Les Abbesses de Clavas

Première abbesse. — JOUSSERANDE.

La Gaule chrétienne ne donne pas d’autre nom et n’ajoute qu’une date, 1259. Rien sur sa famille, sur l’époque de sa prise de possession, sur sa mort. On serait tenté pourtant de croire qu’elle n’était pas étrangère à la famille qui posséda la baronnie de Saint-Didier. 11 y a eu dans cette maison un certain nombre de membres qui ont porté le nom de Jousserand. Serait-il impossible qu’une fille eût été ainsi dénommée.

Ce fut probablement sous elle et contre elle que Guy, troisième du nom , père de Béatrix d’Argental, fit rendre, vers 1250, une sentence arbitrale, parce qu’elle voulait s’attribuer la haute justice sur la terre de Clavas, laquelle fut adjugée au dit Guy, comme elle fut ensuite reconnue, vingt-cinq ans plus tard, par une autre sentence arbitrale de l’an 1275, au dit seigneur sur la terre et prieuré de Saint-Sauveur-en-Rue. — En 1248 (juillet), notre abbesse transigea avec Artaud Parmi, prieur de Saint-Sauveur, au sujet de la dîme des agneaux et des pourceaux de la grange de Mazals. Elle consent à ce que le prieur perçoive, chaque année, quatre agneaux et deux petits pourceaux dans cette grange, et, à leur défaut, quatre sous de la monnaie de Vienne pour les quatre agneaux, et deux sous pour les deux pour-maux.

(Archives du château de Feugerolles.)

Deuxième abbesse. — AYMONA ou Albona

La date donnée est 1273. On peut regarder immune certain qu’elle succéda immédiatement à la précédente. Les dates sont tellement rapprochées que le doute ne semble pas permis sur ce point. Pour le reste, silence complet dans l’histoire.

Par une hypothèse analogue à celle émise tout à l’heure, Aymona pourrait appartenir à la famille Pagan d’Argental. Quelques-uns de ses représentants portaient le nom d’Aymon.

D’après des notes fournies par M. le comte Chepin de Feugerolles et tirées des archives du château de Feugerolles, aurait existé, en 1273, à Clavas, une abbesse du nom d’Albone. Je crois que c’est la même qu’Aymona. Voici, au reste, les titres où se trouve le nom indiqué.

1273 (20 octobre). — Transaction entre Artaud de Mastre, prieur de Saint-Sauveur, et le chapelain de Riotord, d’une part, et Albone, abbesse, le chapelain et le couvent de Clavas, d’autre part. — Le chapelain de Clavas n’administrera plus, désormais, dans son église, les sacrements aux habitants laïques du territoire de Clavas, lesquels seront tenus, à moins de circonstances de force majeure, de se rendre à l’église de Riotord. Les limites fixées jadis pour la perception des dimes afférentes aux deux monastères, sont confirmées et maintenues.

1276 (16 septembre). — Albone, abbesse de Clavas, et Artaud, prieur de Saint-Sauveur, se soumettent à l’arbitrage de Girard de Dunières, de Hugues Julien et de Simon de la Louvesc, au sujet de la terre de Fougerole.

1277 (19 mars). — Sentence arbitrale, rendue par Girard de Dunières, Hugues Villain ou Julien, et Simon de la Louvesc, au sujet de la terre de Fougerole. Les droits de patronage sont adjugés au prieur de Saint-Sauveur, et les redevances à l’abbesse de Clavas.

C’est donc Albona qu’il faudrait dire, et non Aymona, ainsi que le dit la Gaule chrétienne.

Troisième abbesse. — PAULE.

Elle gouvernait le monastère en 1282, Guillaume de la Roue étant évêque du Puy. Comme en dernier mourut au mois d’août de cette même année, le titre où dom Boyer trouva ce nom et cette date, devait être de la première moitié de cette année. Il faut encore se taire ici. L’histoire ne dit rien.

Quatrième abbesse. — REYNAUDE D’ARGENTAL.

Elle était à la tête de l’abbaye en 1284, Falcon Litant abbé de Mazan. Elle appartenait à la famille de Pagan, dont j’ai parlé dans le chapitre précédent, et était fille de Guigues Pagan, troisième du nom, et soeur de Béatrix d’Argental, qui porta ses biens à la maison de Jarez, par son mariage avec Jacques de Jarez. Même disette de documents sur cette abbesse que sur les autres.

Cinquième abbesse. — Ales D’ARGENTAL.

On présume qu’elle était soeur de Reynaude, à laquelle elle succéda dans la dignité abbatiale. Elle gouvernait en 1296. Ce fut sous elle, dit la Gaule chrétienne, que l’abbaye fut changée en château. Je ne sais si l’on a voulu dire qu’aux constructions déjà existantes on ajouta des travaux de défense, de manière à en faire comme une forteresse. Cela pourrait être d’autant plus qu’à cette époque, le roi Philippe-le-Bel, craignant une invasion du roi des Romains, allié à, celui d’Angleterre, du côté du Rhône, avait pris ses sûretés de ce côté-là. On sait que Clavas n’est pas loin de ce fleuve. J’aime mieux croire pourtant qu’on a voulu dire simplement que ce fut sous cette abbesse que le monastère devint le siège d’une châtellenie, avec les privilèges accordés à ces sortes de circonscriptions territoriales, droit de dîme et de justice.

Ce dernier droit, dont jouissait déjà l’abbaye, pouvait ne pas être bien défini pour son étendue et ses limites.

A l’époque indiquée, on dut préciser davantage et arrêter ce droit d’une manière définitive. A partir de ce moment, la justice dut se rendre au nom des religieuses, selon toutes les règles d’usage.

Peut-être l’abbaye devint-elle château dans le sens que je viens d’indiquer en dernier lieu, à la suite d’un différend qui survint au sujet de la justice entre Alaïs et Jousserand de Saint-Didier, relativement à des biens situés à Marlhes, dans le mandement de Saint-Didier, et que l’abbesse avait acquis de noble François de Talaru. Une transaction intervint entre les parties. Il fut réglé que le droit de justice sur ces biens appartiendrait au seigneur de Saint-Didier que s’il y avait des amendes pour commutation de peine de mort, de peine de gibet ou de mutilation, la moitié de ces amendes reviendrait au seigneur de Saint-Didier, et l’autre moitié au monastère de Clavas. Même répartition devait avoir lieu en cas d’effusion de sang par les armes. Mais si le sang avait été répandu sans armes, la totalité de l’amende était à l’abbesse de Clavas. Cette transaction eut lieu le lundi avant l’octave de Pâques, on 1296. Notre abbesse gouvernait encore on 1306 (1).

(1)Pendant qu’Ales occupait la dignité abbatiale, Guillaume de Montchal, chanoine de Vienne, qui habitait l’enclos du château d’Annonay, fit par son testament un legs aux religieuse de Clavas et de la Séauve.

Sixième abbesse. — CLARA BOYER.

La Gaule chrétienne la dit à la tête de la maison en 1325. Il est très probable qu’elle succéda immédiatement à la précédente.

Bouillet, Nobiliaire d’Auvergne, cite trois familles de ce nom, dont l’une possessionnée au ressort de Saint-Flour, la seconde dans l’élection de Riom, la troisième dans la même province. L’auteur fait remonter la première à Pierre Boyer, chevalier en 1285. C’était, ajoute-t-il, une maison d’ancienne chevalerie. Je ne puis dire si notre abbesse appartenait à cette famille, Bouillet étant très succinct à ce sujet.

Septième abbesse. — MARTHE BOYER.

Il est plus que probable qu’elle était soeur ou nièce de Clara, et qu’elle arriva à la dignité abbatiale par résignation de sa parente. Elle était à la tête de la maison en 1330.

Huitième abbesse. — BÉATRIX DE CRUSSOL.

Le Dictionnaire de la Noblesse donne pour enfants à Jean Bastet, seigneur de Crussol, plusieurs garçons et filles dont il ne donne pas les noms. On peut présumer que Béatrix en était du nombre. Elle eut pour mère Béatrix de Poitiers, fille de Guillaume de Poitiers et de Luce de Beaudiner. Ce fut sa mère qui passa procuration, le 18 janvier 1343, pour vendre tout ce qu’elle avait au mandement de Saint-Just-lez-Velay et aux environs.

Le château de Crussol est situé en Vivarais, au diocèse de Valence, à une petite distance de la rive droite du Rhône. Crussol était chef-lieu d’une baronnie qui députait aux Etats du Languedoc.

En 1332 (16 juillet), dame Béatrix de Crussol renouvela avec Jousserand III de Saint-Didier la transaction passée en 1296 entre Ales d’Argental et Jousserand II, seigneur du dit lieu. Il existe aux archives de M. Dupeloux de Saint-Romain, une copie de cette transaction.

Trois ans plus tard, le 9 février 1335, une autre transaction du même genre intervenait entre la même dame abbesse et dame Béatrix d’Argental. Par cet accord, il est hors de doute que les seigneurs barons d’Argental étaient hauts justiciers dans les terres dépendantes de Clavas et de Saint-Sauveur (1).

(1)En 1325, Armand de Poyet, juge royal du. Vivarais et du Valentinois, après enquête faite sur la plainte de l’abbesse contre les baillis d’Annonay, accusés d’avoir usurpé eut la justice de l’abbaye, à Toisieux, renvoya les parties à se pourvoir devant les juges civils.

D’après Poncer et la Gaule chrétienne, ce fut en 1341, pendant que Béatrix était encore à la tête de la maison, que Pierre Bertrand, dit l’ancien, chanoine de Paris, conseiller d’Etat et cardinal, fonda une chapelle au couvent des religieuses de Clavas, on ne dit pas sous quel vocable et sur quelle base. L’auteur de l’Histoire d’Annonay ajoute que par son testament il fit encore aux dites religieuses un legs de 200 florins d’or.

Neuvième abbesse. — MARGUERITE DU CROS.

Je ne saurais dire si elle porta la crosse immédiatement après Béatrix de Crussol. Toujours est-il qu’elle gouvernait l’abbaye en 1384, comme je le prouverai plus bas.

Le nom de cette famille s’écrivait indifféremment du Croc, du Crocq, du Croq et quelquefois du Cros. C’est ce dernier que j’ai trouvé dans le titre qui m’est tombé sous la main.

Cette maison avait pour armes : D’or à deux fasces de sinople. — Couronne de marquis. — Supports : deux lions.

Elle était originaire de la Basse-Auvergne et une famille de nom et d’armes aussi recommandable par son ancienneté et ses belles alliances que par le zèle qu’elle a toujours montré pour le service de l’Etat.

Elle a eu pour berceau une terre de son nom, non loin de la ville de Thiers, et que possédait, au XIIIe siècle, Chatard, seigneur du Croc, da­moiseau, qu’on voit transiger, l’an 1284, avec le chapitre de Thiers, relativement à la dîme de ma terre du Croc et pour d’autres dîmes situées dans la paroisse de Saint-Rémy.

Elle s’est constamment vouée au service mili­taire, dit Ducange, soit dans les armées (le nos rois, soit dans l’ordre souverain de Saint-Jean de Jérusalem, où plusieurs chevaliers du Cros sont parvenus à diverses dignités.

Marguerite du Cros, dame abbesse de Clavas, transigea, en 1384, avec Guy de Saint-Priest et Morand de la Roue, sa femme, seigneurs de Du­nières et de Vocanse, pour fait de limites de jus­tice et seigneurie. La dite transaction fut faite au nom de Bernard de Layre, seigneur de Cornillon, bailli royal de Velay.

Ce fut sous elle, en 1377, qu’eut lieu une in­formation du bailli du Velay, commissaire en cotte partie par lettres du duc d’Anjou, en pré­sence du procureur général de la sénéchaussée de Beaucaire, pour dresser l’état des feux du bail­liage du Velay. Clavas y est compris pour douze feux.

Dixième abbesse. — FRANCISQUE DE CAMBEFORT.

La Gaule chrétienne la cite en date de 1390, sans donner aucun détail, et je n’ai rien pu recueillir sur son compte, si ce n’est sur sa famille.

D’après Pierre Gras, Armorial du Forez, elle avait pour armes : De gueules au lévrier rampant d’argent, colleté de gueules.

