Dans ma première livraison, j’ai dit qu’un monastère cistercien, au jour de sa fondation, était ordinairement prieuré et que, plus tard, il était érigé en abbaye, quand l’établissement était devenu stable. Comme prieuré, le couvent était, d’une manière plus particulière, sous la dépendance du monastère fondateur. 1,es attributions de la supérieure étaient fort restreintes. Elle était spécialement surveillée et dirigée dans tous ses actes. Le Père directeur, qui était presque toujours de l’Ordre de Citeaux, avait la haute-main dans l’administration, dont il rendait, tous les ans, un compte exact à ses supérieurs immédiats. Les choses changeaient lorsqu’il y avait espoir de stabilité. Le couvent ôtait alors érigé en abbaye, et par là il obtenait une indépendance plus grande, sans cesser pourtant de rester, sur bien des points, sous la juridiction des monastères fondateurs.
Bellecombe fut prieuré pendant une centaine d’années. Fondé en 1148, il n’apparaît comme abbaye qu’en 1246. L’histoire ne nous a conservé le souvenir que de cinq prieures. Il y a, évidemment, des lacunes dans la nomenclature que nous donne la Gaule chrétienne. Il n’est pas admissible que, pendant un aussi long espace de temps, il n’y ait eu que cinq supérieures.
1er Prieure : ELISABETH.
Quel était son nom patronimique ? D’où venait-elle? Pendant combien de temps gouverna-t-elle le monastère ? Silence complet sur ces trois questions. On ne sait d’elle qu’une seule chose : c’est qu’elle obtint du pape Eugène III une bulle qui confirmait les possessions du monastère. Cette bulle fut donnée à Rheims par Guidon, S. R. E. du chancelier, aux nones d’avril, indiction XI, en 1148, la quatrième année du règne d’Eugène III.
Etait évêque du Puy, à cette époque, Pierre HI, qui avait été sacré à Viterbe par le Pape lui-même, en 1145 et qui mourut au mois d’août en 1158. Il est presque certain que ce fut sous son épiscopat que fut fondé le monastère du Suc-Ardu.
2° Prieure : JOUSSERANDE.
Pour celle-ci, comme pour la précédente, il faut se taire sur un grand nombre de questions. On ne sait que ce qu’en ont dit les auteurs de la Gaule chrétienne.
En 1224, au mois de mai, Gerald, seigneur du Monteil et vicomte de Marseille, Massilice, lui accorda le privilège d’exemption ab omni pedagio, par toutes ses terres et ses eaux.
La même année, au mois de décembre, elle reçut une donation de Pierre de Mounetère et de Hugon, son fils, donation qui fut confirmée par Etienne, évêque du Puy (1) en présence de Jourdan de Seyssac et Bertrand de Chalencon.
Hugon de Salsac accorda, entre vifs, à Dieu et à la Bienheureuse Vierge, à la maison de Bellecombe et à Jousserande, prieure, quelques manses et d’autres choses énumérées dans l’acte de donation, demandant que l’un des prêtres du monastère fasse, tous les jours, à la messe, des prières spéciales pour l’âme de son fondateur et de son épouse, la daine de Vachères. L’acte fut passé devant Pierre Adémard, chanoine de Notre-Dame du Puy et bailli de la cour anicienne, le 7 des kalendes de juin en 1224.
Il porte les sceaux d’Etienne, évêque du Puy, et de frère Pierre, prieur du couvent de Saint-Laurent, en présence de Léotaud, trésorier, de Pons Augier, sénéchal, de Bertrand de Rochebaron, ‘de Pierre Jousserand, de Willelm d’Ursairoles, du frère Hugon, de l’Ordre des Prescheurs, de Pons Mathieu, etc., etc.
Ce fut très-probablement sous cette prieure, ou peu de temps avant sa promotion au supériorat, que fut reçue comme religieuse, à Bellecombe, la fille d’un boulanger de Saint-Chaffre. Ce boulanger, du nom de Guillaume Purenta, tenait sa boulangerie des moines, mais libre de tout cens et de toute redevance ; or, il la céda au monastère à condition que les moines feraient recevoir sa fille unique dans un couvent de Religieuses. Les frères de Chamalières, fratres Chamaliarum, se chargèrent de l’enfant qui leur avait été confiée et la firent recevoir au monastère de Bellecombe, auquel ils donnèrent trois sétiers et deux sols qu’ils avaient de cens dans la maison d’Adiac.
(Gaule Chrétienne. — Cartulaire de Chamalières, n• 14)
- L’Evêque dont il s’agit ici était Etienne de Chalencon. Elu par le clergé et le peuple, quoiqu’il ne fût pas encore prêtre et qu’il fut avancé en âge, il reçut le diaconat, la prêtrise et l’onction épiscopale des mains du Pape lui-même, auprès duquel il s’était transporté avec un chanoine du nom de Raymond.
3e Prieure : MARIE D’ANDUSE.
Anduse est située en Vivarais. C’était le siège d’une baronnie possédée, vers la fin du XIIe siècle et le XIIIe, par les familles de Bermond et de Pelet.
Laroque, dans son Armorial du Languedoc article Bermond, dit que les sirs de Bermond et de Pelet étaient les plus anciennes et les plus illustres maisons de la province.
D’après Anselm et d’autres auteurs, mourut à Rome, en 1215, Pierre Bermond VII, seigneur d’Anduse. Il était fils de Bernard Bermond VI, et il eut pour frère :
1° Raymond, qui fit la tige des barons de Florac, dans le diocèse de Mende, et
2° Pons, qui fit la branche des barons de Cayla.
Marié à Jousserande de Poitiers, on lui connait deux filles de cette première femme : 1° Marie Bermond, mariée à Arnaud, vicomte de Limagne et d’Aurillac ;
2° Philippe Bermond, qui épousa Aymeri V, vicomte de Narbonne.
Je regarde comme très-probable que Marie (Anduse doit être mise au nombre des autres enfants de Pierre et de Jousserande, que les auteurs disent assez difficiles à retrouver.
Quoiqu’il en soit de cette question, voici ce que l’on sait de certain de notre Religieuse :
Elle était à la tête du couvent en 1234. Elle acheta la manse de Bélistar et d’autres propriétés de Pierre de Monnedère. L’acte fut passé à Bellecombe, dans la maison de Dieucouvert, en 1234, la veille des nones de juillet, en présence de Jourdaine de Fay, sous-prieure, de Pontia del Suc, d’Esmenardes de Valemblavés, de Cécile de Lapte, sacristaine, de Cécile du Puy, etc., Religieuses, de sept prêtres et dix converses.
(Gallia christiana. — Laroque — Le Père Anselme)
4e Prieure : HERMENNE.
Elle transigea pour la grange d’Adiac avec Seguin, prieur de Beaulieu, diocèse du Puy, au mois de juillet 4238, en présence d’Alais et Vacherie de Bouzols, Religieuses. Cette transaction fut ratifiée par l’abbé de Mazan.
Au rapport du frère Théodore, le siège épiscopal du Puy était alors occupé par Bernard de Montaigu, dont la famille disputait d’éclat et d’ancienneté avec les premières de l’Auvergne.
1er Abbesse : AIGLINE—ASPASIE DE POLIGNAC.
L’existence de la famille de Polignac est justifiée par les monuments de l’histoire depuis le temps où les grands fiefs commencèrent à devenir héréditaires, c’est-à-dire depuis le règne de l’empereur Louis-le-Débonnaire.
Les vicomtes de Polignac usaient d’une grande autorité dans le Velay. On en juge par le surnom de roi des montagnes que leur ont donné les historiens de la croisade contre les Albigeois.
La première race des vicomtes de Polignac, après avoir joué, plus de cinq cents ans, un rôle important dans l’histoire, s’est éteinte en 1426.
C’est évidemment à cette première race qu’appartenait Aigline-Aspasie. Ce point ne peut être douteux, puisqu’elle vivait vers la fin du XIIIe siècle; mais il m’est impossible de dire rien de positif sur ses auteurs. Je ne puis donner qu’une hypothèse.
Vers la fin du me siècle, vivait Pons IV de Polignac qui eut pour femme Alcinoûs de Montlaur. L’auteur de l’ouvrage intitulé : La Maison de Polignac, lui donne quatre enfants :
Héracle qui devait être héritier de nom et d’armes et qui mourut sans postérité;
Pons V, qui devint, par la mort de son frère, vicomte de Polignac ;
Armand et Eudes, chanoine de Brioude. N’y eut-t-il pas des filles de ce mariage, et Aigline-Aspasie n’en fut-elle pas du nombre?
On n’en sait rien. Toujours est-il que les dates concordent assez. Notre abbesse régnait vers le milieu du XIIIe siècle, et Pons IV s’était marié vers les dernières années du XIIe.
Pons IV, son père, embrassa, avant sa mort, la vie monastique, dans l’Ordre de Citeaux. Héracle, son frère, après quelques années de désordre, revint à résipiscence, fit pénitence de ses fautes passées, fonda le monastère de l’Ordre de Grammont, à Viaye, près la Voûte-sur-Loire, et accompagna le roi Philippe-Auguste en Terre-Sainte, où il mourut.
Armand, son autre frère, devint abbé de Saint-Pierre- la Tour et ensuite évêque du Puy, et Hugues, le dernier, fut chanoine de Brioude.
Pons V, héritier de la vicomté, par la mort de son frère, épousa, en 1223, A lix de Trainel (de Triangulo ), fit partie de la croisade et mourut sous les murs d’Antioche, laissant un fils, du nom d’Armand et une fille, qui fut mariée au sir de Montlaur, en Vivarais.
Cette première race de Polignac avait pour armes, d’après le Frère Théodore :
Fascé d’argent et de gueules de six pièces.
Aigline-Aspasie fut, la première, revêtue de la dignité abbatiale pour Bellecombe. Il convenait que la première abbesse de l’Ordre de Citeaux pour le Velay fut choisie dans la première et la plus noble famille Vellavienne. Nul doute qu’elle n’ait répondu au choix qui fut fait d’elle, par sa piété, par l’éminence de ses vertus et surtout par son zèle à consolider l’établissement de Bellecombe et à lui donner la stabilité voulue.
En 1256, elle transigea avec Pons et Guyon de Monnedeyre, frères et damoiseaux. La Gaule chrétienne constate que, lors de cette transaction, Armand de Polignac était évêque du Puy. Les savants Bénédictins en faisant ce rapprochement, n’ont-ils pas voulu faire entendre que l’abbesse et l’évêque étaient parents à un degré très-proche ?
La même année, au mois d’octobre, Potis de la Romigière, damoiseau, vendit à la maison de Bellecombe et à Aigline-Aspasie la manse de Vazeilles, etc., etc.
2em Abbesse : ALAZATIA, SIVE ALASASSIA SEU ALAIZ DE BOUZOLS.
Pour la description du château de ses pères, je renvoie au précieux ouvrage de M. Truchard Dumolin, qui a pour titre : Baronnies du Velay. On lira avec plaisir ces deux pages qui, dans leur sobriété, sont touchées de main de maître :
Le Château de Bouzols, dit l’auteur, à la fin de son article, n’était pas seulement le principal manoir d’une grande seigneurie, c’était la vigie du pays dans le Vivarais, la place forte dont on s’est le plus souvent et le plus ardemment disputé la possession. C’est qu’aux mains de l’ennemi elle était une menace et quelquefois un danger pour la ville du Puy.
Pendant sept siècles de premiers seigneurs et, après eux, les Polignac, les comtes de Valentinois, les d’Armagnac, les La Tour d’Auvergne, les Montaigu s’y succèdent, et tous ont légué des souvenirs à l’histoire.
M. Dumolin dit notre abbesse fille de Pierre de Saint-Romain, seigneur de Bouzols, et d’Amphelise de Polignac.
Qu’était cette famille de Saint-Romain ? D’où venait-elle ? Ces questions ne sont pas éclaircies. Tout ce que l’on sait, d’après l’auteur cité,
c’est que le premier de ce nom de Bouzols fut Jousserand 1er, qui prit possession de Bouzols par son mariage avec Wilhelmine, seule héritière de sa maison, qui n’est connue que sous le nom du château qu’elle possédait.
On compte sept enfants de Pierre de Saint-Romain et d’Amphelise de Polignac. Tous furent religieux ou religieuses, à l’exception de Bèraud, qui continua la maison, et d’Amphelise qui fut mariée à Gui, fils de Guyon, chevalier, seigneur de Lardeyrol.
Alaïs était à Bellecombe en 1238, ainsi que cela a été dit déjà. Elle y était avec sa soeur Vacherie.
Devenue abbesse du monastère, elle traita avec Bertrand Delman, chevalier, par l’entremise de
Jean Cardinal, chanoine; de Guiyon, seigneur de Lardeyrolles, du consentement de Guillaume de la Roue, Evêque du Puy, sur une contestation relative à la propriété de Montaigu, suivant un acte passé aux pieds de la montagne dé Chazeaux, le 10 des kalendes d’octobre 1269.
Au mois de février 1272, elle achète des frères Hugon et Pons de la Bastide la manse de Salélas.
Le frère d’Alaïs de Bouzols, Béraud, se maria, en 1286, avec Stache de Gamelin, fille de Stache de Gamelin, chevalier, seigneur de Romanin, en Provence, et de Marie de Pensa. Il n’y eut de ce mariage qu’une fille, Catherine, qui épousa. au mois d’avril 1306, Armand V de Polignac, fils d’Armand IV et de Marquèze de Randon.
