LE PRIEURÉ CONVENTUEL DE CHAMALIERES-SUR-LOIRE, ORDRE DE SAINT-BENOIT (43800)

Saint Gilles, patron de l’église et du prieuré de Chamalières.
987-1790

ORDRE DE SAINT-BENOIT, OBSERVANCE DE CLUNY, DEPENDANT DE L’ABBAYE DU MONASTIER-SAINT-CHAFFRE.

L’ordre Bénédictin.

La règle de saint Benoît, d’un esprit très large, ouvrait les portes des monastères à tous les âges et à toutes les conditions. Les enfants, les novices et les profès couchaient dans des dortoirs séparés ; chacun avait un lit clos par des toiles, ou par des planches ; dans chaque dortoir, un religieux éprouvé veillait sur la conduite des autres. L’abbé et le prieur présidaient sur toute la communauté ; ils devaient l’un et l’autre gouverner plus par l’exemple que par l’autorité qui leur était déléguée.

Les religieux bénédictins étaient tenus à la psalmodie de l’office divin. Le chant de matines commençait à deux heures du matin. De matines jusqu’à prime, vers les six heures, le temps libre était consacré à la lecture, à la méditation, à l’étude des psaumes. Après la récitation de prime, on allait au travail jusqu’à dix heures où, à la suite de la récitation de nones, on prenait le principal et pour ainsi dire Tunique repas de la journée. Après ce repas, le travail reprenait comme le matin. Les Bénédictins faisaient cependant deux repas de Pâques à la Pentecôte. Au repas principal, on leur servait deux portions, une livre de pain et une hémine de vin, dont ils devaient garder le tiers pour le souper, quand ils n’étaient pas tenus au jeûne. Ils devaient jeûner les mercredis et vendredis de la Pentecôte au 13 septembre ; tous les jours du 13 septembre à Pâques. L’abstinence de la viande était perpétuelle même pour les enfants. Seuls les malades pouvaient user d’aliments gras.

Le vêtement des disciples de saint Benoît se composait d’une cuculle (Capuchon de moine) et d’une tunique, noires dans certaines observances, blanches dans d’autres. Un scapulaire toujours noir, remplaçait la tunique pendant le travail. Chaque moine avait deux cuculles et deux tuniques, ce qui lui permettait d’en changer la nuit, de les laver et de les raccommoder ; il avait, de plus, un mouchoir, un couteau, une aiguille, un poinçon pour écrire et des tablettes. Les lits consistaient en une natte ou paillasse, un drap de serge, une couverture et un chevet.

Les Bénédictins mêlaient au chant de l’office et aux exercices de piété la culture des terres, les travaux littéraires et l’enseignement. Peu de temps après la fondation de leur Ordre, ils se répandirent dans toute l’Europe et ne tardèrent pas de se diviser en plusieurs congrégations différentes. Les principales furent celle de Cluny, formée vers 910; de Cîteaux, fondée en 1098 ; du Mont-Cassin, en 1408 ; de Saint-Vanne, à Verdun en Lorraine, en 1600 ; de Saint-Maur, en 1621.

Le prieuré de Chamalieres-sur-Loire.

 Le monastère bénédictin de Chamalières était situé au milieu du village actuel de ce nom, à trente kilomètres du Puy et à dix kilomètres de Vorey. Blotti, comme dans un nid, sur la rive droite de la Loire, à un brusque détour du fleuve, au bout d’un étroit et profond quadrilatère formé par les monts Mione et Gerbison, qui se dressent à cinq cents mètres au-dessus ; invisible à un mille de distance, isolé de toutes parts, dépourvu de chemins jusqu’à ces dernières années ; à peine relié aux hameaux voisins par des sentiers abrupts et rocailleux, il n’eut guère, à aucune époque, à redouter les attaques subites des]malandrins. Aucun lieu ne pouvait mieux que Chamalières, être choisi pour y établir un monastère. Outre les avantages de l’isolement et de sa position sur une rivière très poissonneuse, cet endroit en présentait beaucoup d’autres : les Bénédictins allaient y trouver une bonne brèche volcanique et même de la chaux pour la construction de leur prieuré et de leur église ; la température y était douce ; les vents y étaient sans fureur ; les fruits les plus savoureux y venaient en abondance ; les jardins des collines voisines étaient couverts de riches vignobles ; des sources d’une eau excellente jaillissaient du flanc des montagnes ; l’air y était toujours attiédi, mais pur ; les brouillards malsains n’y séjournèrent jamais, relevés qu’ils étaient par les hautes cimes ou balayés par les courants supérieurs. L’église  et les anciennes maisons de Chamalières sont curieuses comme aspect et admirables comme couleur. Les amateurs qui désireraient jouir du coup d’œil ravissant qu’elles présentent doivent se hâter de venir, car depuis le prolongement entre Vorey et Retournac, de la route nationale du Puy à Saint-Etienne, l’ancien village est en train de se renouveler entièrement.

D’où venait à ce lieu fortuné le nom qu’il porte encore aujourd’hui? D’après MM. Normand  et Mandet, il serait dérivé de Galmilius, le nom même du fondateur de l’abbaye du Monastier-Saint-Chaffre, dont il dépendit toujours. Nous croyons qu’il faudrait plutôt en demander l’étymologie au nom patois  Tsamaleyra.  Dans la seconde partie de ce mot, on reconnaît facilement le mot  Liger,  Loire, qui se retrouve dans le nom de deux villages voisins, Leyret et Flaceleyres, tous deux situés sur le fleuve.

Que signifie la première partie,  Chama,  qu’on prononce tsama? Elle veut dire chemin,  tsami, C’est  l’opinion de M. l’abbé Payrard. Le nom de Chamalières serait, d’après cet érudit, un mot celtique correspondant au mot français chemin : Chamalières signifierait « chemin le long des eaux ». La position de ce lieu justifie cette opinion.

À quelle date précise placer la fondation du monastère? M. Normand la fait remonter à l’an 681, mais il ne dit pas sur quelles preuves.

« C’est dans le testament d’Alfred d’Aquitaine, comte d’Auvergne et du Velay, dit un historien, qu’on trouve Chamalières mentionné d’une manière précise pour la première fois, à la date de 927. Il est dit dans cet acte que ce prince fait don de son  alea,  c’est-à-dire de sa terre libre, à l’église de Notre-Dame du Puy ».

« Dix ans plus tard, ajoute Mandet, l’évêque de cette ville, Godescalc, affligé des spoliations  dont le patrimoine ecclésiastique était partout l’objet, résolut de mettre un terme à cet état de choses dans son diocèse. Pour décider les usurpateurs à restituer les biens dont ils s’étaient emparés, il commença par rendre à l’abbaye de Saint-Chaffre l’alleu de Chamalières qu’il détenait en qualité de bénéficiaire. Ce fut, assure la Chronique du  Livre rouge  (du Monastier), en exécution de cette sage mesure que les Bénédictins de Saint-Chaffre rentrèrent dans la possession de ce domaine. Ils y établirent, à cette époque, un couvent de femmes, mais bientôt Rorice de Beaumont, frère de Dalmace, neuvième abbé, le  transforma en une communauté d’hommes,  et le plaça, en 960, sous la règle de saint Benoît et l’invocation de saint Gilles. »

Cette dernière phrase de l’historien vellave demanderait plus d’une correction ; nous nous contenterons d’affirmer, avec preuves à l’appui, que le monastère d’hommes ne remplaça pas le couvent de femmes : les deux communautés existèrent en même temps pendant plusieurs siècles.

« Au commencement du Xe siècle, dit M. Jacotin, Chamalières n’était qu’un modeste oratoire dédié à la Sainte Vierge et desservi par quelques prêtres menant la vie monastique. Objet d’abord des persécutions de l’évêque du Puy, Guy, ce couvent put, sous l’épiscopat de Gotescalc, se développer paisiblement et, lorsque Dalmace de Beaumont, abbé de Saint-Chaffre, l’unit définitivement à son monastère (vers 960), sa prospérité s’accrut de jour en jour. Devenu le lieu de dévotion le plus célèbre des contrées environnantes, par suite du transport du corps de saint Gilles et du dépôt d’un saint clou, rapporté, dit-on, de Constantinople par Charlemagne, il vit de toutes parts affluer les libéralités. Les plus puissantes familles du pays, les de Beaumont, dont il avait été jadis le fief, les vicomtes de Polignac, les de Roche-en-Régnier, de Rochebaron, de Montrevel, le dotèrent abondamment : la petite noblesse vassale de ces grandes maisons,  suivit cet exemple, et, grâce à ces nombreuses générosités, ses biens dépassèrent bientôt les villages voisins, pour s’étendre au-delà des limites de notre département, dans les cantons de Saint-Anthème, Viverols, Saint-Bonnet-le-Château, Roanne, Givors et Argental. Aussi, vers 1097, Chamalières comptait vingt-sept moines et, dans son enceinte fortifiée, s’élevaient, soixante et onze maisons avec jardins. Ses richesses lui permirent alors d’élever la remarquable église romane qui, à part le clocher qu’on s’est hâté de démolir pour n’avoir pas à l’étayer, s’est conservée jusqu’à nous dans toute son uniformité et ses détails vraiment artistiques. »

Revenues :

Le 17 février 1749 le chevalier de Lamée afferme à Jean-André Marthory, procureur à la cour du Puy, tous les revenus qu’il perçoit dans la paroisse de Rosières, moyennant chaque année la somme de douze cents livres. Le 6 janvier 1768,il afferme à Barthélémy Plagnieu, notaire de Chamalières, tous ses revenus des paroisses de Saint-Pierre-Duchamp, Retournac, Solignac, Saint-André, Saint-Georges, Saint-Maurice, Beauzac, Confolent et Chamalières, pour six ans, moyennant la somme annuelle de trois mille huit cent cinquante livres, cinquante-trois cartons froment, soixante-douze seigle et cinquante avoine. Aux revenus provenant de ces paroisses, il faudrait ajouter ceux de Saint-Jean-d’Aubrigoux et de quelques autres lieux pour arriver à une somme totale, ce à quoi nous n’avons pu parvenir.

Charge :

Il nous est encore plus difficile de donner le chiffre exact des charges du prieuré. Le prieur devait fournir trois cents livres de congrue aux curés de Rosières, de Chamalières et de Beauzac, cent cinquante livres à chacun des vicaires de Rosières et de Beauzac… trois cents livres à chacun des religieux de Chamalières… soixante livres à l’évêque du Puy, soixante livres aux pauvres de Beauzac… Il devait en outre entretenir les églises de ces divers lieux…

Le couvent des Bénédictines.

Il y avait à Chamalières, à cent mètres à l’est de la grande église et du monastère d’hommes, un couvent de religieuses bénédictines. La tradition le place dans la basse-cour qui se trouve au-dessous de la nouvelle route nationale, entre l’hôtel Valentin et la petite maison Gayton. Il en reste peut-être le portail et quelques pans de murs que l’on a utilisés dans la construction des maisons Malosse et Coupier. Abandonnant tout de suite les hypothèses, nous allons donner sur les bénédictines en général et sur le couvent de Chamalières en particulier quelques notions historiques puisées aux meilleures sources.

Quelques historiens, Yepès entre autres, soutiennent que le premier monastère de Bénédictines fut fondé à Piombarole, non loin du Mont-Cassin, en 532, par Sainte Scolaslique, sœur de saint Benoît, du vivant de son illustre frère. D’autres, avec Mabillon, prétendent que ce ne fut qu’après la mort du grand patriarche que plusieurs monastères de filles voulurent suivre sa règle.

Le plus ancien couvent de religieuses qui, en France» ait adopté la règle de saint Benoît, est celui de Sainte-Croix de Poitiers, que sainte Radegonde, femme de Childebert 1er, roi de France, fit bâtir en 544 ; mais il est certain que la règle de Saint-Césaire y fut d’abord observée, probablement jusque vers le milieu du VIIe siècle.

Les bénédictines portaient généralement une robe noire, un scapulaire de même couleur et, par dessous la robe, une tunique qui n’était pas teinte. Au chœur et dans les cérémonies, elles avaient un grand habit de serge noire, nommé froc ou cuculle. En tout temps, elles portaient sur la tête un voile semblable à celui de la plupart de nos religieuses modernes.

Le  Cartulaire de Chamalières  relate   un fait de nature à faire supposer que le couvent des Bénédictines de ce lieu n’existait déjà plus à la fin du XIIe siècle. Lorsque Francon, abbé de Saint-Chaffre, rattacha au prieuré de Saint-Gilles la maison de Confolent, entre 1184 et 1190, le prieur Pierre  IV de Servissac s’engagea en retour, à la place de l’abbé, à faire recevoir dans un couvent la fille unique du boulanger de Saint-Chaffre, qui venait de mourir.

Au lieu de l’admettre au couvent des religieuses de Chamalières, comme ses prédécesseurs avaient fait pour d’autres, il la confia aux religieuses de Bellecombe, près Yssingeaux, et s’engagea à leur servir pour son entretien une rente annuelle de trois setiers de blé et deux sous, à prélever sur Adiac, paroisse de Beaulieu, il semble qu’il l’aurait fait entrer au couvent de Chamalières, s’il avait encore existé.

Nous voyons sans doute Jean Jourda, par acte du 24 octobre 1653, acheter le château et la terre de Vaux au prix de 12300 livres pour le domaine et de 3006 livres pour les rentes,  à charge encore de payer chaque année, entre autres, trois setters de seigle, un setier d’avoine, deux gélines et sept livres en argent aux Religieuses de Chamalieres pour anciennes fondations affectées sur la propriété vendue .  Ce fait prouve-t-il l’existence, au milieu du XVIIe siècle, de notre Couvent de Bénédictines? Nous ne le croyons pas. Les rentes en question pouvaient alors avoir passé des Bénédictines aux Bénédictins.

Chapelles dites de Chalencon et de Roche, à Chamalières.

Chapelle de Chalencon.  — Les puissants seigneurs de Chalencon, que nous avons vu doter si souvent et si généreusement le prieuré, l’avaient bâtie vers la fin du XIIIe siècle, suivant quelques-uns, bien plus tôt, croyons-nous. Elle était adossée au rempart méridional ; on y entrait par une porte qui s’ouvrait au couchant dans le cimetière et regardait l’abside de l’église.

Les seigneurs de Chalencon, d’abord, les de Polignac, leurs héritiers et leurs successeurs, ensuite, y placèrent leur tombeau. Nous connaissons par les archives les noms de quelques membres de ces deux grandes familles qui y furent ensevelis et aussi quelques-uns des chapelains qui la desservirent.

La chapelle de Chalencon. Le premier chapelain connu de la chapelle de Chalencon, à Chamalières, est le prêtre  Pierre. Il figure comme témoin, le 12 des calendes de novembre (21 octobre) 1163, dans un acte de donation consenti par Guillaume Arbert, chevalier de Chalencon, en faveur du couvent. Entre 1184 et 1190, il donne lui-même au monastère une somme de deux cent cinquante livres pour l’œuvre des pelisses ou manteaux des religieux.

Pierre du Bouchet,  religieux du couvent, autre vicaire de la chapelle de Chalencon, est nommé dans un accord passé le 29 mai 1529 entre le prieur Guillaume de Flaghac et Lancelot Faure, seigneur d’Allemances.

Barthélémy de Montchalm,  religieux du monastère, est vicaire de la chapelle de Chalencon le 28 janvier 1572.

Antoine Savel,  religieux profès du couvent, est vicaire de la même chapelle du 22 septembre 1603 au 18 octobre 1604.

Nous trouvons encore, avec le titre de vicaires ou de chapelains de ce sanctuaire :

N. Cornet,  7 novembre 1707 ;

N. Saby, de 1709 à 1715 ;

N. Chappot,  de 1716 au 26 janvier 1782 ;

Alexis Pons,  religieux du couvent, de 1782 à 1770 ;

Louis-Apollinaire-Armand de Polignac,  religieux de Cluny.

Jean Borie, prêtre et chanoine de l’église collégiale de Saint-Paulien, fondé de procuration de Louis-Apollinaire-Armand de Polignac, religieux de Cluny, demeurant au prieuré de Sainte-Marguerite d’Alincourt près Compiègne, par acte du 21 décembre 1770, prend possession, le 19 février de Tannée suivante, au nom de celui-ci, de la chapelle de Chalencon, sise dans le cloître de Chamalières, en conséquence de la nomination et des provisions de ladite chapelle par Héracle-Melchior, vicomte de Polignac, gouverneur pour Sa Majesté de la ville du Puy et de la province du Velay, en date du 4 novembre 1770. Le procureur fondé du nouveau chapelain est assisté dans la cérémonie de prise de possession de Jean-Louis Vigoureux, curé de Chamalières. Le notaire signale comme présents et opposants Louis Parrel, prieur claustral, Jean-Baptiste Meyssat, sacristain, et Jean-Pierre Pascal, tous prêtres et religieux bénédictins.

Nous n’avons pu relever les noms de tous les chapelains qui desservirent la chapelle de Chalencon, encore moins ceux de tous les personnages qui y furent enterrés ; nous n’en connaissons guère que cinq :

Etienne de Chalencon,  élu évêque du Puy en 1220, mort en 1231.

Guillaume de Chalencon,  seigneur dudit lieu. Il demande par testament du 25 avril 1824 à être enterré au tombeau de ses prédécesseurs, édifié au cimetière de Chamalières ; il y est, en effet, enterré vers l’année 1327.

Clémence de Roche,  fille de Guigon  IV,  seigneur de Roche, et de Dauphine de Montboissier, épouse de Guillaume de Chalencon (5 novembre 1296), dut être inhumée à côté de son mari. Le Nécrologe de Chamalières en fait mémoire le 7 des ides de février ; il ajoute qu’elle avait légué un repas et vingt sous tournois. Elle vivait encore en 1314.

Guigon  ou  Guyot,  fils de Guillaume de Chalencon et de Clémence de Roche, seigneur de Chalencon, vers 1827, fut sans doute inhumé près de ses père et mère. Le Nécrologe en fait mémoire le 7 des ides de février et dit qu’il avait légué au monastère un repas et vingt sous tournois.

Louis-Armand,  premier du nom, vicomte de Polignac, seigneur et baron de Chalencon, Randon, Solignac, Ceyssac, Saint-Paulien, Saint-Agrève, Servissac, Rochegude, et autres lieux, l’un des plus valeureux capitaines de Charles  VII,  mort en 1452, vint à son tour reposer dans la chapelle de Chalencon, à Chamalières.