Elle était originaire d’Ecosse et s’établit au Puy, en Velay, où elle eut l’honneur, en 1245, de recevoir et de loger saint Louis. Ceux de ce nom étaient déjà, dans ces temps, qualifiés chevaliers. Ils passèrent ensuite dans le diocèse de Saint-Flour, puis à Agen, où Julien de Cambefort, colonel d’un régiment de son nom et gentilhomme ordinaire de la reine Marguerite de Navarre, reçut et logea cette princesse qui lui donna les plus grands témoignages de bonté. Elle est établie aujourd’hui à Etain, en Lorraine.

Onzième abbesse. — MARGUERITE DE CONIS.

Il m’a été impossible de trouver quoi que ce soit sur la famille de Conis. Il existait dans le Bourbonnais une maison du nom de Conny. Peut-être est-ce à cette maison qu’il faut rattacher notre abbesse Dans le mémoire imprimé par M. Courbon de Perrussel (art. vm, p. 71), il est spécialement question de notre abbesse. Il y est dit que les abbesses de Clavas ne faisaient pas difficulté de reconnaître, dans les anciens titres, que les seigneurs de la Faye étaient, en partie, les fondateurs de leur maison.  C’est ainsi, ajoute l’auteur du mémoire, qu’en parlait Marguerite de Conis, en se plaignant d’Ibod de Chaste, seigneur de la Faye, qui, au lieu de vexer la maison de Clavas, aurait dû la protéger, surtout parce que le monastère avait été fondé en partie par ses prédécesseurs : maxime cum per suos pnedecessores hujusmodi monasterium, fuerit partim fundatum.

On ne sait trop de quoi il s’agissait entre les parties contendantes. Je présume qu’il était question de limites de juridiction. Dans le principe, cola n’avait pas été réglé d’une manière si précise quo toute difficulté pût être évitée. Nous avons vu quelques exemples de ce genre. lbod de Chaste, dont se plaint Marguerite de Conis, était, d’après l’Inventaire des titres du comté de Forez, N° 1,166, fils de Geoffroy, seigneur de Chaste, et de Baudonne de Retourtour.

Pondant qu’elle gouvernait l’abbaye, une enquête fut faite, en 1425, à Marlhes et à Saint-Ferréol, par le notaire de la cour de Forez, commissaire du bailli de Forez, pour savoir si les lieux de Marlhes, la Faye, Clavas, Riotord et tous les autres, depuis le Tracol de Saint-Sauveur jusqu’à Saint-Ferréol, dépendaient de ce siège des ressorts de Forez, ou de celui de Saint-Appolinard. L’auteur du mémoire précité nous apprend qu’il résulta de l’enquête que tous les lieux indiqués faisaient partie du siège de Saint-Ferréol.

J’ai dit déjà que les seigneurs voisins des monastères tenaient souvent à ce que leurs restes mortels y fussent ensevelis. Nous en voyons un exemple ici.

Sous Marguerite de Conis, d’après la Gaule chrétienne, en 1428, Pierre du Monastier, d’une famille que j’ai fait connaître ailleurs, qui était neveu de Pierre Bertrand, cardinal Alduensis, et qui avait pour épouse Claudia de Chaste, demanda d’être ensépulturé à Clavas. Son corps y fut porté en grande pompe et placé dans le caveau spécialement réservé aux étrangers.

En possession de la dignité abbatiale dès 1401, Marguerite de Conis gouvernait encore à, l’époque que j’ai indiquée tout à l’heure.

Douzième abbesse. — ISABELLE DE GASTE.

La Gaule chrétienne ne dit pas autre chose que ceci : Isabelle I Gastona, de la famille des Lupez, 1455. Succéda-t-elle immédiatement à la précédente ? C’est ce que je ne puis dire. Je présume pourtant une lacune entre les deux.

La famille de notre abbesse s’appelait de Gaste Lupé, en Forez, parce que l’ancien château de Lupé, au dit pays, était principale seigneurie de cette maison, qui y joignait encore celle de Saint-Julien-Molin-Molette, puis une autre terre considérable dans la même province.

Claude de Gaste, doyen de l’église métropolitaine et comte de Lyon, était frère d’Isabelle. Il lut ambassadeur à Rome pour le roi Louis XI, et fut tour à tour député aux Etats de Blois et aux Etats qui se tinrent à Tours.

Treizième abbesse. — ISABELLE DE SAINT-GERMAIN.

A la tête de la maison en 1477, elle gouvernait enclore en 1500. Elle appartenait à la famille distinguée de Montrond et était fille d’Artaud de Saint-Germain, chevalier, seigneur de Montrond, Rochetaillée, etc., et de Louise d’Apchon, qui apporta à son mari la baronnie d’Apchon en Auvergne. Lachesnaye-Desbois et Badier ne citent que doux enfants issus de ce mariage et ne dit mot d’Isabelle.

D’après la Gaule chrétienne, ce fut elle qui fit construire, au Champs de Marlhes, une petite chapelle on l’honneur de la sainte Vierge, de saint Benoît, et de sainte Catherine. Cette construction s’opéra sous le règne de Charles, roi des Français, et avec l’approbation de Godefroy de Pompadour, évêque du Puy.

Un prébendier, à la nomination de l’abbesse, devait desservir la chapelle, moyennant certaines rentes affectées à cet objet. Le terrier dont j’ai parlé déjà nous fait connaître deux de ces prébendiers, de même que les fonds dont ils devaient jouir sous la directe du monastère.

En 1521 (18 mars), messire Michel Grangier, prêtre prébendier, résidant à Marlhes, reconnaît à dame Françoise de Chaste :

1° un tènement de maison, grange, écurie ou chazal, fournial, jardin, sagnes, pré et terre, au dit Champs de Marlhes, à présent appelé prébende, contenant sept sétérées et une métanchée;

2° une terre, pré et pâtura’, appelée Louche-pointue, Peyre-pointe;

3° une autre terre appelée le Pâtural-bayon et à présent Champs-long ;

4° la moitié d’une terre à présent pâturai, appelée lou Champet ;

5° une terre appelée la Roche;

6° une terre appelée las Croses, etc.

En 1611 (15 juin), la reconnaissance des mêmes propriétés a lieu à dame Magdeleine do Chaste, par messire Mathieu Monnet, prêtre prébendier et vicaire perpétuel de la chapelle de saint Benoît et- de sainte Catherine, fondée en l’honneur de la bienheureuse Vierge Marie.

Quatorzième abbesse. — GAYA DE SAINT-GERMAIN.

Elle était nièce d’Isabelle et fille d’Artaud de Saint-Germain, deuxième du nom, baron d’Apchon, en Auvergne, et de Marie Verd. Les généalogistes qui ont été consultés ne parlent pas de Gaya. Lachesnaye-Desbois et Badier fixent le mariage d’Artaud à l’an 1462, et ne citent qu’un seul vidant issu de cette alliance; mais ils font clairement comprendre que ce ne fut pas le seul qui en provint.

Gaya, dont l’histoire ne nous apprend pas grand-chose, régnait en 1503 et résigna sa place, à une époque non indiquée, en faveur d’Isabelle III de Clermont-Chaste.

Quinzième abbesse. ISABELLE III DE CLERMONT-CHASTE.

La résignation de la précédente ayant eu son plein effet, la nièce succéda à la tante et fut confirmé par le pape Jules II, le 9 des calendes d’aout, (1507), quatrième année de son pontificat. La bulle fut mise à exécution par Théodore de Saint-Chamond, abbé de Saint-Antoine de Vienne.

Un mot sur les résignations ne sera peut-être pas déplacé ici. Elles ont eu lieu souvent dans les abbayes cisterciennes comme ailleurs.

Il y avait trois sortes de résignations : les démissions simples, les démissions pour cause de permutation, et les démissions en faveur. Je ne parlerai que de ces dernières.

On appelait résignation en faveur, l’acte par lequel un titulaire renonçait à son bénéfice entre les mains de son supérieur, à la charge d’en disposer au profit de celui qu’il nommait, faute de quoi il entendait que sa renonciation demeurât nulle et sans effet.

On trouve dans l’histoire de l’Eglise un grand nombre d’exemples de résignations de ce genre, même pour des évêchés. A une certaine époque, elles se pratiquaient dans presque tous les monastères.

Il paraît que ce n’est que vers la fin du quatorzième siècle ou au commencement du quinzième, qu’on a commencé d’insérer dans les démissions des prières ou des recommandations en faveur de celui que le résignant affectionnait. En 1549, on retrancha tout ce qui pouvait caractériser une démission pure et simple; on n’employa plus les prières ; on se contenta de mettre dans les procurations : ad resignandum in manus, etc., in favorern tamen, etc.

Ces résignations pouvaient avoir des avantages dans certains cas, mais elles avaient aussi le plus souvent les plus graves inconvénients. Elles immobilisaient quelquefois les dignités dans certaines familles, et celui en faveur duquel la résignation avait lieu n’avait peut-être pas toujours les qualités requises pour remplir l’emploi auquel il s’agissait de vaquer.

Les résignations, qui n’existent plus aujourd’hui on France, sont contraires à l’esprit et à la lettre dos lois canoniques. Le concile de Bourges, tenu on 1584, les défend expressément. Ce qui se passa à ce sujet dans le concile de Rome, en 1538, sous Paul III, et au concile de Trente suivant les instructions de Charles IX, en est une preuve.

Notre abbesse était fille d’Humbert de Clermont-Chaste, seigneur de Chaste, St-Lattier, etc., et de Louise de Saint-Germain-d ‘Apchon, fille de Michel, dit Artaud d’Apchon, chevalier, seigneur Montrond, diocèse de Lyon, et de Marguerite de Lavieu.

L’une de ses soeurs, Gabrielle, était en même temps qu’elle religieuse à Clavas. Jeanne, une autre de ses soeurs, était destinée par le testament de son père à prendre l’habit dans le même couvent. Son frère Jacques était seigneur de Saint-Just-Velay et de la Brosse, près de Tence.

Seizième abbesse. FRANÇOISE DE CLERMONT-CHASTE.

Ce fut probablement par suite de la résignation de la précédente abbesse, que celle-ci dut de porter la cross après elle, ma supposition est d’autant plus plausible que je regarde Françoise comme soeur d’Isabelle. Le Père Anselme la nomme Jeanne; et c’est celle que son père destinait dans son testament à être religieuse à Clavas. L’auteur cité ne donne, au reste, aucune fille de Chaste du nom de Françoise.

Elle était abbesse en 1521, et il ne m’est pas possible de dire depuis quand elle exerçait ces fonctions. A l’époque indiquée, elle fit dresser 10 terriers des revenus dus à l’abbaye. Ce terrier, que je n’ai point vu, est souvent cité dans celui dont je parle en plusieurs endroits et dont je parlerai spécialement dans l’un des articles suivants. Les reconnaissances furent reçues par maîtres Reboul et Fournel, notaires.

Dom Boyer dit que Françoise de Chaste gouvernait encore l’abbaye en 1546.

Dix-septième abbesse. — PHELISE ALLEMAND.

Les auteurs sont partagés sur la question de savoir quelle a été l’origine de la famille Allemand. Guichenon la fait descendre de Raoul, dit Allemand, sixième fils de Raoul, prince de Faucigny, qui vivait l’an 1125. D’autres veulent qu’elle soit dauphinoise et la tirent d’un Allemandus de Vriatico, vivant dans le Xe siècle, en mémoire duquel tous ses descendants auraient pris le nom d’Allemand.

Le Laboureur (Voir Masures de l’Isle Barbe, 2em partie, page 192), regarde ces deux opinions comme fort problématiques, et sans prendre parti pour aucune des deux , il se contente de dire ce qu’il croit certain :

 Que cette maison est aussi bonne comme elle est ancienne, et, ce qui est assez rare, d’une telle fécondité qu’elle a poussé jusqu’à vingt branches différentes.

Parmi les généalogies des diverses _branches de la houille Allemand, données par Le Laboureur, je ne trouve qu’une fille du nom de Phelise. L’auteur la dit issue de Claude Allemand, soigneur de Maint-Hilaire et de Chaste, en partie, et de Louise de Chaste. Claude aurait testé en 1530. Comme Outre abbesse était à la tête de la maison vers 1550, Il est aisé de voir que les dates concordent assez.