3e Abbesse : BÉATRIX.
La Gaule chrétienne ne donne d’abord que son nom de baptême, mais elle dit, à la fin, que dans un acte on l’appelle de Saint-Priest, ubi cognominatur de sancto Proejecto.
Il s’agit donc évidemment ici de la même abbesse dont il a été question dans la première livraison.
Une difficulté se présente néanmoins ; la voici : Les auteurs cités lui font jurer fidélité à l’Évêque du Puy, pour le monastère de la Seauve, en 1284 et, la même année, ils lui font pareillement jurer fidélité pour Bellecombe. Elle dut donc être transférée d’un monastère dans l’autre en 1284. Dans cette hypothèse, la difficulté est levée. Abbesse de la Séauve au commencement de l’année, elle fit hommage pour la Séauve, vers les premiers mois de 1284, hommage qu’elle renouvela pour Bellecombe lorsqu’elle y fut transférée vers les derniers mois.
L’Évêque auquel Béatrix promit fidélité était Guillaume de la Roue, fils cadet de Pierre, baron de la Roue, et de Delphine, vicomtesse de Saint-Bonnet et de Lavieu, nommé Évêque en 1260 par la plus grande partie des chanoines et des corps du Puy ; il mourut en 1282 et fut enterré à la Chaise-Dieu, dont il avait été religieux.
4e Abbesse : BLANCHE DE BAS.
L’histoire n’a conservé que son nom et une date, 1287. Rien sur sa famille et sur sa vie. M. Fraisse, curé de Monistrol-sur-Loire, aux Tablettes historiques du Velay, 3° année, 2em livraison pp132, 133, parle d’un Bertrand de Bas, chanoine de l’Église du Puy.
Après avoir dit ce qui le concerne, il ajoute :
Il nous semble, bien que le cartulaire ne le dise pas clairement que Bertrand le chanoine était un cadet de la famille de Rochebaron, qui avait pris le titre honorifique de seigneur de Bas , comme nous en verrons d’autres, plus tard, prendre celui de seigneur de Saint-Julien. On n’élevait alors à la dignité de chanoine de la cathédrale que des nobles, et nous ne voyons pas qu’un membre d’une famille noble autre que celle de Rochebaron eut osé prendre le surnom de Bas.
Cette hypothèse est fort plausible. Blanche de Bas ne faisait-elle pas partie de cette branche cadette ? Il est permis de le supposer avec autant de raison que dans le premier cas.
Mais voici une autre hypothèse non moins plausible. N’y a-t-il pas eu, quelque part, une famille portant le nom de Bas? Ce qui m’engage à faire cette question, c’est que je trouve dans Gustave de Burdin, Etude sur le Gévaudan, tome Il, page 435, au mot Termes Justice seigneuriale, dom Nicolas de Bas, religieux bénédictin, à Paris, seigneur du lieu.
Si une famille de ce nom a existé, pourquoi Blanche n’en serait-elle pas issue ?
5e Abbesse : AMPHELISE DE CHAZAL OU CHAZEAUX.
Voir la in livraison pour ce qui regarde la famille d’Amphelise.
Elle régissait le monastère, dit la Gaule chrétienne, du temps que Guidon de Neuville était Évêque du Puy. Celui-ci, par suite d’une vacance et par droit de main-morte, avait pris possession des manses de Corioles, du village de Monteillet et du territoire de Bélistar, mais touché de la pauvreté du monastère, il ne les garda pas longtemps. Par acte passé au Puy, le vendredi avant la dédicace de l’Église du Puy, 1291, il les restitua aux Religieuses de Bellecombe.
L’année suivante, elle reconnut à Pons de Polignac, chanoine du Puy, seigneur de la vallée de l’Amblavés, la terre d’Adiac et de Rosières.
En 1223, elle jura fidélité à Gui ou Guidon de Neuville, Évêque du Puy.
Des différends s’étaient élevés entre l’Évêque et le comte de Velay et Amphelise pour la justice de Bellecombe ; l’abbesse choisit des arbitres pour en venir à un arrangement, le jeudi après la Saint-Barthélemy, en 1294 L’année suivante, après la fête de la dédicace de Michel, le premier jour du mois d’octobre, en son nom .premier
au nom du conseil de Bellecombe, elle s’arrangea avec Jean Cardinal, chanoine et fort-doyen du Puy, vicaire-général de Monseigneur et son procureur en cette affaire, en présence des témoins, Jourdan de Seyssac, abbé de Saint-Pierre-la-Tour, et autres.
6e Abbesse ISABELLE DU TOURNEL
La baronnie du Tournel était située en Gévaudan, archiprêtré de Saugues. Un membre de la famille de Châteauneuf-Randon en devint maitre le 20 octobre 1210 par son mariage avec Marguerite du Tourne!, héritière des biens de sa maison.
Châteauneuf-Randon est une petite ville de la même province, avec le titre de baronnie. Elle était autrefois défendue par un château-fort, célèbre par le siège que les Anglais y soutinrent contre le connétable du Guesclin, en 4380, et devant lequel ce héros termina sa glorieuse carrière.
Châteauneuf-Randon, dit Bouillet, a donné son nom à l’une des plus illustres familles de France, qui s’est divisée en plusieurs branches, toutes célèbres, entre autres, en celles d’Apchier, de Joyeuse et de Tourne!. Sa filiation suivie commence à Guillaume Randon, vivant en 1050. Guillaume, qui est qualifié de domicellus miles était seigneur de plus de quatre-vingts paroisses ou châteaux, en Gévaudan, Vivarais et Cévennes, connus sous le nom de Randonnas ou Randonnais.
Ce fut un de ses arrière-petits fils, Odilon Guérin, qui fut l’auteur de la branche des seigneurs et barons du Tourne!. 11 était fils de Guigne Meschin de Châteauneuf-Randon et de Marie d’Assumens.
Il n’est pas permis de douter qu’Izent ou Izabelle du Tourne!, que la Gaule chrétienne cite comme la onzième supérieure de l’abbaye de Bellecombe, ne soit issue de cette famille, branche du Tourne!. Elle vivait en 1303, et Odilon Guérin était devenu baron du Tourne! En 1240.
Il est très-probable qu’elle était fille de Guigne Meschin de Châteauneuf-Randon, qui se maria, en 1239, à Vienne de Vallergues. Gustave de Burdin donne la généalogie des Châteauneuf du Tourne!, mais il ne cite pas notre abbesse. Ce que j’avance n’est donc qu’une hypothèse, mais cette hypothèse est basée sur des dates. Si elle est vraie, Isabelle aurait eu, pour frère, Odilon Guérin qui fut élu Evêque de Mende.
Notre abbesse ne prit-elle pas d’abord l’habit au couvent de Mercoire ? C’est probable. Ce couvent était de même ordre que celui de Bellecombe; comme ce dernier, il était de la filiation de celui de Mazan ; de plus, il avait été fondé par an de ses ancêtres, de la branche de Châteauneuf-Randon et était situé sur la terre même de Châteauneuf.
Quoiqu’il en soit, il est certain qu’elle portait la Croce à Bellecombe, en 1303. Était, à cette époque, Evêque du Puy, Jean de Cuménis, qui avait d’abord été abbé du royal monastère de Saint-Germain-des-Prés. Content de sa première position, il fallut, pour ainsi dire, le forcer pour accepter la mitre. Mort en 1307, il fut inhumé aux Cordeliers, dans une chapelle de Saint-Michel, qui était son oeuvre. Izent de Tournel lui avait fait hommage, en 1303, pour le fief de Bonas.
La famille de Châteauneuf-Randon portait : d’or à crois palmes d’azur, au chef de gueules surmonté de la légende : Deo Juvente.
Celle de Châteauneuf-Randon du Tournel : de gueules, à la pointe d’argent, qui sont du Tournel, écartelées des armoiries de Châteauneuf-Randon.
7e Abbesse : ISABELLE I DU ‘FOURMI,.
Après Isent I du Tournel, la Gaule chrétienne cite Isabelle I du Tournel, mais sans assigner aucune date et sans rapporter aucun fait.
On peut présumer qu’elle était soeur d’Isent ou plutôt sa nièce, et dans ce dernier cas elle aurait été fille d’Odilon de Châteauneuf-Randon, seigneur et baron du Tournoi, et de Mirande .1e Montlaur, dont le mariage eut lieu le 30 janvier 1278.
Elle était supérieure sous l’épiscopat de Bernard de Castanit, qui eut Montpellier pour lieu -de naissance. Avant d’être prêtre, celui-ci fut (l’abord jurisconsulte habile et auditeur du Sacré-Palais. Devenu prêtre, il fut donné, par Innocent V, pour Évêque aux Albigeois et ensuite transféré à l’évêché du Puy, où il finit sa vie. Ce fut lui qui, vers 1309, fonda la collégiale de Monistrol-sur-Loire et, vers la même époque, le monastère des Augustines de Vals, près-le Puy.
8° Abbesse : HYSELLE DU TOURNEL, de Tornello.
Même famille que les deux précédentes. En cela, il n’y a rien d’étonnant. La maison de Châteauneuf-Randon du Tournel était une des plus illustres familles du Gévaudan. Les monastères aimaient bien à être sous la protection spéciale de maisons semblables, et quoi de, plus efficace pour obtenir cette fin que d’avoir à leur tête un de leurs membres ? Serait-on téméraire de présumer que lorsqu’une vacance était sur le point de se produire ou qu’elle se produisait, les grandes familles usaient de toute leur influence pour que la place fût occupée par quelqu’un des leurs ? L’humaine nature n’a-t-elle pas toujours été la même ? Au fond, quand les sujets choisis offraient toutes les garanties désirables, que pourrait-on dire contre cette manière de faire ?
Hyselle était à la tête de l’abbaye de Bellecombe dès 1328 et gouvernait encore en 1358. Pendant son administration, furent évêques du Puy :
1° Bernard Brun, né à Brive- la-Gaillarde et doyen de Limoges. Au rapport du frère Théodore, il fut fort traversé dans le séculier et dans l’ecclésiastique, soit qu’on lui fit injustice ou qu’il n’eut pas pris assez de peine à se dépouiller de l’humeur difficile qu’on reproche à ceux de sa province;
2° Jean de Chamdorat, de la famille de Montibus, dont je parlerai tout à l’heure;
3° Jean Jovefri, d’abord évêque de Valence et puis évêque du Puy.
Notre abbesse avait pris l’habit religieux au monastère d’Alest, de l’Ordre de Sainte-Claire, du diocèse de Nîmes ; elle était là, vouée à toutes les austérités du cloître, lorsqu’on vint l’y chercher pour la transférer à Bellecombe. Pourquoi cette translation ? Les auteurs de la Gaule chrétienne nous l’apprennent : ce fut à la demande de la Prieure et de tout le couvent qu’elle fut nommée par une bulle de Jean XXII donnée à Avignon le 13 des kalendes de février, la onzième année de son pontificat. Quelques jours après le 43 des kalendes de février, le même Pape lui accorda, par une autre bulle, la faculté d’être bénie par l’Evêque qu’elle voudrait.
On se demande ici avec raison : Pourquoi de la part de la Prieure et de tout le couvent, ces prières à l’effet d’obtenir pour abbesse Hyselle du Tournel, qui cependant appartenait à. un autre Ordre ? Ces prières étaient-elles basées sur le mérite exceptionnel et public du sujet réclamé ou faut-il y voir un acte de reconnaissance de la part des Religieuses pour les abbesses de sa famille, qui avaient déjà gouverné le monastère, ou enfin voulut-on faire plaisir à une famille puissante bien connue de l’Abbaye et peut-être sa bienfaitrice? Le champ ici est ouvert à toutes suppositions. Toujours Est-il qu’Hyselle prit possession dans des conditions singulièrement favorables. Il y avait eu élection et élection unanime de la part des Bernardines de Bellecombe. L’histoire ne dit pas si elle répondit à l’attente générale. Son administration de trente ans est cependant une présomption en sa faveur.
Je donne Hyselie comme nièce de la précédente. Il ne serait cependant pas impossible qu’elle fut sa soeur. Quoique vivant encore en 1358 et que Odilon de Châteauneuf se fut marié avec Mirande de Montlaur en 1268, elle pourrait parfaitement être issue de ce mariage. Je raisonne néanmoins d’après la première hypothèse et je la suppose fille d’Odilon de Chateauneuf-Randon et d’Éléonore de Canilhac, dont le mariage eut lieu le 3 juillet 1305. Si cette supposition est vraie, Hyselle aurait été fort jeune lorsqu’elle fut nommée abbesse puisqu’elle fut mise à la tête du monastère dès 1328. Cet âge ne doit pas étonner. Il y en a d’autres exemples.
9e Abbesse : JEANNE D’ANDUSE.
Les auteurs de la Gaule chrétienne la citent d’après les notes de Dom Estiénot. Ils ne donnent qu’une date, 1360.
Dom Estiénot, dont le manuscrit a été entre mes mains, se contente de citer son nom et la date. Il ajoute cependant une indication qui peut faire connaître sa famille. Il donne ses armes qui étaient : de gueules à trois étoiles d’or.
