velay faisait partie de la confédération des Arvernes, avec lequel, suivant les Commentairesde César, il lutta pour l’indépendance gauloise. Plus tard, lorsque pour assurer son empire Rome eut définitivement brisé les liens de fédéralisme qui unissaient les Arvernes aux Vellaves, ces derniers, au dire de Strabon, devinrent un peuple indépendant.

Après la mort d’Auguste, le Velay fut compris dans l’Aquitaine gauloise, et sa capitale, Revessio, aujourd’hui Saint-Paulien comptait au nombre des cités tributaires. Cette situation politique, qui existait au 11e siècle lors de rétablissement des tables de Ptulémée, se perpétua jusqu’au milieu du m » siècle, époque à laquelle cette province devint une colonie et fut élevée au nombre des cités indépendantes. C’est du moins ce qu’on peut conjecturer de l’inscription du Prefectus coloniae, encastrée dans les murs de la cathédrale du Puy, et de celle d’Etruscille qu’on voit de nos jours à Saint-Paulien et qui mentionne l’existence de la civitas Vellavorum libera.

On croit généralement que, vers le milieu du iv° siècle, cette province fut rattachée à la ire Aquitaine, dont le chef-lieu était Bourges. Mais aucune preuve authentique n’est venue corroborer cette supposition, et les Vellavesse dérobent aux investigations historiques, pour ne reparaître seulement qu’au déclin de l’empire romain, en délivrant Brioude de l’invasion des Bourguignons. Leur autonomie fut de courte durée, et l’on a tout lieu de penser qu’ils passèrent sous le joug des Goths dès 475 puisqu’ils ne furent point incorporés au royaume de Bourgogne, dont ils étaient les voisins.

Période franque.

En 507, après la bataille de Vouillé, le Velay fut soumis la domination franque et, lors du partage de cette monarchie en 511, il fut compris dans le royaume d’Austrasie, qui échut à Thierry Ier, l’aîné des fils de Clovis. Il demeura austrasien jusqu’en 717, année dans laquelle Eudes, duc de l’Aquitaine neustrienne et de Toulouse, s’en empara et le soumit à sa domination et à celle de ses successeurs pendant soixante et onze années.

Sous la dynastie carolingienne, Pépin le Bref se rendit maître d’une partie de l’Aquitaine, dont le Velay; et, au moment du partage temporaire de l’empire franc entre Charlemagne et son frère Garloman (768-771), cette province reconnut l’autorité du premier de ces princes. Comprise alors dans le royaume d’Aquitaine, elle fut sucescsivement possédée par Louis le Pieux, Pépin Ier, Pépin II et Louis le Bègue, qui la réunit en même temps que l’Aquitaine au domaine royal, en 877. C’est à l’époque carolingienne que remonte la circonscription administrative du comté de Velay, désigné parfois, dans les textes originaux, sous le nom de comitatus, mais le plus souvent sous celui de pagus, expression employée par César, Tite-Live et Pline pour indiquer les subdivisions de la civitas gallo-romaine, mais qui, à partir du Ve siècle, sert à qualifier un territoire gouverné par un comte et dont les limites sont semblables à celles de l’ancienne cité. L’existence du comitatus Vallavensisnous est révélée par titres seulement en 886, et celle du pagus Vellaicus en 950. Ce pagus était lui-même divisé en dix vigueries, vicarioe, administrées par des viguiers, lieutenants du comte, chargés de la levée de l’impôt.

Nous allons indiquer, par ordre alphabétique, la composition de chacune de ces vigueries, en mentionnant les lieux habités compris leurs circonscriptions

1° La viguerie de Bas, vicaria Bassensis, qu’on trouve citée entre 96a et 1080, avait sous sa dépendance les villages des Aulanais, de Lapte, Bas, Confolent, Bauzac, le Crozet, c Bas, Flaminges, de Saint-Pal-de-Mons,Libeyres, de Grazac, Plancliard, de Rosières, Sarlanges, de Retournac, Valprivas et Véros, de Grazac. On doit faire dépendre de cette viguerie le village de Grazac, que le cartulaire de Cluny fait figurer dans Laicis Bassensis;

2°La viguerie de Bouzols, vicaria de Bozols, dont faisait partie, en 1031, le village de Séries,  de Coubon;

3° La viguerie de Chapteuil, vicaria de Capitolio, à laquelle étaient rattachés, en 1016, les Engouyoux, de Laussonne, Neyzac, de Saint-Julien-Chapteuil et le Ponteil, de Saint-Pierre-Eynac;

4°La viguerie de Craponne, vicaria Craponensis, dont dépendait, en 955 le Vernet, de Craponne;

5° La viguerie de Notre-Dame du Puy, vicaria Sanctoe Marùe, dont dépendaient Monnet, cncde Lantriac, et Lantriac, ainsi que les villages de Malafosse, de Coubon, et Crouziols, de Monastier, mentionnés dans l’aicis Aniciensis, en 876 et 939.