Une autre raison me fait présumer que celle que cite Le Laboureur est bien notre abbesse de Clavas : c’est qu’elle était alliée à la famille de Chaste et très probablement nièce de la précédente. Il dut y avoir résignation de la part d’Isabelle en sa faveur. Ainsi que je l’ai dit, c’était reçu à cette époque, et quand le sujet désigné avait les qualités requises, la volonté exprimée était scrupuleusement observée.

Le degré supérieur à celui de Phelise dans sa famille fut particulièrement remarquable par les personnages qu’elle fournit à l’Eglise. Un de ses oncles fut évêque de Cahors pendant seize ans; il avait nom Antoine. Sa mort est marquée en ces termes dans le calendrier de sa ville épiscopale ;

L’an reddet à l’esprit à Dieu mosseu Antone Allamandi, à la ville de San-Nazari, el païs de Dauphinat et l’ay es ensevelit son corps.

Deux autres de ses oncles furent successivement archidiacres de Cahors ; un fut chanoine de Gap, un cinquième, chanoine de Romans, un sixième enfin, religieux je ne sais où.

Le Laboureur fait remarquer que Barrachin Allemand, l’aîné de toute cette lignée, qui fut nommé héritier par sa mère, de l’advis de tous ses enfants, usa de son droit d’héritier de la bonne manière, ayant pourvu tous ses frères et logé chacun selon son inclination.

La branche de Puvelin, qui commença au père de notre abbesse, eut quatre générations jusqu’à la fin du XVIIe siècle.

Armes : De gueules semé de fleurs de lis d’or, d la bande d’argent, brochant sur le tout.

Dix-huitième abbesse. — Agnès DE GERIN.

La famille de Gerin est fort peu connue. Le Laboureur parle d’un Pernet de Gerin, seigneur de Chaignon, près Saint-Chamond. On ne peut pas en dire davantage. Le procès-verbal suivant, dont l’original se trouve aux archives du Puy et dont je dois la communication à l’obligeance d’Aymard, archiviste, nous apprendra tout ce qu’on peut savoir sur cette abbesse. Je le donne ou entier, parce qu’il n’est pas sans quelque intérêt.

PROCES-VERBAL D’INCENDIE DE L’ABBAYE DE CLAVAS (26 JUIN 1573.)

Extrait des actes de la Cour royale des ressorts do Forez, siège de Saint-Ferréol, du vendredi 28 du mois de juin 1573.

Par-devant nous Antoine Dufornel, docteur fin droits, conseiller du Roi notre sire et son lieutenant général et de Monseigneur au dit siège s’est comparu M. Antoine Verne, praticien en et pour et au nom et comme ayant charge et mandement pour dame Agnette de Gerin, abbesse de l’abbaye Notre-Dame de Clavas, au païs de Forez, qui nous a dit et remontré qu’à raison des droits et devoirs dus et appartenant à icelle abbaye et par conséquent à la dite de Gerin avoir plusieurs procès tant au Parlement de Paris-Toulouse, sénéchaussée de Lyon, qu’au présent siège de Saint-Ferréol pour l’instruction desquels lui est besoin faire foi de plusieurs titres, même de ses provisions, de profession et autres à ce nécessaires, et qu’aujourd’hui elle ne peut faire à cause que puis cinq ou six ans en çà l’abbaye de Clavas aurait été entièrement bruslée, ensemble tous et chacun ses meubles, titres, documents et enseignements, comme plus à plein appert par autre acte de l’attestation par-devant nous le dix mars mil cinq cents soixante-neuf faite cy attachée, et peu après ce dit bruslement la dite abbesse l’aurait fait édifier et rendu trois chambres d’icelle habitables, lesquelles chambres et grange d’icelle abbaye au mois de mai 1560, passant illec l’armée de M. l’Amiral, aurait été dabondant bruslé comme de ce est chose notoire et pour de tout ce dessus faire apparoir au besoin sera pour la conservation de ses droits et de la dite abbaye a requis vérification de ce dessus être faite même comme quarante sont passés que la dite de Gerin a demeuré en la dite abbaye de Clavas à savoir huit ou neuf ans, religieuse novice et trente et trente-deux ans environ religieuse professe, portant l’habit noir, durant lequel temps elle a été payée par les dames abbesses ou leurs receveurs de la pension, savoir durant qu’elle était novice de demy pension et après étant professe de la pension entière, depuis lequel temps de trente-deux ans a tenu le rang de professe assise au rang des autres professes et outre a puis vingt ans en çà tenu la digneté de chanteresse en la dite abbaye jusques en l’an 1562 que la dite de Gerin après le décès do soeur Phelise Alleman demeure abbesse à laquelle la dite de Gerin aurait succédé suivant l’élection qu’en auraient faite les autres religieuses du dit monastère comme de ce la vérité est telle et chose à tous notoire, ce que nous lieutenant général susdit nous nous sommes offert faire et ce faisant faire prêter serment sur les saints Evangiles de Dieu, et moi Jean Tardieu et Pierre Grangier, prêtres de l’église de Riotord, moi Jean Gontaud, notaire royal habitant Riotord, François Serval, Pierre Servier et Benoît Celarier, laboureurs, habitant au dit Clavas, le moindre d’eux âgé de cinquante-cinq ans ou environ, auxquels et chacun d’eux l’un après l’autre en témoin de vérité nous ont dit et attesté comme ey après, à savoir premier le dit Servier Pierre, François Serval et Benoît Celarier, le moindre d’eux âgé de soixante-six ans environ, lesquels l’un après l’autre tous trois uniformément nous ont dit et attesté être mémoratifs qu’il y a environ quarante-deux ans que la dite de Gerin et Mme Louise, sa soeur, à eux bien connues, vinrent au dit Clavas où elles prirent l’habit blanc de novice, lequel portèrent l’espace de dix ans ou environ, pendant lequel temps les déposants leur auraient plusieurs fois baillé du blé, d’avoine ou autres à la dite dame en déduction de leur pension, leur auraient vu payer leur demy pension comme aux autres novices par feue dame Françoise de Chaste, lors du dit temps abbesse, et depuis trente ans ou trente-deux passés, les dites soeurs de Gerin s’en allèrent par permission de la dite feue de Chaste, en Dauphiné, où elles demeurèrent quelques mois, et après être de retour portèrent l’habit noir comme les autres religieuses professes, et depuis ont vu à icelles soeurs de Gerin tenir le rang de religieuses professes et comme telles leur ont vu payer leur pension comme aux autres semblables tant par la dite feue de Chaste que par la dite soeur Allemande ou par leurs receveurs, et les déposants leur ont vu payer plusieurs fois tant blé, bois, qu’argent, lorsqu’ils tenaient en arrentement de la dite abbaye quelques quarts, prés ou autres choses, et ainsi en ont vu jouir comme est tout notoire entre les voisins et connaissants, et jusqu’à ce que la dite de Gerin a été éleue qu’a été onze ans tout passés ou environ comme leur semble que feue dame Phelise Alleman dernière abbesse décéda depuis lequel décès la dite de Gerin a fait acte d’abbesse et joui d’icelle hors l’empêchement qui lui a été donné par dame Gabrielle de Saint-Chamond, abbesse de Saint-Just en Dauphiné, disant ce dessus savoir pour en avoir ainsi vu et pour le commun bruit entre tous voisins et connaissants, et pour y avoir été présents comme voisins proches.

« Messire Jean Gontaud, notaire royal, âgé de soixante-cinq ans ou environ, dit savoir du contenu de ce dessus que de quarante-cinq ans et davantage qu’il a fréquenté le lieu et l’abbaye de Clavas, étant feu M. Jean Gontaud, son père, officier de la dite abbaye du vivant de feues dame Jeanne de Chaste, dame Françoise de Chaste, lors abbesse, que depuis dame Phelise Alleman et dame de Gerin, à présent abbesse, et dit être mémoratif et bien record que y a environ quarante ou quarante-un ans que la dite dame Agnette de Gerin et dame Louise, sa soeur, au dit déposant bien connues, vinrent toutes deux ensemble au dit lieu de Clavas comme le dit déposant les vit arriver, et le lendemain de leur arrivée leur fut mis par feue dame Françoise de Chaste, lors abbesse, l’habit blanc do novice, lequel habit blanc les dites soeurs portèrent environ huit ou neuf ans, durant lequel temps le dit déposant comme étant receveur les payait de leur demy pension de novices religieuses et environ les dits huit ou neuf ans après un soir nuitemment un jour ne se recorde qu’il arriva au dit Clavas certains parents de la dite dame de Gerin, lesquels avec icelles sœurs de. Gerin vinrent à la chambre abbatiale de feue dame Françoise de Chaste, lors abbesse, où était le dit déposant, à laquelle abbesse les dites soeurs de Gerin demandèrent permission de s’en aller en Dauphiné en une certaine abbaye où M. l’abbé de Lioniel était, pour recevoir de lui l’habit noir et faire profession de religion, ce qu’à l’instant la dite dame abbesse leur accorda et commanda au dit déposant d’écrire et dépêcher la dite permission, ce qu’il fit étant grossoye et par lui comme notaire signée et par la dite dame abbesse, et le lendemain matin les dites soeurs (le Gerin partirent avec leurs parents du (lit Clavas pour s’en aller comme disaient en Dauphiné vers le dit abbé, et environ quelques mois après revinrent au dit Clavas portant l’habit noir, lesquelles étant au choeur do l’église de la dite abbaye en présence de la dite abbesse et autres religieuses du dit monastère, du prêtre confesseur et prêtres y étant, du dit déposant et plusieurs habitants du dit Clavas, les dites sœurs .de Gerin remontrèrent à la dite abbesse et assemblée comme suivant la permission à elle donnée par la dite dame abbesse, M. l’abbé de Lioniel leur aurait baillé et mis l’habit noir par-devant lequel elles auraient fait profession de religion comme elles faisaient apparoir par l’acte de la susdite profession attachée à la dite permission grossoyée en parchemin, insinuée et ficelée en forme probante authentique comme le dit déposant vit et lut du commandement de la dite abbesse, suivant lequel acte les dites soeurs de Gerin furent reçues au rang de religieuses professes. Icelles le déposant a payé de leur pension entière comme les autres ayant été reçues plusieurs années par intervalles et environ vingt. ans sont passés et depuis on a payé la dite de Gerin à présent abbesse outre la dite pension certain argent et chair comme ayant la digneté de chanteresse, et moi lui ai vu jouir et user les dites soeurs de Gerin comme étant notoire jusques à l’année mil cinq cents soixante-deux au mois d’avril, que la dite dame Agnette de Gerin après le décès de feue Phelise Allemand dernière abbesse aurait été élue a depuis joui de la dite abbaye hors et excepté quelques années qu’elle a été empêchée par dame Gabrielle do Saint-Chamond, abbesse de Saint-Just en Dauphiné, entre lesquelles il y a litige à raison de la dito abbaye, laquelle abbaye serait le jour précédant le jour saint Jacques brùlée par accident ou autrement ensemble tous les titres et documents d’icelle dame de Gerin abbesse et autres de la dite abbaye, ornements de l’église, comme le dit déposant a ouï dire et vu la dite abbaye brûlée, après lequel brulement la dite de Gerin la fit raconstrer et rendre deux ou trois chambres habitables, lesquelles chambres, grange de la dite abbaye et plusieurs autres maisons du dit village de Clavas furent au mois de mai mil cinq cents soixante passant M. l’Amiral avec les troupes au présent pais brûlé si qu’il ne demeura rien comme le déposant a plusieurs fois depuis et plus n’a dit savoir, ce que dessus est contenu vérité de ce assuré par les raisons susdites.