Or, ces armes ont toujours été celles de la ville d’Anduse, ce qui doit faire présumer qu’elles lui venaient de la famille la plus ancienne qui l’avait possédée et par conséquent de la famille de Bermond.
Je trouve, en outre, dans le Père Anselme, R. IV, 481 c. que vers 1350 les barons de la Voûte, comtes et ducs de Vantadour, écartelaient leurs armes au troisième quartier : de gueules à trois étoiles d’or.
Or, je trouve dans le Hérault d’armes, page 358, un Bernard III, d’Anduse, de la branche cadette de Bermond, qualifié du titre de seigneur de la Voûte. Quelque alliance dut l’obliger à écarteler ses armes, mais il conserva au troisième quartier celles de sa famille.
Je regarderais donc Jeanne d’Anduse comme issue d’une branche de la famille de Bermond, dont j’ai dit déjà quelques mots.
Je trouve encore dans l’ouvrage que je viens de citer que le fief d’Anduse fut cédé par le roi Philippe-le-Bel à Jean de Comines, évêque du Puy, qui, vers 1305, lui abandonna en échange la moitié des droits de sa ville épiscopale. La concession faite par le roi partit si minime aux contemporains qu’ils disaient dérisoirement :
Bien fut l’Évèque del peu, buse Quand changet le peu per Anduse.
Louis de Bermond d’Anduse, ajoute le même ouvrage, eut de son mariage avec Marguerite d’Apchon, 1376, pour héritières deux filles qui portèrent, avec de riches apanages, les traditions d’une noblesse illustre aux Lévis-Ventadour et aux Pontèves de Cottignac.
(La Gaule chrétienne. — Dom Estiénot. — Le père Anselme. — Le Hérault d’armes.)
10e Abbesse : SUZANNE DES MONTS, de Montibuo,
Qu’était cette famille des Monts ou de Mons I’ Elle est encore fort peu connue des généalogistes. Voici tout ce que je puis en dire pour le moment :
Le Frère Théodore, page 322, parlant de Jean de Chamdorat ou Cadery, dit qu’il naquit aux portes du Puy, dans le château paternel de Mons, dont Gérald, son frère, portait le titre.
C’est bien là la famille en question. Chamdorat ou Cadery était son nom véritable ; mais, comme toutes les familles d’alors et celles qui vinrent après, celle dont il s’agit prit le nom du château dont elle était en possession ; de là la dénomination de Mons, de Montibus.
Jean de Chamdorat fut, à ce qu’il paraît, le personnage le plus illustre de cette maison. Il était docteur en l’un et en l’autre droit et avait été auditeur au Sacré-Palais. Élevé à l’épiscopat, en 1342, il mourut à Monistrol en 1355.
Le cartulaire de Chamalières, n° 71, parle d’un Guillaume de Mons, qui fut tué au siège do Craponne en 1163. Dalmace, son frère, et d’autres amis donnèrent son lime à Dieu et au monastère de Chamalières, où il fut enterré, un métan d’avoine et deux sols de cens sur une terre appelée La Combe, près Jussac.
En 1392 et 1411, nous voyons figurer comme chanoines et comtes de Brioude, Léger et Gilles de Montibus.
En 1459, Michel de Montibus, sans autre qualification, fut, avec Guyot du Rieux et Pierre Douhet, fondé de pouvoirs de Bertrand de La Tour, comte d’Auvergne et de Boulogne, pour lit prise de possession de la baronnie de La Four.
Qu’était Suzanne par l’apport aux personnages que je viens de nommer? Il est impossible de le dire. Vu la concordance des dates, il est probable qu’elle était fille de Gérald, frère de Jean de Chamdorat.
En 1367, 27 avril, elle prêta hommage de fidélité pour son monastère à Bertrand de La Tour, évêque du Puy, en présence des témoins, Gaillard Ebrard, abbé de Saint-Pierre La Tour, etc.
L’année suivante, au mois de novembre, elle transigea avec le même évêque, par ses procureurs, Hugon Tronche, moine de Mazan, et Etienne Pratlong, curé de Saint-Evode du Puy. Elle renouvela et confirma le même pacte avec le même Evêque, le 13 mai 1372. Elle vivait encore en 1375.
(Sources: Gallia christiana, —Frèreb Théodore, —Douillet, —Cartulaires de Chamalières.)
11e Abbesse : ISABELLE DE PRADELLES.
La seigneurie de Pradelles, dit M. Calemard do La Fayette dans son opuscule qui a pour titre :
Notre-Dame-de-Pradelles, page 114, eut à subir de nombreux et fréquents changements ; elle fut surtout singulièrement divisée, passant, pour ln tout, et, le plus souvent pour partie, d’un possesseur à l’autre; elle changea aussi fréquemment de mouverme.
Quoiqu’il en soit des diverses familles qui se sont succédées dans la possession de Pradelles, il est certain que cette seigneurie appartenait, en partie, à Guigon de Lévis, seigneur de Roche-en-Reynier, vers la fin du XIIIe siècle. Guigon en devint maître par Son mariage avec Jordane de Montlaur, qui hérita de tous les biens de sa maison. Il est pareillement certain que Maurice Beraud de Polignac est qualifié du titre de coseigneur de Pradelles vers la fin du XIVe siècle.
Isabelle appartenait-elle à une de ces deux familles, et à laquelle ? Je n’ai pu le savoir et je ne pourrais hasarder que des hypothèses.
En 1383, 9 juillet, notre abbesse rendit hommage à magnifique et puissant homme, Armand, vicomte de Polignac, seigneur des baronnies de Polignac et de Randon, pour les terres des Vérots et d’Adiac, en joignant ses mains dans colles du vicomte, osculo pacis interveniente.
L’hommage eut lieu dans l’ancien chapitre de la Bienheureuse Vierge du Puy, en présence des témoins : Hugon, abbé de Mazan, et de Pierre de Vergésac, écuyer, ballif du vicomte de Polignac.
(M. Calcinant do La Fayette. Notre-Dame-de-Pradelles. —La Gaule chrétienne.)
12e Abbesse : ISENT II DU TOURNEL.
Deux dates, 1385 et 1395, et le nom, c’est tout ce que la Gaule chrétienne nous donne de cette abbesse.
Il n’est pas facile de dire d’une manière certaine de qui elle était fille. Gustave de Burdin dit que, Guigon de Châteauneuf-Randon, seigneur et baron du Tourne!, se maria le 12 avril 1365, avec Isabelle de Chalencon. Isent II ne serait-elle pas issue de ce mariage? Il ne serait pas impossible non plus qu’elle eut été soeur d’Hyselle du Tournel dont il a été question au n°- 8. Supposé qu’elle fut venue au monde vingt ans après le mariage de son père, elle n’aurait eu que 70 ans à la dernière des deux dates ci-dessus. Je dis, néanmoins, que, vu la puissance de sa famille et la considération dont elle jouissait à Bellecombe, il n’est pas probable qu’on l’eut laissée si longtemps dans un rang inférieur et qu’il y eut entre elle et la dernière abbesse de son nom trois abbesses intermédiaires. J’incline donc pour ma première supposition.
(La Gaule chrétienne. — Gustave de Burdin.)
13e Abbesse : CATHERINE DE ROCHEFORT.
Dom Estiénot la dit originaire d’une famille d’Auvergne, à laquelle il donne pour armes : Party de vair et de gueules.
Avec cette indication du savant bénédictin, l’origine de Catherine ne laisse pas que de demeurer incertaine. On en jugera par ce que je vais dire.
Bouillet, dans son Armorial, cite une famille de Rochefort qui avait pour blason : Au 1er de vair plein ; au 2e de gueules, chargées d’une moucheture d’argent.
C’est bien là approximativement, et avec une différence cependant, les armes données par dom Estiénot. Une difficulté subsiste, c’est que Bouillet dit cette famille originaire du Forez et non de l’Auvergne et transportée en Vivarais au XVIe siècle.
Le Laboureur, Mazures -de l’Isle Barbe, cite à la page 513, une famille de Rochefort. Au deuxième degré de la généalogie il parle d’un Guyonnet de Rochefort, chevalier, seigneur d’Espercien et de La Faye, qui épousa, l’an 1576, Égline de La Valette, dame dudit lieu qu’elle lui rapporta avec Neyrieux et Charpessey. Celle-ci était fille d’Hugues de La Valette et de Béatrix de Godechaux, et petite fille de Robert de La Valette et d’Agnès Garitaude. Or, Le Laboureur donne pour armes à la famille La – Valette : De vair party de gueules. Ce blason est identiquement le même que celui donné à notre abbesse par dom Estiénot.
Catherine appartenait-elle à cette branche de Rochefort, alliée avec celle de La Valette? Je n’oserais l’affirmer, et voici pourquoi : Guyonnet de Rochefort se maria avec Engline de La Valette en 1576. Il ne peut être douteux que s’il prit les armes de la famille de sa femme il ne dut les prendre qu’après son mariage, par conséquent vers la fin du XVIe siècle. Or, Catherine de Rochefort vivait au commencement du XVe.
Il se pourrait que la famille possessionnée à La Valette, près Saint-Etienne, fut une branche de Rochefort. Dans ce cas, la question serait claire et l’on s’expliquerait l’identité des armes données par dom Estiénot et par Le Laboureur.
Le 19 novembre 1404, noble Jean, bâtard de Polignac, fils de magnifique et puissant homme Armand, vicomte de Polignac, lui rendit hommage-lige pour la terre d’Adiac, le genou à terre, les mains jointes, en baisant les pouces de l’abbesse. Cet hommage fut rendu à Bellecombe, dans la chambre abbatiale, en présence e noble Girard de Pyères et Jean Ruel, damoiseaux.
Les auteurs de la Gaule chrétienne font remarquer que le diocèse du Puy était alors gouverné par un évêque du nom d’Hélie. Il s’agit d’Hélie de l’Etrange, d’abord évêque de Saintes, puis du Puy, où il fut transféré en 1399. Le frère Théodore dit qu’il était savant et d’une éloquence rare.
Catherine de Rochefort était encore à la tête du monastère en 1523, sous Guillaume de Chalencon.
(Sources : Les auteurs cités.)
14e Abbesse MARQUÈSE DE SAINT-V1DAL.
La famille de La Tour à laquelle appartenait Marquèse, était possessionnée à Barges, en Velay, avant de devenir maîtresse de Saint-Vidal. Cette dernière seigneurie était au pouvoir de la maison de Goudet avant de passer entre les mains de celle de La Tour. Ces points ne sont pas discutables. En l’an 1300, noble Guigon de Goudet s’intitule seigneur dudit lieu et de Saint-Vidal dans son acte de dernière volonté. Gérine de Glavenas, dans une clausule de son testament, en 1324, se dit veuve d’Hugues de La Tour, seigneur de Saint-Vidal.
La question devient difficile quand il S’agit de savoir à quelle époque et comment Saint-Vidal changea de maîtres. Voici ce qui m’a été donné de découvrir :
Vers le milieu da mn° siècle apparaît Hugues de La Tour, qui se maria à Aymarde de X… qui testa à Barges en 1269. 11 est très-probable que cette dernière, el c’est le sentiment de MM. Dumolin et Fraisse, était soeur de Guigon de Goudet, seigneur de Saint-Vidal. Si cette hypothèse est vraie, et je l’admets comme vraie, la famille de La Tour serait devenue maîtresse de Saint-Vidal du chef d’Aymarde.
Du mariage d’Hugues de La Tour il y eut, entre autres :
1° Hugues de La Tour, encore mineur lors du testament de sa mère ;
2° Guicharde de La Tour ;
3° Alexandre de La Tour.
Hugues de La Tour, deuxième du nom, épousa, à la fin du XIIIe siècle, Gérine de Glavenas, dont il eut, entre autres, Maurice de La Tour qui suit (1).
Maurice de La Tour eut pour femme Randonne de Joyeuse, nommée dans une reconnaissance faite par son mari en 1369 au couvent des Jacobins, au Puy.
Cela dit, je viens enfin à notre abbesse. La Gaule chrétienne se contente de donner son nom et une date, 1429.
Elle était fille d’Hugon de La Tour Saint-Vidal et de Catherine de Goudet. Je ne sais si son père était fils de Maurice de La Tour et de Randonne de Joyeuse ; mais j’incline à le croire, à cause de la concordance des dates.
Catherine de Goudet apporta à son mari les seigneuries de Montvert, Montusclat, Eynac et Le Villars.
(Sources : La Gaule chrétienne. — M. naisse, curé de Monistrol. — Extrait de donations faites à un des couvents du Puy par les familles de Goulet et de La Tour).
- Voir l’opuscule qui a pour titrer Les Châteaux du Velay première livraison, article Glavenas. Il sera encore question d’Hugues de La Tour dans la deuxième livraison).
15° Abbesse : ANNE DE CRUSSOL.
La maison de Crussol portait, dans le principe, le surnom de Bastet. C’était un sobriquet, d’après le Père Anselme. Son premier auteur connu, Geraud Bastet, possédait, en 1456, dans le Vivarais, un manoir que l’on voit encore sur le sommet d’un escarpement remarquable, à quelques distances de Saint-Péray (Ardèche). Ces restes, appelés par le peuple les Cornes de-Crussol, dominent le cours du Rhône. Ce château était le chef-lieu d’une baronnie qui députait aux Etats du Languedoc. La postérité de Geraud Bastet s’est divisée en plusieurs branches, qui ont toutes joué un grand rôle. Deux de ces branches ont été possessionnées en Auvergne, par suite d’alliances contractées avec les maisons d’Apchier, d’Amboise-Aubijoux et de Nosières-Montal.
