Civilisation en Velay

Ce sont les Grecs qui ont été les principaux propagateurs des doctrines polythéistes, doctrines insinuées d’abord timidement par l’exemple plutôt que par l’enseignement, et les mises en pratique par des hommes grossiers pour qui cette foi nouvelle ne fut peut-être qu’une occasion de secouer le joug rigide des anciens prêtres. Lorsqu’on lit avec attention Lucain, Tacite, César et Strabon, ne restons pas persuadé qu’avant la conquête et malgré l’occupation de certaines contrées, il n’y avait point de temples dans les Gaules non soumises ? Sans doute plusieurs divinités mythologiques étaient déjà connues sous les noms usités dans la Grèce et dans Rome ou sous des désignations celtiques ; mais c’était bien plutôt, il faut le reconnaître, l’application du rite a des druides à de nouvelles croyances qui cherchaient à s’introduire, qu’une religion régularisée et acceptée. Esus, le dieu suprême, qui d’abord n’avait jamais eu de simulacres ni d’autres noms, transformé en personnage divin, fut fait à la ressemblance humaine. Mars, Vulcain, Mercure et les autres immortels, vénérés comme attributs d’une même puissance, finirent par avoir des statues spéciales et par être l’objet de cultes différents.

Enfin l’idolâtrie et le polythéisme n’eurent plus de limites. Non-seulement l’adoration des mages devint vulgaire, mais on vit dans les derniers temps les bois, les lacs, les rochers et les fontaines recevoir les hommages des populations égarées. Sans parler du lac de Toulouse, désigné par Strabon, où les Tectosages jetaient avec profusion l’or et l’argent, nous citerons un lieu voisin de la Vellavie.

Au pied d’une montagne du Gévaudan, était un grand la consacré à la lune. Chaque année, les peuples des environs se rendaient à ce lac et y jetaient, les uns des habits d’homme, du lin, des draps, des toisons entières ; les autres, des fromages, de la cire, des pains et d’autres choses, chacun selon ses forces et ses facultés. On faisait conduire en ce lieu des charrettes chargées de provisions pour trois jours qu’on y passait tout entiers à faire bonne chère ; le quatrième jour, quand tout le monde était sur le point de s’en retourner, il ne manquait jamais de s’élever un furieux orage, mêlé de tonnerre et d’éclairs, à la lueur desquels il tombait tant d’eau et tant de pierres qu’on désespérait de la vie et de son retour.

 Ce lac, ne serait-il pas celui du Bouchet-St-Nicolas qui, en effet, se trouve sur les confins de la Vellavie et du Gévaudan ? Non-seulement sa situation topographique, mais la tradition, qui toujours à environné d’une mystérieuse terreur l’antique cratère, vient confirmer cette hypothèse. Voici la légende que se transmettent d’âge en âge les montagnards du pays ; en la reproduisant ici en regard de celle que rapporte l’illustre évêque, nous ne pouvons-nous empêcher de signaler la singulière analogie qui les rapproche et semble leur donner une origine commune.

La civilisation de l’empire changea tellement l’aspect du territoire et révolutionna avec une si grande promptitude les antiques coutumes gauloises, que les souvenirs antérieurs à la conquête étaient déjà perdus quand le catholicisme vint renverser l’œuvre romaine pour jeter à sa place la fondation d’une société nouvelle. On ignorait déjà et les druides et leurs doctrines. Le peuple s’arrêtait ébahi en face des vieux dolmens, attribuant aux puissances mystérieuses de l’air les travaux que son ignorance ne pouvait expliquer. Pour lui, la fée, cette création poétique, charmante de la rêveuse pensée du moyen-âge, expliquait toutes les merveilles, tous les problèmes du passé, il ne croyait plus aux déesses, et l’ange consolateur de la foi chrétienne, caché sous le voile de ses blanches ailes, essayait encore dans le ciel les doux préludes de sa harpe d’or.

Source de l’extrait :

HISTOIRE DU VELAY ANTIQUITÉS CELTIQUES ET GALL0-R0MAINES

PAR FRANCISQUE MANDET http://books.google.com