« M. Jean Tardieu, prêtre âgé de 68 ans, et moi Pierre Grangier aussi prêtre du dit Riotord, âgé de 55 ans passés que le dit Tardieu est prêtre et moi Grangier trente ans environ, durant lequel temps les dits déposants ont été plusieurs fois à Clavas et fréquenté l’abbaye ayant célébré du commandement de la dite feue dame Jeanne et Françoise de Chaste et feue dame Phelise Allemande de leur vivant abbesses plusieurs messes et y aller souvent en procession de Riotord avec les prêtres du dit lieu suivant la coutume du temps et de leur mémoire observé depuis trente ou trente-deux ans passés autrement bonnement ne se recordent ont vu la dite dame de Gerin présent abbesse à eux bien connue religieuse professe portant l’habit noir comme telles autres religieuses professes de la dite abbaye tenir le rang de religieuse professe depuis vingt ans en la clignoté de chanteresse comme les déposants ont vu et pour être tout notoire entre voisins et connais-gants et mêmement lui payer aux dites abbesses ou les receveurs sa pension de religieuse et ainsi ont vu jouir et user jusques au décès de feue daine Allemande dernière abbesse que la dite de florin a été élue, dit en outre le dit Tardieu qu’auparavant les dits trente-deux ans il avait vu la dite rio Gerin portant seulement l’habit blanc comme novice ensemble dame Louise sa soeur et en cet baba l’avoir vu plusieurs fois, disant en outre dits déposants que manièrent quelquefois titres et papiers de la dite abbaye au commandement de la dite dame de Gerin à présent abbesse selon l’occurence des affaires entr’iceux avaient vu et lu l’acte de profession de la dite dame de Gerin et de sa soeur étant grossoyés scellé et signés en forme probante et authentiquee lequel acte et autres titres de la dite abbaye, ornements d’église avaient été comme les déposants ont ouï dire l’année précédante jour nana Jacques environ quatre ou cinq ans passés serait brûlée en sorte que la dame abbesse et quatre, des autres religieuses pour navoir habitation commode se seraient retirées les unes en leurs maisons et les autres au château de la Faye et ayant la dite dame de Gerin fait racoustrer après le dit brulement deux ou trois chambres de la dite abbaye les aucunes des dites religieuses s’y seraient retirées et continué le même service en la grange de la dite abbaye où les dits déposants ont dit et célébré plusieurs fois messes et autres divins offices et après, au mois de mai de l’année mil cinq cents soixante M. l’Admirai et les troupes auraient encore brûlé le reste de la dite abbaye ensemble la dite grange et plusieurs autres maisons du dit village de sorte que depuis les dits déposants y allant parfois dire la messe la disaient en une petite maison du dit village d’autant que depuis la dite abbesse n’a osé entreprendre d’y édifier d’autant que les ennemis appelés Huguenots sont proches à Beaudiner, Faya, Montgiraud et Saint-Voye de icelui lieu de Clavas lesquels font infinies courses et voleries sur les sujets de la dite abbesse, disant le savoir comme voisins et par les raisons susdites et pour y avoir été bien souvent dire la messe et en plusieurs obsèques lors quand l’une des religieuses et prêtres d’icelle abbaye viennent à décéder a De laquelle attestation et procédure susdites le dit Verne au nom de la dite de Gerin a requis acte lui être fait et dépêché pour lui servir et valoir en temps et lieu, laquelle nous dit lieutenant lui avons octroyé et ordonné être dépêché par M. Blaise Batailler, notaire royal et commis au dit greffe du dit siège de Saint-Ferréol sou-signé pour lui servir et valoir ce que de raison, on présence de M. Pierre de Ville, prêtre, et Claude Bruas du village de Saint-Romain-Lachalm, témoins. Ainsi attesté par moi, notaire royal sou-signé Gontaud, ainsi attesté signé Grangier, ainsi attesté signé Tardieu, moi présent et écrivant, Batailler, notaire. Ainsi a été par nous lieutenant général susdit procédé le dit jour, 26 juin 1573, signé Dufournel, lieutenant général.

A Scellé à Saint-Etienne, le 8 août 1736, reçu 24 sols, signé Ferrandier pour moi Trimollet.

A Extrait pris et collationné par le notaire royal sousigné sur la minute originale en parchemin représenté et à l’instant relevé ce jourd’hui 2 octobre 1573. — Fiquaire, notaire.

  1. Collationné à Saint-Didier, le 24 octobre 1583. Joucerand. »

Pour celui qui lira attentivement ce procès-verbal, il apparaîtra clairement qu’il n’y est pas tout à fait et exclusivement question d’incendie, ainsi que le dit son titre. Mme de Gerin ayant des procès à soutenir, avait à prouver ses qualités à faire valoir ses droits. Les preuves écrites ayant été détruites, une enquête était nécessaire, et c’est ce que contient l’acte dont j’ai donné connaissance.

Tous les témoins entendus parlent de demi-pension payée aux soeurs de Gerin en leur qualité de novices, de pension entière lorsqu’elles furent professes; messire Gontaud atteste avoir vu donner à Agnète de Gerin certain argent et chair en sa qualité de chanteresse. Je ne puis m’expliquer ces choses. N’y avait-il pas bourse commune et vie commune dans la maison? .Chaque religieuse avait-elle son ménage à part? Etc. Je n’ai rien trouvé nulle part qui puisse édifier sur ce point.

Il n’est pas en mon pouvoir de dire ce qui résulta de l’enquête et quelle fut l’issue des procès pendants entre l’abbaye et les divers tenanciers. Il est permis de présumer qu’il fut fait droit, au moins en grande partie, aux réclamations de l’abbesse, puisque la Gaule chrétienne affirme que Mme de Gerin eut assez de ressources pour pouvoir restaurer de suite le monastère en entier. Agnes sive Agnete de Girin, dit l’ouvrage cité, 1562, a sororibus electa haec monasterium mis non ita pridem absumptum in integrum restituit anno 1573.

Notre abbesse ne survécut pas longtemps à lit reconstruction de l’abbaye. Elle n’existait plu, dès les premiers mois de l’an 1575.

Dix-neuvième abbesse. GABRIELLE DE SAINT-CHAMOND.

Il a paru dans les Tablettes historiques du Velay (t. 1, pages 481 et suivantes), une note biographique sur cette abbesse. Je la reproduirai presque Intégralement; j’ai sur ce point toute permission de la part de l’auteur, et puis je n’ai pas été tout h fait étranger à cet article. Je remercie sincèrement l’avocat Rocher, intrépide chercheur et écrivain distingué, d’avoir bien voulu retoucher mon travail sur Gabrielle et lui donner un cachet et une ampleur qu’il n’avait pas.

Je retrancherai les notes et certains détails donnés sur les maisons de Saint-Priest et de-Chevrières, familles puissantes qui sont bien connues dom généalogistes, de même que d’autres détails çontenus déjà dans cette notice.

Gabrielle de Saint-Chamond était fille de Christophe de Saint-Priest et de Gasparde des Près. Son père n’est guère connu que sous le nom de Saint-Chamond. Il fut un des plus terribles acteurs de ces luttes civiles et religieuses qui couvrirent la France, au XVIe siècle, de deuil, de sang et de ruines. Maréchal de camp des armées du Roi et gouverneur du Vivarais jusqu’en 1576, il a laissé dans ce pays un renom de vaillance, mais aussi d’inflexible cruauté. Il eut pour amis nos grands chefs catholiques du Velay, Sénectère, La Tour-Saint-Vidal, et pour adversaires principaux, le célèbre Christophe de Beaumont, baron des Adrets, Chambaud et son propre frère, ce prélat défroqué qui avait pris en se mariant le titre de seigneur de Saint-Romain. Il fut tué en 1580, au siège de Ramure en Dauphiné.

N’ayant eu que Gabrielle de son premier mariage, il s’allia, en secondes noces, avec Louise d’Ancezune, et en eut plusieurs enfants, dont un, entre autres, qui se fit moine et mourut dans le cloître.

Gabrielle de Saint – Chamond renonça de bonne heure au monde. Née vers l’an 1547, elle prit le voile au couvent de Saint-Just en Dauphiné. Elle n’a laissé aucune trace dans ce monastère. Toute porte à croire que ses premières années furent entièrement remplies par les devoirs de son état. Nous savons seulement qu’elle parvint, en 1571, à la dignité d’abbesse du couvent de Saint-Just.

En 1562, elle se mit ou fut mise par quelqu’un sur les rangs pour être élue abbesse de Clavas, lorsqu’elle n’était âgée que de quinze ou seize ans, mais les suffrages des religieuses lui préférèrent Agnès de Gerin. Si on s’en rapporte au procès maintenir les droits qu’elle croyait avoir, et celle qui avait été choisie à sa place ne posséda paisiblement la dignité abbatiale que quelques années après, lorsque le litige soulevé eut été entièrement vidé. Ce ne fut que treize ans plus tard, c’est à dire en 1575, que Gabrielle obtint l’anneau abbatial de Clavas.

Christophe de Saint-Priest avait senti cette loi ville de l’expiation qui poursuit toujours, même ici-bas, les hommes de sang et de violence. L’aillé de ses fils, nature aimante et pieuse, n’aime point eu le courage de vivre au milieu des lette; fratricides qui épouvantaient la France et le monde. Il avait fui le manoir paternel et s’en allé chercher la paix du coeur dans les pro-rigides retraites du cloître. Ses frères furent tous prélevés à la fleur de l’âge. Un mystérieux ana-semblait peser sur cette race. — Un jour, dit l’historien de Saint-Chamond, Christophe de Saint-Priest regarda autour de lui et ne se trouva plus d’héritiers. Il courut vers ce fils qui s’était réfugié au couvent, et il essaya de l’arracher à existence paisible. Le moine refusa de suivre son père et mourut sous le cilice. Il ne restait à Christophe de Saint-Priest, pour perpétuer, non point son nom, mais du moins sa lignée, que la fille de son premier mariage. Il lui intima l’ordre de quitter l’abbaye de Clavas. Gabrielle de Saint- Chamond obéit et revint prendre sa place dans le château de ses ancêtres.

Il est difficile aujourd’hui d’apprécier cette conduite à sa juste valeur. Plus de trois siècles se sont écoulés, et les documents sont rares. Il est permis néanmoins de laver la mémoire de l’abbesse de Clavas du reproche d’apostasie.

Si l’on n’écoute que les auteurs de la Gaule chrétienne, Gabrielle de Saint-Chamond ne méritait aucune excuse. Le laconisme des Sainte-Marthe est écrasant. Après avoir rappelé en deux  mots qu’elle avait été abbesse de Saint-Just en Dauphiné, et qu’elle échoua une première fois dans sa compétition contre Agnès de Gerin, ils ajoutent sèchement qu’elle dépouilla le monastère et se maria (1).

(1) Gabrielis de Saint-Chamond, prius abbatissa S. Justi in Delphinatu, quant lego aemeulam fuisse precedentis pro Clavassio; cujus tandem abbaliae obtenla dilapidavit bona, et postea nupsit. — GALL. CHRISTIANA, Eccl.                co1.781.

Mais l’exact et consciencieux historien de Saint-Chamond atteste que le mariage de Gabrielle fut un acte d’obéissance filiale. D’après M. Richard, au reste, Gabrielle ne sortit du cloitre qu’après avoir été relevée de tous ses vœux par le pape Grégoire XIII. Le souverain -Pontife accorda cette grâce au seigneur de Saint-Chamond pour le récompenser des services qu’il avait rendus à la cause du catholicisme, et pour adoucir les amers chagrins qui l’avaient atteint dans sa famille. On ignore si Gabrielle de Saint-Chamond eut connaissance des ardentes supplications de son père auprès du Saint-Siège; mais il paraît établi qu’elle ne rentra dans le monde, qu’après avoir été dégagée de tout lien et avoir conquis sa liberté par une décision régulière de l’Eglise.

Reste l’accusation : abbatiae dilapidavit bona le départ de l’abbesse dut exciter une vive émotion chez les religieuses de Clavas. De là peut-être un soulèvement général contre elle, et refus de lui restituer sa dot. Cette résistance amena probablement de la part de Gabrielle une contrainte légale, ou bien encore quelques voies de fait pour se rendre justice à elle-même. Il n’en fallait pas davantage pour provoquer le reproche de vol et de déprédation.

A peine dispensée de ses vœux, elle fut mariée par son père à un jeune homme de dix-huit ans, quoiqu’elle en eût elle-même déjà trente. Il tardait à Christophe de Saint-Priest d’avoir des héritiers de ses nombreux fiefs et de ses vastes domaines. L’époux qu’il donna à sa fille, le 25 avril 1577, était Jacques Mitte de Chevrières, né château de Chevrières en 1559.