Les armoiries de cette famille étaient : Fascées d’or et de sinople.
Anne était fille de Guillaume, seigneur de Crussol et de Beaudiner, et de Humilie de Châteauneuf, celle-ci fille d’Audebert de Châteauneuf.
Guillaume servit en Auvergne sous Hugues de la Roche, seigneur de Tournouelle, en 1392, ayant, en sa compagnie, deux chevaliers et onze écuyers. Guy Pagan, seigneur d’Argental, de Mau et du Fay, le substitua en ses biens par son testament du 23 février 1362. Il plaidait en 1386 contre la veuve et les exécuteurs testamentaires de Briand de Retourtour, seigneur de Belcastel, et il testa à Valence, dans la maison épiscopale, le 5 février 1384. Dans son testament il donne à Antoine, son fils aîné, sa baronnie de Crussol, les deux tiers qui devaient lui revenir de la terre de Belcastel, pour laquelle il plaidait avec le seigneur de Tournon, et à Giraud, son second fils, la terre de Beaudisner, leur substitua Louis, son autre fils, en cas qu’il n’entre pas dans les Ordres.
Tout ce que nous savons d’Anne, c’est qu’elle gouvernait l’abbaye en 1430, sous Guillaume III, évêque du Puy, fils de Guillaume baron de Chalencon, et de Jeanne de la Motte Saint-Jean. La Gaule chrétienne ne la cite que d’après les notes de dom Estiénot.
Le Père Anselme nous apprend cependant, en outre, qu’on l’avait destinée au mariage, et que son père lui avait laissé dans ce but 3050 florins d’or. Cette dot brilla moins à ses yeux que les joies du cloître et le bonheur qu’on y goûte quand on y est appelé de Dieu et que c’est véritablement l’état de son choix. Spontanément, elle quitta le monde qui n’avait su lui plaire et se voua tout entière à Dieu.
On aime bien à constater des vocations semblables: Il y a là une preuve irréfragable que toutes les Religieuses d’autrefois n’étaient pas victimes de parents barbares qui les repoussaient de leurs familles pour les enfoncer dans les cloîtres.
(Gallia christiana. — Le Père Anselme;)
16° Abbesse : MARGUERITE DE SAINT-PRIEST.
Je ne répéterai pas ce que j’ai déjà dit ailleurs de la famille de Saint-Priest. Le lecteur pourra en prendre connaissance dans ma première livraison. Il doit suffire de parler ici de ce qui regarde spécialement notre abbesse.
Elle était fille de Guy de Saint-Priest et de Philiberte de Mollo. Son père était écuyer, seigneur de Saint-Priest, de Dunières, de Saint-Just-les-Velay et de Montfaucon. Gentilhomme d’honneur, il servit la France dans les guerres qui eurent lieu de son temps. Il se mit sous la bannière de Louis, duc de Bourbon, comte de Forez et de Clermont, menant avec lui deux chevaliers et dix-huit écuyers, ce qui lui donnait le titre de chevalier banneret. On comptait, au nombre de ces guerriers, Foulques de Marcilly, Gillet, Cholet et Hugues de Château-Morand.
D’après un titre existant autrefois, au château de Montaigu, Marguerite était abbesse en 1430 et en 1442. Il paraît que ce fut cette dernière année, au mois de novembre, qu’elle fut privée de la dignité abbatiale. Hoec vero, disent les auteurs de la Gaule chrétienne, alicubi legitur exauctorata ob incontinentos mores. Le Père Anselme, dans son article sur les de Crussol, constate la même chose. Il en est de même pour l’ouvrage qui a pour titre : Le Clergé de France.
M. de La Tour-Varan, en parlant de Guy de Saint-Priest, donne le nom de Marguerite, et dit celle qui le portait morte dans l’oubli. La mort dans l’oubli, loin des yeux des hommes, avec un voile épais sur la vie, c’est bien ce qui convient le mieux dans des cas de cette nature!
On désirerait que l’oubli eût été tel qu’il ne fut rien arrivé jusqu’à nous de ce qui se passa à Bellecombe, à l’occasion de Marguerite, mais l’implacable histoire, qui se tait sur bien des circonstances, n’a pas cependant gardé sur ce point un silence absolu.
J’ai cité déjà les pièces qui y ont rapport. Les choses y sont racontées assez au long pour qu’il ne soit pas besoin d’y revenir.
(Sources : Le Père Anselme. — La Gaule chrétienne. — La Tour-Varan. — Le Clergé de France)
17° Abbesse : CATHERINE II DE CRUSSOL;
Son père, Geraud Bastet, quatrième du nom, frère d’Anne de Crussol, dont j’ai parlé précédemment, devint seigneur de Crussol et de Beaudisner après la mort de son frère Antoine. Il fut présent au traité que Charles, dauphin de Viennois, fit. le 16 juillet 4419 avec Louis de Poitiers, seigneur de Saint-Vallier, pour la succession du comte de Valentinois. Il eut un procès criminel, en 1434, contre un nommé de Coste, pendant lequel il fut fait défense de procéder par aucune voie de fait. Son testament est du 28 mars 1437 ; il fut écrit dans le château de Charmes.
Geraud Bastet IV fut marié trois fois :
En premières noces, avec Louise de Clermont, fille de Geoffroy de Clermont, en Dauphinois ;
En deuxièmes noces, avec Jeanne de Tournon, fille de Jean de Tournon, chevalier ;
En troisièmes noces, avec Alix ou Helpidis de Lastic, fille d’Etienne de Bonpard, chevalier, seigneur de Lastic et d’Agnès de Todac.
Catherine fut le sixième enfant issu de ce dernier mariage. Les auteurs de la Gaule chrétienne se sont donc trompés en disant sa mère deuxième épouse de Geraud Bastet.
D’après le testament de son père , elle ne devait avoir que douze florins d’or si elle se faisait Religieuse et mille si elle restait dans le monde.
Les douze florins d’or avec le bonheur d’être exclusivement à Dieu lui sourirent davantage que les mille florins avec l’obligation de demeurer dans le siècle et d’en éprouver les angoisses. Elle se fit Religieuse au couvent même de Bellecombe, en 1460, après, dit le Père Anselme, que Marguerite de Saint-Priest eût été privée de cette abbaye pour ses mauvais comportements:
A peine Marguerite eût elle pris possession que se produisirent les faits graves dont j’ai parlé déjà. Expulsée violemment pendant la nuit et par les partisans de l’abbesse dépossédée, elle ne fut remise en possession que par la violence et le secours de ses frères.
La huitième année de son supériorat, notre abbesse reconnut à Aymar de Poitiers, de Pictavio, seigneur de Saint-Vallier, de la baronnie de Chalencon, de Durfort et ses ressorts, que le château franc et noble de Bellecombe dépendait de ladite baronnie de Chalencon, en Vivarais, et qu’il était reddibile à chaque changement de maître ou d’abbesse, et que le baron pouvait lever sa bannière sur ledit château pendant trois jours naturels, en signe de reddition et de supériorité, et que, ces trois, jours passés, ladite abbesse pouvait enlever la bannière et la faire servir à l’usage de son église.
L’acte fut passé le 18 octobre 1468, sous le règne de Sérénissime Louis, roi de France.
Catherine était soeur de Geraud Bastet, qui fut successivement comte et chanoine de Lyon, et créé enfin patriarche -d’Antioche, évêque de Valence et de Die.
Louis, l’aîné de ses frères, fut grand panetier de France.
(La Gante chrétienne. — Le Père Anselme.)
18e Abbesse : BRIANSONE DE LAVIEU, DE LAVIACO.
Elle était fille d’un très-noble et très-puissant seigneur forézien, Louis de Lavieu, chevalier, seigneur de Poncins et de Fernanches, en Forez, de la Brosse en Velay, et en partie des châteaux d’Aroy et de Saint-Christophe en Bourgogne, et de noble et puissante .dame de Lespinasse, dame des Barres.
Elle eut plusieurs frères et soeurs, et, dès sa jeunesse, elle se voua à la vie religieuse en l’abbaye de Bonlieu en Forez, de l’Ordre de Citeaux. Elle était encore dans cette abbaye quand son père fit son testament, le 21 novembre 1447. Par cet acte, Louis de Lavieu luit sa sépulture en l’église des Cordeliers à Montbrison, dans la tombe des Lavieu, ses parents et prédécesseurs, fait des legs de pension d’apanage à ses enfants qu’il nomme dans le rang et ordre qui suit, à savoir : Puissante demoiselle Jeanne de Lavieu, femme de noble homme Jacques de Saussac ; religieux homme, frère de Louis de Lavieu, moine prieur de bandant; religieuse demoiselle Marguerite de Lavieu, moniale en l’abbaye de Saint-André-de-Vienne ; religieux homme, Philibert de Lavieu, moine de l’abbaye de Savigny ; Briansone de Lavieu, religieuse à Bonlieu ; noble Bertrand de Lavieu et noble Jean de Lavieu, et, après tous les olifants légataires, son fils aîné, Claude de Lavieu institue son héritier, et nomme exécuteur de cette sienne disposition testamentaire puis-ont seigneur Artaud de Saint-Germain, seigneur de Montrond, bailli de Forez avec le prieur de Pomier audit pays.
Briansone se fit remarquer à Bonlieu par la piété et ses vertus. Elle fut désirée à Bellecombe, dit La Mure, et fut élevée abbesse dans ce monastère, dont elle prit possession, d’après la Gaule chrétienne, le 8 décembre 1474, sous l’épiscopat de Jean de Bourbon, évêque du Puy (1).
En 1479, le 27 janvier, notre abbesse reçut à Bellecombe l’abbé de Pontigny, visiteur de Perdre, député par les définiteurs du chapitre-général.
(La Gaule chrétienne. — La Mure, Histoire du Forez.)
(1) Ce fut Jean de Bourbon qui, en 1416, érigea la paroisse de Retournac en Collégiale. Il fit bâtir le donjon d’Yssingeaux, ville de sa mense, et la grosse tour de Monistrol. Ce fut sous son épiscopat qu’on commence au Puy â saluer la Mère de Dieu, trois fois le jour, au son de la cloche. La Collégiale- de Monistrol tenait de lui un revenu de cinquante setiers, tant pour chanter une messe quotidienne qu’à cause qu’il y avait fait inhumer sa mère. (Frère Theodore.)
19e Abbesse : MARIA.
C’est sous elle qu’eurent lieu les événements que j’ai rapportés dans un autre chapitre.
Il serait donc difficile de savoir au juste quelles furent les raisons qui déterminèrent le Souverain Pontife à mettre, Bellecombe sous la protection des Religieux de Doue et de Viaye.
Le premier de ces monastères était habité par des Prémontrés, et le second par des moines de l’Ordre de Grammont. Ils n’étaient rien moins que belliqueux les uns et les autres. Evidemment, on n’a pas compté qu’ils prissent les armes pour voler au secours de l’abbaye attaquée et pillée.
Il est fort probable qu’on eut égard à leur influence morale. Ces moines habitaient la même contrée ; ils appartenaient, pour la plupart, aux familles seigneuriales des environs.
Par conséquent, rien de plus facile pour eux que d’obtenir de leurs voisins et amis protection efficace pour les Religieuses de Bellecombe.
L’abbaye de Doue était dédiée à saint Jacques. On en rapporte l’origine à l’an 1138. Pierre IV, Évêque du Puy, y introduisit les Prémontrés, le 17 juillet 1167. Ils n’en furent dépouillés qu’en 1772.
Le petit nombre de Religieux qui s’y trouvaient furent transférés dans d’autres monastères.
Viaye est tout près de la Voûte-sur-Loire. Ce fut Héracle III de Polignac qui y fonda le prieuré de l’Ordre de Grammont vers la fin du XIIe siècle.
20e Abbesse : CATHERINE III DU MONESTIER.
Les auteurs de la Gaule chrétienne disent fort lieu de choses sur cette abbesse. D’après eux, elle n’aurait gouverné le monastère que de 1543 à 1519. Ils se plaisent cependant à consister la noblesse de son origine : ex nobili gente, disent-ils, prope Clarassium. Or, voici ce qui, m’a été donné de découvrir sur cette famille :
François Pasturel, dit Chinard de Saint-Priest, eut pour fils Pasturel de Saint-Priest, qui vivait en 1347. Jean Maréchal, seigneur d’Espinac (Apinac) l’institua héritier de tous ses biens, à la charge de prendre son nom et ses armes. Ce qui fut décidé eut lieu, et Pasture’ de Saint-Priest fut le premier de sa famille qui forma la branche connue plus tard sous le nom d’Apinac. Ce ne fut cependant que son fils Jean qui prit les armes du donateur : D’argent au lion de gueule à la bordure de sable, chargée de huit besans d’or, et qui ajouta au nom de Saint-Priest celui de Maréchal.
Le fils cadet de ce dernier, François d’Apinac, se maria, vers les premières années du XVe siècle, à Catherine du Monestier, dont la famille habitait la localité de ce nom, qui se trouve près de Riotord et qui faisait partie du diocèse de Vienne. Les membres de cette dernière maison portèrent indifféremment dans les actes les noms d’Apinac, du Pestrin ou du Monestier.