Tels furent, avec beaucoup d’autres peut-être que nous ne connaissons pas, les personnages enterrés dans cette chapelle. Un terrier du vicomte de Polignac, renouvelé à Craponne au mois d’avril 1569, nous apprend que les rois de nos montagnes l’entretenaient encore à cette époque, ce qui ressort d’ailleurs suffisamment du fait bien établi qu’ils y nommèrent des chapelains, non seulement jusqu’à la fin du XVIe siècle, mais même jusqu’à la veille de la Révolution française. La chapelle de Chalencon épargnée dans son ensemble par le vandalisme révolutionnaire ne survécut pas longtemps à la tourmente ; sa voûte fut abattue dans la première moitié du XIXe  siècle. Les murs qui restent font partie d’une habitation appartenant au sieur Aubert, de Saint-Pierre-Duchamp. L’ancienne porte cintrée qui s’ouvrait dans l’ancien cimetière, à l’aspect du couchant, a vu ses pierres de taille arrachées et employées ailleurs ; elle se dessine cependant d’une manière assez visible à la surface du mur. Bientôt peut-être on pourra dire de cet antique monument où reposèrent d’illustres poussières, que les ruines mêmes en ont disparu, etiam periere ruinse…

Chapelle de Roche. Elle fut fondée, nous l’avons vu, à la fin du XIIIe siècle par Guigon  III,  seigneur de Roche-en-Régnier. Une clause du testament du puissant baron, daté du 17 août 1265, la dotait d’une rente annuelle de cent sous viennois ; un chapelain, à la nomination des seigneurs de Roche, devait y célébrer à perpétuité le saint sacrifice pour l’âme du fondateur et celle des membres de sa famille.

Jourdaine de Montlaur, veuve de Guigon  III,  par testament du i4 janvier 1279, légua à l’église de Chamalières un calice d’argent, d’une valeur de cent sous tournois « pour célébrer la sainte messe dans la chapelle que feu son mari y avait fait construire.

Cette chapelle était-elle dans l’église prieurale ou en dehors ? Nous n’avons pu jusqu’ici donner une réponse explicite à cette question ; il ne nous a pas été, non plus, possible de donner un seul nom de chapelain. L’histoire de la Baronnie de Roche  et le Nécrologe de Chamalières nous permettent de citer quelques personnages qui y furent inhumés.

Les premiers que nous rencontrons sont deux enfants de Guigon  III  et de Jourdaine de Montlaur,  Poncet  et  Dalcie, décédés sans alliance avant 1279 : ils furent enterrés dans la chapelle de Roche, le testament de Jourdaine, leur mère, donne le fait comme certain. La sépulture au même lieu de quelques autres membres de la famille ou de quelques personnes amies est tout à fait probable.

Ce sont d’abord deux enfants encore de Guigon  III,  seigneur de Roche et de Jourdaine de Montlaur : Béatrix et Hugues, Béatrix de Roche,  mariée à Ponce d’Ariane, figure, dans le testament de Guigon  III,  17 août 1265, Elle était morte avant 1279. Le Nécrologe en fait mémoire le 3 des nones de mars.

Hugue de Roche,  chanoine du Puy et de Lyon, paraît comme témoin au mariage de Clémence, sa sœur, le 5 novembre 1295. Par testament du 5 mai  i3i2  il dispose de tout ce qu’il possède en faveur d’un clerc, Hugon de Gorces, son ami, qui l’a assisté dans ses infirmités. Hugues de Roche décéda, dit le Nécrologe, aux nones de mars.

Dauphine de Montboissier,  mariée à Guigon  IV  de Roche entre 1276 et 1278, voulut sans doute reposer dans la chapelle de Roche, à Chamalières, car le Nécrologe en fait mémoire au i4 des calendes de janvier, et ajoute qu’elle légua au monastère une rente de quinze sous tournois à percevoir sur les dîmes d’Olliergues. Elle fit son testament le mercredi avant la fête de saint Jean-Baptiste, en 1330.

Les seigneurs de Roche permirent probablement à quelques-uns de leurs amis ou de leurs familiers de dormir leur dernier sommeil dans leur tombeau de Chamalières. Hugon, Pierre et Armand de Gorces partagèrent sans doute cette faveur.

Hugon de Gorces,  clerc, fut vraisemblablement inhumé à côté de son bienfaiteur et ami, le chanoine Hugues de Roche. D’après le Nécrologe qui le mentionne au 8 des ides de mars, il donna au prieuré douze sous et six deniers tournois.

Pierre de Gorces,  chevalier, dont le Nécrologe fait mémoire le 8 des ides de mars, eut le même honneur. Nous le voyons figurer, d’abord comme arbitre au mariage de Clémence de Roche, le 5 novembre 1296, puis comme témoin à l’hommage rendu par Guigon  V  de Roche à Bernard de Castanet, évêque du Puy, le 2 juillet 1309. Il est bailli de Roche en 1345.

Armand de Gorces,  mentionné par le Nécrologe au 8 des ides de mars, avait légué au prieuré douze sous et quatre deniers tournois.

Il n’est pas bien invraisemblable que Joie, Joya  belle-mère d’Armand de Gorces, ait obtenu de reposer près de son gendre dans la chapelle de Roche. Depuis quelque temps, les seigneurs de ce lieu demandent à être enterrés, non pas à Chamalières, mais dans l’église des Frères-Prêcheurs, au Puy, où ils ont leur principal tombeau de famille. En tout cas, d’après le Nécrologe, elle mourut le 6 des ides de mars et légua au prieuré douze sous et six deniers tournois.

Voilà toutes les personnes qui furent réellement ‘ ou que l’on peut légitimement présumer avoir été inhumées à Chamalières, dans la chapelle dite de Roche, dont nous n’avons pu jusqu’ici trouver le moindre vestige.

Le Nécrologe mentionne quelques autres sépultures, d’abord, au 8 des ides de mars, celle d’Alazie, veuve de Raymond Adhémard, laquelle légua au couvent vingt-cinq sous pour deux repas ; puis, au 4 des ides de juillet, celle de Florence de Mercuret, qui donna deux cartaux de froment à prendre sur Tousse. Le temps nous a manqué pour faire des recherches sur ces deux personnes ; mais nous pouvons dire un mot dé Guillaume Mitte, abbé de Saint-Antoine de Viennois, dont le Nécrologe fait mémoire aux calendes d’octobre.

Guillaume Mitte de Mons, fils de Bertrand et d’Alix de Lignières, qui possédaient le château de Mons, paroisse de Saint-Georges l’Agricol, fut le troisième abbé et grand-maître de l’Ordre hospitalier de Saint-Antoine de Viennois, dont la maison-mère se trouvait à la Motte-Saint-Didier, au diocèse de Vienne. Il fit achever l’église de son abbaye et construire la chapelle de saint Jean l’Évangéliste, où il fut enterré en 1342. En mourant, il se souvint du prieuré de Chamalières où l’un de ses ancêtres, tué au siège de Craponne, avait été inhumé ; il lui légua une messe et un office des morts.

Les Prieurs de Chamalières-sur-Loire

Les prieurs de Chamalières furent toujours nommés par les abbés de Saint-Chaffre sans aucune interruption depuis Dalmace, vers 987, jusqu’à Charles-Borrèmée de Laval, en 1770. L’union la plus intime ne cessa de régner entre les deux monastères, et l’on vit cinq prieurs de Chamalières, Dalmace et Pierre P » » de Beaumont, Ponce de Chalencon, Pierre  II  de Servissac et Raymond de Barjac devenir de prieurs de ce. Couvent abbés du Monastier.

« Cependant, dit M. Mandet, d’après des notes à lui fournies par M. le comte Jourda de Vaux, le prieuré s’affranchit peu à peu de l’abbaye. Sa dépendance, d’abord très réelle, finit par consister dans le simple tribut d’un repas offert chaque année aux trente-six religieux de Saint-Chaffre, repas évalué par arrêt du Parlement de Toulouse, en date du 12 avril 1704, à dix sols par tête. Cet affranchissement en prépara un second plus considérable encore. Longtemps la suprématie des évêques du Puy, imposée aux’ siècle par Godescalc, à tout ce qui relevait du Monastère dont il était abbé, se fit sentir à Chamalières. À chaque avènement de prieur, le prélat ne manquait pas de rappeler au nouvel élu ses droits de haute juridiction, mais celui-ci ne garda bientôt plus que les apparences respectueuses de la soumission. Dès 1624, il avait réduit son vasselage à quelques redevances insignifiantes, qui disparurent complètement en 1762, sous le dernier  (l’avant dernier)  prieur, messire Pierre de Lamée. »

Quoiqu’il en soit, nommé par l’abbé du Monastier, le prieur de Chamalières avait à son tour la collation d’un certain nombre de bénéfices. Il nommait d’abord à la sacristie et à l’aumônerie de son couvent, les deux principales dignités sans doute après la sienne, placées toutes deux sous le vocable de saint Gilles. Il avait encore le droit de nomination aux prieurés de, Saint-Maurice-de-Roche et de Confolent, ainsi qu’aux cures de Chamalières, de Beauzaç, de Rosières, de Saint-Pierre-Duchamp, de Saint-Georges-l’Agricole et de Saint-Jean-d’Aubrigoux, de Saint-André-de-Chalencon et de Solignac-sous-Roche.

Le prieur de Chamalières était un personnage important dans la petite province du Velay. Comme baron de Confolent et seigneur temporel de Chamalières, il jouissait de tous les droits féodaux et avait, en outre, le privilège de siéger aux États. C’était un des neuf personats ecclésiastiques qui, avec l’évêque à leur tête, représentaient le clergé dans cette assemblée. Nous le verrons souvent assister en personne aux sessions annuelles ou s’y faire remplacer par procureur.

D’après le Fouillé ou dénombrement des bénéfices du diocèse du Puy en 1516, pour la levée des décimes, le prieur de Chamalières, archiprêtré de Monistrol, est taxé dix livres. Suivant un autre Fouillé du XVIII siècle, les revenus du prieur qui n’a pas fait sa déclaration, sont taxés arbitrairement quatorze cent dix-neuf livres dix-neuf sols ; la sacristie est taxée cent cinquante livres et l’aumônerie cent livres.

I.                   Dalmas Ier de Beaumont  (937-945) fut à la fois, et pendant plusieurs années, abbé de Saint-Chaffre et prieur de Chamalières. Il se démit de cette dernière charge avant 940, mais continua ses fonctions d’abbé du Monastier jusqu’à sa mort survenue en 954. Ce fut lui qui réunit à cette abbaye le prieuré de Chamalières, dans lequel il lit déposer le corps de saint Gilles. Le cartulaire le mentionne en outre à deux reprises différentes.  

II.                Lanfred  (946) n’est connu que par une seule charte datée de la dixième année du règne de Louis  IV  d’Outremer.  

III.             Amblard  1er  (981-987) figure d’abord comme prieur de Chamalières, puis comme doyen. Sous son administration, le couvent s’enrichit de plusieurs libéralités et, notamment, de celle faite vers 980 par  Gauzna,  dame de Beaumont.  

IV.             Bertelaicus  (989-990) ne paraît seulement que deux fois dans le cartulaire, à l’occasion de dons faits à son prieuré.  

V.                Amblard  II  (vers 996-999) est mentionné, dans une charte du règne de Robert, avec la qualification de doyen.  

VI.             Adémar  (1000-1012), dont le nom nous est révélé par la donation pieuse de dame Blismodis et de son fils Galbert de Mézères à Chamalières.  

VII.          Eldebert ou Ildebert  (1014-1020) est toujours qualifié de doyen dans les divers actes qui le mentionnent.

VIII.       Pierre 1er (1021-10 février 1028), se trouve cité dans un grand nombre de chartes, attestant l’accroissement des biens du monastère sous sa gestion.  

IX.              Dalmace  II  (1035) nous est connu par le don qu’Arbert, abbé de Saint-Pierre-Latour du Puy, fit à Chamalières, de l’église de Saint-Flour en Auvergne.  

X.                 Pierre  II  (8 juillet 1037-1038).  

XI.              Beraud  (vers 1050) est signalé à deux reprises.  

XII.           Ebrard (1082-4  juillet  1096). Les faits les plus saillants qui se produisirent sous ce prieur, furent l’union à Chamalières des églises de Saint-Maurice-de-Roche et de Saint-Pierre-du-Champ.  

XIII.        Jarenton  (1096-1098) se signala par le zèle qu’il mit à accroître les revenus de son prieuré, auquel Héracle, vicomte de Polignac, et sa femme Richarde de Montboissier unirent l’église de Saint-Jean de Rosières, vers l’année 1096.  

XIV.        Armand (1100?-1130?).  Ce prieur est mentionné à l’occasion de donations diverses, remontant au commencement du XIIe siècle.  

XV.           Jean  Chauchat (vers 1142).  

XVI.        Silvius  de Fay  (vers 1145).  

XVII.     Maître Géraud ou Giraud  (1158), dont le passage se trouve marqué dans deux actes seulement.

XVIII.  Pierre  III  de Beaumont  (1162-1172) était issu, comme  l’un de ses prédécesseurs, Dalmas  I »,  de la puissante famille de Beaumont, originaire d’Auvergne, et qui vint se fondre, avant 1245, dans celle non moins ancienne de Chalencon. Célèbre par ses grandes vertus, par sa science des lettres, son passage à Chamalières se signala particulièrement par le soin qu’il mit à réunir tous les actes intéressants son prieuré et à les faire consigner dans le précieux cartulaire qui s’est conservé jusqu’à nous. À ce titre, son souvenir nous est cher et nous rend agréable. À ce titre de nous associer aux justes éloges que l’un de ses successeurs, Raimond de Mercœur, lui décerne avec une touchante sincérité. 

XIX.        Pons  I »  de Chalencon  (1172-23 avril 1176) appartenait à cette vieille race féodale que l’on voit figurer, dès 1031, parmi les bienfaiteurs de Chamalières  et qui se confondit, dans les premières années du XVe siècle, avec celle de Polignac. Son nom apparaît plusieurs fois.  

XX.           Pierre de Servissas  (11797-1200?) s’attacha à suivre les traditions de Pierre  III  de Beaumont, en enrichissant son prieuré et en faisant poursuivre la rédaction du cartulaire par le moine Gilbert de Mézères.  

XXI.        Raymond de Mercœur  (1212-1213) apporta un soin particulier à sauvegarder les intérêts qui lui étaient confiés, ce qui inspira, à l’un de ses successeurs, la pensée d’attribuer à son administration un acte notoirement faux, mais qui probablement pouvait utilement servir dans un procès douteux.  

XXII.     Durant Coiron  (1226) était primitivement moine, et figure, en 1226, à l’occasion de la garde du château de Mézères.  II  fut l’un des principaux rédacteurs du cartulaire. 

XXIII.  Pierre  V  Aurelle  [Auriculœ)  (1231) vendit, le 18 mars 1231, au nom du couvent de Chamalières, à Artaud Payan, prieur de Saint-Sauveur-en-Rue, moyennant 40 livres viennois, la terre de Combres, mandement d’Argental . Le 23 novembre suivant, il acquiesça à une sentence arbitrale rendue par Roland, prieur de Saint-Romain-la-Monge, et Durand Coiron, obrier  [operarius]  de Saint-Chaffre, entre Pierre Datbert, prieur de Confolent, et B. de Rochebaron, seigneur de Beauzac, sur la garde de Confolent, les clames tant réels que personnels des hommes et la taille que réclamait ce seigneur, en cas de mariage de sa sœur ou de sa fille, et de nouvelle chevalerie pour lui ou son fils.

XXIV.  Guy de Montlaur  (1268) concéda, le 21 septembre 1268, en emphytéose perpétuelle, à Jean, Pons et Guillaume André, frères, de Chamalières, la moitié du mas d’Ollias, qui fut depuis appelé de leur nom « la Grange des Andrés. 

XXV.     Gaucelin de Barjac  (1285-1300). Le livre « des compositions de l’évêché » signale, en 1292, une transaction entre l’évêque du Puy et ce prieur, pour raison de la justice de Beauzac, et, en 1299, ses droits de franc-fief sur toute l’étendue de son prieuré. 

XXVI.  Ponce II  de la  Garde  (1301), prieur de Chamalières et de Confolent, transigea, en l’année 1301, avec Jean de Comines, évêque du Puy, sur le différend qu’ils avaient au sujet de la justice haute, moyenne et basse de Confolent.

XXVII.          Maître Bernard  Ier  de Mostuéjols  de Mostueiolis,  docteur es décrets (1309-1310|, sortait d’une famille de chevalerie de Rouergue. Il fît hommage, en 1309, à l’évêque du Puy, Bernard de Castanet, et, la même année, passa procuration à Jean et Aimery de la Chapelle, à Jean Maurin, prêtre, et à Bernard Giraud, à l’effet de le représenter, en son absence, dans les affaires ou procès de son prieuré. Le 18 octobre 1310, l’un de ses procureurs transigea avec un nommé Pierre Dessimond, relativement au droit de mainmorte que le prieur prétendait exiger sur la succession de Poncette Rochelimagne.  

XXVIII.       Étienne  Hugonet  (1320-1332) était originaire de Séverac-le-Château, en Rouergue, dont le prieuré dépendait de l’abbaye de Saint-Chaffre, depuis l’année 1104. Il  était  fils de Déodat Hugonet. Un titre du  10  juillet  1315 le qualifie de sacristain de Séverac, et c’est le 17 décembre 1320 qu’on le voit figurer, pour la première fois, comme prieur de Chamalières, dans un accord qu’il passa avec les paroissiens de Rosières, à propos des dîmes qui lui étaient dues en sa qualité de chapelain perpétuel de l’église de ce lieu.  Le 8 février 13’27, il promit, devant Jean Masse, official du diocèse du Puy, de tenir compte aux chanoines de Saint-Agrève du Puy, des offrandes et droits de sépulture qu’il recueillerait au sujet de l’inhumation de Guillaume, sire de Chalencon, décédé au Puy dans leur paroisse et qui, par son testament du 27 avril 1324, avait choisi sa sépulture dans le tombeau de ses prédécesseurs, édifié dans le cimetière de Chamalières.  