Ce nom de Mitte sonnait au Forez presque aussi haut que celui de Saint-Priest. Le domaine féodal des Mitte, dont, au temps même de La Mure, il ne restait plus que des ruines, était situé dans la paroisse de Saint-Hilaire, au mandement de Saint-Bonnet-le-Château.

Les principaux fiefs de cette maison étaient les seigneuries de Mitte, Monts, Chazalet, et plus tard celle de Chevrières en Forez.

Jacques Mitte, époux de Gabrielle, était fils de Louis Mitte, dit de Miolans, seigneur de Chevrières, et de Françoise Maréchal. Par la mort de ses cinq frères, il était devenu l’unique héritier des fiefs de Chevrières, Chastelus, Viricel et Lavalla en Forez, de Doizieu, Crésieu et le Saury en Lyonnais, des Jarets en Beaujolais, de Mons et de Lignon en Velay, du Parc-Sénausan , Saint-Martin et la Salle en Bourgogne, d’Anjou, Gersieu, Server, Furamente, Ornacieu et les Coutances en Dauphiné, de Miolans en Savoie, et de la Veillère en Bresse.

Jacques Mitte fut très activement mêlé aux guerres de religion. Il se trouvait au siège de La Rochelle sous Charles IX (juin 1573), set à la défaite des reîtres à Vimory, près de Montargis (27 septembre 1581). Il suivit ensuite le parti de la Ligue, devint lieutenant du duc de Nemours à la place de Guillaume de Gadagne, resté fidèle à Henri de Béarn, et prit part à presque tous les combats qui se livrèrent en Forez. C’est lui qui força le donjon de Thizy à se rendre, le far août 1590. Pendant qu’il assiégeait ce château, les seigneurs de Joux et de Rochebaron cherchèrent à bo gagner à la cause de Henri de Navarre, en lui annonçant que le Roi le faisait lieutenant général on Lyonnais et en Beaujolais, et réservait le Forez à d’Urfé. Ce dernier, ayant eu communication de (-os ouvertures, les dévoila au duc de Saint-Sorlin. Chevrières, appelé à Lyon par le Consulat, fut arrêtée et enfermé à Pierre-Scise. Gabrielle de Saint-Chamond accourut auprès de son mari prisonnier. Elle adressa plusieurs lettres au Consulat, et par ses nombreuses démarches et ses instantes prières, obtint la délivrance de Jacques Mitte, après deux mois de captivité.

Après l’abjuration d’Henri IV, Chevrières se donna à ce prince. Il fut nommé lieutenant général du Lyonnais et du Beaujolais sous le gouverneur M. de la Guiche. Il fut ambassadeur extraordinaire en Piémont, en 1602, et mourut le 7 mars 1607, à l’âge de cinquante-un ans, dans son château de Septême, près de Vienne en Dauphiné.

Jacques Mitte appartient presque autant au Velay qu’au pays de Forez. Il joua un grand rôle dans nos luttes civiles et religieuses. Envoyé, le 10 octobre 1594, en Velay, par le connétable de Montmorency, pour faire reconnaitre l’autorité royale, il fut nommé gouverneur de notre petite province, par lettres du Roi du 8 octobre 1594, et, à partir de ce moment, il exerça une grande influence sur la ville du Puy et toutes les contrées environnantes.

L’union de Jacques Mitte avec Gabrielle de Saint-Chamond fut heureuse. Pendant que son mari guerroyait en Velay, en Forez et sur d’autres champs de bataille, la marquise gardait le logis et s’occupait à introduire l’économie et l’ordre dans cette grande maison de Chevrières. On a remarqué, en effet, que Jacques Mitte, malgré les dépenses énormes que lui coûtèrent toutes ses expéditions, augmenta ses domaines, surtout par l’acquisition de bois dans la forêt de Mont-Pilat, depuis 1577 jusqu’en 1596, c’est-à-dire pendant toute la durée de son mariage avec Gabrielle de Saint-Chamond. Mais la marquise de Saint-Chamond ne se borna point à l’exercice des vertus domestiques. C’est à elle et à son époux que la ville de Saint-Chamond doit une grande partie de sa splendeur passée, de ses monuments et de ses communautés religieuses.

La maison des Ursulines, entre autres, fut fondée et dotée par la marquise elle-même. La piété de cette dame, son dévouement aux bonnes oeuvres et l’exemplaire régularité de sa vie, sont un éloquent témoignage qu’elle n’avait pas quitté le monde par dérèglement ou libertinage. Aussi lorsqu’ elle mourut, le 2 janvier 1596, âgée de quarante-neuf ans, son époux lui fit élever un mausolée, et, en exprimant la douleur qu’il ressentait de sa perte, il fit on même temps l’éloge des vertus qui l’avaient ornée.

Gabrielle de St-Chamond avait donné le jour à sept enfants. De cette nombreuse postérité, il ne resta qu’un fils et une fille. La fille, Gasparde de Chevrières, fut mariée, en premières noces, à Jean-Timoléon de Beaufort, marquis de Canillac, et, on deuxièmes noces, à Guillaume de Laubespine, marquis de Châteauneuf. Elle épousa, en troisièmes noces, Henri de La Chatre, bailli et capitaine du château de Gien, seigneur de Sigonneau et de Bridoré, comte de Nançay, par lettres patentes du mois de juin 1609, gentilhomme de la chambre du Roi, et veuf lui-même de Marie de la Guesle, fille de Jacques de la Guesle procureur général au Parlement de Paris, avec laquelle il s’était marié le 15 juin 1605.

Le fils de Gabrielle de Saint-Chamond, Melchior Mitte de Chevrières, marquis de Saint-Chamond et de Montpezat, comte de Miolans, pronom. Baron du Lyonnais et de Savoie, fut nommé conseillé d’État à l’âge de vingt-huit ans et passa la plus  grande partie de sa vie à représenter le Roi près les cours étrangères. Il fut employé à vingt-trois ambassades, notamment à la cour des ducs Vincent Ier et Charles II de Mantoue, en Angleterre et à Rome, et subit quatre disgrâces. Il était dans la ville éternelle, lorsque les troubles de la Fronde le rappelèrent en France. Il fut nommé, le 4 mai 1612, lieutenant du Roi en Lyonnais, Beaujolais et Forez, sous le gouvernement de Charles de Neufville d’Alincourt de Villeroi, dans l’église des Augustins, le 31 décembre 1619, maréchal de camp le 17 novembre 1621, lieutenant général des armées du Roi en Provence, le 4 décembre 1630, et ministre d’Etat le 10 février 1633.

Melchior Mitte, fidèle aux traditions de son père et de sa mère, consacra tous ses soins et une partie de son immense fortune à embellir la ville de Saint-Chamond. Il épousa Isabeau de Tournon, fille de Just-Louis, baron de Tournon, comte de Roussillon, et de Magdeleine de La Rochefoucauld, et eut neuf enfants de cet unique mariage.

La piété de ce seigneur était vive et sincère. Il aimait passionnément les saintes reliques et en avait apporté plus de cent cinquante de ses ambassades. Cette dévotion lui venait surtout des leçons de sa mère, Gabrielle de Saint-Chamond Les 9 et 10 octobre 1634, il fonda la collégial de Saint-Jean-Baptiste, à Lyon, et dépensa plus de trois cent mille livres pour cette église, qu’il orna, on outre, de reliques et autres libéralités. Il mourut à Paris, dans son hôtel de la rue Saint-Denis, le 10 septembre 1650.

Le portrait de Melchior Mitte figure dans la belle collection de Larmessin et de Louis Boissevin. Sous l’image de ce grand seigneur, qui fut surtout un homme de bien, se trouve cette mention :

J. Frosne sculpsit, avec les armes, qui se blasonnent ainsi :

Ecartelé au 1 et 4 d’argent, au sautoir de gueules, à la bordure de sable, chargée de huit fleurs de lis d’or, qui est Mitte, au 2 et 3 d’or, à l’aigle aux deux tètes de sable, qui est Miolans, sur le tout d’argent à la face de gueules, parti d’azur plein, qui est Saint-Chamond.

On remarque que les armes de Miolans n’indiquent pas le 1er  et 4me quartier, qui sont de gueules à trois bandes d’or.

Après la mort de Melchior Mitte, la maison de Chevrières maintint sa splendeur, mais elle tomba en quenouille par le mariage de Marie-Anne Mitte, fille et unique héritière de Henri de Chevrières, marquis de Saint-Chamond, avec Charles-Emmanuel de la Vieuville, seigneur de Cholleaux, comte de Vienne et de Confolens, baron de la Villate d’Arzilhères, et premier baron de Champagne (30 novembre 1684).

Vingtième abbesse JEANNE DE CLERMONT-CHASTE.

Elle était fille naturelle de François de Clermont-Chaste, baron de Chaste, de la Brosse et de la Faye, qui fut tué en 1594, durant les guerres civiles, devant la ville du Puy, qu’il assiégeait, pour la mettre sous l’obéissance du Roi, dont il commandait les troupes dans le Gévaudan, le Velay et le Vivarais.

Jeanne, reconnue par son père, fut placée jeune à l’abbaye de Clavas, qui, depuis longtemps déjà, avait été gouvernée par des membres de la famille dont elle porta le nom. Répondant aux soins qu’on eut de son enfance, elle crut, quand l’âge de raison fut venu, que le meilleur parti pour elle était de rester dans le cloître. Son origine, qu’elle n’ignorait pas, mais dont elle n’était nullement responsable, dut sans doute lui faire craindre la déconsidération dans le monde. D’ailleurs, pleine de piété et d’amour pour Dieu, l’état religieux allait d’une manière parfaite à toutes ses inclinations. Elle trouvait, en outre, des amies dévouées dans les religieuses du couvent, qui s’efforçaient par tous les moyens de lui faire oublier le vice de son origine.

Elle se détermina donc à se revêtir de l’habit de Cîteaux. Les progrès qu’elle fit dans la vertu fendant son noviciat, l’instruction qu’elle avait acquise avant et qu’elle augmenta encore pendant le temps de son épreuve, firent comprendre ce qu’elle deviendrait un jour. La dignité abbatiale lui fut en effet conférée, et elle s’acquitta, à la satisfaction générale, des fonctions qui lui étaient propres. Elle sut ramener au monastère le calme que le départ précipité de Gabrielle de Saint-Chamond et ce qui s’ensuivit avaient momentanément fait disparaître. Tout s’apaisa, grâce à la solidité de sa vertu, à ses bonnes manières et à sa rare intelligence.

A la tête de la maison de suite après Gabrielle, elle y était encore dans les premières années du XVIIe siècle. Sa mort fut ce qu’avait été sa vie : un sujet d’édification pour tout le monastère.

Vingt-unième abbesse MAGDELEINE DE CLERMONT-CHASTE.

Elle était soeur de Jeanne et avait la même origine. Nommée abbesse en 1607, elle ne reçut que le 16 août 1609, la bénédiction abbatiale, qui lui fut donnée à Bellecombe par Claude Masson, abbé de Morimond. Elle fut ce qu’avait été sa soeur, et je pourrais dire d’elle ce que j’ai dit de cette dernière (1).

(1) Dame Magdeleine de Clermont-Chaste figure à Yssingeaux comme marraine d’une fille à sieur Masmea, marchand de ladite ville (1600 — 2 mai). ] Était-elle religieuse à cette époque? et, si elle l’était, comment expliquer sa présence à Yssingeaux pour porter un enfants sur les fonts ?

En 1611, elle fit dresser le terrier de l’abbaye. Les reconnaissances furent reçues par Descours, notaire. Ce terrier est souvent cité par celui de 1744.

Ce fut en 1619 que fut partagé entre les habitants des Mazeaux, du consentement de Magdeleine de Chaste, un tènement de bois, appelé la Pinatelle. Je copie textuellement ce que dit à ce sujet le terrier Souvignhec :

Plus un bois appelé la Pinatelle,

Plus un autre bois, appelé Montservier,

Plus un autre bois au dit terroir, lesquelles deux pièces font partie d’un tènement, appelé la Pinatelle, contenant environ vingt-neuf sétérées, partagé entre tous les habitants des Mazeaux, le 17 mars 1619, du consentement de la dame abbesse, sous la condition que le servis n’est que pour les bois branlants, que lorsque les dits habitants le cultiveront, le quart appartiendra à la daine abbesse et que le dit partage ne durera qu’autant ‘qu’il ni plaira et qu’il sera trouvé utile pour le profit de ladite abbaye, comme est porté par le dit partage reçu par M. Mounier, notaire, plus ça ,part des terres quartives, communes et indivises avec tous les habitants des Mazeaux, désignées confrontées en la reconnaissance de M. Chaolidar.