François du Monestier fut le dernier de cette famille en 1513. Il avait deux soeurs, Claudine et Marguerite. Claudine se maria à Jean Faure, dit, de Barbières qui se titrait seigneur de Pestrin et du Monestier. Marguerite épousa Jean de Vernoux du Besset. En 1543, son fils Antoine transigea avec sa tante Claudine et conserva les biens les plus proches du Monestier.
Catherine III du Monestier, notre abbesse, était évidemment de cette branche des de Saint-Priest. Je ne puis dire quels furent ses père et mère ; mais à coup sûr, elle était petite-fille de François d’Apinac et de Catherine du Monestier. Quoiqu’il en soit, il est certain qu’elle eut pour soeur Marguerite du Monestier, qui épousa, dans la 2me moitié du XVe siècle, Guillaume de La Tour Saint-Vidal, dont elle eut :
Irail ou Héracle de Saint-Vidal ;
2° Jacques, sieur d’Eynac et du Villard ;
3° Louise, épouse d’Antoine de Cadde, sieur d’Entraigues, et
4° Catherine, qui se maria à Jean Magu, écuyer.
Guillaume de Saint-Vidal était fils de Dragonnet de La Tour Saint-Vidal et de Dauphine de Saint-Priest, et petit-fils de Guyot de La Tour. Il avait eu pour frère Bernard de La Tour, marié à Antoinette de Saint-Priest, dont il eut une fille qui devint l’épouse de Louis de Saint-Priest, qui épousa, en secondes noces, la mère de sa belle-fille.
La Gaule chrétienne dit que Catherine III du Monestier était tante de Françoise I de Saint-Vidal. Nous verrons dans l’article suivant que c’est grand’ tante qu’il faut dire.
La Gaule chrétienne. — Le Laboureur. — Mazures de l’Isle-Barbe. — M. Fraisse, curé de Monistrol-sur-Loire. — M. Damant’, prêtre retiré à Annonay.)
21 me Abbesse : FRANÇOISE I DE LA TOUR SAINT-VIDAL.
Irail, fils aîné de Guillaume de La Tour Saint-Vidal et de Marguerite du Monestier, se maria le I er juin 1497 avec Françoise d’Albon, fille d’Henri d’Albon, seigneur de Saint-Forgeux et soeur d’Antoine d’Albon, chanoine et comte de Lyon.
Je ferai remarquer :
1° que le Père Anselme appelle Françoise d’Albon Guillemête ;
2° que d’Aubaïs donne à ce même Irail, pour épouse Gabrielle de Montfaucon. Il n’est pas en mon pouvoir d’expliquer l’affirmation de ce dernier auteur, à moins de dire que c’était là une seconde femme d’Irai.
Du mariage d’Irai! Avec Françoise d’Albon naquirent, entre autres :
I° Antoine de La Tour Saint-Vidal, dont il sera question plus loin ;
2° Bertrand de La Tour, chanoine et comte de Lyon.
3° Françoise I de La Tour, abbesse de Bellecombe ;
4° Henri de La Tour, sieur de Montvert.
Petite nièce de Catherine III du Monestier, elle lui succéda dans la dignité abbatiale en 1519, par la cession que lui en fit sa grand-tante.
Une anomalie insolite aujourd’hui, et qui ne peut plus se produire, eut lieu lors de sa nomination à Bellecombe. Elle n’était pas encore professe et n’avait que douze ans lorsque l’abbaye lui fut dévolue par une bulle du Pape Léon X, donnée à Borne, à Saint Pierre, l’an de l’Incarnation de Notre Seigneur 1514 aux kalendes de novembre.
Cette nomination fut violemment contestée à cause de l’âge de la titulaire. Marguerite de la Roue, Religieuse professe au monastère de la Séauve-Bénite, fut proposée pour être promue à sa place. La bulle qui confiait l’abbaye à Françoise, qui ne devait prendre l’administration que lorsqu’elle aurait atteint sa 20me année, fut maintenue quand même et reçut son exécution quand le moment marqué fut venu.
Quelque anormales que puissent paraître des nominations de cette espèce, il est évident qu’elles pouvaient avoir leur raison d’être. Bien des motifs pouvaient y déterminer l’autorité compétente. Il en était alors ce qu’il en est encore aujourd’hui et ce qu’il en sera toujours. La puissance des familles, leur influence, leurs services rendus ou l’espoir de ceux qu’elles pourraient rendre dans la suite, ne sont-ce pas tout autant de considérations capables de déterminer l’autorité à faire attention aux demandes faites ? Quelle administration serait possible en dehors de tout cela ?
Il est certain, toutefois, que dans ces sortes de cas, les bulles d’institution stipulaient formellement que les titulaires ne devaient prendre l’administration que lorsqu’elles auraient atteint l’âge marqué par les règles de l’Ordre. Jusques au moment fixé, la prieure ou l’abbesse précédente faisait toutes les fonctions voulues et veillait à tous les intérêts du monastère. Au fond, les inconvénients ne pouvaient être que de très-minime importance.
Françoise I fut abbesse jusqu’en 1557, époque où elle résigna en faveur de Françoise II, sa nièce. Elle vécut quelques années encore, mais on ignore l’année de sa mort.
(Gallia christiana — Le Père Anselme. — M. Fraisse. 😉
22e Abbesse : FRANÇOISE II DE LA TOUR SAINT—VIDAL.
Antoine de La Tour Saint-Vidal, fils dirait, s’était marié en novembre 1533, avec Françoise d’Albon, fille de Gabriel IV d’Albon et de Gabrielle de Saint-Priest, et nièce de Françoise d’Albon, épouse d’Irait de La Tour. Il y eut de ce mariage plusieurs enfants :
1° Antoine de La Tour Saint-Vidal, qui devint sénéchal du Puy ;
2° Françoise II, abbesse de Bellecombe; 3° Claire, mariée à M. de La Tourette ;
4° Antoinette, épouse de Louis Roquelaure, sieur de Villeneuve ;
5° Louise, femme du seigneur de Servissac ;
6° Claudine de La Tour, qui se maria avec Jérôme de la Forêt-Bulhon;
7° Henri de La Tour, sieur de Montvert.
D’après Mandet, Guerres civiles, politiques et religieuses, page 129, l’abbesse de Bellecombe assista au départ de son frère, lorsque, appelé par l’Évêque du Puy, il ceignit l’épée et entra dans la lice. Ecoutons ce que dit, à ce propos, le savant historien du Velay :
Dès que Saint-Vidal eut pris lecture de la lettre que lui avait envoyée l’Évêque du Puy, quoiqu’il fût déjà nuit, il assembla aussitôt sa famille. Sa vieille mère, sa femme, ses enfants, ses soeurs et son frère descendirent dans la salle où il les attendait. Il resta quelques instants sans mot dire, se promenant à grands pas, les yeux sans cesse attachés sur la missive; épiscopale. Tous le regardaient avec étonnement, prévoyant bien qu’il avait quelque triste nouvelle à leur apprendre. Enfin, s’approchant de Françoise d’Albou, il lui dit : Ma mère, il me faut partir sans délai ; l’ennemi est à nos portes ; Monseigneur m’attend ; priez pour moi, adieu ! Et il l’embrassa. Il embrassa aussi Claire de Saint-Priest, sa femme, ses soeurs, Claire, Antoinette, Louise et Françoise, ses filles Marie et Anna. Ensuite, il prit quelques instants à part Henri de La Tour, sieur de Montvert, lui donna ses instructions au sujet des levées d’hommes à faire, monta à cheval, et sans même se retourner, quoique les yeux humides, s’en alla au Puy, escorté seulement par M. de Tourenc, et trois ou quatre paysans, ses fidèles vassaux.
Quoiqu’il en soit de ce que dit M. Mandet, de la présence de Françoise au départ de son frère qui eut lieu en 1574, voici ce que la Gaule chrétienne nous apprend de notre abbesse.
D’après l’ouvrage cité, Françoise n’était qu’enfant lorsqu’elle quitta le toit paternel. Des circonstances qu’on ne connaît pas la firent placer par sa famille, dès son bas-âge, a teneris annis, au couvent de Polliac, en Rouennais, diocèse de Lyon, Ordre de Saint-Benoît. Ce n’est pas là cependant qu’elle devait passer sa vie : Dieu l’appelait ailleurs.
Pieusement élevée par ses maîtresses, n’ayant jamais demeuré dans le monde et ne le connaissant pas, elle ne voulut d’autres joies que celles de la Religion.
Elle prit l’habit de l’Ordre de Citeaux au monastère même de Polliac, du consentement de Françoise I de la Tour, sa tante et de toutes les Religieuses de Bellecombe, le 9 mai 1557, mais ce fut à Bellecombe qu’elle fit profession entre les mains de Françoise I, qui était encore abbesse. Celle-ci ayant résigné sa place, sa nièce lui succéda en la même qualité. Nommée par le Roi, le 28 juillet 1562, elle fut confirmée, la même année, par une bulle du Pape Pie IV. Elle prit possession un dimanche, 21 décembre. Malgré la saison avancée, et quoiqu’on fut déjà en hiver, une foule énorme vint assister aux cérémonies qui se produisirent dans cette circonstance. Le monastère avait revêtu son air de fête et c’était merveille que de voir de jeunes seigneurs, tout chamarrés d’or, leurs dames dans leurs plus beaux atours, remplir une partie de l’église et suivre dans un religieux silence toutes les cérémonies qui avaient lieu. Le peuple était émerveillé, et il y avait de quoi l’être. Il est vrai qu’il en faut si peu pour le jeter dans l’ébahissement.
Le frère de Françoise II fut tué dans un combat singulier par Pierre de la Rodde, gentilhomme royaliste, et fut enterré avec une pompe inusitée à l’église des Cordeliers, au Puy.
Un article de son testament concerne Françoise II de Saint-Vidal. Je le cite en entier :
Item veux que toutes et quantes fois qu’il plaira à dame Françoise de La Tour, dite de Saint-Vidal, abbesse de Bellecombe, ma soeur, venir dans nos maisons avec notre héritière ou ses successeurs, qu’elle y soit reçue, chérie et honorée, tant de notre héritière que de tout autres dépendants de nous, comme notre mère, Etc., etc.
Françoise était encore à Bellecombe en 1603. Ce fut à cette dernière époque que François de Polignac, seigneur d’Adiac lui rendit hommage.
(La Gaule chrétienne. — Le Laboureur. — M. Mandet.)
23e Abbesse : CLAIRE DE LA FORET—BULHON
La Forêt-Bulhon, famille de très ancienne noblesse, qui avait pris son nom d’un fief démembré de la tour de Bulhon, près de Maringues, vers la fin du XIIIe siècle et qui, très-vraisemblablement, avait été l’apanage d’un puîné de la maison do Bulhon. En effet, nous voyons les deux noms se confondre dans les actes du commencement du siècle suivant.
Chatard et Pierre de la Forêt comptaient parmi les vassaux nobles du comte de Thiers, en 1301. Autre Chatard de la Forêt, damoiseau, fils de feu Albert, coseigneur de la Forêt, fit foi et hommage au même seigneur de Thiers, à cause des divers cens, rentes et divers autres droits qu’il avait à Clarmat, Orléat, Dorat et Celles, en 1325. Quatre ans plus tard, en 1329, la même formalité fut remplie par Guillaume de Bulhon, damoiseau, seigneur de la Forêt,
Pour ses possessions féodales sises à Celles, à Neyronde et à Escurol. Vers la même époque vivait Buchard de la Forêt, compris au nombre dos nobles d’Auvergne qui plaidaient contre le clergé en 1328 et on voit, après lui, plusieurs seigneurs du même nom, possessionnés en Auvergne, Forez et Bourbonnais, de 1334 à 1377 Guillaume de la Foret, seigneur du lieu et de Bulhon en 1409 ; il assista au mariage d’Isabeau de la Tour d’Auvergne avec Louis de Chalencon, le
12 septembre 1419, ainsi qu’à celui de Louis, duc de Bourbon avec Jacquette, dauphine d’Auvergne, en 1426, et vivait encore en 1433. Guichard et Buchard de la Foret vivaient en 1540. Un gentilhomme de cette maison perdit la vie au combat de Cognat, près de Gannat, le 6 janvier 1568, Postérieurement, en 1666, on voit Gaspard de la Foret-Bullion, seigneur de Savonnes et de Meissein, rendre hommage au Roi. En 1669 et en 1683, un membre de la même famille fut admis aux pages du Roi, en 1787.
Armes : d’argent à trois fasces de sable.
Claire était fille de Jérôme de la Foret-Bulhon et de Claudine de Saint-Vidal. Celle-ci étant soeur de Françoise II de Saint-Vidal, il est aisé de voir la vérité de l’affirmation de la Gaule Chrétienne, quand elle dit que Claire était nièce de Françoise II : Clara de la Foret-Bulhon descendante Francisca cujus erat neptis.
L’origine de notre abbesse étant constatée, voici tout ce qu’on sait sur son compte.
Elle obtint la cédule royale, schedulam regiam et les bulles de Rome, données à Saint Marc, en 1609, le IV des nones de juillet, la cinquième année du pontificat du Pape Paul IV. Ce fut Jean 1,aurent, official et vicaire-général du Puy, qui l’installa, le 3 septembre de la même année, et ce fut le dimanche 18 octobre qu’elle reçut à la Cathédrale du Puy, inter missarum solemnia, et avec la plus grande solennité la bénédiction abbatiale de Jacques de Serres, Évêque du diocèse.