XXIX.   Bernard  II  Hugonet  (1333-1334) avait été précédemment prieur de Saint-Pierre-le-Monastier (1317) et vicaire général de l’évêque du Puy, Durand de Saint-Pourçain (1321). Le 2 avril 133i, Hugues la Guillelmie, bailli, pour l’évêque, du comté de Velay et de son ressort, avec le consentement de ce prieur et de Guigon de Malbosc, prieur de Saint-Pierre-le-Monastier, vicaires généraux de révoque Bernard  V  Le Brun, consentit à noble Pierre de Mirmande, damoiseau, le bail et nouvelle assense d’un moulin situé au-dessous du château de Cayres et qui, après avoir appartenu à feu Armand Salabrun et à ses hoirs, avait dument fait retour à l’évêque. Ce moulin appelé actuellement de Trintinhac, était le moulin banal du château de Cayres et de son mandement.  

XXX.      Hérail de  Joyeuse  (1343-1344), d’abord prieur de Saint-Pierre-le-Monastier, puis de Chamalières, résidait au château de la Bastide de Virac Il soutint, à propos de dîmes, un procès contre Pierre Pradel, moine de la Chaise-Dieu, prieur de Saint-Étienne-Lardeyrol, sur les limites de cette paroisse. Après une longue enquête, qui eut lieu, le 18 octobre 1343, à Rosières, Jean Bonamy, chanoine de Billom, chancelier de l’officialité du Puy et commissaire député par l’évêque Jean Chandorat, détermina les limites en litige, par sentence du 23 mars 1344. Dans cette instance, Hérail eut pour procureur Pierre de Montjou, damoiseau et sacristain de Saint-Pierre-le-Monastier, et se qualifiait  nobilis, religiosus et potens vir,  ce qui prouve son extraction de la grande maison de Joyeuse.  

XXXI.   Jean  II  Faure  (1319) rendit hommage, en 1340, à l’évoque du Puy. Le répertoire des hommages,  auquel nous empruntons ce renseignement, l’appelle à tort Fabre, la vraie forme de  Fabri  étant Faure. Cette famille, originaire de Chamalières, est très ancienne. Noble Lancelot Faure était, en 1529 et 1535, seigneur d’Allemances. Les Faure, en Velay, portaient d’or, à un arbre de sinople.

XXXII.           Pierre  VI  de Nozières  (1306-1398), hommage à son prieuré aux évêques du Puy en 1366, 1385 et 1389. Le 23 mars 1375, Pierre de Murât, doyen de Bourges, et Beraud du Blau  [Blavi],  for-doyen du Puy, vicaires généraux de l’évêque Bertrand II de la Tour, et Pierre de Nozières, prieur de Chamalières et de Confolent, arrentèrent à J. Mazel, prêtre, et à J. Chizeneuve, leur vie durant, l’écluse ou pêcherie qui se construisait, aux frais communs de l’évêque et du prieur, sur la Loire, aux terroirs appelés à l’ouest Peyregrosse, et à Test la Rostanheyre. L’entretien de l’écluse restait à la charge des rentiers; en cas de destruction, elle devait être refaite par moitié aux frais de l’évêque et du prieur, et par moitié aux frais des preneurs. Le quart des saumons, capturés dans l’écluse ou dans les paniers à saumons devait revenir à l’évêque, un autre quart au prieur, et les deux autres quarts aux rentiers, auxquels étaient aussi attribués tous les autres poissons. L’évêque avait le privilège d’acheter aux fermiers de la pêche, à un prix juste et modéré et outre sa propre part, tout le poisson qui lui était nécessaire. Le 2 septembre 1381, sous ce prieur, et devant le bailli de Chamalières, Raymond Nicolas rendit compte aux hommes du bourg et du mandement, de la taille répartie et recouvrée sur eux, pour la réparation de la forteresse de Chamalières, dont on redoutait la surprise par les Anglais. Enfin, les 2 et 13 novembre 1383, Pierre  VI accorda l’investiture à Jean Cussonel, pour fonds de terres sis au terroir de Jussac.  

XXXIII.        Guillaume Ier Grégoire  (1430-1433) échangea, le 17 août 1430, avec noble Gilles Pasturel, de Ventresac, des cens assis sur la borie de Ventresac, tenue par ce dernier en emphytéose du prieuré de Chamalières, et reçut en contre-échange d’autres cens assis à Orsinhac, que Gilles Pasturel tenait en fief du seigneur de Roche-en-Régnier et promettait d’affranchir, en les remplaçant par une assiette équivalente, selon la coutume du Velay, à arbitrer par Jean du Bois, chevalier. Il est encore mentionné, le 17 novembre 1432, dans une reconnaissance par Raymond Faure. Sa mort survint dans les derniers jours d’octobre 1433, car, le 2 novembre de la même année, l’abbé de Saint-Chaffre, Bompar, sollicitait de l’évêque Guillaume de Chalencon, la levée de la mainmise sur les biens et dépouilles du prieur de Chamalières, nouvellement décédé.  

XXXIV.        Tandon Gautier  (1446-1464) figure dans des reconnaissances de censitaires du prieuré, s’étendant du 11 octobre 1446 au 3 mars 1464.  

XXXV.           Jean III de Scorailles  (1474) n’est connu que par un acte d’investiture passé à Chamalières, le 17 mai 1474, dont son père, Guillaume de Scorailles, seigneur de Borrein, diocèse de Rodez, fut témoin.  

XXXVI.        Odon du Bois  était prieur à une date incertaine, postérieure à 1432 et probablement voisine de 1480. De son temps, une crue extraordinaire de la Loire envahit les bâtiments du couvent de Chamalières, et submergea les terriers du prieuré qui furent ensuite entièrement perdus, lorsque ce prieur fut violemment expulsé par les gens du vicomte de Polignac, vraisemblablement Claude-Armand  XIV,  le même qui fit don à l’église de Chamalières, le 1″ juin 1487, d’un reliquaire en argent doré et en cristal, pour y placer le saint Clou.  

XXXVII.     Antoine de Flaghac  (1524-1527) fut très probablement, après le concordat de 1516, le premier prieur commendataire de Chamalières. Son nom a été conservé par des reconnaissances du terrier Tourette, de l’année 1524. Il était simultanément vicaire général de l’ordre de Saint-Antoine de Viennois, et fut élu abbé de cet ordre après Théodore de Saint-Chamond, décédé à Nancy le 28 décembre 1527. Son élection, contestée pendant deux ans, fut reconnue grâce à l’appui de l’archevêque de Bourges, François de Tournon, depuis cardinal et premier ministre. Il était encore abbé en 1533, année où frère Aymar Falcon, précepteur de Bar-le-Duc, mit sous presse et lui dédia son histoire de l’ordre de Saint-Antoine. 

XXXVIII.  Maître Guillaume  II  de Flaghac  (1528-1552), prieur commendataire après le précédent, dont il était sans doute le neveu, figure dans des reconnaissances du terrier Tourette, dont la plus ancienne remonte au 9 mars 1528. Il ne résidait pas à Chamalières; son mandataire, Bernard de Rochebonne, transigea le 9 mai 1529, avec Lancelot Faure, seigneur d’Allemances, et le 16 avril 1546, un autre de ses procureurs, Antoine de Pieyres, accorda à Pierre Rogier, le droit de pêcher dans la Loire sur l’étendue du mandement du prieuré. Son nom apparaît, pour la dernière fois, dans un titre du 30 avril 1552.

XXXIX.        Jacques Castrés,  alias  Chastrès  (1559) n’est connu que par une procuration passée au château de Soubrey, près Saint-Pierre-Salettes, le 24 mars 1559, et recueillie dans un registre de Vidal Vacharel, notaire de Roche-en-Régnier.  

XL.            Jean  IV  Jaloux  (avant 1571) nous est révélé par le titre suivant : Le 19 novembre 1571, Jacques d’Apchon, chevalier de Tordre du roi, seigneur et baron de Saint-Germain-des-Fossés, Noailly et Cerzat, averti de la nouvelle acense (ferme) consentie par Claude Dalbos, prieur de Saint-Germain-des-Fossés « comme procureur fondé par vénérable homme Messire Jehan Jaloux, prieur pour Ihors du priouré de Chamallières et de ses dépendances », en faveur de Jean Marcon, de la Grouleyre, d’un bois sis au terroir de Confolent appelé de Chambolives, à la censive annuelle de huit cartons de seigle, mesure de Confolent, confirma et ratifia la dite acence au profit dudit Marcon. À cette date, Jean Marques, notaire royal du Puy, était le fermier principal de la parcelle de Confolent, et Jean Marcon le sous-rentier.  

XLI.         Nicolas Ier d’Émery ou d’Esmery  (1571-1572), écuyer, prêtre, habitant de Saint-Germain-des-Fossés, fut pourvu du prieuré de Chamalières, par bref du pape Pie  V,  du 8 août 1571. Le 23 janvier 1572, il en prit possession par son procureur, frère Jacques Tourrette, sacristain, qui se présenta à la porte de l’église Saint-Gilles, à l’heure de la grand’messe; et de ce requis, frère Barthélémy de Montchalm, vicaire de Chalencon, assisté des autres religieux, mit ledit procureur en possession réelle « par le bail du verroilh et ouverture de la porte de l’église, sonnement des cloches, bailh du missal, baisement d’autel, serrement en forme de religion et toutes autres solempnités requises en tel fait.  

XLII.      Claude de Montvert  (1579) est mentionné comme prieur de Chamalières, le 11 décembre 1579, au terrier Claude Girard, dans une reconnaissance passée par Gabriel Charitat.  

XLIII.   Guillaume  III  Reymond  (1584), bachelier es décrets, présenta, le 10 août 1584, François Ayel, prêtre, de l’Herm, paroisse de Boissel, à la nomination de l’évêque du Puy, pour la cure de Saint-Georges-L’agricole, dont il était le collateur, et qui était vacante par suite du décès d’Antoine Ponsier, dernier titulaire.  

XLIV.   Nicolas  II  de Fay de la Tour-Maubourg  (1598-1624) était le cinquième fils de Jean, seigneur de la Tour-Maubourg, Chabrespine, l’Herm et Saint-Quentin, et de Marguerite du Peloux. Henri  IV récompensait volontiers par des bénéfices ecclésiastiques, la fidélité et le dévouement de ses partisans. On peut supposer que le prieuré de Chamalières lui fut conféré en rémunération des services que son père avait rendus ; la cause royaliste, et de la part que prirent ses frères et lui-même à la malheureuse tentative de la porte Saint-Gilles, dans la nuit du 16 au 17 octobre 1594, si funeste à la noblesse du Velay. Par acte du 26 novembre 1607, Nicolas s’engagea, au nom de sa communauté, à faire célébrer quatre messes pour le repos de l’âme de sa mère, Marguerite du Peloux, qui avait légué, dans ce but, à Chamalières, une somme de 300 livres tournois. Le 6 mars 1609, il reçut une reconnaissance féodale, transigea, le 23 février 1613, avec Jacques Robert, des Roberts, paroisse de Beauzac, afferma, le 3 février 1614, « les ponhadeyres » du prieuré de Rosières à M. Margerit, curé de ce lieu et, le 28 juin 1618, fit une donation entre vifs à son frère Jacques.  

XLV.      Nicolas  III  de Combres  (1633-1640) était présent aux États du Velay « , tenus le 16 avril 1633, et recevait, le 15 juin 1640, une reconnaissance censitaire de Jacques Rivier « .  

XLVI.   Jean  V  de Fay de la Tour-Maubourg  (1642-1673) siégea le 27 juin 1642, comme prieur de Chamalières, aux États du Velay. En juin 1657, il plaidait, devant le sénéchal du Puy, contre les habitants de Roche, qu’il accusait de fraudes dans la livraison de la dîme à la gerbe.  Nommé abbé de Saint-Vosi, il prit possession de cette abbaye le 13 novembre 1660. En 1673, il était prieur de Saint-Maurice-de-Roche.  

XLVII.           Vital de  Roux  de Revel de Montbel,  dit l’abbé de Revel ou Monsieur de Montbel (1674-1700), chanoine de la cathédrale de Carcassonne, siégea, le 21 février 1674, comme prieur de Chamalières, aux États particuliers du diocèse. En 1676, il reçut à Chamalières la visite de Dom Claude Estiennot de la Serre, qui préparait ses  Anti-quitates in diœcesi Podiensi Benedictinae,  et ses  Fragmenta Historue Aquitinicae : c’est là que l’infatigable et savant bénédictin eut communication de notre cartulaire, dont il inséra plusieurs passages dans le premier de ses ouvrages, avec quelques notes chronologiques sur les prieurs, et en fit des extraits utilisés par Du Gange dans son  Glossaire. Il existe une reconnaissance consentie à ce prieur, le 31 octobre 1688. Il donna quittance, le 28 mars 1692, à dame Agnès de Cusson, femme d’André-Dominique d’Apchon, baron de Vaumières, pour des arrérages de censives dus sur le domaine de Saint-Agnat  et, le 5 août 1698, il afferma le domaine de la Cartive, sis à Pieyres et Granou.

XLVIII.        Joseph-Vital de  Roux (1701-1710), abbé de Villelongue, neveu du précédent, résidait à Carcassonne. Le 21 décembre 1701, il pourvut de l’office déjuge et bailli de Confolent, Henri Bresson, docteur es droits, lieutenant criminel de Saint-Didier  Il était en Languedoc, lors du passage à Chamalières, le 29 octobre 1710, du bénédictin, Dom Jacques Boyer, qui ne put visiter les archives, faute de la clef qui se trouvait aux mains du prieur.  

XLIX.   Pierre  VII  de Soulages de Lamée  (1717-1770), clerc tonsuré du diocèse de Carcassonne, chevalier des ordres royaux et hospitaliers de Notre-Dame-du-Mont-Carmel et de Saint-Lazare-de-Jérusalem, tant de çà que de là les mers, comte palatin, connu sous le nom de chevalier de Lamée, apparaît pour la première fois, comme prieur temporel de Chamalières et baron de Confolent, dans une reconnaissance du 22 novembre 1717. Le 5 mai 1731, il donna à divers habitants du lieu de Granou, la permission d’aller au bois de Gerbizon, moyennant une rente annuelle de 10 sous. Par un accord du 12 septembre 1739, il consentit à ce que le curé de Saint-Georges-L’agricole, récemment nommé par l’évêque François de Beringhen, soit maintenu dans ses fonctions, sous réserve toutefois, pour l’avenir, de son droit de patronage sur cette cure. On le trouve ensuite cité dans des actes peu importants de l’année 1759, et il paraît, pour la dernière fois, le 13 mai 1770, dans la procuration spéciale qu’il donna, à l’effet de résigner son bénéfice « entre les mains de notre Saint-Père le Pape », en faveur d’Étienne-Henri de Soulages de Lamée, sous-diacre et chanoine du chapitre abbatial de Saint-Sernin de Toulouse -. Une fois en possession du cartulaire de Chamalières, égaré par l’un de ses prédécesseurs, et qui avait été retrouvé, en 1729, lors de la vente mobilière de François Arcis, abbé de Saint-Vosi, ce prieur donna carrière à son humeur procédurière. Pendant plus de quarante années, il épuisa tous les degrés de juridiction, et alla même jusqu’à insérer sur des feuillets en blanc du cartulaire, quatre actes faux forgés en vue de ses multiples procès.  

L.                 Charles-Barromée de Laval (177-4-1790), fils de Louis de Laval, lieutenant-général, juge-mage et premier président présidial à la sénéchaussée et siège présidial du Puy, et de Françoise-Hyacinthe Bonnefoux. Il était docteur en Sorbonne, chanoine du chapitre cathédral, vicaire général et officiai sous l’évêque Le Franc de Pompignan. Il plaidait, en qualité de prieur de Chamalières, en 1774, contre Louis-Marie-Augustin Liogier, sieur de Pieyres, seigneur direct de la Bourange, Bordes et la Fayole, au sujet des dîmes du domaine de Ventresac. Devenu prévôt du chapitre, après la mort d’Antoine Sordon de Créaux, il soutint contre son évêque la dépendance immédiate de l’église du Puy auprès du Saint-Siège. En 1781, il était témoin de l’ouverture de lâchasse où étaient déposées les reliques de saint Georges, premier évêque du Velay, et, en 1786, siégea aux états de la province. Dès les premiers troubles de la Révolution, il s’éloigna du Puy, pour se retirer dans le prieuré de Saint-Michel-de-Connexe, dont il était titulaire, et y mourut le 18 octobre 1790.

 

Personnel du couvent de Chamalières de 1770 à 1790 :

1.   Jean-Baptiste Meyssat,  sacristain, 17 août et 4 novembre 1770.

2.   Guillaume-Ignace de Goys,  religieux profès du Monastier, pitancier du prieuré conventuel des saints Gervais et Protais de Langogne, est pourvu par Charles-Borromée de Laval, le II  août 1770, de l’aumônerie de Chamalières, vacante par le décès d’Alexis Pons ; il en prend possession le 17 du dit mois, assisté de Dom J.-B. Meyssat, sacristain.

3.   Jean-Théofrède de Goys,  clerc tonsuré, natif de Mézérac, paroisse de Présailles, prend possession de l’aumônerie de Chamalières le 3 mai 1771, assisté de Dom Louis Parrel, prieur claustral, en présence de Jean-Louis Vigouroux, curé de la paroisse.    .

4.   Honoré Mazoyer,  sacristain, 1er février 1780.

5.   N. Riheyron,  aumônier, 7 juillet 1780.

6.   Louis Parrel  de Reyraguet,  prieur claustral. Il est inscrit pour une pension de 1.400 livres dans l’État des menses conventuelles, offices claustraux et pensions provisoires dont la gestion est confiés au sieur Bollioud de Saint-Julien, receveur général du clergé (27 mars 1788).

7.   N. Lamy.  Il est inscrit pour une pension de 1400 livres dans l’État des pensions provisoires ci-dessus.

8.  N. de Burine  est inscrit pour une pension de 1300 livres dans le même tableau.

Que devinrent l’église, le cimetière, l’enclos, le jardin, les bâtiments et la cour intérieure du prieuré ? Un rapport d’expert fait à propos d’un litige entre des particuliers qui avaient acquis une partie de ces biens vendus par le tribunal révolutionnaire, donnera une réponse satisfaisante à  cette question.