Sous Magdeleine de Chaste, l’abbaye reçut la visite de Mgr Just de Serres, évêque du Puy. Je (lois à l’obligeance intarissable de M. Chaleyer, de Firminy, une copie du procès-verbal de cette visite. Je ne puis mieux faire que d’en donner le texte intégralement.

Visite de Clavas.

Du jeudy quinzième jour du mois d’octobre six cent vingt-six.

Nous Just de Serres, évêque du Puy, comte de Velay et suffragan spécial de l’Eglise de Rome faisant à présent la visite générale de notre diocèse.   

Nous sommes portés ce jourd’hui, quinzième d’octobre mil six cent vingt-six au monastère et abbaye des dames religieuses de Clavas, ordre de saint Bernard, où accueillis à l’entrée par r6v6rente mère dame Marie de Chaste, abbesse du dit monastère, et par plusieurs autres miennes religieuses après estre entré dans l’église. du dict Clava et faict nostre prière ordinairé avons apprins que la dicte église avaict esté cy devant profané par meurtres en icelle commis et par la ruyne et démolicion intervenue durant ces troubles et remuemens suscités par les Calvinistes en ce royaume qui ennemis jurés de nostre Religion pour en esteindre la mémoire sy leur pouvoir eut répondu à leur malice renversant églises, brisaient images, rompaient autels, pillaient monastères et par un excès de cruaulté faisaient la guerre aux créatures mesme inanimées s’en prenaient jusques aux pierres et démolissaient ces magnifiques édiffices qui avaient été construits les siècles passés pour y honorer nostre Dieu y chanter ses louanges et pratiquer nos saincts et religieux exercices.

L’abbaye de Clava ayant ressenti cest orage et participé aux effets de ceste cruelle esmotion le cloistre n’estait plus que cendre et leur église que masure mais le ciel ayant calmé ce trouble et réuni les religieuses dans le monastère elles ont tasché de le restablir et faire rebastir leur église. Ce nouveau restablissement faict néanmoings sur les mesmes fondements réquérint une réconciliation selon les saincts droicts nous avons dabord procédé à icelle avec les aspersions, processions et cérémonies ordinaires portées par nostre pontifical et après avoir reconcilié la dicte église avons sacré deux autels en icelle à savoir le grand à l’honneur de la glorieuse Vierge Marie vraye tutrice des religieuses et l’autel d’une chapelle posée du costé de l’épître à l’honneur de Saint Bernard, leur patron, et en chacun des deux autels y avons mis des reliques de l’ung des Saincts Innocents.

La reconciliation de l’église et le sacre des autels finy, après l’administration du saint sacrifice de la messe, avons donné le sacrement de confirmation à ceulx qui s’y estoient disposés et eu suyte avons faict nos prières sur les morts suivant l’ordre de nos visites auxquelles les dames religieuses contribuant par leur dévote psalmodie, ont chanté le psalme Miserere mei, Deus, etc.

A Les dictes prières finies, nous sommes portés vers le grand autel et visitant le saint Sacrement avons trouvé dans le ciboire trois hosties bien tenues et avons remarqué que dans le dict ciboire on réservoict une aragnée qui se trouva quelque temps y a dans le sang prétieux au calice consacré à la messe à l’instant l’avons bruslée et enjoint à frère et père spirituel des dames illec présent de jeter les cendres dans la sacraire; avons aussi recogneu que le tabernacle dans lequel on repose le saint Sacrement estant mal assy et mal affermy menassant cheute evidante sur l’autel et par ainsin prévoyant le scandalle que en pourrait survenir mesmement si la dicte cheute arrivoit cependant qu’au dict autel on célèbre la sainte messe avons à l’assistance des dictes dames religieuses enjoinct au dict frère ….. de fere affermir et mieux assurer le dict tabernacle.

« Par l’exhibition à. nous faicte du porte-dieu dans lequel on expose le saint Sacrement aux festes solemnelles et par la confrontation des hosties avec le rond ou soleil dans lequel on le repose avons recogneu le dict rond estre trop petit et incapable de recevoir une hostie de suffisante grandeur et partant avons jugé estre nécessaire d’en recouvrer ung autre, ce que nous avons enjoinct au d. frère.

u De relevée après l’office des vespres chantées par les dames religieuses pour leur spirituelle consolation, le fi. P. Lamour de la Compaignio de Jesus prins pour prédicateur en ceste notre visite par ung sien discours faiet à nostre présence et des dictes dames dans le choeur de la dicte église a représanté leurs faits et advantages de nostre visite desquels il rendoit des premiers par le procédé d’icelle mesmement de ce matin rapportant la cérémonie du sacre des autels à la consecration que nous devons fere à Dieu, de nom urnes et par exprés l’attribuant à l’estat religieux un discours finy nous sommes retirés de la dicte esglise après avoir recommandé aux dévotes prières des dames religieuses l’heureux succès de nostre visite épiscopalle le fruit de laquelle nous désirons réussir à la gloire de Dieu et à la mainte police de nostre diocèse.

A Clos et signé le présent verbal. — Just de Serres, évêque du Puy et comte de Velay. » (1)

(1) Visite faite par messire Just de Serres (in-folio, p. 177). Manuscrit au pouvoir de M. Chaleyer, de Firminy.

Vingt-deuxième abbesse. MARGUERITE DE LA BORIE.

La Gaule chrétienne ne donne qu’une date 1634, et dit qu’elle était abbesse fiduciaire. Elle fut fidèle au fidéicommis qu’elle avait reçu, et résigna, quand le moment fut venu, en faveur de celle qui lui avait été désignée. On peut présumer avec raison que Marguerite n’avait été promue à la dignité abbatiale, avec la condition de 1ft remettre plus tard, que parce que Anna de Chaste, qui suivra, était trop jeune encore pour en exercer les fonctions. Les exemples de ce genre se présentaient quelquefois à cette époque;

J’en ai cité un, à peu près analogue, à propos de Bellecombe, au sujet de Françoise I de la Tour-Saint-Vidal, nommée abbesse par bulle papale, lorsqu’elle n’avait que douze ans, et qui fut maintenue malgré les protestations qui se produisirent. Une différence pourtant me semble avoir existé entre Anna de Chaste et Françoise de Saint-Vidal. La première n’était point encore abbesse et-ne devait l’être qu’après Marguerite de la Borie, et à l’époque désignée par le fidéicommis; tandis que Françoise jouissait de la dignité, quoique les fonctions en fussent remplies par la prieure, à sa place.

Je regarde comme très probable que notre abbesse fiduciaire était originaire de la Faye de Marlhes. La famille de la Borie y était en effet possessionnée à cette époque.

J’ai en mon pouvoir le testament de noble Antoine de la Borie, écuyer, habitant à la Faye, paroisse de Marlhes. Le testateur y donne lu nom de sa femme et cite ses deux filles. Il était marié à demoiselle Françoise Morison, d’une famille que je ne connais pas et qui était originaire de Marlhes. L’aînée de ses enfants, du nain d’Anna, épousa noble Claude de Lagrevol, sieur du Reliou, et la cadette, mademoiselle Jeanne, fut mariée à messire Jean Bayle. Le testament est daté du 28 février 1657.

Je présume donc que Marguerite était soeur d’Antoine, ou peut-être sa tante.

En 1634 (1er février), il y eut reconnaissance ; d’honnête Louis Rosier, tanneur d’Annonay, en faveur de dame Marguerite de la Borie, abbesse de Clavas, de neuf fessoirées vigne au vignoble d’Annonay et terroir de Chames, sous la cense Humilie et perpétuelle d’une saumée de vin pur et net, mesure d’Annonay, laquelle vigne a été reconnue, en 1477 et le 18 juillet, à dame Isabeau Saint-Germain, abbesse de Clavas (1).

(1)Archive du Puy, casier Clavas

Notre abbesse gouvernait encore le monastère, lorsqu’en 1638, l’Apôtre du Velay, saint François-Regis, vint évangéliser nos Cisterciennes et les populations environnantes.

Voici comment d’Aurignac raconte cette mission :

De Saint-Sauveur, notre saint Jésuite alla visiter l’abbaye de Clavas (claire vallée), située dans une gorge des plus hautes montagnes qui joignait le Velay au Forez, et qui alors étaient couverte de forêts. Là, Jean-François-Régis ranima la ferveur parmi les nobles recluses de l’ordre de Cîteaux, qui avaient fait vœu de renoncer au monde et à ses vanités, mais qui n’avaient pu être admises à prononcer ce vœu qu’après prouvé les quartiers de noblesse exigés par les statuts de la fondation. Les vassaux de l’abbaye eurent une large part aussi à l’évangélisation du père des pauvres, et Clavas se glorifia encore de cette faveur dont le souvenir lui a été transmis par les générations passées. (1)

(1) Histoire de saint François-Régis, p. 222.

Ce fut cette année-là même, peut-être à la suite de la mission, que notre abbesse fiduciaire se désista de sa place, en vertu de son fidéicommis, en faveur de la suivante.

Vingt-troisième abbesse. ANNA DE CLERMONT—CHASTE.

Elle était fille de Charles de Clermont-Chaste et d’Anne de Lattier-Charpey. Son père, sénéchal du Puy, ayant volé, en 1621, au secours de la ville d’Yssingeaux, assiégée et prise par les religionnaires de Privas, au nombre de 400 hommes, n’arriva que lorsque ces derniers eurent été vivement repoussés par le curé, homme septuagénaire, à la tête des habitants, mais assez tôt pour infliger une défaite complète aux troupes de Blacons. Arnaud dit qu’il y eut à peine quarante hommes qui purent échapper aux armes de de Chaste et des paysans du pays et retourner dans leurs foyers.

Magdeleine, soeur d’Anne, était prieure de Clavas en même temps qu’Anne était abbesse. Marie, une autre de ses soeurs, fut aussi prieure du même couvent. Il y avait encore à la même époque une autre fille de Charles à Clavas.

Anne de Clermont-Chaste, nommée abbesse par bulle d’Urbain VIII, donnée à Saint-Pierre, on 1642, le 8 des ides de novembre, la vingtième année de son pontificat, fut mise en possession par messire Claude Jourdan, official et vicaire général du chapitre du Puy, le siège étant vacant.

Je ne sais ce qui eut lieu en 1699. Notre abbesse résigna-t-elle en faveur de la suivante ? Y eut-il là encore fidéicommis? Je l’ignore. Toujours est-il qu’à l’époque désignée, elle fut remplacée par N. Rochefort, et qu’après la mort de cette dernière, elle reparut de nouveau et résigna en faveur d’Anne de Montmorin Saint-Hérem. Son acte de résignation se trouve dans les minutes de M° Maisonnial, notaire. En voici la teneur :

1698 (2 décembre). Haute et puissante dame Amie de Clermont-Chaste, religieuse professe et abbesse de Clavas, a constitué son procureur général, auquel elle donne pouvoir de résigner, en mon nom, entre les mains de notre saint Père le Pape, monseigneur son vice-chancelier ou autre, ayant de ce pouvoir, la dite abbaye ou monastère des filles do Clavas, de l’ordre de Cîteaux, qu’elle possède paisiblement, en faveur de soeur Anne de Montmorin Saint-Hérem, religieuse professe du même ordre et prieure claustrale de la dite abbaye de Clavas, sous la réserve toutefois d’une pension annuaire et viagère de 300 livres sur les fruits et revenus de l’abbaye.

Fait à Clavas, au-delà du ruisseau, en Velay. — Pierre Amal, religieux profès de l’abbaye de Bonneval. Outre sa qualité d’aumônier, il était encore syndic du monastère.