En 1634, elle reçut hommage de Marc de Polignac, seigneur d’Adiac et elle vivait encore en 1675, mais elle s’était désistée de sa dignité longtemps avant.
(Audigier. — Nobiliaire d’Auvergne, par Bouillet. — Gallia Christiana. — Mandet. 🙂
24e Abbesse : JEANNE DE LA FORET —BULHON,
Ce que j’ai dit de sa famille à l’article précédent doit suffire. Je n’ai rien trouvé sur les noms et qualités de ses père et mère.
Que se passait-il à Bellecombe sous les abbesses précédentes? Que se passa-t-il sous celle-ci? On ne le sait guère en détail. Il y eut cependant (les désordres, des infractions à la règle et à la discipline ; la clôture n’était pas observée. La chose alla si loin que les Grands-Jours assemblés au Puy en 1666 jugèrent opportun d’intervenir. Je tire de l’arrêt qui fut porté à ce sujet ce qui regarde d’une manière spéciale le monastère de Bellecombe :
I
Sur ce qui a esté représenté par le Procureur Général du Roy, qu’estant adverty que, dans les monastères de Bellecombe, Séauve et autres situés dans ce diocèse, la closture et discipline régulière n’y sont pas observé, il aurait semoncé le sieur évêque du Puy d’y pourvoir, etc., etc.
Et ce faisant, ordonne que dans trois mois après la signification du présent arrest, les dites Religieuses de Bellecombe et Séauve feront travailler à la closture de leurs monastères, passé le quel délay, et à faute de ce faire, elles y seront contraintes par saisie de leur temporel et des ouvriers mis à leurs dépens pour travailler à la dite closture jusqu’à ce qu’elle soit parachevée, et pour l’exécution du présent arrest a commis MM. de Montbrac et de Mons, conseillers au sénéchalat du Puy, lesquels pourront procéder conjointement ou séparément. Donne la dite cour le pouvoir à tous les juges du ressort d’icelle de dresser des néantmoins leur enjoint de faire saisir les reivsmis des dits monastères, non closturés, leur faisant déffense d’en bailler la récréance jusques à ce que les dites clostures soient acheaes, etc.
Nous verrons que les travaux commandés ne se commencèrent que sous l’abbesse suivante qui les termina.
(Le Clergé de France. — Journal de J. Boudoin sur les (grands-Jours du Languedoc, 1666-1667, publie par Paul Le Blanc.)
25e Abbesse : LOUISE DE MOLETTE—MORANGIER.
Dans la 1re livraison il a été question de cette noble et illustre famille. Il serait superflu d’y revenir.
Louise était fille de Charles de Molette, comte de Morangier, baron de la Garde-Guérin, Saint-Alban et des Etats de Languedoc, coseigneur de Villefort, etc., etc. Elle eut pour mère Marguerite Félicie de Montmorency, fille de haut et puissant soigneur Annibal de Montmorency.
Charles de Molette fut chargé par commission du Roi Louis XIV, en date du 26 mai 1651, de lever une compagnie franche de cavalerie, à la tête de laquelle il rejoignit l’armée d’Italie. Par brevet du 4 juillet 1665, il fut pourvu de la charge de bailli du Gévaudan et gouverneur de la, ville de Marvejols.
Un des frères de notre abbesse, Charles de Molette, 2e du nom, entra au service sous les ordres du comte de Coligny, et fit la campagne de Hongrie contre les Turcs, Un autre de ses frères, Annet de Molette, devint chevalier de Malte, commandeur de Saint-Félix et gouverneur d’Orange
Comme sa soeur Marguerite, abbesse de la Séauve, elle avait dédaigné le monde et s’était consacrée à Dieu, dans le monastère de Mémoire. Ce n’était pas là néanmoins qu’elle devait terminer sa carrière. Ses talents et ses vertus allaient bientôt la retirer de sa première demeure. Nommée abbesse de Bellecombe le 1er novembre 1694., confirmée par le Pape Innocent XII, le 8 des kalendes de février 1697, elle quitta, les larmes aux yeux, son monastère de Mercoire, et prit possession de Bellecombe vers la fin mars.
Douée d’aussi belles qualités que sa soeur Marguerite, elle sut se faire aimer de ses subordonnées. Nous avons vu dans l’article précédent, que tout n’allait pas pour le mieux à Bellecombe, vers la fin du XVIIe siècle. Pour remédier aux abus qui s’étaient introduits dans le monastère, il fallait une certaine énergie et surtout une sympathie particulière de la part des subordonnées. Louise de Morangier eut l’énergie nécessaire, et elle sut, par son amabilité, s’introduire dans les coeurs. Grâces à ces deux choses, elle rétablit dans l’abbaye la discipline qui s’y était affaiblie peu à peu. Les auteurs de la Gaule chrétienne constatent que le résultat _obtenu fut merveilleux : Merifice, disent-ils, obsereantiam in suo monasterio restituit.
Ses soins ne se bornèrent pas là. Tout aussi pleine de sollicitude pour les intérêts matériels du couvent que pour tout ce qui pouvait contribuer au bien-être moral de ses Religieuses, elle entreprit et exécuta, à la satisfaction générale, des réparations importantes dans plusieurs parties des bâtiments. La Gaule chrétienne les énumère; sans dire néanmoins en quoi ils consistèrent. Voici ce qu’elle rapporte :
Elle restaura la grande porte de l’église, les lieux réguliers et la maison abbatiale. C’était la restauration ordonnée par les Etats-Généraux du Languedoc.
En 1715, par les soins de notre abbesse, fut fait le cadastre du mandement de Bellecombe. Etaient compris dans ce mandement la grande et petite Besse, Alignac, le Pigny, Antreuil, Froyssenet, Neyrial, Fournet, les Cayres, Arsac, la Freyde, Bellistar, Fauries, les Troubas, le Rochain, le Fraisse, Bellecombe, Vazeilles, Cour-coules, Feyterne, les Margots, Sallecru, Chevallier, Aranles, Adiac, Myoimes, les Vérots…
Parmi les propriétaires qui figuraient dans ce mandement on remarque le marquis de la Tour-Maubourg, le baron de Gerlande, nobles. Saignard, de Luzy, Besson-de Bayle, seigneur de Saint-Bonnet.
L’an 1745, dit l’acte qui fut passé à cette occasion, 3 avril, par devant Brunon Gerphanion avocat au Parlement, et Marcelin Dufau, balif et juge au mandement et juridiction de Bellecombe, en la salle des audiences de l’abbaye, a comparu Michel Caseneuve, notaire royal, substitut du procureur d’office en ladite juridiction, pour profiter de la présence des manants y assemblés, attendu qu’il n’y a point de compoix terrier mais seulement un simple papessard dans le quel même ne sont pas compris grand nombre d’héritages dont l’allivrement est par conséquent supporté par ceux qui y sont dénombrés….; qu’il est nécessaire qu’on s’occupe de la confection d’un compoix, n’y ayant jamais heu de l’agrément de vénérende dame Louise Molette de Morangier, abbesse de Bellecombe, de l’Ordre de Citeaux, au diocèse du Puy, connue dame seigneuresse du dit mandement cy-présente les ayants comparu…. ont d’une voix unanime et d’un commun consentement convenu de la nécessité de la confection d’un compoix terrier du présent mandement et ont nommé des syndics à qui ils ont donné tous les pouvoirs nécessaires.
Les syndics adressèrent des demandes et obtinrent les autorisations :
1° de Messieurs les commis du diocèse de la ville du Puy, Polignac, Baret;
2° de nos seigneurs des comptes, aydes et finances ;
3° de Monseigneur de Lamoignon, chevalier, conseiller d’Etat ordinaire, intendant en Languedoc.
On fit ensuite afficher à Craponne, à Yssingeaux, au Puy et à Monistrol, qu’on donnerait la confection du terrier aux offres les plus avantageuses. Jouve, expert à Chamclause, et Champagnac, notaire, se présentèrent seuls; ce dernier demandant 9400 livres, payables en trois termes, fut accepté et s’offrit de terminer le travail en trois ans.
L’acte reçu par Reboulle, notaire, 40 novembre 1616, fut fait en présence de l’abbesse, de dom Pierre Roche, religieux, ancien prieur de l’abbaye de Chambones, dudit Ordre de Citeaux, alors directeur de Bellecombe.
Le serment de M. Champagnac, avant de vaquer à son travail, fut prêté le 15 novembre 1716, et le 24 février 1723 le terrier fut terminé. L’allivrement général revenait à soixante-six livres cinq sols six deniers.
A tous les embarras que durent lui procurer toutes ces entreprises s’en joignirent d’autres qui certainement furent aussi grands. Ce fut sous elle qu’eut lieu le procès dont j’ai parlé déjà, et qui avait pour objet la forêt du Coutent. On sait que le Parlement de Toulouse donna droit à l’évêque du Puy contre l’abbaye.
Louise de Molette-Morangier ne fut que faiblement affectée de la perte de son procès. Elle s’était crue dans son droit en défendant sa cause. L’arrêt qui intervint la trouva calme et parfaitement résignée. La sentence une fois intervenue il n’y a plus à discuter.
J’ignore l’année de sa mort qui, après, une vie aussi régulière que celle de notre abbesse, dut être toute en Dieu.
Ses armoiries étaient : D’azur à un cor de chasse d’or, accompagné de trois molettes de même, deux en chef et une en pointe, et surmonté de deux crosses d’argent passés en sautoir.
C’était évidemment les armes de sa famille, modifiées par les deux crosses, signe de sa dignité.
(Gustave de Burdin. — Gallia christiana. — Titres manuscrits).
26e Abbesse : MAGDELEINE DE CHASTEL DE CONDRES.
Gustave de Burdin, Documents historiques sur le Gévaudan, tome II, page 357, cite cette famille, mais sans détails. Il dit qu’elle eut deux branches viii eurent, l’une et l’autre, pour armes : De gueules à la tour d’argent donjonnée et maçonnée de sable, surmontée d’un croissant d’argent. D’après ‘ cet auteur, elle aurait été maintenue en noblesse par jugement, le 7 novembre 1669 et le 2 février 1674.
Les deux branches dont parle Gustave de Burdin eurent pour auteur commun Antoine de Chastel, seigneur de Londres. Celui-ci fut marié, en 1480, à Clauda de Sinselle, dont il eut deux fils, Antoine et Henri qui furent chefs des deux branches.
La branche qui fut commencée par Henri s’allia, à diverses époques, avec les familles de Frayssenet le Polallon, de Custavol, de Maurin, des Gois.
La seconde avec celles de Bannes de Laynac de Murat, de Fay de La Tour, de Molette-Morangier.
Ces deux branches se réunirent de nouveau par le mariage de Christophe de Chaste, sieur de Bélissande, Châteauneuf, le Monestier, Gis de Nicolas de Chastel, capitaine d’infanterie au régiment de Lestrange, et de Louise de Molette-Morangier, avec Louise de Chastel, fille de Claude de Chastel et de Marie des Gois. Ce dernier mariage eut lieu en 1653.
Il naquit de ce mariage, entre autres enfants, Marie-Elisabeth, qui épousa, le 1er janvier 1697, Joachim de Pierre de Bernis, et qui fut mère du cardinal de ce nom.
Je donnerais encore comme enfant issu de ce mariage, messire Nicolas de Chastel, chevalier, seigneur et baron de Condres, qui, au rapport de Gustave de Burdin, tome II, page 350, épousa, le 6 janvier 1692, mademoiselle Jeanne Daurier, devant Phine, notaire au Puy.
A cause de la concordance des dates, j’inclinerais à croire que Magdeleine de Chastel était fille de ces derniers, et dans ce cas cousine germaine du cardinal de Bernis.
Marie-Magdeleine, abbesse dès 1720, l’était encore en 1743. Le 25 juillet 1738, elle constitua pour son procureur général, spécial et irrévocable, dom Claude-Marie de Publy, prestre religieux de l’abbaye de Lafferte, Ordre de Citeaux, pour aumônier-directeur spirituel et temporel de ladite abbaye pour et au nom de ladite abbesse, régir et percevoir tous les fruits et revenus Fait en la chambre abbatiale,-en présence de Jacques Roche, prestre d’Yssingeaux, et d’Antoine Liogier Lassaigne, notaire royal d’Yssingeaux, greffier du mandement de Bellecombe. — Reçu Delolme.
Une contestation, qui s’était élevée entre la précédente abbesse et l’hôpital d’Yssingeaux, fut terminée sous Marie-Magdeleine. Il était question du domaine du Piny, dont une partie relevait de la directe de l’abbaye de Bellecombe:
Le 25 avril 1726,M Jean-Nicolas d’Artuy, prieur de Presailles, un des directeurs de l’hôpital, proposé par le conseil d’administration, se rendit à Bellecombe et il fut décidé que le droit d’indemnité serait de 350 sols que la daine abbesse reçut des mains et deniers propres de Jean Delolme, un des directeurs et trésorier dudit hôpital, au moyen de laquelle transaction les deux parties se reconnurent quitte. Passé dans la salle abbatiale. ; Présent : MM. Bruno Gerphanion, avocat en Parlement, Etienne Borie, ballif et lieutenant de Bellecombe, avec les parties.