« Un couvent de Bénédictins était à Chamalières. Les biens de ces moines consistaient, entre autres, en une belle église, en un cimetière, en une vaste basse-cour, en un bâtiment, un jardin et un grand champ. On lit dans les registres des biens confisqués qui sont déposés aux archives de la Préfecture : « Le 3o juin 1791, devant les membres composant l’administration du district du Puy a lieu la vente d’une maison construite depuis peu, d’un jardin et d’un clos, situés à Chamalières ayant appartenu aux Bénédictins établis au dit lieu, le tout contenant entour neuf cartonnées, confinant du levant ou d’orient, l’église de Chamalières ; du levant et midi, en pointe, le chemin tendant au moulin ; du couchant, le rivage de la Loire, chemin entre deux ; et de bise, la cour ou place publique. »

« Ces objets furent vendus au sieur Pages qui de suite mit à sa place le sieur Jean-Paul Maurin aîné, négociant au Puy. On voit clairement que l’administration ne vendit que trois objets, la maison, le jardin et l’enclos ; que l’église, le cimetière et la cour ou place publique furent regardés comme propriété communale, puisqu’ils furent pris pour confins ainsi que les rivages de la Loire. »

« Au sud déclinant à l’Est du cimetière se trouve un mur formant comme un rempart d’une élévation de dix mètres, au nord déclinant à l’ouest de la place se trouve un autre mur. Dans chacun de ces murs il y a un portail que les Bénédictins fermaient probablement la nuit. »

Le sieur Maurin vendit ces propriétés à M, Barthélémy Chazal, propriétaire à Ventressac,, maire de la commune. Ce dernier, suivant des actes notariés qui m’ont été produits, revendit ces objets : deux de ces acquéreurs revendirent la maison et le jardin à des demoiselles qui ont formé un couvent de l’Ordre de Saint-Joseph. L’un des acquéreurs de M. Chazal, le sieur Antoine Maisonneuve, avant de revendre à ces religieuses avait fait construire une grange et une écurie en dehors d’un mur et sur le terrain qui se trouve du côté de la Loire, et qui était occupé par un chemin et par le rivage formant une belle promenade.

« Le bâtiment des moines ne joignait pas l’église dans toute sa largeur, il y avait un espace non bâti, d’une longueur de sept mètres sur quatre mètres de largeur. Sur cet espace, se trouve une petite porte de l’église servant aux Sœurs et au public. Cette porte est presque en face de l’autel et rend l’église très froide en hiver. Depuis leur acquisition, les religieuses ont fait établir un escalier sur ce vacant et un appartement au-dessus ; de cette manière leur bâtiment joint l’église dans toute sa largeur. »

L’église de Chamalières qui, pendant des siècles, avait vu des flots de pèlerins se prosterner devant les reliques de saint Gilles et devant le Saint Clou, ne subit pas le sort des autres propriétés du couvent ; elle ne fut pas vendue. Abandonnée aux prêtres jureurs jusqu’au règne de la Terreur, elle subit, à cette époque, tous les outrages des farouches révolutionnaires qui ne voulurent pas se laisser surpasser par ceux d’ailleurs. Des quatre cloches qui ornaient son magnifique clocher, trois furent données pour la fonte des canons. Une partie du clocher, y compris sa flèche élancée, fut abattue. Les superbes autels qui s’élevaient dans le chœur, dans les chapelles rayonnantes et aux deux côtés du transept, furent défigurés. Les débris qui restent en font vivement regretter la destruction.   La chapelle de Chalencon,  où reposaient un certain nombre de membres de la puissante famille de Chalencon-Polignac, subit le même sort.

Info & extrait sur :

« Le prieuré conventuel de Chamalières-sur-Loire ordre de Saint-Benoit, observance de Cluny, dépendant de l’Abbaye du Monastier-Saint-Chaffre (937-1790)- (1904)

Régis Pontvianne

University of Chicago

http://www.archive.org

Le Prieuré de Sainte-Croix de Lavoûte-Chilhac (43380)

Fondé vers 1025 par Odilon de Mercoeur (charte de Cluny, N°2788, Tom III), Sainte-Croix était un prieuré triple car le nombre de ses religieux était compris entre 20 et 30, compatible avec les revenu du monastère étant fixé à 25.

Odilon lui donna le nom de Sainte-Croix, car sa fondation eut lieu un 14 Septembre jour de la fête de l’exaltation de la Sainte-Croix.

Le prieuré ne fut pas transformé en chapitre séculier mais resta dans l’obédience Clunisienne pendant 767 ans jusqu’à la révolution.

Sa zone d’influence était vaste, il eut pendant plusieurs siècle 13 prieurés suffragants :

Saugues, Reilhac, Alleyras, Saint-Jean-Lachamp,   Prades, la Besseyre-Sainte-Marie, Saint-Paul le Froid, Vissac, Blassac, Joursac, Rochefort, Aubazat et 40 églises pour lesquelles le prieuré avait droit de présentation de l’ordinaire du lieu, et en était le décimateur.

Le prieur était seigneur de la Volte et à ce titre, la justice haute moyenne et basse lui appartenait.

Il exerçait avec l’aide d’un personnel spécialisé, notamment d’un bailli qui travaillait également pour les seigneurs de Mercoeur.

Info et extrait sur

« Odilon de Mercoeur, L’Auvergne et Cluny » « Histoire du prieuré de Sainte-Croix de Lavoûte-Chilhac »

l’Abbaye  de Lavaudieu (43100)

Fondation vers 909

19 Octobre 1177.

Saint Robert établit les religieuses qui vivaient à la Chaise-Dieu, à Comps, village situé dans les terres de Brioude,, sur les bords de la Senoire(Senouire). La donation de ce lieu, faite par Raoul de Lugeac et ses deux fils, avait été approuvée par Rencon, Henri  1er et Raoul, abbé de Brioude. L’abbaye de Comps, qui prit plus tard le nom de Lavaudieu, a toujours suivi la règle de Saint-Benoît.

Gausbert de Brolio donna à ce monastère son épouse et sa fille Ermengarde. Robert, comte de Clermont, lui céda les alleux de Paulhaguet, Sanssac et autres. Guillaume VII, comte d’Auvergne, fit donation de la terre de Tauves, à condition qu’on y construirait un monastère qui relèverait de celui de Comps (Gallia Christiania, t. n, Instrumenta Ecclesiae Claromont., col. 107).

La plus ancienne prieure de Comps qui nous soit connue est :

 Pétronille de Mural. Elle vivait en 1148. Après elle on signale les prieures suivants: Agnès (1198-1208), sous laquelle la Dauphiné d’Auvergne donna au monastère dix livres, une chasuble, un calice et trois nappes de lin pour l’autel (Baluze, hist. général. de la Maison d’Auvergne, t. n, p. 287),;
Marguerite de Roche-Savine (1209); Raimonde (1228);Béatrix (1280);
Marguerite II de Roche-Savine (1286-1277-1281) qui reçut du Dauphin Robert six deniers de rente perpétuelle pour le luminaire de Comps, et qui composa avec Beraud de Mercoeur, au sujet de démêlés concernant le lieu de Chavaignat.

Le lieu de Comps garda ce nom jusqu’en 1487, année où Charles VIII le changea, à la prière des religieuses de l’abbaye, en celui de Lavaudieu. Lavaudieu, de l’ancien archiprêtré de Brioude , est du canton et de l’arrondissement de Brioude.

Info et extrait sur :

Monumenta pontificia Arverniae, decurrentibus IX°, X°, XI°, XII°saeculis. Correspondance diplomatique des papes concernant l’Auvergne depuis le pontificat de Nicolas Ier jusqu’à celui d’Innocent III (IXe, Xe, XIe, XIIe siècles), par A.-C. (« sic ») Chaix de Lavarène

Différents nom du monastère de Lavaudieu au fils des siècles.

In aice Cumicensi, 909 (cart. de Brioude, ch. 2o4).

 Ecclesia Sancti Andréa de Comps, 1052 (Gall. Chr., Il, instr. c. 1o4). –

In territorio Bricatensi ecclesia de Comps, 1052 (spic. Br.).

Vallit de Cumis, v. 1148 (Gall. Chr., II, instr. c. 107).

Villa de Cumps, 1177 (Bibl. nat. ms. lat., 13760, p. 2oo).

Coms, 1199 (Baluze, mais. d’Auv., pr. II, 307).

Moniale» de Coms, 1213 (coll. P. Le Blanc).

Perochia de Coms, 1250 (spic. Br.).

Domus de Comps, 1262(Baluze, mais d’Anv., II, 269).

 Combs, 1373 (Bibl. nat. ms. lat., 137OC, f 403).

Conz, 1284 (Mabillon, vet. anal., 33g).

Le prieuré de Vaudieu, 1487 (spic. Br.).

Le couvent de la Val-Dieu, dict de Cumbs, 1494 (la Chaise-Dieu, Javauges).
Comps autrement La Vauldieu, 1511(cousl. d’Auv., f 80). –

 Lavaudieu, 1820 (Deribier).
Par lettres patentes (Laval, 9 octobre 1487), Charles VIII, sur la prière de l’abbé de la Chaise- Dieu, ordonna que le prieuré de Cumps s’appellerait dorénavant le prieuré de la Vaudieu, «pour ce que le nom de « Cons »est vil et déshonnête à nommer aux religieuses» (spic. Br.).



En 1789, la Vaudieu, qui était le siège d’une abbaye bénédictine de femmes dépendant de celle
de la Chaise-Dieu, appartenait à la province d’Auvergne, à l’élection et subdélégation de Brioude et au ressort de Riom. Son église paroissiale, diocèse de Saint-Flour et archiprêtré de Brioude, était consacrée à saint André; la prieure de l’abbaye présentait à la cure.

Lègue au couvent de Lavaudieu et la Séauve en autre :

Catherine de Saint-Marcel qui, veuve de Dalmas Rocel, bourgeois du Puy (dont un fils, Jean Rocel, sgr de Rochefort, qui testa, le 12 févr. 1348, en faveur de Jean de Saint-Marcel, bourgeois du Puy), testa, le 26 déc. 1333, demandant à reposer dans l’église des Jacobins de cette ville, instituant héritiers universels, ses fils Jacques et Jean, et faisant diverses donations à ses autres fils : Dalmas, chanoine de N.-D. du Puy ; Guillaume, moine de la Chaise-Dieu, et Durand ; faisant des legs, aux couvents de femmes de Lavaudieu, des Chazes, de la Séauve, de Bellecombe, de Vorey et de Vais .

Info et extrait sur :

Le nobiliaire du Velay et de l’ancien diocèse du Puy (nom féodaux. Tome VI.)

Site : http://www.abbayedelavaudieu.fr/

le Monastère, Saint Croix de Montfaucon

source:https://www.cc-pays-stmeen.fr/monastere-saint-croix-de-montfaucon-bernardines-abbaye-de-la-seauve-benite/

Montfaucon était une des principales villes du Velay. Son importance lui venait surtout du baillage dont elle était le siège et au droit qu’elle avait d’être représentée par député à l’assemblée des états particuliers de la province.

Le monastère fut fondé par Jean de Bronac, d’une famille distinguée . il fit les premières démarches, pour sa fondation  en 1638 auprès de Monseigneur l’évêque du Puy.

La permission demandée ne se fit pas attendre longtemps. Elle fut donné d’autant plus vite que les choses étaient réglées déjà, les requêtes n’étant qu’une forme dont l’observation était nécessaire.

Le premier Mars 1638 , l’évêque du Puy donna son accord par écrit, pour la fondation d’un monastère de l’ordre de Citeaux dans la ville de Montfaucon.

Montfaucon.

Un grand nombre de famille noble ou vivant noblement y faisaient leur séjour habituel et lui donnait un certain lustre que n’avaient pas beaucoup d’autre cités plus étendues et plus populeuses.

Placée sur les frontières du Forez, de l’Ardèche et du Velay, elle fut toujours regardée comme un point stratégique important. Aussi comprend-on  aisément que pendant les guerres de religion et de la ligue , les divers partis aient si fortement tenu à s’en emparer et à s’y installer.

Malgré son importance exceptionnel, il lui avait cependant toujours manqué un asile pour les âmes privilégiée et appelées à une autre vie qu’a la vie du monde.

Lorsqu’une jeune fille sentait la vocation religieuse, il fallait qu’elle quittât le lieu de sa naissance et allât frapper à la porte des monastères de la Séauve, de Clavas, ou d’autres couvent plus éloignés.

Ce n’est pas qu’il y eut là un obstacle invincible à la vocation, quand elle venait d’en haut, quand dieu parle et se fait entendre à une âme, l’éloignement n’est rien et l’on est bien vite ou pousse la grâce divine, mais les deux monastères voisins (la Séauve, Clavas)n’étaient pas accessible pour toutes les jeunes personnes qui voulaient vivre de la vie religieuse.

Pour y être admises, il fallait faire preuve de plusieurs quartiers de noblesse. Or cette condition ne pouvait toujours être remplie. Beaucoup de famille très honorables d’ailleurs ou n’avaient pas de titres ou ceux qu’elle avaient étaient de concession plus ou moins récente.

Il est probable que se fut l’un des motifs principaux à la fondation d’un monastère à Montfaucon.

Un asile plus modeste et moins brillant que les Abbaye Cistercienne du Velay convenait mieux sous certains points et était devenu indispensable pour un grand nombre de familles de la cité Vellavienne et des lieux circonvoisins.

Le but proposé fut amplement atteint. Beaucoup de ces familles envoyèrent un moment ou l’autre quelques-uns de leur enfants au nouveau monastère.

On y vit aussi même très souvent des religieuse issues des premières  maisons des provinces voisines.

C’est sous le titre de Bernardines réformées que les religieuses s’établirent à Montfaucon.

Quand l’incendie eut dévoré la maison, les Bernardines demandèrent aux états particulier du Velay, un secours pour les aider à réparer les désastres qui les avaient atteintes.

On leur accorda la somme de 1200 livres en six annuités.

Or, le motif que la délibération  de l’assemblée donne à cette largesse, c’est l’utilité de l’établissement pour l’éducation des demoiselles et celle des jeunes fille protestante qui y viennent spontanément ou qu’on y attire.

Les religieuses remplirent cette noble et importante mission, à la satisfaction générale, jusqu’au moment ou, chassé de leur monastère par la révolution.

Les fondateur du monastère choisirent pour son emplacement l’extrémité d’un des faubourg haut, de celui qui se trouve à l’orient.

Il était loin de répondre aux exigences de la règle de Citeaux. Les couvent ne devaient jamais être construits dans les villes, dans les Châteaux et dans les bourgades, mai bien dans les lieux isolés et séparés de la conversation des hommes.

Il serait aujourd’hui difficile de se faire une idée exacte de ce que furent les bâtiments dans le principe, il ne reste aucune description détaillée.

Après l’incendie de 1755, une nouvelle maison s’éleva bientôt sur les ruines de l’ancienne, et on l’a fit plus régulière et plus vaste que la première.

Possessions du monastère de Montfaucon , moitié du XVIIIe.

-domaine de Merle, situé près du couvent.

-domaine à la Chaux, dans la paroisse de Lapte.

-domaine de la Celle, à Montregard.

-domaine à Chaumargeais, Tence.

-domaine des Vallas, Montregard.

-domaine de Treiches, Roucoules.

-domaine de Merdalhac, Tence.

-domaine des Massons, Montregard.

-domaine du Buisson, Araules.

Ces diverses propriétés étaient grevées de quelques rentes due à différents prieurés ou cures.

Celles qui gouvernaient le monastère de Sainte-Croix ne prirent jamais le titre d’Abbesse, mai celui de Supérieur.

Quand le Supériorat était vacant, ou par la mort de la titulaire ou par l’expiration du temps fixé ou par une cause, les religieuses étaient averties d’avance de l’opération qui devait avoir lieu pour le choix d’une nouvelle  Supérieur.

Le moment venu, on se mettait en prière  et avec le plus grand calme, sans cabale d’aucune espèce, chaque religieuse déposait son vote et celle qui réunissait le plus de suffrages prenait la direction de la maison.

Les Supérieures du monastère de Montfaucon.

  1. Geneviève de Bronac ou Lucrèce de Fay Gerlande.
  2. Anna du Lac.
  3. Catherine du Ranc de Joux.
  4. Françoise de Bronac.
  5. Catherine des Olmes ou Solmes.
  6. Hellène de Figon.
  7. Thérèse du Pinot.
  8. Françoise Ferrapie.
  9. Françoise de la Faye.
  10. Marie de Lambert.
  11. Jeanne le More ou le Maures.
  12. Marie-Madeleine de Chazotte.
  13. Marie Bruyère de Mirabel.
  14. Françoise de la Faye.

Dernière Supérieure de Montfaucon.

Info et extrait :

Notes historique sur les monastère de la Séauve, Bellecombe, Clavas et Montfaucon.

L’Abbé Theillère

Le Prieuré de Saint-Pierre de Grazac (43200)

Grazago, Graciago, Com. d’Yssingeaux.Ordre de Saint-benoit.

En 1789, Grazac faisait partie de la province du Velay, de la subdélégation et sénéchaussée du Puy. Son église paroissiale, diocèse du Puy et archiprétré de Monistrol-sur-Loire, était consacrée à saint Pierre; l’abbé de Cluny présentait à la cure en sa qualité de prieur.

Les appélation de Grazac au fils des Sciècles.

Sacrosanclce ecclcsiœ Vellavensis quœ est corutructa in honore Sancti Petri ad Grazago, 962 (cart. de Cluny, cb. 1131).

In loco Graciago, v. 987 (idem, ch. 1753).

Locus qui appell. Graxedi, v. 1035 (La Mure, Comtes de Forez, éd. Cliantelacze, III, pr., n » 20).

Ecclesia Sancti Pétri de Grazac, v. 1049 (cart.de Cluny, cli. 3010).

Grachiagum, v. 1080 (idem, cli. 3568).

Sanctus Petrus Graciasensis, monachi Gratiaci, Gradue (idem, cli. 3792, IX, X, XIII).

Grasac, 1255 (hôlel-Dieu, B. 613).

Prioratus de Grasaco, 1303 (prieuré de Grazac).

Domus de Gresac 1310 (bibl. de l’éc. des chartes, 1877, 12).

Prioratus de Grazaco prope Lapte, 1329 (J. de Peyre, n).

