L’idée généralement évoquée par le. Velay est celle des environs du Puy, région volcanique, pittoresque, et nous verrons bien, en effet, que le bassin du Puy est le cœur du Velay ; mais ce n’est qu’un des aspects très Avariés de ce pays. Pour le géologue, le Velay est avant tout la -région. Volcanique de la Haute-Loire. Mais le Velay historique est bien différent et beaucoup plus étendu. Il apparaît dans l’histoire dès le 1er siècle et dut exister bien avant, il ne disparaît comme unité politique qu’en 1790, avec la création des départements français. César nous dit que les Vellaves, clients des Arvernes, luttèrent pour l’indépendance gauloise. Nous savons par Strabon que dans la suite ils devinrent libres. Plus tard, on les trouve constitués, d’abord en « civitas », puis à l’époque carolingienne ; en « comitatus » ou « pagus » : ils sont tour à tour tributaires de grandes provinces et indépendants. La période féodale est marquée par la querelle retentissante des vicomtes de Polignac et des évêques du Puy : le roi mit fin à la lutte en faisant l’évêque comte du Velay. Incorporé enfin au domaine royal, le Velay sut garder dans la France unifiée le maximum d’autonomie. Subdivision du Languedoc, non seulement il était représenté aux États de cette province, qui s’administrait elle-même, mais, pour les affaires qui l’intéressaient seul, il était régi par une assemblée annuelle, les États particuliers du Velay. Le petit peuple du Velay a donc gardé, avec son nom, son autonomie historique.
Mais à cette unité historique ne correspond pas une unité naturelle. Au milieu des régions plus monotones qui l’entourent, Forez, Gévaudan, Vivarais, le Velay se distingue par sa diversité. Parcourons, en effet, ce plus grand Velay, ce Velay historique, sans idée préconçue et sans trop nous arrêter aux limites politiques précises, qui ont plus ou moins varié au cours de l’histoire ; nous y noterons une très grande variété d’aspects, des compartiments très différents au point de vue du relief, de la nature du sol, des cultures et de la répartition des habitations.
Et d’abord constatons que, avant la Révolution, on distinguait dans le Velay deux parties : le « Velay en deçà les Bois » et le « Velay de delà les Bois », que séparait la chaîne boisée du Mégal. Cette chaîne ayant perdu dans la suite une grande partie de ses forêts, cette division ancienne ne fut plus employée ; mais elle correspond à une division physique très nette, qui s’impose : d’une part, le Velay volcanique ; de l’autre, le Velay granitique. Le premier est le seul qui ait été étudié géologiquement en détail. Nous avons un guide précieux dans l’ouvrage que lui a consacré M. Boule, dans le Bulletin, des Services de la Carte géologique.
LE VELAY VOLCANIQUE
Le Velay volcanique doit son unité au manteau éruptif qui le couvre presque en entier. Mais le volcanisme présente dans cette région un ensemble de caractères qui tantôt la rapprochent et tantôt la différencient des autres contrées volcaniques de la France centrale. Les éruptions ne se sont point concentrées en un point-déterminé, pour s’y superposer et former un gigantesque édifice, comme c’est le cas dans le Cantal ou le Mont-Dore ; elles se sont au contraire disséminées, éparpillées même en une multitude de points de sortie (plus de 200), dont aucun n’a donné naissance à un volcan de grandes dimensions. C’est dire que dans le Velay les manifestations de l’activité volcanique ont été relativement calmes ; elles ont consisté surtout en abondantes coulées de larves. En outre, le volcanisme a présenté dans le Velay une durée et une continuité qu’on ne retrouve pas ailleurs. Dès la fin du Miocène supérieur, pendant tout le Pliocène et le Pléistocène inférieur, le Velay a été le théâtre de nombreuses éruptions mais l’activité volcanique s’y est déplacée, elle ne s’est manifestée à l’Ouest qu’après s’être éteinte à l’Est. Si l’on songe à la rapidité avec laquelle évolue le relief volcanique, on comprend combien variée doit être la topographie d’une région où les dépôts éruptifs n’ont point partout le même âge. Cette variété apparaîtra si nous parcourons le Velay volcanique ; nous la trouverons accentuée, tantôt par la diversité des roches éruptives, tantôt par l’alternance de périodes de creusement avec les périodes de comblement volcanique.
Tous ces volcans sont peu élevés : le plus haut, le Mont Devès, n’a que 1.424 mètres ; leurs pentes sont relativement douces : de 15 à 18° en moyenne pour les mieux conservés ; par-là se marque leur ancienneté vis-à-vis des Puys d’Auvergne qui offrent des pentes de 35°. De ces volcans sont issues les grandes coulées de laves qui constituent le plateau du Velay. Ce sont des tables planes ; mais on y rencontre parfois des dépressions d’allure circulaire, qui ne peuvent être des cratères et semblent résulter d’une disposition locale des coulées s’enchevêtrant ou moulant quelques creux du substratum. Autrefois occupées par des lacs, ce ne sont plus aujourd’hui que des marais (marais de Landos) ou de grandes tourbières. Les coulées ont perdu leur aspect primitif de « cheyres » : leur surface n’est point rugueuse, compacte et nue, comme celle de certaines laves récentes de la chaîne des Puys ; elle s’est décomposée, formant une terre noirâtre très fertile. Dés défrichements laborieux ont achevé de transformer en sol cultivable, l’aride champ de pierres. Des cours d’eau s’installant sur le plateau, l’ont segmenté, creusant dans les coulées d’étroites vallées, couronnées parfois de belles colonnades prismatiques. Le démantèlement de la « planèze », commencé par les bords, se poursuit d’aval en amont, en vertu de l’érosion régressive, plus ou moins rapidement selon la nature du sol infra-volcanique, cristallin ou argileux, et l’épaisseur des coulées. Une cascade qui recule vers l’amont marque le point où porte surtout l’effort de l’érosion et où la rivière quittant le basalte, atteint le substratum.
Source de l’extrait : Les régions naturelles du Velay / E. Locussol, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5538355h