(Le Clergé de France. — Larogtv. — Gustave de Burdin. Titres manuscrits.)
27° Abbesse : JEANNE DE GAYARDON DE GRÉZOLLES.
On peut voir, dans ma première livraison, l’esquisse que j’ai donnée de la famille de Gayardon de Grézolles, à propos d’une Religieuse de ce nom, abbesse de la Séauve.
L’Armorial du Lyonnais, Forez et Beaujolais ne donne pas le nom de Jeanne. Il n’en dit absolument rien. Jullien de Bessy la nomme avec sa qualité d’abbesse. Son existence à Bellecombe est prouvée, au reste, par de nombreux litres manuscrits, entre autres par le procès-verbal d’installation de celle qui lui succéda et que je rapporte plus bas.
Elle était fille d’Alexandre de Gayardon, seigneur de Bufferdon, Grézolles, Luré, etc. Il avait épousé, le 24 mai 1694, Claudine Cachet de Montozan, fille de Claude, écuyer, seigneur de Garneran et de Montozan, premier président au Parlement de Dombes et de Jeanne Hennecard.
Il paraît que lorsqu’elle prit possession de Bellecombe, les finances du monastère étaient loin d’être prospères. Il y avait des dettes. L’abbé de Nolhac fut chargé d’emprunter, au nom de l’abbaye. L’emprunt eut lieu et la gêne momentanée des Religieuses cessa. Dans une lettre, que j’ai eue sous la main, Madame de Grézolles offre un million de remerciements à M. de Nolhac pour toutes les peines qu’il a prises à l’occasion de l’affaire en question.
Je donne intégralement un acte dans lequel notre abbesse nomme un juge pour le mandement de Bellecombe :
Nous, Jeanne de Gayardon de Grézolles, abbesse de l’abbaye royale de Bellecombe, Ordre de Citeaux, diocèse du Puy, dame de la seigneurie de Bellecombe et ses dépendances, étant bien et duement informée des bonnes vie et moeurs et probité et Religion catholique, apostolique et romaine, capacité supérieure de Monsieur Louis Liogier, advocat en Parlement, habitant à Yssingeaux, nous lui avons donné et confié l’office et charge de juge de notre dite terre de Bellecombe et dépendances pour icelluy jouir des honneurs, profits, prérogatives , émoluments et prééminence, appartenants à la dite charge et office de juge, et ce tant qu’il nous plaira, à la charge par le dit Liogier de prêter le serment en tel cas requis; mandons à notre procureur juridictionnel et autres, nos officiers de notre dite terre et seigneurie recevoir et installer le dit sieur Liogier, juge, et de le faire jouir paisiblement du dit office, et à tous les justiciables de le reconnaitre et lui obéir en cette qualité. Luy ayant fait expédier les présentes, que nous avons signées de notre main et fait contresigner par notre greffier après y avoir apposé le sceau de nos armes. — Donné à Bellecombe, dans notre dite abbaye, le 45 janvier 1745.
(Soeur Grézolles, abbesse; par notre dite da-. me. Lassaigne, greffier.)
Jeanne de Grézolles résigna sa charge en 1772, et fut remplacée, cette année-là même, par une abbesse qui portait son nom et qui très-probablement était sa nièce.
(Jullien do Bessy. Procès-verbal d’installation de la, suivante. Titres manuscrits,)
8e Abbesse : JACQUETTE DE GAYARDON DE GRÉZOLLES.
La Chenaye-des-Bois et Badier gardent le silence sur cette abbesse, dans la généalogie qu’ils donnent de la maison de Gayardon de Grézolles. M. Jullien de Bessy n’en parle pas davantage. Il est, incontestable cependant que Jacquette-Claudine de Gayardon de Grézolles a gouverné le monastère de Bellecombe.
De qui était-elle fille ? Cette question semble ne pas souffrir de difficultés, si on compare les dates. Il ressort du procès-verbal de sa prise de possession qu’elle fut installée en 1772. Nous voyons d’ailleurs Antoine de Gayardon effectuer son mariage avec Marguerite-Louise Badier en 1735. Il nous parait que ces dates concordent assez. Au reste, si elle avait été soeur de Jeanne, elle ne serait devenue abbesse que 78 ans après le mariage de son père, et, par conséquent, dans un âge assez avancé. Cette hypothèse semble moins plausible que la première, et voilà pourquoi je ne l’adopte pas.
Or, Antoine de Gayardon était écuyer et seigneur de Grézolles, de Luré et de Bufferdon. Son épouse, Marie-Louise de Badier, avait eu pour père Jacques de Badier, seigneur de Verveines de Seresat, de Crusieu-le-Neuf et de Chaseuil, lieutenant-général des armées du roi, Chevalier et Commandeur de l’Ordre de Saint-Louis et pour mère Barbe-Louise de Pleissier.
Je n’ai sur Jacquette de Gayardon de Grézolles que le procès-verbal constatant sa prise de possession. Il a été tiré des minutes de M. Dufau, notaire de Saint-Maurice-de-Lignon. Je le donne en entier parce qu’il n’est pas sans intérêt sous plus d’un point de vue.
Le 20 mars 1772, l’abbesse, soeur banne de Gayardon de Grézolles, nomma ses procureurs spéciaux, auxquels et à chacun d’eux elle donna pouvoir de pour elle et en son nom et sous le bon plaisir de Sa Majesté Très-Chrétienne, résigner et remettre purement et simplement la dite abbaye royale de Bellecombe, avec tous ses droits et appartenances quelconques, entre les mains de Notre Saint-Père le Pape ou de Monseigneur son chancelier, pour, en être pourvue telle personne qu’il plaira à Sa Majesté de nommer et de présenter à la dite abbaye. Fait le 22 juin de la même année, en l’église de l’abbaye royale de Bellecombe, de l’Ordre de Citeaux, diocèse du Puy, et devant les grilles du choeur où les Religieuses chantent et psalmodient les divers offices, environ les huit heures du matin, se présenta par devant le notaire royal, apostolique de la ville d’Yssingeaux, dom Michel Maubert, prieur de l’abbaye de Chambons, en Vivarais, vicaire général de l’Ordre de Citeaux et en cette qualité au notaire, que Sa Majesté avait nommé abbesse de Bellecombe, daine Jacquette-Claudine de Gayardon de Grézolles, par acte signé de M. Champagnac, notaire, le 26 mars 1772, et les autres formalités civiles et canoniques avaient été remplies, c’est-à-dire qu’on avait obtenu des lettres patentes du roi Louis, et Philippeaux, des lettres du Pape signées Antonelli et Caraffa, à toutes les quelles provisions le dit dom Maubert voulant donner effet, fit assembler au son de la cloche, en la manière accoutumée, toutes les Religieuses du monastère; en leur choeur, et ayant fait ouvrir les grilles, leur dit qu’il voulait mettre en possession de la dite abbaye la darne de Gayardon de Grézolles. Pourquoi il fit lire à haute et intelligible voix les dites lettres patentes et confirmations par le notaire. Il fit venir ensuite la dite dame de Grézolles, et celle-ci, après, avoir écouté une exhortation que lui fit dom Maubert sur sa promotion, prêta le serment de fidélité et dom Maubert lui mit dans les mains les clefs et heures du monastère, en signe de la prise de possession ; il la lit asseoir en son siège abbatial et lui fit entendre les obligations de sa charge et encore par la lecture que fit la Religieuse chantre du 2em chapitre de la règle de saint Benoit ; ensuite du quel dom Maubert fit lire aussi le 5em chapitre ; et incontinent après, toutes les Religieuses, les unes après les autres, selon l’ordre de leur réception en religion, se mirent à genoux devant la dite dame abbesse assise et les mains jointes, elle les prit entre les siennes, et les soeurs lui firent de la sorte leur serment d’obéissance jusqu’à la mort. L’abbesse les releva ensuite, les embrassa, et, cette cérémonie étant faite, le dit dom Maubert exhorta la dite daine d’avoir un amour et charité de mère pour toutes ses Religieuses, et, elles, de continuer dans une sainte et continuelle obéissance pour leur supérieure, et puis, au son des cloches, on fit chanter le Te Deum en actions de grâces, et, ayant dit les verset et collecte., chacun se retira en paix. De tout le contenu ci-dessus, le notaire rédigea le présent procès-verbal, qui fut signé par M. Michel, curé de Saint-Jeure ; par M. Prory, curé de Tiranges ; par le notaire, par toutes les Religieuses de l’abbaye et les autres témoins de la cérémonie.
Suivent les signatures : Soeur de Grézolles, abbesse ; soeur de Grézolles, ancienne abbesse ; P. Maubert, vicaire général; soeur de Cussac ; soeur de Châteauneuf; soeur de Buffendard ; soeur Praneuf; soeur de Laval ; soeur de Chapteuil soeur de Boulier; soeur de Verger ; Grézolles, chanoinesse ; Grézolles ; P. Gervais ; de
Bonneville, ar; Odde de Villars ; Michel, curé ; Prory, curé de Tiranges ; Chalendar; l’abbé de Grézolles, vicaire général de Lyon ; Laval; de Villars ; Liogier de Brus ; Morin; de Pieyres ; Verseillei, Grézolles ; Liogier Lassagne, notaire royal.
Une foule énorme, venue de tous les environs, assista à la cérémonie. Il y avait surtout grand nombre de pauvres. En pareille circonstance, una aumône plus abondante leur était distribuée. Aussi en venait-il de toutes les paroisses voisines. Il aurait fallu entendre les cris de joie, les vivats enthousiastes qui partaient de tous ces coeurs plus ou moins reconnaissants, mais qui tenaient avant tout à saluer la nouvelle abbesse et à la disposer ainsi en leur faveur.
(Julien. de Bessy. — Titres manuscrite.)
29e Abbesse. — FRANÇOISE — GENEVIÈVE DE MOUCHET.
Françoise-Geneviève appartenait à la famille de Mouchet qui était possessionnée en Bourgogne, en Franche-Comté et en Auvergne.
Contrairement au Dictionnaire de la noblesse, par La Chenaye-des-Bois, qui fait remonter cette famille à Humbert Mouchet, seigneur de Villeseraine et de Beauregard, né à Poligny, au milieu du XIIIe siècle, le Dictionnaire véridique lui donne comme auteur certain que Jean Moihet, écuyer, seigneur de Toulougeon, trésorier et receveur général de Bourgogne, qui donna une délégation à son clerc, le 3 juin 1549 Jean Mouchet, outre sa charge de trésorier général, était encore capitaine du château de Grimont et ambassadeur de,. Charles-Quint en Suisse. Il époux; Louise de Battefort, fille unique et héritière de Léonet de Battefort, baron de Tramelet et d’Arinthoz, trésorier général de Bourgogne avant lui.
Dans les degrés qui viennent après, je’ trouve les familles dont suivent les noms :
1° de La Chambre ;
2° de Laubépin ;
3° de Harley ;
4° de Nettancourt ;
5° de Saint-Morris.
Vient enfin Charles-Joseph de Mouchet, fils de Louis de Mouchet de Battefort et de Marie-Gabrielle de Saint-Morris. Il se maria le 18 juin 1719 avec Françoise-Hélène de Tartre, fille d’Antoine-Joseph de Tartre, baron de Chilly et de dame Antoinette de Froissart Charles-Joseph est qualifié marquis, de Laubépin, comte d’Arinthoz. Il fut reçu chevalier de la confrérie de Saint-Georges, élève-page du duc de Lorraine, puis chevalier d’honneur du parlement de Besançon. C’est de lui que naquit Françoise-Geneviève, abbesse de Bellecombe. Le Clergé français qui donne son nom et qui la place avant Mule de Busscul ne dit rien sur sa vie et se tait manie sur l’époque où elle vint en Velay.
Un de ses arrière-petits neveux, Charles-Marie-Achille de Mouchet de Laubépin, se maria le 4 juillet 1836 avec Herménégilde-Marie de Beaufort-Spontin, fille de Frédéric-Auguste-Alexandre duc de Beaufort-Spontin, et de dame Ernestine-Marguerite de Starhenberg, celle-ci, fille du prince Louis de Starhenberg et de la princesse Louise d’Arenberg.
(La Chenaye-des-Bois et Badier : Le Dictionnaire véridique. — Le Clergé français. Bulle de nomination de Mme de Busseul. On pourrait consulter encore l’ouvrage qui a pour titre : La Noblesse de Bourgogne aux Etats de Bourgogne.)
30e Abbesse. — ANGÉLIQUE-ALEXANDRINE DE BUSSEUL.
Elle était originaire des environs de Mâcon. L’ouvrage qui a pour titre : La Noblesse aux Etats de Bourgogne fait remonter la famille de Bussent au XIIe siècle. En 1420, Artaud de Bussent signa l’acte d’une charte pour Cluny qui compte plusieurs moines et bienfaiteurs dans cette famille. La maison de Bussent a produit, en outre, un gouverneur du Mont-Cenis, en 1389, et plusieurs officiers de la cour des ducs de Bourgogne, de même qu’un bailli de Mâcon, chevalier de Ordre en 1559.
La Chenaye-des-Bois et Badier donne la généalogie de cette maison, depuis la fin XIVe siècle jusqu’au milieu du XVIe.