Les chartes de l’Abbaye de Cluny ou apparait le nom du Prieuré de Grazac.

Charte 502

Anno : 939, octobre.

CHARTA QUA GIRBERNUS, ISNARDUS ET ADA, UXOR MARTINI, PRO ANIMA IPSIUS, DANT SANCTO PETRO DE GRACIAGO CAPELLAM ET PECIAM PRATI IN TERRITORIO DE VOROCIO.

Quociens inter quasquumque ingenuis personis lex beneficium edocet, ut qualiscumque omo de res propriis suis in alteriis personis condonare voluerit, licenciam abeat potestatem at faciendum in omnibus. Ob oc igitur nos enim, in Dei nomen, Girbernus, Isnardus, {488}vuadiatores Martini, et uxor sua Ada, cedimus vel condonamus Sancti Petri a Graciago capello et pecia de prato in territorio de Vorocio, pro remedium anime Martini, et abent ipsas res fines vel terminaciones de uno latus terra Albarico, de alio latus terra Andreo et Amblardo, de tercio latus terra Isnardo, et carto vero latus Girbert, et termino; infra istas fines, quantum ibi habuit, totum Sancti Petri, et at illo presbitero qui ibidem decantaverit per singulos annos usum et fructum recipiat, sine ullo contradicente. Sane si quis, nos ipsi, immutata voluntate nostra, aut ullus de eredes nostros, vel emissa persona, qui donacione ista inquietare voluerit, oc ei non vindicet, set componat ei duplum tantum quantum ipsas res eoque tempore melioratas valere potuerint, et ec donacio ista firma estabilis permaneat, cum stibulacione subnixa. Facta donacione ista die sabati, in mense octuber, anno IIIIor quod Radulfus rex obiit a seculo. S. Girbernus et Isnard, qui donacione ista sribere et firmare rogaverunt, manus illorum firmas. S. Girberno. S. Albarico. S. Amblad. S. Rainbaldo. S. Arimberto. Triennus, umilis sacerdus, sripsit.

(Bibl. nat. cop. 6-154.) (Au dos:) De territorio de Vorotio.

Charte 1131.

Anno : 962. juin.     

CHARTA QUA ASTERIUS ET UXOR EJUS LEOTGARDIS CEDUNT CASAE DEI SANCTI PETRI  DE GRAZAGO CABANNARIAM IN VILLA LOBERIAS, IN PAGO VELLAICO.

Sacrosanctae ecclesiae Vellavencis, que est constructa vel edificata in honore Dei omnipolentis, Patris et Filii et Spiritus Sancti et Sancti Petri ad Grazago(Grazac). Ab hoc igitur ego, in Dei nomen, Asterius et uxor mea Leotgard, cedimus vel condonamus ad ipsa casa Dei jam predicta, pro amore Del omnipotentis et pro auiore sancti Petri, et remedium animas nostras et cunctorum parentorum nostrorum, et pro remedium anime Geodadi, et anime Gevieldi et cunctum parentorum nostrorum, ut pius Dominus remittat nobis peccaljLnoBtra; propterea cedimus ad ipsa casa Dei Sancti Petri aliquid de res propriis nostris juris, qui ex hereditate vel per conquisto ipsas res nobis legibus obvenerunt. Resident autem ipsas res sitas in pago Vellaico, in vicaria Bassense, in villa Loberias; in ipsa villa cedimus ad ipsa casa Dei predicta cabbannaria quem Ingerandus excolet, cum omnibus aiacenciis suis, quesitam vei quicquid ad ipsa cdl)bannaria ad inquirendum est, totum et ab integmm cedimus vel donamus ad ipsa casa Dei jam predicta, ea scilicet racione, dummodo Aribernus sacerdos et Galbertus sacerdos vivunt, teneant et possldeant, sine ullo contradicente personae . Post illorum quoque discessum, ad illos sacerdotes qui ibi decantaturi assidui ibi erunt el si uUus omo ad illos sacerdotes ipsas res abstidere voluerit, ipsa hereditas ad propinquos revertat ad jure proprium. De repeticione vero sane, et si ullus omo vel intromissa persona, qui contra carta donacione isla agere vel inquielare presumpserit , non vindicet, set in primis iram Dei judicli et omnibus sanctis suis incurrat, et cum Juda traditore Domini participationem habeat, et cum Datan et Abiron in Infcrnum demergat, et ad mcmoriam non pervenlat antedictam, et auri libras 11 coactus cxsolvat, et inantea.carta donacio ista firma et slabilis permaneat. Cum stipulacione subnixa. Facta carta cessione ista die lunis, in mense junii, anno VIII regnante Lotario rege. S. Asterio etuxore sua Leotgarcl, qm caria donacione ista scribere ol firniare rogavenint in presente, manus eonim finnas. S. Girberno. S. Arihemo. S. Bemardo. S. Ivone. S. Bermundo. S. Eldino. S. Uainulfo. KgoDod- brandus rogitus scripsit.

(Bibl. nat. cop. 9- 186.) [Au dos ) Carta de Loberias.

Charte 1753.

Anno : 987-996.

CHARTA QUA PREMENEUS ET UXOR EJUS LEOTGARDA DANT SANCTO PETRO DE GREZIACO CABANARIAM IN VILLA VOROCIO(Vorey).

Sacrosanctæ Dei æcclesiæ que est confirmata vel edificata in honore sancti Petri apostoli, in loco qui dicitur Graciago, ubi Johannes sacerdos preesse videtur. Ob oc igitur ego, in Dei nomine, Premeneus et uxore sua Leodgarda, pro amore Domini nostri Jesu Christi et pro redemcione animas nostras, et pro anima ad mater mea, nomine Ema, et pro cunctum parentorum meorum, dono ad ipsa casa Dei vel ad ipso sacerdote, de hereditate mea que michi legibus obvenit, quia  est ipsa hereditas [pa]go Vellaico, [in vicaria] Bassense, in villa que dicitur Vorocio, hoc est cabanaria una que Arbertus escolit. Quantum ad ipsa cabanaria aspicit vel aspicere videtur, totum et ab integrum dono ad ipsa ecclesia Sancti Petri, cum casalis et campis et pratis et ortilos; in ea racione, quamdiu Johannes sacerdos vivit, usum et fructum possidead, et post suum discessum, ad ipsa ecclesia Sancti Petri permanead, et ad sacerdote qui a ipsa casa Dei cantaverit. Et si ullus homo qui carta ista contradicere voluerit, vel a sacerdote qui a ipsa ecclesia Sancti Petri cotidie cantaverit, tollere voluerit, et otoritatem Patri et Filii et Spiritus Sancti sit excommunicatus, et cum Datan et Abiron permanead in infernum, et cum Juda, traditore Domini, in infernum sit demergatus; et inantea firma et stabilis permaneat, cum stipulacione subnixa. S. Premeneus, qui carta ista fiere et firmare in presente rogavit, manu sua firma. S. Bermundo. S. Sulpicio. S. Garberno. S. Garberno. S. Bernardo. S. Truanno. In die jovis, mense febroario, annos regnante Ugone rege. Ego Ariberius scripsit.

(Bibl. nat. cop. 14-158.) (Au dos:) Carta de Vorocio.

Charte 2472

Anno : 998-1026.

Charta qua Bernardus et uxor ejus Amaltrudis dant monasterio Graciago res suas in villa Vorocio, in pago Vellaico.

Sacrosancta Dei æcclesia que est edificata in honore sancti Petri apostoli in loco qui dicitur Graciago, ubi Johannes sacerdus {corr: sacerdos} preesse videtur; ob oc igitur enim, in Dei nomen, Bernardus et uxor sua Amaltrudi, pro amore Dei omnipotentis, Patris et Filii et Spiritus sancti, et pro redemcione animas nostras, et pro anima patrem meum Ariberno et matre mea Raginguis et pro cunctum parentorum meorum, dono ad ipsa casa Dei vel ad ipso sacerdote qui ibidem cotidie servit, aliquit de res meas qui ex hereditate ipsas res michi legibus obvenerunt. Sunt autem ipsas res in pago Vellaico, in aice et vicaria Bassense, in villa que dicitur Vorocio: in ipsa villa dono de uno maso la tercia parte cum mansiones et orto, campis, pratis, silvis, cum ipsis aicis. Dum vivit teneat; post suum discessum ad ipsa casa Dei remaneat pro sepultura et pro redemcione animas nostras: quantum ad ipsas res aspicit vel aspicere videtur, totum et ad integrum dono ad ipsa casa Dei vel ad ipso sacerdote qui ibidem adservit. Et ego Bernardus dono in vestitura Sancti Petri de Graciago de anno in anno uno sesterio de annona. De repeticione vero sane. Et si ullus homo, qui contra res istas ire aut agere vel inquietare presumpserit, non eis liceat vindicare quod repetit, sed in primis ira Dei judicii et omnibus sanctis suis incurrat et cum Dathan et Abiron et cum Juda traditore Domini participationem habeat, in infernum vivus sit demersus et ad memoriam non perveniat ante Dominum; et postea carta ista firma stabilis permaneat, cum stibulacione subnixa. Facta carta ista feria VII, VI nonas julii, regnante Roberto rege. Signum Bernardo, qui carta ista fieri et firmare jussit vel rogavit manu sua firma. Signum Girberno. Signum Chaferio. Signum Johanno sacerdote. Signum Duranno; isti sunt firmatores. Nizecius scripsit.

(Bibl.nat cop.16-226.)(Au dos:) Carta de villa Vorocio.

Charte 3535

Anno : 1079, 8 mai

Charta qua Arricus dat monachis Cluniacensibus in obedientia Graciago cabannariam in valle Ranconis, terciamque partem mansi de Boschit, etc.

Ego Arricus considerans quia omnes homines moriuntur, et nemo de rebus suis aliquid secum portare potest, nisi hoc quod pro Dei amore tribuerit, dedit (sic) pro anima uxoris mee defuncte, nomine Agnes, in obedientia Sancti Petri Cluniacensis que dicitur Graciago, domno abbati Ugoni et monachis suis, cabanariam unam in valle Ranconis, ut habeant et possideant jure perenni, ut Deus omnipotens michi et uxori mee et filiis meis et parentibus meis mise[re]ri dignetur in regno suo. Ego Arrico dedi et firmavi, et Bernardus filius meus, et alius filius similiter. S. Ranconis. S. Vilgelmi. S. Petri Iterii. S. Arnaldi Bladini. S. Armanni Vaca. De hac valle accipiebat Petrus Relatinus decimum et ideo qui fecit homicidium dedit predicte ecclesie hunc decimum; ipsum quem occidit Aloardum vocabant, et hoc donum laudavit frater ejus Bertrannus. Arricus, qui fecit donationem que superius scripta est pro anima uxoris sue, veniens ad mortem cogitavit de semetipso, et pro redemptione anime sue et remissione peccatorum suorum, dedit in predicta obedientia Sancti Petri domno abbati Ugoni Cluniacensi et monachis suis, terciam partem mansi, que est sita in territorio Singaudensi, in loco qui dicitur de Boschit, prope villam Vesciliacipti, ut habeant et possideant jure hereditario. Firmatores sunt isti: S. Bernardi, filius ipsius defuncti. S. Ranconis. S. Wilgelmi. S. Petri Iterii. S. Arnaldi Bladini. S. Armanni Vaca. Est autem facta hec carta aput Graciagum, VIII idus madii, anno ab incarnatione Domini millesimo septuagesimo nono, indictione tercia, regnante Philippo rege Francorum. Si vero aliquis homo fuerit, qui hanc cartam falsare voluerit, non prevaleat, sed componat in vinculo pro hac contradictione auri libram unam, atque sit excommunicatus de omnibus maledictionibus, ita ut in inferno semper cum predictis maneat, nisi resipiscat et ad emendationem perveniat.

(Bibl.nat cop.32-49.) (Au dos:) Carta de valle. – De valle Ranconis et de Boschit.

Charte 3543

1079, Octobre

Charta qua Petrus dat monachis Cluniacensibus de Graciago quartam partem villæ quæ dicitur Lachalm.

Sacrosancta Dei ecclesia, que est constructa vel edificata in pago Velavense, in aice Bassense, in villa que vocabulum est Graciago, quia ipse est ecclesia constructa in onore Domini nostri Jesu Christi et beati Petri apostoli, hubi monachi Cluniacensi serviunt Deo. Ob hocigitur ego, in Dei nomen, Petrus, cogitans [de Dei misericor]dia, pro amore Domini nostri Jesu Christi, et pro redemptione anime mee, et patrem meum et matrem meam vel parentorum meorumque, ut Dominus noster Jesus Christus peccata nostra dimittere [dignetur] … de ereditate mea que mihi legibus obvenit, quia ipsa est hereditas in pago Velavense, in aice de Lapte, in villa que dicitur Lachalm: hoc est quarta parte de uno masso dono ad Sancto Petro et ad altare de Cluniaco et ad monachos de illo loco, de bona voluntate. Sane et si ullus homo est, qui carta ista inquietare vel presumsere voluerit, non vindicet, sed cum ira Dei omnipotentis incurrat; et cum Datan et Abiron participationem abeat, et cum Juda traditore Domini in infernum sit demergatus, et a memoriam non perveniat ante Dominum. Facta carta ista die sabato, in mense octuber, tempore regnante Filipo rege. S. Petrus, qui carta ista fiere et firmare in presente rogavit manu sua firma. S. Renconi. S. Silvioni et alius Silvius.

(Bibl.nat cop.32-53)(Au dos:) Carta in villa que dicitur Lachalm.

Charte 3544

Anno : 1079

Charta qua Willelmus dat monachis Cluniacensibus de Graciago cabanariam quæ est in Fageta.

Quoniam remissio peccatorum in elemosinis constat, dicente Domino: «Date elemosinam et ecce omnia munda sunt vobis», et quia: «Sicut aqua extinguit ignem, ita elemosina extinguit peccatum»; ego Wilgelmus a vitiis cogitans et de peccatis meis, ut Deus omnipotens indulgeat mihi in futuro seculo, in obitu meo, dedi in elemosinam in monasterio Cluniaco, in obedientia Sancti Petri que dicitur Graciago, domno abbati Ugoni et monachis suis, ut habeant et possideant usque in finem sine ulla querela, cabanariam unam in villa que vocatur Fageta, prope castrum Sexagum, in presentia domni Martini decani. Sane si quis homo hanc donationem contradicere voluit, non valeat, sed componat in vinculo pro hoc libram auri unam; et insuper sit excommunicatus et condempnatus in infernum, cum Datan et Abiron et cum Juda traditore Domini, nisi resipiscat et ad emendationem perveniat. Wilgelmus Aiton firmavit, alius Wilgelmus scraor castri firmavit, Bertrannus firmavit, Ebraldus firmavit. Est autem scripta hec carta in predicta obedientia Sancti Petri Graciago, anno ab incarnatione Domini millesimo septuagesimo nono, indictione tercia, regnante Philippo rege Francorum.

(Bibl.nat cop.32-55)(Au dos:) Carta de cabanaria que est in Fageta.

Charte 3545

Anno : 1079

Charta qua Gerinus et Guillelmus Aculeus dant monachis Cluniacensibus de Graciago villam quam vocant Fabrigas.

Omnis qui vult res suas in alterius transducere potestatem, debet hoc facere aut jurecessione aut stipulatione aut censu voluntario. Quapropter ego Gerinus cogitans de salute anime mee, dedi jure hereditario in monasterio Cluniaco domno abbati Ugoni et monachis suis, partem meam, id [est] dimidiam villam, que vocatur Fabrigas, ut habeant eam et possideant ipsi et successores eorum, sine ulla interpellatione hominum usque in finem seculi. Census autem ipsius ville talis est: in Kalendis, sex denarii et unam optimam primam de carne, et unum panem segalacium, et unum sextarium de vino, et unum sextarium de civada; in quadragesima vero incohenda, unum caponem; in madio, sex denarii et duos agnos; in messionibus, sex denarii et unum porcum de sex denariis, et quartum de terra et prandium plenum quando accipient ipsum quartum. Firmatores: S. Autei et nepotis ejus. S. Amicus. S. Wido Arbertus. S. Stephanus. Alius vero miles qui erat heres ipsius ville, nomine Guilgelmus Aculeus, similiter dedit aliam dimidiam partem pro remedio anime sue predicto monasterio Cluniaco, domno abbati Ugoni et monachis suis in eadem conventione; de que parte talis census exit qualis de altera. Firmatores fuerunt isti: S. Arnaldi canonici. S. Joceranni, nepotis ejusdem Wilgelmi. S. Wilgelmi Aitomi. Hec autem carta servata est in obedientia Sancti Petri, qui vocatur Graciago, anno ab incarnatione Domini millesimo septuagesimo nono, indiccione tercia, regnante rege Philippo Francorum. Qui eam laudaverit, benedicatur a Domino; qui vero contradixerit, sit maledictus et excommunicatus, et perveniat usque in profundum infernum, et maneat cum Datan et Abiron atque cum Juda, traditore Domini, habeat porcionem, nisi ad emendationem perveniat.

(Bibl.nat cop.32-57) (Au dos:) Carta de Fabrigas.

Charte 3567

Anno : 1080 (environ).

Charta qua Avitus dimittit malam consuetudinem quam genitores ejus ad Soleneum, in terra Sancti Petri de Graciago tenuerant.

Constitutum est ut quisquis terras vel res secularias sibi adquirit, tantum in vita sua usum fructus retineat, post mortem vero ad ecclesiam hereditas reddeat. Unde ego Avitus, timens peccatum patris et matris mee, qui tenuerunt malum usum in terra Sancti Petri de Graciago, que fundata est in parrochia Sancti Marcelini de Monestrolio, que terra vocatur in loco ad Soleneum, dimitto ipsum malum usum et quod ibi adprehendere solitus eram; ita ut post mortem meam, aliquis heres meus vel ullus homo de genere meo non valeat ibi adprehendere aliquid. Facio autem tali conventione hanc guerpitionem, ut omnis qui voluerit eam infirmare, et aliquid ibi accipere, sit excommunicatus et ab ecclesia Dei separatus; ita ut cum Juda traditore in infernum habeat porcionem nisi resipiscat, et ad emendationem perveniat. Usus vero in accipiendo talis est: sex kalendarii, sex madienses, et duos agnos et sex messorenses et quartus de terra.