Mme Anna de Clermont avait porté la crosse pendant cinquante ans, lorsqu’elle fut remplacée dans la dignité abbatiale par la suivante, en 1692. Sa résignation n’avait dû être que temporaire à cette époque, puisqu’elle ne résigna définitivement que six ans plus tard.

Je ne m’explique pas plus cette réserve d’une pension viagère que je ne me suis expliqué celles payées à Mme de Gerba, en ses différentes qualités. Si les Cisterciennes vivaient de la même vie, à la même table, en communauté, je ne comprends pas ces pensions.

Arrivée à un âge très avancé, après une administration des plus paisibles et des plus sages, notre abbesse rendit son âme à, Dieu, vers les premières années du XVIIIe siècle. Sa mort fut l’écho de sa vie.

Vingt-quatrième abbesse. — N. DE ROCHEFORT.

D’après la Gaule chrétienne, elle fut nommée le 1er novembre 1692, et mourut au mois de juillet 1698. C’est tout ce que dom Boyer nous apprend de cette abbesse. Cette pénurie de détails a lieu d’étonner, vu que Mme de Rochefort était à la tête de la maison à une époque peu éloignée de celle où le savant bénédictin se présenta au monastère pour compulser les titres de la maison. On ne comprend pas qu’il n’ait point découvert sa bulle de nomination, le procès-verbal de la bénédiction et celui de son installation.

Il y a eu plusieurs familles de Rochefort, et chacune de ces familles se divisa en plusieurs branches. L’une de ces familles, dit l’Armorial Lyonnais, Forez et Beaujolais, pourrait être originaire de Rochefort, en Lyonnais. Il est très probable que notre abbesse appartenait à cette maison, mais il est impossible de dire à quelle branche. J’affirmerais néanmoins, mais d’une manière dubitative, qu’elle était membre de celle le Rochefort La Valette. Cette branche avait fourni déjà, vers le commencement du XVe siècle, trois religieuses à Clavas : Clauda et Jordane de Rochefort La Valette, filles de Jean et d’Isabeau de Fay, issue de Pérot de Fay-Gerlande; et Lyon-nette de Rochefort, fille de Guillaume et de Jeanne Mitte de Chevrières. D’après Jean-Marie La Mure, la Valette, dont se titrait cette maison, n’est pas loin de Saint-Etienne de Furan, circonstance qui rend mon hypothèse plus plausible encore.

Nommée abbesse en 1692, son supériorat fut d’assez courte durée. Mme de Rochefort mourut pendant l’année 1698.

Vingt-cinquième abbesse. ANNA DE MONTMORIN SAINT-HÉREM.

Les de Montmorin étaient seigneurs, comtes et marquis de Montmorin, d’Auzon, de Rillac, de Nades, de Saint-Hérem, de la Chassaigne et autres lieux.

La maison de Montmorin était l’une des plus anciennes et des plus illustres de la province d’Auvergne. Elle tirait son nom d’une terre considérable, située près de Motu. Son château, bâti sur une montagne isolée, est nommé dans les anciens titres  Mons Mauritii.

Cette famille s’est divisée en plusieurs branches qui se sont toutes illustrées dans la carrière des armes, dans celles de l’administration et du sacerdoce. On trouve aussi plusieurs de ses membres dans les chapitres de Brioude, de Lyon, de Malte, et elle a eu trois chevaliers de l’ordre du Saint-Esprit.

Notre abbesse était fille d’Edouard de Montmorin, qui fit la branche de la Chassaigne, et de Marie de Champfeu, fille de Gilbert de Champfeu, seigneur de Gensac, et de Marie d’Aubigny. Son père fut capitaine de cavalerie dans le régiment de la Ferté et dans celui de l’Altesse.

Anna avait fait profession au monastère de l’Esclache, dont elle était supérieure, lorsqu’elle fut nommée, dans les premiers mois de 1698, prieure et commissaire de Clavas, par l’abbé de Citeaux. A la mort de dame de Rochefort et en vertu de la résignation d’Anne de Chaste, elle fut proclamée abbesse cette même année, à la fête de l’Assomption, et sa promotion confirmée par la bulle d’Innocent XII, donnée à Sainte-Marie-Majeure, le 15 des calendes de janvier 1699, la septième année de son pontificat. Envoyée en possession par Armand de Béthune, évêque du Puy, le 22 février 1699, elle ne reçut la bénédiction que le jour de la Toussaint, dans l’église métropolitaine de Vienne, d’Armand de Montmorin, archevêque, assisté de D. de Villars, de Saint-André de Vienne, et de D. de Gordes, de Sainte-claire d’Annonay, abbés l’un et l’autre.

En 1711, une nièce d’Anna de Montmorin se présenta pour être reçue comme novice. Je copie textuellement, comme spécimen de ce qui se passait dans ces sortes de circonstances, le procès-verbal de sa réception. Il y a au reste dans ce titre, des détails qui ne me semblent pas dépourvus d’intérêt.

Au nom de Dieu et à tous soit notoire que ce jourd’hui sixième du mois de juin avant midi de l’an mil sept cents onze, fut présente dame Marie-Amable de Montmorin Saint-Hérem, fille naturelle et légitime d’illustrissime et révérendissime Marie-Josèphe-Gaspard de Montmorin Saint-Hérem, à présent, évêque d’Aire, et de défunte haute et puissante dame Louise-Françoise de Bigny-Ainay, laquelle de son gré s’étant dévouée au service de Dieu, pour vivre et mourir selon la règle de saint Benoît et dans le monastère de l’abbaye Nostre Dame de Clavas, ordre de Cîteaux, a très humblement supplié et requis dame Anna de Montmorin Saint-Hérem, abbesse du dit monastère, dames Marguerite de Saissandoux, Françoise-Henriette de Beaufort, Jeanne-Louise du Chaylas, Jeanne de Villelonge, Apnée-Françoise de Feneaux, Marie-Magdeleine Deyrieux, Marie de Vallon, Françoise de Mereville, Jeanne-Denis d’Alleman, Anne de Montmorin Marie d’Espinchal, Delphine Bac du Mollie, Marguerite de la Rochette et Diane de Massiac, religieuses assemblées à sa prière, au son de la cloche, dans le parloir de la dite abbaye, de vouloir la recevoir au dit monastère en suite du consentement prêté par le dit seigneur évêque, mon père, suivant sa procuration faite à haut nt puissant seigneur messire François, marquis d’Espinchal, seigneur et baron de Dunières, Massiac et autres places, reçue Lagardette, notaire royal, le 17 mai dernier, annexée aux présentes, conformément à laquelle le dit seigneur marquis d’Espinchal, icy présent au nom du dit soigneur évêque, a autorisé la dite dame Marie-Amable de Montmorin Saint-Hérem à l’effet de sa profession au dit monastère, à laquelle prière les dites dames abbesse et religieuses ayant égard; comme étant convaincues de la vocation de la dite dame de Saint-Hérem et de su persévérance depuis plus de huit années qu’elle a resté prétendante au dit monastère et notamment depuis plus de deux ans novice tout présentement reçue ayant icelle promis d’observer les règles et statuts de la dite abbaye et unit que les dites dames n’en soient surchargé, elle s’est constituée en dot envers les dites dames, abbesse et religieuses, la somme de quinze cents livres de principal sur la légitime part et portion dans les biens de la dite défunte dame de Bigny-Ainay, sa mère, pour subvenir à son entretien et subsistance, et la somme de cent cinquante livres de pension viagère que la dite défunte dame, sa mère, lui a donnée et léguée par son testament pendant sa vie ainsi que lui est donné pouvoir de se constituer par la dite procuration; en conséquence de laquelle établit le dit seigneur marquis d’Espinchal, procureur spécialement fondé de la susdite procuration qui suivant le pouvoir à lui donné tant par le dit seigneur évêque que par haut et puissant seigneur messire François-Gaspard de Montmorin, chevalier, comte du dit lieu et autres places, fils du dit sieur évêque, et de la dite défunte daine de Bigny-Ainay, a promis pour et au nom du dit seigneur évêque, de payer annuellement la somme de cinquante livres en diminution de la dite pension pendant sa vie et promet pour, au nom et de la part du dit seigneur et messire François-Gaspard de Montmorin, de payer à la dite dame abbesse et religieuses la dite somme quinze cents livres pour la dot cy-devant pro mise par le dit seigneur évêque à dame Anne de Montmorin, son autre fille, religieuse professe en ce dit monastère, par contrat reçu Bouchet, not_ roy. le 20 avril 1705, en six termes égaux, chacun de la somme de cinq cents livres dont le premier commencera d’aujourd’hui en deux ans, ainsi continueront de deux ans et deux ans jusques à l’entier acquittement des dites deux sommes montant à celle de trois mille livres sans intérêt jusques aux dits termes seulement après chacun desquels termes l’intérêt de ce qui sera échut commencera à courir et sera payé en fin de chaque année en raison de six deniers par livre seulement, nonobstant toutes ordonnances a ce contraires et quoique les termes de la dot de la dite dame Anne de Montmorin portés pour son contrat d’entrée en Religion soient déjà élus, promettant aussi le dit seigneur marquis d’Espinchal pour et au nom du dit seigneur conte de Montmorin de payer à chacune des dites dames Anne et Marie-Amable de Montmorin, religieuses, la somme de cent livres de pension à elles léguée par le testament de la dite défunte dame de Bigny, leur mère, pendant la vie du dit seigneur évêque, leur père, et après son décès la dite pension entière de cent cinquante livres à chacune des dites dames, Anne et Marie-Amable de Montmorin, à commencer comme est dit en la dite procuration et cy-dessu, et moyennant la susdite somme et icelles servies aux susdits termes avec leurs hypothèques, la dite dame Marie-Amable de Montmorin quitté, cédé, remis, renoncé et s’est départie de sa légitime part et portion qu’elle a ou peut avoir aux biens et à la succession de la dite défunte dame de Bigny-Ainay, sa mère, en quoique les dits biens puissent consister et qu’ils soient assis et situés, en faveur et au profit du dit seigneur François-Gaspard, comte de Montmorin, son frère absent, le dit seigneur marquis d’Espinchal procureur susdit pour lui acceptant, conformément aux charges insérées au contrat de mariage du dit seigneur comte de Montmorin avec dame Marie-Michelle de Beauvergier-Montgon, son épouse, reçu par le dit de Lagardette, not., le six du dit mois de mai dernier, et à la forme de la dite procuration, en conformité de laquelle le dit seigneur d’Espinchal, procureur susdit, promet de la part du dit seigneur évêque, qu’il continuera pendant la vie de payer la somme de cinquante livres pour parfaire la dite pension de cent cinquante livres de la dite dame Anne de Montmorin, jointe avec celle de cent livres cy-devant promise de la part du dit seigneur, comte de Montmorin, lesquelles pensions demeureront éteintes après la mort des dites dames de Montmorin, religieuses, chacune à leur égard; et de plus le dit seigneur marquis d’Espinchal promet pour et au nom du dit seigneur évêque conformément à la lettre missive de lui écrite et signée, datée du dit mois de mai dernier, restée au pouvoir de la dite dame abbesse, de donner un présent de cent livres pour l’église du dit monastère de Clavas, outre ce que dessus payable à la première réquisition de la dite dame abbesse. Convenu de par et exprés que où et quand la dite dame Marie-Amable de Montmorin sortirait du dit monastère pour aller dans un autre sous quelque prétexte que ce soit, la dite pension de cent cinquante livres sera payée à la dite dame abbesse du monastère où elle sera, et pour le payement des dites sommes principal et intérêt et pension le dit seigneur d’Espinchal procureur susdit a soumis et obligé les biens des dits, seigneur évêque d’Aire et comte de Montmorin, père et frère des dites dames de Montmorin et par préférance et spéciale hypothèque, les biens demeurés du décès de la dite dame de Bigny-Ainay, leur mère, et sans déroger ny anover aux hypothèques cydevant acquises ny que la spéciale déroge à la générale ny au contraire.

Ainsi arrêté et promis observer par promesses, obligations, soumissions, renonciations et clauses à ce requises, fait au parloir de la dite abbaye en présence de dom Jean.Leaulté, prieur de „Mazan, de messire Jean Baillard de Senotix; prêtre docteur en théologie et curé de Sainte-Se-golaine, messire Barthelemy Coste, prêtre et curé de Dunières, noble Paul du Faure, seigneur de Maisonnettes du dit Dunières, messire M. Chappuis, avocat en Parlement, juge du dit Clavas, sousignés avec les parties , soit controllé à la forme de le dit , et encore présent dom Pierre Arnal, religieux professe de Bonneval, aumônier de la dite abbaye aussi signé.