6°La viguerie de Saint-Paulien, vicaria de Vetula civitate, qui comprenait Grazac (Allègre), Chadernac, de Céaux- d’Allègre, le Chambon, commune de Vorey, la Chaud, de Saint-Geneys-près-Saint-Paulien, Fix-le-Bas, de Fix-Saint-Geneys, et Nolhac, de Saint-Paulien, est citée entre 946 et 998;

7° La viguerie de Saint-Pierre- Duchamp, vicaria de Campo Vaîarino, s’étendait, en 960, jusqu’au village de Mans-Haut,  de Roche-en-Régnier;

8° La viguerie de Solignac-sur-Loire,vicaria de Solemniaco, est signalée, en 996, à propos du village de Farigoules, de Bains;

9°La viguerie de Tence, vicaria Tencianensis, dont relevaient, en 970, le village de Freycenct, cno de Tence, et celui de Villette, cne de Dùnière, en 998;

10° La viguerie d’Yssingeaux, vicaria de Issingaudo, existant en l’an 1000, et à laquelle appartenait la Fayette, cnc d’Yssingeaux. Le cartulaire de Cluny signale, en 1079, les villages du Bouchet, de Lapte, et Versilhac, d’Yssingeaux, dans le teiritorium Singaudensc, le mot « territoire» employé dans un sens beaucoup plus restreint qu’au temps de Grégoire de Tours et non comme un synonyme de pagus.

Période féodale. Malgré sa réunion au royaume de France en 877, le Velay passa sous la suzeraineté des comtes d’Auvergne en 893 et, à partir de 963 jusqu’en 1229, sous celle des comtes de Toulouse, qui s’en emparèrent et le donnèrent en fief aux comtes d’Auvergne. La royauté s’efforça, il est vrai, d’affirmer à plusieurs reprises son autorité sur cette province, puisque, en 929 le roi Raoul abandonna une partie de ses prérogatives à l’évêque du Puy Adalard que Louis VII, en 1165 s’éleva contre les oppressions féodales, et que Philippe-Auguste, en 1218, confirma les libertés consulaires de la ville du Puy. Mais jusqu’au traité de paix signé, le 12 avril 1229, entre Louis IX et Raymond VII, comte de Toulouse, par lequel ce dernier céda à la France tous ses droits sur le comté de Velay, on peut dire que l’influence monarchique y fut bien plus nominale que réelle.

Période royale. L’annexion du Velay à la couronne mit fin aux luttes sanglantes et séculaires dans lesquelles les vicomtes de Polignac et les évêques du Puy se disputèrent, avec une égale ardeur, la suprématie du pouvoir temporel. La royauté encourageait du reste ouvertement les efforts de l’Église contre la noblesse féodale, car cette habile tactique, tout en ménageant les faibles forces dont elle pouvait disposer, devait naturellement favoriser les idées d’autonomie et d’agrandissement du domaine royal.

Philippe le Bel fut le premier à tirer parti de cette situation, en obtenant en 1807 de l’évêque Jean de Commines d’être associé à l’administration de la ville du Puy, moyennant une faible indemnité pécuniaire, assignée sur la ville d’Anduze, en Languedoc. A leur tour, Philippe V en 1321, Philippe VI en 1343 et Charles V en 1360 réduisirent la circonscription administrative et judiciaire du Velay au profit de l’Auvergne et du Forez, sans que l’évêque du Puy, qui pourtant se qualifiait du titre de comte de cette province du Velay, ait formulé aucune protestation. L’unité monarchique était fondée et, sous son autorité souveraine, nobles, prêtres et vilains s’efforcèrent de concourir à son maintien et à son développement, tout en sauvegardant de précieux privilèges, grâce au fonctionnement régulier des Etats particuliers de la province.

Source :DICTIONNAIRE TOPOGRAPHIQUE

DU

DÉPARTEMENT DE LA HAUTE-LOIRE

PAR M. AUGUSTIN CHASSAING

ARCHIVISTE-PALÉOGRAPHE, JUGE AU TRIBUNAL CIVIL DU PUY