(Bibl.nat cop.32-184).

Charte 3643

Anno : 1090 (environ).

Charta qua Gerius et mater ejus Ermengarda dant monasterio Cluniacensi res suas in villa Vorocio.

Sacrosancta Dei ecclesia, que est constructa vel edificata in pago Vellavense in … Graciago, quia ipsa est ecclesia consecrata in honore Domini nostri Jesu Christi et beati Petri apostoli, hubi monachi Cluniasensi serviunt Deo et Guilelmus clericus. Ob hoc igitur ego … Gerius et mater mea Ermengarda cogitamus de Dei misericordia, pro amore Domini nostri Jesu Christi et pro redemcione animas nostras vel parentum nostrorum et pro sepultura nostra, ut Dominus noster Jesus Christus peccata nostra dimittere dignetur, donamus de ereditate nostra, que nobis legibus subvenit, quia ipsa est hereditas in pago Velavense, in aice Bassense, in villa que dicitur Vorocio, una mansione cum orto et cum duos campos; unus campus est in Vadtromeira, et alius super Mono Geraldo. Donamus Deo et Sancto Petro de Graziago, ut det nobis Dominus requiem sempiternam. Sane et si ullus omo est, qui carta ista inquietare presumere voluerit, non vindi cet, set cum ira Dei omnipotentis incurrat, et cum Datan et Abiron participationem abeat, et cum Juda traditore Domini in infernum sit demergatus, et ad memoriam ante Deum non perveniat. Facta carta ista feria II, mense octuber, tempore regnante Filipo rege. S. Gerius et mater sua Ermengarda, qui carta ista firmant de bona voluntate. S. Umbertus. S. Renconi. S. Guigoni; isti sunt firmatores.

(Bibl.nat cop.32-36). (Au dos:) Carta de Voroncio.

Charte 3782

Anno : 1100.

Charta qua notum est Poncium Arnaldum et fratrem ejus Girinum misisse in wadimonium monachis Graziaci commorantibus terram de Bargis.

Terram de Bargis miserunt in vuadimonium monachis Sancti Petri Cluniacensis Graciagocommorantibus Poncius Arnaldus et Girinus frater ejus pro LX solidis monete Valenciensis, laudante matre eorum Placentia et sorore eorum Helena, et filiis ac filiabus ipsius, tali convenientia, ut tempore quo redimi eam voluerint, reddant supradictis monachis eandem monetam, aut si ceciderit, monetam que eo die plus in hac terra valuerit et majoris precii fuerit, et a festivitate Sancte Marie que est februario usque ad tres annos. Testes qui huic convenientie interfuerunt: Umbertus Girinus, Berno de Mont, Walbertus presbiter, Girinus et Jaius, Walbertus de Meseres, Petrus Achardus, Dunelmus et Johannes, nepotes Walberti presbiteri. Fidejussores: Humbertus Girinus, Avitus de Vertamisia, filii Renconis, Girinus Jaius, Walbertus presbiter, qui fecerunt fidem tali convenientia, ut si unus eorum obierit, alteri pro ipso respondeant. Dederunt ergo milites supradicti Poncius et Girinus hanc terram tali tenore, ut ipsi malum terre non inferant; et si quis inferre voluerit, ab ipsis prout potuerint prohibeatur. Hec reticendum quod XIIcim denarii istius monete hoc tempore valent duos solidos et VI denarios Podiensis monete.

(Bibl.nat cop.40-80).

Infos et extrait sur : Recueil des chartes de l’abbaye de Cluny (Volume 1, 2,3) Charte n°1132, pp 223. & CCE:   cartae   cluniacenses   electronicae «Bernard – Bruel: Recueil des chartes de l’abbaye de Cluny» Institut für Frühmittelalterforschung — WWU Münster

Bibliotheca cluniacensis — Bullarium Cluniacense — Bibliotheca cluniacensis novissima.

VISITE DE LA CHAMBRERIE D’AUVERGNE.

visitatio facta per priorem Sancti Stephani Nivernensis in cameraria (Chaque province de l’ordre avait un ou deux administrateurs que l’on nommait chambriers; de là le nom de Chambrerie donné à la province. Cf. Statuts de Hugues V, Bibliotheca Cluniacensis, col. 1469, De Camerartis pro-vincialibus »>Le terme de Province a prévalu dans la suite. )

Alvernie, anno Domini millesimo CC LXXX I.

Extrait des « Décisions prises à la suite du rapport fait par les visiteurs de l’Auvergne. » et commençant ainsi :

« Visitatores Francie. [De priore de Valencenis.

« Visitationes Alvernie. Amotio Gaymardi, quondam prioris de Silviniaco, perdifnnitores secundum causas propositas, approbatur, »

« Amotio Nicholai, prioris Sancti Salvatoris Nivernensis, per diffinitores secun-dum causas propositas approbatur. »

« Amotio Guillelmi de Lomont, quondam prioris de Rivis, per diffinitores secundum causas propositas approbatur. »

« Amotio Landrici, quondam prioris de Caritate, secwndum causas propositas per diffinitores approbatur.

Extrait :

Visite de 1282.

9. Item, in prioratu de Grasac, statuitur illud idem et nichil debet.

Visite de 1294.

Visitatio Alvernie facta per de Marcigniaco et de Thisiaco priores. Anno Domini M CC nonagesimo quatro.

9. Apud Gresac sunt tres monachi preter priorem, non consueverunt ibidem esse nisi duo, prout prior et monachi et quidam antiquus secularis nobis dixerunt. Fiunt ibi divinum officium, hospitalitas et elemosina competenter. Domus nichil debet. Habet victualia usque ad fructus novos. Monachi non habebant strata; precepimus ut haberent.

Visite de 1343.

Anno Domini Millesimo CCC quadragesimo tertio, fuit facta visitatio Arvernie per nos Johannem de Venna et Archembaudum de Broco prioratuum priores, humiles visitatores ordinis Cluniacensis in cameraria Arvernie.

5. Die martis post Occuli Me, visitavimus prioratum de Vota. Divinum officium, helemosina, hospitalitas ibidem bene serventur et fiunt. Ecclesia non est obligata alicui. Prior edifficia ruynosa in dicto loco de Volta et aliis maneriis de mensa repparavit competenter et reedifficavit cotassa in dicto loco principali de Volta, eddifficavit de novo duas domos sive aulas, unam super alias multum neccessariam et purcherrimam. Et in alio loco de Gresac omnino coplassum  edifficavit domos quamplurimas dicto loco neccessarias. Et multa alia bona acquisivit ad commodum ecclesie.

Info & extrait : Bibliothèque de l’École des Chartes,( ISSN 03736237).

22406 Avignon, 19 janvier 1325.

Jean XXII mande au prieur de Grésac, dioc. Du Puy, au trésorier du Puy et à l’official d’Orange de suspendre l’interdit qui pèse sur le prieuré de Tain (Tindo), ordre de St-Benoît. Dioc. De Vienne, et sur l’église paroiss. De Tournon, qui en dépend, dioc. De Valence, au sujet de dettes pécuniaires ; accordé sur les instances du prieur Pierre [d’Arrablay], cardinal prêtre de Ste-Susanne, et du vicaire perpétuel Jean Bolardi.

MOLLAT (G.), Jean XXII, lettres comm. V, 294, n° 21441.

Info & extrait : Regeste dauphinois, ou Répertoire chronologique et analytique des documents imprimés et manuscrits relatifs à l’histoire du Dauphiné, des origines chrétiennes à l’année 1349. Tome 4, Fascicule 10-12, Numéro 17655-24768 / par le chanoine Ulysse Chevalier,…

Année 1033, augmentattion de la fondation du prieuré d’Aurec par Artaud III.

ARTAUD IV, fils du précédent, lui succéda vers 1038. Il eut de Raymonde sa femme deux enfants, Wedelin et Artaud, qui lui succédèrent vers 1076, ou avant, selon Du Bouchet, qui cite une charte indiquant que Raymonde était veuve en 1068. C’est sous ce comte qu’on voit pour la première fois paraître le titre de maréchal donné à un certain Mont-Aurose dans une charte d’augmentation de fondation du prieuré Saint-Pierre d’Aurec, qui donne à ce prieuré le mas ou village de Graxedi. Les autres témoins de cet acte sont le frère du maréchal nommé Truannus, Ponce Gillet, Imbert de Brancieu, Hugues de Rrugère et Arnulph, oncle de ce dernier.

Infos & extrait : Histoire du Forez, Par Auguste Bernard, Vol I.

Famille de Grazac.

Famille, jadis possessionnée à Grazac et dans la région de Monistrol et d’Yssingeaux.

Grazac (Graciacus, Grasac, Grésac, Gressacus), près Yssingeaux, a donné son nom à cette famille, dont nous connaissons que quelques membres, seulement. Pierre de Grazac (de Graciaco), archiprêtre du Puy, fut témoin de la donation par Humbert d’Albon, évêque du Puy, à l’abbé de Pébrac, ainsi qu’au prieuré de Saint-Andéol, de l’église de Saint-Martin de Polignac, qu’Armand IV, vicomte de Polignac, avait acquise de Pons de Glavenas (29 mars 1128; le 6 févr. 1142, il ratifia cette libéralité). Noble Etoile ou Estelle de Grazac, de concert avec son mari, noble Jean Sicard, sgr de Cublaise, se reconnut, en 1319, vassale de l’Evêque du Puy, pour plusieurs censives, qu’ils possédaient l’un et l’autre à Monistrol et dans la région de cette ville.

Infos et extrait : Le nobiliaire du Velay et de l’ancien diocèse du Puy : noms féodaux.

Tome 6 / par le [vicomte] Gaston de Jourda de Vaux.

Monastères, Abbayes

Un monastère est un établissement religieux rassemblant des moines et des moniales (ou religieuses) qui vivent en communauté, à l’écart du monde ou pas, sous l’autorité d’une règle spécifique, pour prier et travailler. Le plus ancien monastère chrétien encore en activité est le monastère Sainte-Catherine, édifié au VIe siècle au pied du mont Sinaï en Égypte. Pour la petite histoire, si certaines villes ont des noms qui s’approchent du latin monastérium comme Noirmoutier ou Moustier, c’est parce qu’elles étaient liées à un monastère.

Les monastères ne concernent pas uniquement la religion catholique. Il en existe également dans la tradition bouddhiste, appelé « vihāra » ce qui signifie « lieu habité par un ou plusieurs moines ». Cela peut prendre la forme d’un bâtiment de pierres, une cabane en bambou, une grotte ou même un arbre car le moine considère l’endroit où il habite comme son monastère, peu importe où il se trouve.

Une abbaye est un grand monastère doté d’une autonomie juridique et placé sous la direction d’un abbé ou d’une abbesse. Il ou elle dirige une communauté religieuse vivant dans l’abbaye qu’elle guide sur le chemin de la foi chrétienne. Chaque membre lui doit obéissance. En général, cette communauté est composée de femmes et d’hommes qui ont fait le choix de quitter la société pour se consacrer à la religion. Les plus célèbres sont l’abbaye de Cluny, celle de Fontenay, de Cîteaux ou encore l’abbaye d’Hautecombe. Mais, attention, certaines abbayes ne sont pas habitées par des moines mais par des chanoines réguliers qui conservent un pied dans la société.

source:https://www.geo.fr/

Déchristianisation (Révolution française)

Eglise de la Séauve sur Semène

La déchristianisation est un épisode de la Révolution française entre l’été 1793 et le printemps 1794. Ce mouvement vise à effacer toutes les traces publiques du christianisme (en particulier dans sa version catholique qui jusqu’en 1789 est la religion d’État de la France monarchique). Le christianisme est alors une composante importante de la société française et certains révolutionnaires veulent le faire disparaitre au profit de l’athéisme. La déchristianisation est menée localement par les révolutionnaires les plus radicaux qui luttent contre le clergé catholique considéré comme trop royaliste ou favorable aux souverains étrangers qui attaquent alors la France pour rétablir la monarchie absolue et l’Ancien Régime. Ils sont soutenus par certains députés envoyés en mission dans les départements soulevés contre la République ou menacés par l’invasion étrangère. Ce mouvement n’est donc pas identique dans toute la France et surtout une grande partie de la population n’y prend pas part, voire y est hostile. La déchristianisation est combattue officiellement par certains chefs montagnards comme Robespierre ou Danton qui la trouvent dangereuse car elle risque d’augmenter le nombre des adversaires de la France révolutionnaire aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. La déchristianisation sera liquidée par l’arrestation et l’exécution des Hébertistes en mars 1794. En juin 1794, la tentative des Robespierristes de créer le culte de l’Être suprême, un culte républicain de substitution au catholicisme, ne survivra pas à l’exécution de Robespierre et de ses amis en juillet 1794.

source: https://fr.vikidia.org/wiki

Monastères, Abbayes

Un monastère est un établissement religieux rassemblant des moines et des moniales (ou religieuses) qui vivent en communauté, à l’écart du monde ou pas, sous l’autorité d’une règle spécifique, pour prier et travailler. Le plus ancien monastère chrétien encore en activité est le monastère Sainte-Catherine, édifié au VIe siècle au pied du mont Sinaï en Égypte. Pour la petite histoire, si certaines villes ont des noms qui s’approchent du latin monastérium comme Noirmoutier ou Moustier, c’est parce qu’elles étaient liées à un monastère.

Les monastères ne concernent pas uniquement la religion catholique. Il en existe également dans la tradition bouddhiste, appelé « vihāra » ce qui signifie « lieu habité par un ou plusieurs moines ». Cela peut prendre la forme d’un bâtiment de pierres, une cabane en bambou, une grotte ou même un arbre car le moine considère l’endroit où il habite comme son monastère, peu importe où il se trouve.

Une abbaye est un grand monastère doté d’une autonomie juridique et placé sous la direction d’un abbé ou d’une abbesse. Il ou elle dirige une communauté religieuse vivant dans l’abbaye qu’elle guide sur le chemin de la foi chrétienne. Chaque membre lui doit obéissance. En général, cette communauté est composée de femmes et d’hommes qui ont fait le choix de quitter la société pour se consacrer à la religion. Les plus célèbres sont l’abbaye de Cluny, celle de Fontenay, de Cîteaux ou encore l’abbaye d’Hautecombe. Mais, attention, certaines abbayes ne sont pas habitées par des moines mais par des chanoines réguliers qui conservent un pied dans la société.

source:https://www.geo.fr/

l’Abbaye de Chazeaux-les-Cornillon

Non loin des frontières de l’ancien comté de Forez, sur la limite sud-ouest du département de la Loire, et à quelques pas de Firminy; au milieu d’une fraîche et paisible vallée ouverte, dans la direction du nord, pour donner passage au torrent de Gampille, et, du côté du midi, se bifurquant en deux ravins étroits, profonds et sinueux qui montent l’un et l’autre, par des pentes rapides et inégales, vers les premiers plateaux des Cévennes, on aperçoit, épars çà et là à travers les prairies, plusieurs groupes d’habitations rustiques sur lesquelles profile un peu lourdement la ligne sombre et monotone de quelques vieux bâtiments. C’est Chazeau, tranquille petite bourgade peuplée de cultivateurs honnêtes et de cloutiers laborieux.

Chazeau est ancien. On l’appelait, dans les chartes du moyen-âge : Chazalia, Casalia, et encore, mais plus tard : Casale, les Chazeaux; dénominations qui toutes éveillent dans l’esprit l’idée d’un groupe de chaumières, de maisonnettes chétives. Le mot casa et, par corruption, chasa, qui forme la racine de ce nom propre, désigne en effet une petite maison, une cabane; c’est de là également que dérive l’expression italienne casale, dont la signification est tout à fait identique à celle du substantif latin casale. Dans la suite, on appela ce hameau, ainsi que la parcelle dont il était le centre, Chazeaux-les-Comillon, pour indiquer très-probablement les liens de subordination, de dépendance qui les rattachaient l’un et l’autre à Cornillon, résidence du seigneur, et par conséquent chef-lieu de la baronnie.

ce lieu était connu longtemps avant la fondation du couvent, et l’on se servait, pour le désigner, du mot Casalibus, qui offre le tableau de cette vallée comme couverte d’un nombre indéterminé d’habitants. L’acte de fondation lui-même le prouve, puisque la dotation donna deux granges situées dans ce lieu; et plus tard, un certain Chalveyron, donnant sa personne et ses biens à la nouvelle abbaye, mentionne les maisons qu’il possédait à Chazeau. Ce n’est donc point Luce de Beaudiner qui imposa ce nom au couvent qu’elle fondait; ce n’est donc pas, par conséquent, le couvent qui donna le sien à ce petit canton; ce fut le lieu même, au contraire, qui l’imposa au nouvel édifice. Nous avons tort d’écrire Chazeau; la véritable orthographe doit être: Chazaux », ou plutôt: Chazeaux, ainsi que l’attestent plusieurs documents officiels que nous avons sous les yeux.

C’est donc, très probablement, dans la seconde période du treizième siècle, au moment à peu près où l’illustre famille des Beaudiner fait son apparition dans l’histoire de la baronnie de Cornillon , que fut construit ce châtelet, auquel doit se rattacher sinon la formation, au moins le développement plus ou moins rapide du groupe modeste qui vint s’abriter autour de ses hautes murailles, et prit, à cause de sa position sur le point le plus important et le plus central de la vallée, le nom de Chazalia, les Chazeaux.

Chazeau n’acquiert, au point de vue historique, une importance réelle qu’à partir du jour où la veuve de Guillaume de Poitiers, édifiant son monastère au centre de ce vallon qu’elle aimait, y créa du même coup une source nouvelle de vie et de prospérité.

Luce de Beaudiner était fille de Guillaume II, baron de Beaudiner, de Montregard, du lieu de la Chapelle, au diocèse du Puy, de Cornillon en Forez, etc., etc., et de Béatrix de Jarey, noble chrétienne des premiers âges. Élevée dans une famille où les saintes croyances, le culte fervent de la religion et de l’honneur étaient en grande révérence, la jeune damoiselle se montra d’une fidélité constante aux saintes traditions qui formaient le glorieux patrimoine de sa race. Après la mort de son père , elle épousa, le 4 septembre de l’année 1293, messire Guillaume de Poitiers , dit Guillaumet, seigneur de Saint-Vallier et de Tain, dont elle eut cinq enfants: « 1° Guillaume de Poitiers, seigneur de Chanéac , deuxième du nom , baron de Beaudiner et de Montregard; 2° Alix de Poitiers, femme d’Etienne de Vissac, seigneur d’Arlenc; 3° Béatrix de Poitiers, que Luce de Beaudiner substitua à Guillaume en la baronnie de Beaudiner; elle était mariée à Jean, seigneur de Crussol ; 4° Florie de Poitiers, épouse de Jean Payen ou Pagan , seigneur de Meau; 5° Alixente de Poitiers, mariée à Marquis , seigneur de Canillac, chevalier.