Signés sous la minute

à Marie-Amable de Montmorin SaintHérem.

D ‘Espinchal, procureur susdit. 

J. Leaulté, commissaire.  

De Montmorin Saint-Hérem, abbesse de Clavas. Soeur de Sainssandoux.

Soeur H. de Beaufort.  

Soeur Chailas

A. F. Feneau.

Soeur Derieux.

Soeur de Valon.         

Soeur Dallemance.

Soeur de Mereville.

Sœur de Montmorin. 

Soeur d’Espinchal.

Soeur de Massiac.      

Soeur Bac.

Soeur de la Rochette.

B. de Senoux, curé présent.

P. Arnal, présent.

Chappuis, présent.

Coste, curé,

Mesonnettes. cc Et moy not. Royal, sodsigné recevant, Fangier; controllé à Marlhes, le 21 juin 1711. R. 8, F. 19.

Ce fut Anna de Montmorin qui reçut dom Boyer lorsqu’il vint à Clavas pour compulser les vieux parchemins de l’abbaye. Le savant bénédictin fut accueilli avec la déférence qui était due à son caractère et surtout à la mission qu’il venait remplir. On lui présenta tout ce qui avait échappé au pillage et aux divers incendies dont le monastère avait eu considérablement à souffrir dans différentes circonstances. De ses recherches résulta le précieux mais très court travail inséré dans la Gaule chrétienne et qui comprend d’une manière très succincte la nomenclature des abbesses de Clavas.

Cette étude est loin d’être sans lacune. IL sera difficile de la combler jamais.

Les rédacteurs du Gallia, pénétrés du mérite’ do notre abbesse sur les affirmations de dom Boyer, qui avait été à même d’en juger pendant son séjour dans l’abbaye, terminent leur étude sur Clavas en faisant d’elle le plus bel éloge, quoique en très peu de mots Ilactenus feliciter prœest et prodest.

Anna de Montmorin Saint-Hérem continua dé gouverner avec sagesse et profit pour son couvent jusqu’en. 1722, époque où la crosse passa en d’autres mains, soit par la mort de la précédente, soit par la résignation qu’elle en fit. Elle avait été  pendant vingt-trois ans à la tête de la maison.

Vingt-sixième abbesse ANNE DE MONTMORIN SAINT-HÉREM.

A ce que j’ai rapporté déjà de cette famille, j’ajouterai ce qu’en dit Lachesnaye-Desbois : Elle est une de celles de l’Auvergne qui a le mieux mérité de l’Etat et de la patrie. Elle est très distinguée par l’éclat de ses alliances. Parmi elles on compte les maisons de Joyeuse, de Mercœur, d’Auzon, de Flotte, de Rochefort, de Gamaches, de Vissac, de Saint-Nectaire, de Chalencon, de Flageac, de Léotoing, de Marols, de Montboissier, , d’Urfé, de Polignac, de Saint-Aignan, de Chazeron, de Coligny, de Castille, de Chauvigny, Le Gros de Vaubercey, de Harville des Ursins, de Rioult de Douilry , de Chambon , Le Valois de Villette, de Banneville, Le Tellier de Souvré, de Champfeu, de la Chassaigne, etc., etc.

Notre abbesse appartenait à la branche de la Chassaigne, dont le premier fut Edouard, seigneur de Montmorin, cinquième fils de Gilbert-Gaspard, marquis de Saint-Hérem, et de Catherine de Castille, seigneur de la Chassaigne, Sémiers, Gensac, capitaine de cavalerie dans le régiment de la Ferté et dans celui de l’Altesse.

De son épouse, Marie de Champfeu, il eut, outre la précédente abbesse, trois autres enfants, parmi lesquels Joseph -Gaspard, qui fut père d’Anne de Montmorin, de laquelle il s’agit dans ce moment.

Joseph-Gaspard se titrait seigneur de Montmorin, Ainay-le-Château, Saint-Amand, Méaulme, le Colombier et Drevant. Il fut cornette blanche (lu régiment, colonel, général, et servit volontaire à Strasbourg. Veuf, en 1700, de Louise-Françoise de Bigny-d’Ainay, qu’il avait épousée en 1684, il quitta le monde, embrassa l’état ecclésiastique, devint d’abord grand-vicaire, fut ensuite, en 1710, nommé par le Roi à l’évêché d’Aire, sacré en 1711, et mourut en 1723.

Lachesnaye-Desbois cite neuf enfants issus du mariage de Gaspard, dont six entrèrent en religion. Il ne me paraît pas sans intérêt de faire connaître ces derniers. Il y a là un exemple qu’on ne voit pas souvent.

1° Gilbert, né en 1691, docteur en théologie de la Faculté de Paris, qui fut nommé coadjuteur de son père à l’évêché d’Aire, le 1er juin 1722, sacré le 7 novembre 1723, le même jour que son père mourut. Il fut fait évêque-duc de Langres, pair de France, le 27 mai 1734, reçu au Parlement en cette qualité, le 15 mars 1736, prélat commandeur de l’ordre du Saint-Esprit, dans la chapelle du château de Versailles, le 2 février 1742, et mourut en 1770 ;

2° Thomas, abbé de Bonnevaux, docteur de la Sorbonne, mort en 1723, âgé de vingt-neuf ans, étant député de la province d’Auch à l’assemblée du clergé ;

3° Claire-Louise, d’abord abbesse de Mercoire, puis de Port-Royal, à Paris, et enfin de Fontevrault, diocèse de Poitiers. Morte le 20 décembre 1753 ;

4° Catherine, successivement abbesse de Charenton, au diocèse de Bourges, de Jouarre, diocèse de Meaux et de Montreuil-les-Darnes-sous-Laon ;

5° Marie-Amable, religieuse à Clavas;

6° Anne, qui fait l’objet de ce travail, Née en 1690, elle fut reçue jeune à Clavas. Ses premières années se passèrent sans éclat, à l’ombre du cloître, mais elle fit apparaître les qualités qui la distinguèrent plus tard. A la mort de sa tante, elle fut nommée d’une voix unanime à la dignité abbatiale, vers 1722. Sous la sage direction de la soeur de son père, dont les Bénédictins font l’éloge que j’ai cité, elle avait acquis, surtout pendant les années de sa probation, les vertus nécessaires pour administrer l’abbaye, et, initiée de bonne heure aux divers besoins de la maison, elle comprit, dès qu’elle tint la crosse, ce à quoi elle devait s’appliquer d’une manière particulière.

La direction des religieuses lui fut une tâche facile. La régularité la plus parfaite régnait dans l’abbaye; elle n’eut qu’à maintenir ce qu’avait fait sa tante et elle sut y réussir.

Le soin le plus important qui lui incomba fut d’augmenter les revenus, qui étaient loin d’être dans un état de prospérité. Les divers désastres survenus au monastère avaient nécessité des dépenses considérables et épuisé en partie les ressources. Anne de Montmorin lutta pendant une vingtaine d’années pour améliorer les finances. A bout de moyens, et voyant qu’elle ne parvenait pas à son but, elle tenta un dernier effort.

Les redevances ne se payant pas régulièrement, soit par mauvaise volonté de la part’ des tenanciers, soit parce qu’un grand nombre étaient tombées en désuétude, elle fit renouveler les reconnaissances vers 1740. Le terrier qui les contient est au pouvoir de M. Peyrieux, notaire à Riotord.

C’est un énorme in-folio qui n’a pas moins de 800 pages, cinquante-cinq centimètres de long sur quarante de large et quinze d’épaisseur. Il est signé : Sauvignhec, notaire. Le 20 décembre 1744, madame l’abbesse se présenta devant le notaire à terrier pour faire sa déclaration. Le tabellion l’annonce en ces termes :

L’an 1744, et le 20 décembre, avant midi, par gués, a comparu haute et puissante dame Anne de Montmorin Saint-Hérem, abbesse de l’abbaye royale de Notre-Dame de Clavas, ordre de Cîteaux, laquelle a déclaré tenir de sa directe et en toute justice, haute, moyenne et basse, les fonds suivants provenus des divers particuliers à la masse de son abbaye.

Suit la nomenclature et la désignation des fonds en question, parmi lesquels ne figure aucune propriété de quelque étendue, mais des champs, des prairies, des bois, situés ou dans les environs de Clavas ou dans la paroisse de Marlhes.

Il serait difficile de dire au juste quel fut le résultat obtenu par cette opération. Il ne paraît pas pourtant qu’il ait répondu à l’espoir qu’on en avait conçu. Les choses en vinrent à un point qu’il fallut songer enfin à prendre des mesures exceptionnelles. On pensa à l’abandon de Clavas et à la réunion des religieuses qui s’y trouvaient avec celles de la Séauve. Le projet dormit quelque temps, mais ne tarda pas d’être étudié d’une manière sérieuse. Il y eut enquête sur enquête. Je ne sais trop quelles étaient à ce sujet les idées des Cisterciennes de Clavas; mais il est hors de doute que celles de la Séauve résistèrent longtemps et firent tout ce qui fut en leur pouvoir pour empêcher la réussite du projet. J’en ai dit un mot dans ma première livraison.

Marie-Marguerite de Molette-Morangier, abbesse de la Séauve, étant morte en 1759, âgée de cent un ans, on poussa activement les informations, pendant la vacance. Je crois même que ce fut pour cette cause que cette vacance se prolongea jusqu’en 1764. Le moment vint pourtant où la réunion fut enfin décidée. Sur le rapport que firent en dernier lieu les commissaires enquêteurs, les supérieurs prononcèrent définitivement l’abandon de Clavas.

Pour adoucir l’amertume qui dut se faire sentir dans le coeur des religieuses de l’abbaye abandonnée, l’autorité crut devoir conserver à Anne de Montmorin sa dignité abbatiale. Elles devaient retrouver dans leur nouvelle demeure celle qui les avait dirigées pendant plus de quarante ans et qu’elles avaient appris à estimer et à aimer. Une autre raison dut influer peut-être sur le choix qui fut fait. J’ai dit qu’à la Séauve on était loin d’avoir vu avec faveur le projet de réunion.

L’opposition qui avait été faite avait peut-être bien laissé dans les âmes quelques traces de mécontentement, un je ne sais quoi dont on ne se rend pas compte, mais qui peut à un moment devenir un ferment de discorde. Il y avait donc à ménager les esprits, à faire disparaître tout ce qui pouvait nuire à la bonne entente, à l’union des coeurs. Or, personne ne pouvait mieux que notre abbesse réussir sur ce point. Exceptionnellement pieuse, pleine de talents, douée d’une prudence rare et d’une amabilité sans égale, il lui était facile de s’insinuer dans les âmes.

Anne de Montmorin fut installée par procureur, abbesse de la Séauve, le 22 juillet 1764, par dom Pousin , religieux profès de l’ordre de Cîteaux, directeur de la dite abbaye. On peut voir dans ma première livraison le procès-verbal de cette installation.

La nouvelle supérieure ne devait pas vivre longtemps après sa nomination. Arrivée à l’âge de soixante-quatorze ans, la pensée de quitter les lieux où elle avait passé plus de cinquante années de sa vie, remplit son âme du plus violent chagrin. Elle ne put résister à la secousse qui se produisit dans son être et mourut à Clavas, quelques mois après sa prise de possession. Ses restes mortels reposent sous les dalles de la chapelle de l’abbaye.

La réunion ne s’opéra qu’en 1765.

A dater de ce moment, le monastère de la Séauve ne fut plus connu que sous le nom de Séauve-Clavas, et fut gouverné dès cette année-là même jusqu’à la Révolution française, par dame Marguerite-Laure de Fumel, d’une des familles les plus distinguées du Quercy.

Extrait de l’ouvrage :

NOTES HISTORIQUES

SUR

LES MONASTÈRES

DE LA SÉAUVE

BELLECOMBE, CLAVAS ET MONTFAUCON

THEILLIER, curé de Retournaguet