Les deux ouvrages que je viens de citer donnent à cette famille pour armes :
Fascé d’or et de sable de six pièces.
Parmi les familles avec lesquelles s’allia celle de Busseul on trouve celles de Véré de Grolée, de Menare, de Fougières, de Lespinasse, de Séray, de Bertauld, de Digoine et de Gorevod.
La bulle de nomination de Mme de Busseul, comme abbesse de Bellecombe, est datée de la neuvième année du pontificat de Pie VI, 1182, et fut donnée à Rome apud Sanctum Petrurt
Elle nous apprend que Mme de Busseul avait le prénom d’Angélique-Alexandrine, et que, lors de sa promotion à la dignité abbatiale, elle était Religieuse professe au couvent de Saint-Jullien, Ordre de Saint-Benoît, diocèse de Dijon.
D’après le même titre, il est certain que notre abbesse était alliée à la précédente et que celle-ci, avant de mourir, l’avait désignée pour lui succéder par cession en due forme.
Pie VI, informé par des témoignages dignes de foi de son zèle pour la religion, religionis zelo de la pureté de sa vie, vitae munditid; de la distinctions de ses manières, venustate morum ; de sa prudence dans les choses spirituelles, sptritalium prudentia de sa circonspection, de sa réserve, le son détachement pour tout ce qui n’est que temporel et de toutes les vertus dont est ornée son âme, déclare qu’il est convaincu qu’elle pourra être très-utile au monastère de Bellecombe, plurimum utilis et fructuosa.
Il la met à la tête de l’abbaye, mais il exigeque les deux tiers des Religieuses, réunies capitulairement, consentent, par suffrages secrets, à sa: translation de l’Ordre de Saint-Benoît à celui de. Citeaux, et ne mettent point obstacle à sa promotion à la dignité abbatiale. Pie VI lui permetde, recevoir la bénédiction abbatiale de l’Évêque qu’elle voudra, pourvu qu’il soit en communion avec l’Église. Elle devra faire, en sa présence et solennellement, profession de foi catholique, et cette profession de foi, écrite et signée lesa main, sera envoyée le plus tôt que possible au siège apostolique.
La bulle porte à son verso les attestations suivantes :
1° Eutropius de Cressac, eques, in supretno Galliarum senatu patronus, regis consiliarius, nec non Romaine curiœ expeditionarius, Parisiis in viâ vulgo Garancières muncupatâ commorans, bullam retroscriptam Roma expediri ciiravit et tradidit.
DE CRESSÉ.
2° Nous, soussignés, avocats en Parlement, conseillers du roi, expéditeurs de la Cour de Rome et des légations, demeurant à’ Paris, certifions la présente bulle sincère, véritable, originale et expédiée de la dite Cour. En foi de quoi nous avons signé à Paris, le 41 avril 1783.
RUHER.
DE CRESSA
Après avoir rempli toutes les formalités exigées, Mine de Bussent prit possession du monastère. Tout entière à ses fonctions, elle sut maintenir la discipline dans l’abbaye et mit tous ses soins à en accroître la prospérité.
Elle était à peine en possession, qu’elle écrivit une lettre aux consuls d’Yssingeaux; MM. Jacques Rechatin et Louis Faure. La lettre est datée du 21 novembre 1783. Par cette lettre, elle demandait la construction d’un chemin nouveau allant de Bellecombe à Yssingeaux, Elle s’offrait de contribuer par préciput ou autrement à une portion des dépenses qui résulteraient de cette construction.
Mme l’abbesse était appuyée, dans cette demande, par M. le baron de Ridebery, maréchal de camp des armées du roi, commandant en Velay.
Vu l’inutilité patente et évidente de ce chemin ; vu le peu de denrées qui venaient de ce village ; vu l’assez bon état du chemin ancien, on délibéra qu’on ne s’occuperait point de cette question.
Le 8 juin 1784 même demande sur le même sujet, qui n’eut pas plus de résultat.
Jean-André Faure, sieur de Treslemont et de La Varenne, et Laurent Morin, consuls, assistés de la communauté d’Yssingeaux, délibérèrent de nouveau. La délibération fut identique à la première et sans résultat.
Évidement l’abbesse n’avait pas droit, et cependant le temps lui a donné raison. Le chemin demandé n’était d’aucune utilité dans le XVIIIe siècle et il a été exécuté dans le XIXe.
La même année, 1781, 24. Avril, Mme de Bussotti nomma un bailli pour Bellecombe. Voici l’acte de cette nomination conservé dans les archives de M. Delolme :
Nous, soussignée, dame Angélique-Alexandrine de Busseul, abbesse de Bellecombe,
Ordre de Citeaux, pleinement informée des bonnes vies et moeurs, religion catholique, apostolique et romaine, et de la capacité de M. Jean Liogier, avocat au Parlement et balif demeurant à Yssingeaux, l’avons nommé et nommons balif de nos terres de Bellecombe et Laval-Lamblavés et autres lieux, mandon à nos justiciables de le reconnaitre en la dite qualité de balif.
Donné à Bellecombe, dans notre abbaye, le 14 avril 1784.
Le cachet apposé audit acte porte exactement les armoiries données à sa famille par les ouvrages cités au commencement de cet article. Mme de Busseul ne devait pas voir la révolution. Elle mourut en 1788, regrettée de toutes ses compagnes, dont elle avait su captiver la Confiance.
(Les auteurs cités et des titres manuscrits.)
31e Abbesse : MARIÉ—ROSE DE RETZ.
Les preuves faites au cabinet du Saint-Esprit, où elles reposent, établissent la filiation de la famille de Retz, depuis David de Retz, archer de la Garde écossaise du roi Charles VII, venu d’Ecosse en France avec Jean Stuart, comte de Buchan et 4e Douglas, et qui épousa, en 1450, Isabelle de Cheminade, héritière de la terre de ce nom, dans le Gévaudan.
Antoine de Retz, son fils puiné, fut marié à, Mende, le 2 octobre 1426, à Marguerite de Brésolles postérité, divisée en plusieurs
Franches qui se sont distinguées par leurs alliances, et leurs services militaires, comptait, à la fin du dernier siècle, dix de ses membres portés sur la liste des émigrés. Ils aimaient le trône et l’autel, et, à cette époque vraiment incroyable, il n’était pas permis, au nom, de la liberté, d’avoir amour semblable.
Le dernier représentant mâle de cette noble famille est allé mourir, aux champs de Mentana, en défendant la cause du Saint-Siège.
Plusieurs membres de cette maison ont rendu des services à l’Église. Othon de Retz était archidiacre de l’Église de Mende, vers la fin du XVIIIe siècle. Antoine-Louis-Augustin de Retz partait, vers la fin du même siècle, du séminaire des Missions-Etrangères pour prêcher la foi dans le Céleste-Empire. Alexandre de Retz de Brésolles fut aumônier du roi Louis XVIII et ensuite, auditeur de Rote, à Rome.
Armes : Ecarté I et 4 d’azur au chevron d’or, accompagné, en chef, de deux étoiles de même, et, en pointe, d’une épée d’argent, la garde en haut, qui est de Retz Au 2 me et 3me d’azur : â la fasce haussée d’argent, qui est de Bressoles.
Couronne de marquis, de comte ou de baron.
Marie-Rose de Retz, abbesse de Bellecombe, eut pour père Charles de Retz, baron. de Servies; seigneur de Villaret, et pour mère Jeanne-Rose de Guérin de Chavagnac, fille de Pierre et de dame Catherine d’Altier de Barn, descendant de la maison de Budes, qui s’était fondue dans celles d’Orléans, de Condé et de Conti, et dont us* fille avait épousé André de Retz en 4605. C’est, par ces alliances que les de Retz se rattachent à ces familles princières.
Marie-Rose de Retz fut élevée dans les sentiments de la piété la plus vive.
Les beaux exemples qu’elle ne cessa de voir sous le toit paternel contribuèrent puissamment à la détermination qu’elle prit de fuir le monde et de se donner tout entière à Dieu. C?, fut au monastère de Coire, en Suisse, qu’elle se consacra à la Religion. On ignore quelles circonstances l’amenèrent à quitter sa patrie et à aller sur la terre étrangère.
Elle était dans cette maison depuis quelque temps lorsqu’elle fut nommée abbesse pour la maison de Bellecombe. Noble par sa famille, non moins noble par ses sentiments, douée d’une piété rare et d’un jugement plus rare encore, on crut que pendant l’orage qui grondait et éclatait en France, elle serait à, la hauteur de sa position.
Ce fut en 1790, deux ans après la mort de Mme de Busseul, qu’elle prit possession du supériorat. Elle était à peine installée qua déjà elle avait su gagner l’affection de ses compagnes. On en jugera par la lettre écrite par Mme de Vergéses à M. Faure, maire d’Yssengeaux ; dans cette lettre, Mme de Vereses remercie M. le Maire de l’attention qu’il a eue de leur envoyer le peintre qu’elles désiraient pour peindre leur chère abbesse :
Sa personne nous est si chère que tout ce qui nous la retracera ne sauret être ases multiplie, quoique nous ayons le plus grand espoir de la conserver longues années… Nous serons néantnoins bien ese d’avoir un portrait. L’éloge que vous nous faites des talens du pintre nous fait espérer un portrait resfemblant. Toutes nos dames me chargent, Monsieur, de vous dire une infinité de choses honétes,
Très-humble servante,
Sr DE VERGESES,
On sait combien les choses allèrent vite pendant la Révolution française. On demande d’abord une souscription patriotique de la part, des particuliers et des communautés religieuses, en attendant qu’on dépouillât les uns et les autres. Mme de Retz fut un moment dans la perplexité; elle ne savait qu’offrir. La lettre suivante de l’abbesse à M. Faure nous fait comprendre l’embarras où elle se trouva dans cette osassions :
Si j’étais, Monsieur, assez heureuse pour être de quelque utilité à vous et à la municipalité d’Yssingeaux, vous ne m’en devriez jamais des remerciements, être très-capable de sentir le prix d’une pareille satisfaction. Le détail des fêtes que l’on vous a fait à, Brioude ne m’étonne point et je crie de baie; cœur comme eux : Vive Yssingeaux ! Quant à la souscription patriotique, nous sommes ‘très-disposées à nous conformer aux décrets de l’Assemblée, mais c’est toujours à vous que je dis avec ma confiance ordinaire que si on prend le tout nous n’avons que faire d’offrir le quart. Vous voyez que je vous écrits comme à une personne qui s’intéresse.
Je vous fais bien des remerciements de la chanson que vous m’avez envoyée.
Votre servante,
Sr DE RETZ, abbesse.
Quelles sont les fêtes de Brioude dont parle Mme de Retz? Quelle est la chanson qui lui fut envoyée et pour laquelle elle offre des remerciements ? Je n’en sais rien.
Mme de Retz avait dit dans sa lettre : Si on prend le tout nous n’avons que faire d’offrir le quart.- Elle pressentait ce qui devait se réaliser en effet. C’est le tout qu’on voulait, c’est le tout que l’on prit, toujours, évidemment, au nom des grands principes de la Fraternité, de l’Egalité et de la Liberté.
Le Moment solennel arriva. Il fallut procéder à un inventaire détaillé de la fortune de la maison. Les procureurs nommés furent de Vazeilles de la Bruyère, curé de Lapte ; Gire, maire d’Yssingeaux. Le manuscrit que j’ai devant les yeux dit que ces messieurs arrivèrent à Bellecombe à huit heures du matin et qu’ils en repartirent à quatre. Il parait que l’opération de l’inventaire fut vite bâclée. Il n’y eut rien de sérieux. La forme fut cependant observée. C’était de rigueur.
La chronique rapporte que les dames de Retz, de Vergéses, économe, et de Saint-Pol avaient détourné, à leur profit, les bestiaux, meubles et effets de l’abbaye, et un manuscrit ajoute qu’elles y avaient été autorisées par les commissaires. Il faut convenir qu’elles avaient un besoin impérieux de cette autorisation. On leur volait bel et bien leur avoir et leur fortune, et comment auraient-elles pu, en conscience, salva conscientia, soustraire quoi que ce soit au gouvernement spoliateur. Quand un incendie dévore une maison, il faut laisser à l’incendie tout ce qu’il peut dévorer ; quand des voleurs sont dans une propriété, le propriétaire doit se croiser les bras et ne rien dire, à moins d’une autorisation.
Au milieu des circonstances difficiles où se trouva Mme de Retz, elle fut toujours admirable de sang-froid et de calme. Son émotion fut fortement excitée, néanmoins, surtout dans deux occasions particulières : ce fut lorsque son frère fut saisi dans le monastère et emmené comme un malfaiteur, par la garde nationale du Puy, et lorsque la force armée vint la jeter, ainsi que ses compagnes, hors de l’abbaye et les obliger à déserter les lieux qu’elles aimaient et où elles auraient tenu à laisser leurs cendres, le raconte ailleurs ces deux faits.
Mme de Retz, en quittant son monastère, se retira auprès de Mme de Chavagnac, mère du célèbre général de la Fayette.
(Gustave de Burdin.-M Peala.- quelques titres Manuscrit)
Extrait de l’ouvrage :
NOTES HISTORIQUES
SUR
LES MONASTÈRES
DE LA SÉAUVE
BELLECOMBE, CLAVAS ET MONTFAUCONTHEILLIER, curé de Retournaguet