Luce de Beaudiner était veuve depuis onze ans environ. Après le triste évènement qui privait la seigneurie de son chef, la noble veuve de Guillaume de Poitiers avait saisi les rênes du commandement, et gouverné la baronnie avec une rare sagesse, constamment inspirée par cette magnanimité singulière qui était le caractère distinctif des Beaudiner, et leur avait valu, sur toute l’étendue de leurs terres, l’amour et les bénédictions de leurs vassaux.

Or, ce fut pendant les premières années de cette triste période de sa vie que Luce de Beaudiner , pour faire une noble diversion à sa douleur, ou , pour mieux dire , afin de lui donner une satisfaction légitime, chrétienne, et lui assurer en conséquence un efficace soulagement, fit édifier à ses frais , de bonis propriis , sur le territoire de Chazeaux , et, dans le voisinage du châtelet désert , le sanctuaire de structure simple et modeste qu’on y voit encore aujourd’hui. Ce monument , dont l’importance devait grandir dans la suite et s’élever jusqu’à la dignité d’église abbatiale, qui devint plus tard le but d’un pèlerinage célèbre dans le pays , et vit pendant longtemps des foules croyantes et recueillies affluer dans son enceinte , n’était , dans l’origine , qu’une chapelle expiatoire , élevée par une pensée touchante de charité chrétienne au culte pieux des souvenirs. Là, deux chapelains qui avaient leur habitation dans l’ancien rendez-vous de chasse converti, partiellement du moins, en presbytère, célébraient régulièrement chaque jour la sainte messe, et récitaient l’office divin pour les défunts de l’illustre famille des Beaudiner, ainsi que pour le repos de l’âme de feu noble et puissant seigneur Guillaume de Poitiers, baron de Cornillon.

Mais la pieuse veuve trouvait déjà que cette première fondation était loin de répondre aux sentiments qui dominaient son âme; il fallait à sa foi, il fallait à ses regrets quelque chose de plus. Un projet d’œuvre pie fonctionnant sur un plan plus vaste, et portant le caractère d’établissement monastique, mûrissait depuis longtemps dans son esprit. Elle jugea que le moment était venu de le mettre à exécution.

A cette époque, l’ordre de Franciscaines, si connu en France sous le nom de Clarisses, et en Italie sous celui de Pauvres-Femmes, se propageait avec une rapidité croissante. Isabelle de France, sœur de saint Louis , avait, en 1255, donné un nouvel essor à ce mouvement d’expansion de l’œuvre de Sainte-Claire , en fondant à Longchamp , près de Paris , et sur la lisière du bois de Boulogne, l’abbaye de ce nom, laquelle est demeurée fameuse entre tous les établissements de la famille franciscaine. En 1304, Blanche de Châlon, dame de Belf  leville, créait également à Lyon le célèbre couvent de la Déserte, et, non loin de la ville d’Anse, celui de Brienne.

Luce de Beaudiner le choisit de préférence, pour assurer les résultats de la fondation qu’elle se proposait de faire, dans l’humble et tranquille vallée de Chazeaux. Elle avait déjà obtenu, l’année précédente (1331), de Jean Ier, comte de Forez, les lettres de permission et d’octroi  nécessaires pour régulariser ses démarches ultérieures. Dans l’acte de concession, le seigneur suzerain se réservait formellement et expressément les droits de justice et de garde sur les biens composant la fondation projetée par la baronne de Cornillon. Il y mettait également cette condition, singulière à noter, savoir: « Que les religieuses de Chazeaux seraient perpétuellement soumises au gardien des Frères-Mineurs de Montbrison. » L’Archevêque de Lyon, Pierre de Savoie, donnait son assentiment le plus complet à l’œuvre entreprise par la veuve de Guillaume de Poitiers, animée du zèle le plus pur pour la gloire de Dieu.

Par l’entremise du vénérable prélat, Luce de Beaudiner écrivit au pape Jean XXII, résidant à Avignon, une lettre dans laquelle elle communiquait à Sa Sainteté le dessein qu’elle méditait depuis longtemps, et sollicitait, pour le réaliser, sa haute approbation. Elle lui parlait d’abord de la chapelle expiatoire élevée à ses frais sur le territoire de Chazeaux, des deux chapelains qui, avec l’agrément de l’autorité diocésaine, célébraient chaque jour, dans ce sanctuaire privilégié, le saint sacrifice de la messe et les autres divins offices, missœ et alla divina officia.

L’humble postulante exposait ensuite au Saint-Père que, professant une admiration affectueuse pour l’ordre de Sainte-Claire, son plus ardent désir était de faire construire à Chazeaux, soit proche, soit autour de la chapelle expiatoire, circà vel juxtà, avec ses accessoires et dépendances, un monastère de religieuses appartenant à cet institut. Enfin, elle terminait en suppliant humblement Sa Sainteté de vouloir bien lui accorder l’autorisation de bâtir le couvent projeté, et d’y établir une communauté de Clarisses, sous clôture et observance régulière des constitutions franciscaines.

Le Pape, touché de cette filiale supplique qui, en témoignant d’un profond attachement pour le Saint-Siège, le consolait des amères douleurs dont son âme était abreuvée, répondit à la noble dame par la bulle dont voici la traduction:

« Jean, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, à notre bien-aimée fille en Notre-Seigneur Jésus-Christ Luce, dame de Beaudiner et de la Chapelle, du diocèse de Lyon, salut et bénédiction apostolique. Nous voyons que l’ardeur de votre foi et de votre dévotion vous a inspiré la pensée de donner plus d’éclat à la gloire du nom de Dieu. Ce dessein pieux et digne d’éloge, nous l’accueillons favorablement, et nous vous accordons volontiers tout ce qui pourra vous être nécessaire pour mener à bonne tin, avec l’aide de Dieu, une entreprise qui a pour objet ses louanges et sa gloire.  Dans la supplique qui nous a été présentée de votre part, nous lisons que, en vertu d’une permission émanée de l’autorité diocésaine, vous avez fait construire, il y a déjà quelque temps, dans le lieu appelé Chazeaux, au diocèse de Lyon, pour votre salut, celui de votre père, de votre mère, de tous vos parents, une chapelle ou église; que vous avez obtenu du même évêque diocésain la faculté de faire célébrer, dans cette chapelle ou église, la messe et les autres divins offices; enfin, que portant un intérêt tout particulier à l’ordre de Sainte-Claire, vous avez l’intention et le désir d’édifier au même lieu , dans le voisinage ou autour dudit sanctuaire, un couvent de cet ordre, avec un cimetière et les autres accessoires indispensables. C’est dans ce but que vous nous avez supplié humblement de vous accorder pleins pouvoirs, à l’effet de construire ce monastère avec les dépendances utiles et nécessaires aux établissements de ce genre, lui constituant de la sorte une dotation; puis, lorsque vous auriez construit et doté le monastère, d’y placer, sous clôture et observance régulière des constitutions dudit Ordre, des religieuses de Sainte-Claire, destinées à y servir Dieu perpétuellement. Désirant donc favoriser ce zèle pour le culte divin, voulant assurer à la majesté du Très-Haut une gloire plus grande , et à la mémoire des saints une dévotion plus empressée; agréant, sur ce point, votre demande; en considération de votre piété et en vertu de notre autorité apostolique, nous vous accordons permission pleine et entière d’édifier le monastère dont il est question, avec ses dépendances utiles et nécessaires, et d’y placer, après son achèvement, sous clôture et observance régulière des constitutions de sainte Claire, des Religieuses destinées à y servir Dieu perpétuellement. Mais vous aurez soin de constituer préalablement auxdites Religieuses, et sur l’avis de l’évêque diocésain, une dot suffisante, eu égard à leur nombre et à celui des personnes attachées au service du monastère.

Donné à Avignon, le deuxième jour de mars, la seizième année de notre pontificat. »

Les bâtiments furent installés à la suite de l’ancien rendez-vous de chasse, en face de la chapelle expiatoire, dont ils étaient séparés sur ce point par un mur de clôture. Un couloir ménagé vers la partie méridionale mettait les lieux réguliers en communication avec le chœur des Religieuses, dont on voit encore aujourd’hui l’ouverture, à la droite du maître-autel. Le cimetière occupait, dans le plan d’ensemble qui fut tracé alors, une enceinte comprise entre le chœur des religieuses et l’abside de la chapelle. Des ossements découverts en grand nombre, pendant des fouilles récentes opérées à cet endroit, puis à la surface du sol, une végétation acre et désordonnée, accompagnée d’une flore toute spéciale, la flore lugubre et sombre des terrains funéraires, ne laissent aucun doute à cet égard.

Le châtelet et ses dépendances furent spécialement affectés au logement de l’Abbesse, aux cuisines et au réfectoire. Les deux chapelains, vénérable Nicolas Cara et vénérable Hugues de la Porte, de Saint-Just-lès-Velay, qui devaient rester chargés du service religieux du Monastère, furent installés dans un petit bâtiment construit tout exprès sur les rives du Combaubert, et entouré d’un jardin clos de murs. Quant à l’espace qui demeurait libre autour de l’oratoire, on en fit un passage destiné à donner au public accès vers le Monastère.

après avoir reçu notification de l’avis favorable donné à son œuvre par la cour pontificale, Luce de Beaudiner poussa les travaux de construction avec une grande activité; car, le dix-neuf septembre de la même année, le gros œuvre du Monastère était parvenu à son achèvement complet. Six mois à peine avaient suffi pour mener à bonne fin l’ensemble des opérations qui comprenaient et l’édification des bâtiments de la future abbaye et l’établissement du vaste pourtour de l’enceinte claustrale. La pieuse baronne de Cornillon, heureuse de voir approcher le terme de ses désirs, manda incontinent, par lettres missives, à Pierre de Savoie, archevêque de Lyon, que les bâtiments destinés à recevoir ses chères Religieuses étaient achevés, et qu’elle désirait accomplir sans plus de retard la dotation de cet établissement selon les prescriptions formelles du Saint-Père. Elle priait, en conséquence, Sa Grandeur de vouloir bien envoyer sous le plus bref délai, au château de Cornillon, où elle résidait en ce moment, le notaire chargé de faire, au nom de l’autorité diocésaine, l’information canonique sur la dotation du monastère de Chazeaux.

L’Archevêque de Lyon , pour se conformer aux désirs de Luce de Beaudiner, qu’il savait impatiente de mettre la dernière main à l’œuvre sainte qu’elle avait entreprise, délégua Jacques du Verney, notaire public et juré de sa cour, pour procéder aux formalités relatives à l’information prescrite par le rescrit de Jean XXII, que nous avons cité précédemment. Or, cette information comprenait, aux termes des instructions émanées de l’administration archiépiscopale, une double série d’opérations. Le commissaire chargé de ladite enquête devait d’abord, après s’être transporté à Chazeaux, constater par lui-même si les constructions du Monastère étaient disposées d’une façon conforme aux règles de l’institut de Sainte-Claire, si l’établissement était muni de toutes les dépendances nécessaires pour le service de la future communauté. Le délégué de l’autorité diocésaine devait ensuite examiner les propositions de la pieuse fondatrice relatives à la dotation du monastère projeté, juger si, en raison des conditions spéciales où allait se trouver cette maison, les ressources, tant en argent qu’en nature, atteindraient une quotité suffisante pour l’entretien de huit Religieuses et des serviteurs indispensables au service du couvent; et, enfin, dresser l’acte authentique et définitif de la fondation et dotation du monastère de Chazeaux.

Le délégué de l’Archevêque trouva les constructions élevées par Luce de Beaudiner, à Chazeaux, parfaitement en harmonie avec leur destination , et tout-à-fait suffisantes pour les huit Religieuses qui devaient s’y établir ; seulement l’aménagement intérieur des bâtiments cénobitiques n’était pas encore terminé. Le mobilier faisait à peu près complètement défaut, la chapelle seule possédait des vases sacrés, quelques ornements sacerdotaux, et les livres liturgiques rigoureusement indispensables pour la célébration des saints offices. La fondatrice, dont la bonne volonté n’était assurément pas en défaut, mais à qui le temps seul avait manqué, s’engagea à faire préparer d’une manière convenable l’asile auquel elle allait confier ses chères Clarisses. Elle promit aussi de pourvoir incontinent à l’ameublement définitif de la chapelle , du chœur, enfin du Monastère tout entier.

Fondation de l’abbaye de Chazeaux.

On était alors au dix-neuvième jour du mois de septembre de l’année 1332. Les honorables personnages que nous avons nommés plus haut se réunirent au château de Cornillon, afin de prendre part au contrat de fondation du monastère de Chazeaux et garantir, par leur présence et leur témoignage, la sincérité des déclarations qui allaient y être consignées. Il fut convenu d’abord qu’on porterait le taux de la dotation pour chaque Religieuse à dix livres viennoises annuelles, et pour chacun des deux chapelains attachés au service du couvent, à cinquante sols viennois par an, outre une rente de dix livres viennoises annuelles , provenant d’une libéralité faite antérieurement par Guillaume de Beaudiner, père de la fondatrice. Ce point fondamental une fois réglé d’un commun accord, Jacques du Verney dressa, conjointement avec son collègue Guillaume Pellicier, notaire royal en la baronnie, la charte qui assurait au monastère de Chazeaux la dotation modeste dont le gratifiait la pieuse veuve de Guillaume de Poitiers.

Les Religieuses Clarisses prennent possession du Monastère de Chazeaux. — Luce de Beaudiner choisit cette maison pour sa résidence. — Marguerite Riqaud, première Abbesse du couvent de Chazeaux.

Le prestige qu’exerçait autour d’elle cette abbaye modeste, fondée depuis deux années à peine, était si grand; la réputation de sainteté attribuée aux hôtes qui l’habitaient avait acquis , dans ta contrée, des proportions telles , que chacun regardant comme une faveur inestimable le privilège d’être inhumé au cimetière réservé dans son enceinte, aspirait à pouvoir, après sa mort, reposer dans la paix de cette demeure bénie, afin de sentir en quelque façon descendre sur sa tombe les oraisons bienfaisantes de ces bonnes Sœurs qui savaient si bien prier Dieu. Déjà même plusieurs personnes avaient reçu la sépulture dans l’intérieur du Monastère, et le nombre des défunts qu’on présentait à ses portes pour y être inhumés devenait de plus en plus considérable.

Tout cela était admirable sans doute, mais n’était pas précisément régulier, si l’on se réfère aux dispositions canoniques et aux règlements particuliers qui régissaient l’ordre de choses dont nous parlons. Chazeaux appartenait à la paroisse de Firminy, dans la circonscription de laquelle il se trouvait. Or le Prieur, et subsidiairement le Curé de cette localité, avaient, à ce titre, sur la parcelle relevant de leurs domaines et juridiction, des droits à eux conférés par la législation d’alors, et surtout en vertu de privilèges spéciaux accordés par les Pontifes romains à l’abbaye de l’Isle Barbe, dont Firminy était une dépendance.

Dans le but de maintenir et de faire prévaloir ces droits en face d’une situation nouvelle qui amenait insensiblement ses administrés à les méconnaître, Frère Jocerand de Fayne, prieur, et avec lui messire Simon de l’Orme, curé de Firminy, intentèrent un procès au monastère de Chazeaux, en la personne de dame Luce de Beaudiner, dame de Cornillon, y résidant.

Ainsi Luce de Beaudiner, et en sa personne seule directement mise en cause, Marguerite Rigaud , abbesse du Monastère , et les deux chapelains , tous ensemble et solidairement , devant Dieu et en conscience, étaient accusés de porter un préjudice énormeau prieur et au curé du bourg de Firminy, par le fait de la fondation d’un monastère à Chazeaux, par la retenue injuste des offrandes et oblations déposées en l’église de l’Abbaye, ainsi que des honoraires casuels perçus, à l’occasion des funérailles célébrées dans ladite église conventuelle.

Au jour fixé, le prieur et le curé de Firminy se rendirent à l’abbaye de Notre-Dame, en compagnie des témoins qu’ils avaient choisis. La baronne de Cornillon, de son côté . se présenta entourée d’un nombre égal de conseillers qu’elle avait convoqués pour la même fin. Les personnages qui devaient ainsi composer le tribunal étaient au nombre de quatorze; c’étaient: Hugues de Pierregourde , seigneur dudit lieu; Armand de la Rochain , tous deux chevaliers; discrètes personnes maîtres Pierre du Verney , Guillaume Dolza, jurisconsultes ; noble Bertrand de Beaudiner, Guillaume de Villeneuve , Jean de la Rochain , Guillaume Taillefer, Perronnet des Mazeaux, Hugues de Brannac, damoiseaux; Jean de la Font, clerc; Jacques Granger , de Chazeaux; Jacques, fils du nommé La Conque, de Saint-Didier; messire Vital Dessaignes , prêtre.

Trois ans après la solution pacifique de ce différend qui, en d’autres mains, aurait pu, en s’envenimant, prendre les proportions d’un véritable conflit, Luce de Beaudiner fut atteinte d’une grave maladie. Elle se trouvait alors loin de ses religieuses, à Clavas-en-Riotord, au pays de Velay, dans un monastère de Bénédictines, où Aymar de Beaudiner, sa tante, était morte avec le titre d’Abbesse, peu de temps auparavant. Or, comme la pieuse baronne eut en son âme le secret pressentiment de sa fin prochaine, elle fit prévenir ses chères Clarisses de Chazeaux de prier beaucoup pour elle, et donna en même temps l’ordre de lui envoyer Guillaume Deville, et son collègue, Guillaume Pellicier, tous deux notaires ordinaires de la baronnie, pour recevoir ses dernières volontés. Et, le 14 août de l’année 1337, veille de l’Assomption de la sainte Vierge, en présence de plusieurs discrets personnages, au nombre desquels nous remarquons messire Guillaume d’Albon, chanoine de l’église métropolitaine de Vienne en Dauphiné, Luce de Beaudiner, « considérant qu’il n’y a rien de plus certain que la mort et rien de plus incertain que son heure; désirant et voulant prévenir, autant que le permet l’humaine fragilité , le malheur d’une surprise; pour ne pas mourir intestat, fit ses dispositions testamentaires relativement aux biens, choses, héritages, droits, actions quelconques lui appartenant ou devant lui appartenir à n’importe quel titre.

Vers la fin de son testament, Luce de Beaudiner, prévoyant le cas où ses exécuteurs testamentaires négligeraient l’exécution de ses dernières volontés ou refuseraient de s’en occuper, conjure l’évêque du Puy et le comte de Forez de vouloir bien s’en charger, et elle assure, à titre d’indemnité, à chacun d’eux, cent marcs d’argent, une fois payés. Elle lègue au roi de France, pour le même objet, une somme égale, avec prière instante de poursuivre l’exécution des dispositions testamentaires dictées par elle, dans le cas où l’évêque du Puy et le comte de Forez négligeraient ou refuseraient d’y donner leurs soins.

Deux mois après ce grand acte, la vertueuse baronne de Cornillon quittait cette vie. Nous ne savons si elle mourut à Clavas, où le mal l’avait frappée, ou bien si, revenue dans le Forez, à la faveur d’un de ces relâches qui semblent parfois enrayer les plus terribles maladies, elle eut la consolation de rendre le dernier soupir dans ce pieux asile où elle avait si souvent prié afin de terminer saintement sa carrière. Les documents sont muets à cet égard, et laissent entièrement place aux conjectures. Quoi qu’il en soit, ce dut être, en toute la contrée, un jour de pénible tristesse et de deuil profond, celui où se répandit soudainement cette nouvelle : Noble dame Luce de Beaudiner est morte, priez Dieu pour le repos de son âme!

Luce de Beaudiner fut inhumée dans le monastère de Chazeaux, conformément aux intentions qu’elle avait exprimées dans son testament. Nous pensons que sa tombe fut creusée dans la chapelle de l’Abbaye, entre le maître-autel et le chœur des Religieuses. Aucune inscription, il est vrai, n’est là, dans ce sanctuaire mutilé encore plus par les révolutions que par le temps , pour révéler aux regards l’endroit où furent déposés les restes de cette femme illustre, qui dut la vénération dont fut entourée sa mémoire bien plus à l’élévation de sa vie qu’à la noblesse de son origine et à l’éclat de son rang. Cependant, une tradition lointaine, dont nous avons pu recueillir les derniers vestiges, désigne ce point de la chapelle comme l’objet d’un culte singulier.

Malheureusement, ce tombeau est vide. Des fouilles que nous avons , avec l’agrément du propriétaire , fait opérer en cet endroit, n’ont amené à la lumière que des débris de toutes sortes, preuves manifestes d’une dévastation violente. Le cercueil a disparu. Il est probable que, pendant les guerres du seizième siècle, où l’abbaye de Chazeaux fut presque détruite, les huguenots auront violé cette tombe, et qu’ils auront brûlé et jeté au vent les précieux ossements qu’elle renfermait.

Les Abbesse de l’Abbaye de Chazeaux

Marguerite Riqaud, première Abbesse du couvent de Chazeaux.

Jeanne de Cruissol, deuxième Abbesse de Chazeaux.

Abbesse de Chazeaux qui ne figure sur aucune liste connue. Cependant Jeanne de Crussol (c’est le nom de cette abbesse) appartenait à une famille jouissant d’une grande notoriété dans le pays. Elle était l’un des enfants de cette noble lignée des Crussol, à laquelle la famille des barons de Cornillon s’était alliée par le mariage de Béatrix de Poitiers, fille de Luce de Beaudiner, avec Jean Bastet, seigneur de Crussol.

Jeanne de Crussol occupait le siège abbatial au monastère de Chazeaux, en l’année 1348.

Adèle de Pierregourde, troisième Abbesse de Chazeaux.

Adèle de Pierregourde (Adelis de Petragordd), descendait du chevalier Hugues, seigneur de Pierregourde, et frère consanguin de Luce de Beaudiner. Notre Abbesse était donc nièce de l’illustre baronne de Cornillon, fondatrice du Monastère. Luce de Beaudiner avait provoqué et favorisé l’entrée de sa nièce Adèle au couvent de Notre-Dame, par une disposition spéciale de son testament.

« Je veux et ordonne, dit la baronne de Cornillon, dans l’expression solennelle de ses volontés dernières, que mon héritier universel soit tenu de placer, dans l’Ordre du monastère des Sœurs de Chazeaux, in Ordine monas lerii Sororum de Casalis, Adèle, fille du seigneur de Pierregourde , ou bien Jeanne , autre fille dudit Seigneur, et je lui lègue, à cette fin, cent livres viennoises une fois payées , qui devront être comptées, pour la réception de ma jeune parente, à la communauté du monastère de Chazeaux, par mon héritier universel . »

Jacquemette de Chaleauvieux, quatrième Abbesse.

Marguerite de Rochebaron, cinquième Abbesse de Chazeaux.

Le manuscrit de la Bibliothèque impériale, que nous avons déjà cité , nous atteste que Marguerite de Rochebaron gouvernait encore l’abbaye de Chazeaux vers l’année 1430. Ce doit être, à peu de chose près, la date de sa mort; car un acte passé en 1431, et concernant les affaires du couvent de Notre-Dame, mentionne Catherine de Vigère comme en ayant le gouvernement à titre d’Abbesse.

Catherine 1 de Vigère, alias de Layre, sixième Abbesse.

Gabrielle 1 de Layre, septième Abbesse.

Gabrielle I de Layre, qui, vers 1455, remplaça Catherine de Vigère au monastère de Chazeaux, appartenait à cette branche de la famille de Layre qui, dans la personne de Rodolplie de Layre, s’était alliée à la maison forézienne de Cusieu. Cette Dame, était fille de messire Louis de Layre, chevalier, seigneur de Cusieu en Forez, et d’Agnès de Chalus, son épouse.

Catherine II de. Vigère, huitième Abbesse.

Gabrielle II de Layre, neuvième Abbesse.

Gabrielle II de Layre, et était fille de Jean de Layre, « noble et puissant seigneur, écuyer de l’hôtel du roy, seigneur et baron de Cornillon. Jean de Layre était, de plus, seigneur de la Motte et de Grigny.

Marguerite de Rochefort, dixième Abbesse de Notre-Dame de Chazeaux.

L’abbaye de Notre-Dame des Chazeaux, transformée en prieuré bénédictin.

Bénigne Mille de Chevrières, onzième Abbesse de Chazeaux.

Alors prieure du monastère bénédictin de Sainte-Marie-de-Coise, en Argentière, au pays de Forez. La nouvelle Abbesse était fille de Jean Mitte de Chevrières et de Jeanne de Layre, dame de Cuzieu en Forez. Elle était sœur de ce Jean Mitte de Cuzieu qui fut doyen de l’église métropolitaine et comte de Lyon. Son premier bénéfice, après son entrée dans la vie religieuse, avait été le prieuré bénédictin de l’Argentière; c’est de là qu’elle fut promue, ainsi que nous venons de le dire, par la résignation que fit sa tante maternelle, à l’abbaye de Chazeaux. C’était la première fois, depuis la fondation du Monastère, qu’une Religieuse d’un institut différent était appelée à Chazeaux pour prendre la crosse abbatiale. Elle voulait mettre sa communauté sur la voie d’une réforme nouvelle et efficace, en la plaçant sous l’influence d’une supérieure élevée dans les traditions d’une piété saine et forte, d’un esprit religieux éprouvé.

En quittant le prieuré de Sainte-Marie-de-Coise et le costume bénédictin, elle ne se dépouilla pas de la prédilection qu’elle professait pour l’institut de Saint-Benoît, dont l’esprit et les règles avaient dirigé ses premiers pas dans la vie religieuse. Elle conçut, et probablement dès les premiers jours de son administration, le projet de substituer aux constitutions franciscaines, tombées en désuétude dans l’abbaye de Chazeaux, la règle suivie au prieuré de l’Argentière. Cette règle n’était point une application des constitutions bénédictines pures, mais une observance mitigée, alors adoptée dans un grand nombre de monastères. La nouvelle Abbesse se proposait de ramener par des règlements plus doux , mais cependant autorisés, des habitudes d’ordre, de discipline, de vie régulière enfin, parmi des Religieuses qui ne connaissaient plus guère d’autre loi que leurs caprices, et dont la vie paresseuse , sensuelle et frivole, n’était pas , tant s’en fallait, un sujet d’édification pour le pays.

Marguerite II d’Amanzé, deuxième Prieure de Chazeaux.

Antoinette de Rocbebaron, troisième Prieure.

Catherine III de Brosses, quatrième Prieure de Chazeaux.

Cécile d’Amanzé, cinquième Prieure. Cécile d’Amanzé, nommée le 20 septembre 1574, reçut de Rome, le 9 octobre de la même année, les bulles dont la possession était indispensable pour régulariser sa position, et l’autoriser à recevoir la bénédiction d’usage Pro Priorissâ. A cette époque, la situation financière du couvent était devenue des plus tristes. Il avait fallu engager les revenus de plusieurs années, afin de pourvoir d’urgence aux réparations indispensables, de reconstituer le mobilier de la chapelle et des appartements conventuels. La nouvelle Prieure, en acceptant la nomination qui l’appelait à Chazeaux, fit preuve d’un dévouement et d’un désintéressement tout à fait dignes d’éloges. Les charges qui pesaient sur sa communauté étaient lourdes, et les ressources, en ces temps désastreux, presque nulles. Les choses en étaient à ce point que , douze ans après sa promotion (1587), malgré les économies les plus sévères , la pauvre prieure de Notre-Dame se trouva dans l’impossibilité de fournir la somme de cent soixante francs, montant de sa cote dans l’impôt extraordinaire que le roi Henri III avait reçu de Sixte-Quint l’autorisation de lever sur le Temporel du clergé de France. Ces détails nous permettent de mesurer la grandeur du désastre qui’ avait frappé le monastère de Chazeaux pendant les guerres civiles, et de sonder la détresse profonde qui, nonobstant la plus rigoureuse économie, s’y faisait encore sentir, et menaçait de s’y perpétuer. La situation était triste: en effet, les tenanciers appauvris apportaient, au Prieuré, plus de doléances que de revenus; les seigneurs de Cornillon, toujours hostiles, et épuisés d’ailleurs par des expéditions entreprises et, disons-le à leur honneur, vaillamment soutenues, contre les armées religionnaires, prétendaient qu’ils avaient assez à faire pour eux-mêmes. La détresse générale, d’autre part, ne permettait guère aux fidèles d’alléger, malgré leur bon vouloir, les charges qui pesaient lourdement sur une maison entourée des sympathies profondes des populations.

chzeau2.jpgLa réforme du Prieuré des Chazeaux et sont transfère à Lyon.

Gelberge-Françoise d’Amanzé de Chauffailles, sixième Prieure du prieuré des Chazeaux (Firminy), et 1er Abbesse de l’Abbaye de Chazeaux-en-Belle-Grève(Lyon).

A peine investie des fonctions de Prieure, Gelberge d’Amanzé, sans hésitation et sans faiblesse d’aucune sorte, commença résolument ce travail nécessaire de réforme, qu’elle sut poursuivre avec une admirable constance , à travers les plus graves difficultés, et à l’encontre des résistances les plus opiniâtres et les plus folles. Elle comprit, grâce à la sagacité peu commune de son esprit, que, pour assurer à son œuvre un irrévocable succès, il était indispensable d’éloigner d’abord sa communauté des lieux où de déplorables traditions de relâchement paralyseraient ses efforts; de la transférer ensuite dans un centre où la surveillance plus immédiate et plus efficace des supérieurs, l’abondance des ressources de tout genre , et notamment des vocations , lui permettrait de maintenir la discipline dans toute sa rigueur, d’augmenter le personnel évidemment trop restreint de sa maison , et d’ouvrir, en créant un pensionnat de demoiselles, un champ nouveau à l’activité et au zèle de ses Religieuses. Elle fixa son choix sur la ville de Lyon, comme résidence répondant le mieux aux vues qu’elle se proposait de réaliser et au plan qu’elle s’était tracée pour leur exécution.

Les règlements municipaux en vigueur à cette époque voulaient qu’une communauté religieuse ne pût s’établir, dans une ville quelconque, qu’après avoir préalablement obtenu de l’administration civile une autorisation spéciale à cet effet. Or, une concession de cette nature pouvait, quanta Lyon, souffrir quelques difficultés, attendu que cette ville possédait déjà deux maisons du même institut: la Déserte et Saint-Pierre-des-Terreaux. Gelberge d’Amanzé réussit néanmoins à l’obtenir, et la permission qu’elle sollicitait lui fut accordée; « à la condition, toutefois, dit l’acte de licence, que les Religieuses de la communauté de Chazeaux s’engageront à ne pas mendier, et à vivre uniquement de leurs revenus. »

Cette autorisation est de l’année 1622.

Restait maintenant à trouver un emplacement convenable pour recevoir les constructions nécessaires au logement de la communauté, ou, ce qui était évidemment préférable, des bâtiments assez spacieux pour répondre, moyennant quelques travaux d’appropriation, aux exigences de la vie claustrale et à l’installation des services divers. La prieure de Chazeaux, qui n’était pas seule, selon toute apparence, à s’occuper de cette recherche, eut le rare bonheur de rencontrer ce dernier avantage, qui lui permettait de mettre plus tôt à exécution le dessein qu’elle méditait.

Sur la rive droite de la Saône, dans la paroisse de Sainte-Croix, en face à peu près de l’église Saint-Jean, et à l’extrême limite du quartier de Belle-Grève , qu’elle dominait tout entier , s’élevait une maison de plaisance , construite , vers le milieu du siècle précédent, par un riche italien nommé Paulin Benedicti , maison que François de Mandelot , seigneur de Passy, gouverneur pour le roi dans les provinces du Lyonnais, Forez et Beaujolais , avait embellie, pour en faire sa résidence , de jardins magnifiques , de fontaines jaillissantes , de nombreuses et riches peintures. C’était dans les salons récemment décorés de cette opulente demeure que, d’après les chroniques lyonnaises, Henri III, lors de son passage à Lyon, en 1584, avait donné une fête aux dames de la cité. Dépouillée maintenant de son luxe fastueux et veuf de ses hôtes illustres, l’ancienne maison de Mandelot, mise en vente, ainsi qu’un bâtiment vulgaire, attendait des acquéreurs. Gelberge d’Amanzé la jugeant éminemment propre à l’établissement d’une communauté religieuse, par ses proportions suffisantes et la position qu’elle occupait, à mi-côte de Fourvière, sur le grand chemin de Saint-Paul à Saint-Just, l’acheta au prix de dix mille francs.

Toutefois, pour opérer d’une façon régulière la translation du monastère de Chazeaux, il fallait obtenir préalablement l’autorisation suprême du Saint-Siège, l’approbation de l’autorité diocésaine et l’agrément du seigneur de Cornillon, en sa qualité de fondateur de la maison. Rome, sur l’avis favorable de l’Archevêque de Lyon, dont l’adhésion complète était acquise à ce déplacement, octroya sans difficulté la concession dont on se promettait de si heureux résultats. Le seigneur de Cornillon, duc de Ventadour, essaya, paraît-il, d’opposer quelque résistance, en vue sans doute d’obtenir à son avantage la décharge de quelques servitudes qu’il regardait comme trop onéreuses. Heureusement, l’intervention de l’archevêque Denys de Marquemont, et les injonctions souveraines du roi Louis XIII, alors régnant, firent disparaître jusqu’à la moindre velléité de résistance, et le successeur des Beaudiner donna son consentement en bonne et due forme, sinon avec des dispositions bénévoles. Grâce à l’activité prodigieuse que madame de Chauffailles avait déployée, grâce aussi au concours dévoué et puissant que de nombreux amis qui, par un louable esprit de zèle, s’intéressaient vivement au succès de l’œuvre entreprise par la vénérable Prieure de Chazeaux, tout était prêt à Belle-Grève, vers les premiers jours du mois de mars 1623. Le monastère de Notre-Dame venait d’être érigé en abbaye de l’ordre de Saint-Benoît, et Gelberge d’Amanzé, la promotrice infatigable de cette transformation, nommée, par le même acte souverain, titulaire de’ ladite abbaye.

bulles d’investiture canonique avaient été également expédiées de la chancellerie romaine, et fulminées par l’archevêque Denys de Marquemont. L’Abbesse, retirée pour lors au couvent de Saint-Pierre-des-Terreaux, s’y préparait, dans le recueillement et la prière, à la bénédiction solennelle qu’elle allait bientôt recevoir.

Le P. Builloud rapporte que cette bénédiction de la nouvelle abbesse de Chazeaux-en-Belle Grève s’accomplit, en effet, avec une pompe extraordinaire, au milieu d’un concours considérable de fidèles et d’amis, heureux , les uns et les autres, d’honorer et d’encourager , par leur présence , une Religieuse d’élite , animée d’un zèle vif et profond pour la prospérité de son monastère , le bien et l’honneur de l’Eglise.

Le monastère de Noire-Dame de Chazeaux devient Abbaye royale.

Antoinette II de Varennes de Nagu, deuxième Abbesse bénédictine de Chazeaux.

Marie-Madeleine de Nagu, troisième Abbesse bénédictine de Chazeaux.

Marie-Madeleine de Nagu de Varennes, Religieuse professe au monastère royal de Saint-Fierre-des-Terreaux, à Lyon, et sœur de l’Abbesse précédente, fut désignée par le roi Louis XIV, pour prendre la direction de la communauté de Chazeaux. Ce ne fut que le 13 juillet de l’année 1667 que la nouvelle élue prit possession de son bénéfice à Belle-Grève. Cette longue vacance du siège abbatial de Notre – Dame ne nous parait avoir eu d’autre cause probable que des lenteurs administratives amenées par des compétitions rivales; car la nomination de madame Madeleine de Nagu fut accueillie avec une faveur unanime dans le monastère de Chazeaux.

Nous savons, par un Étatque le consulat de la ville de Lyon fit parvenir au gouvernement du roi, en l’année 1668, pour répondre aux ordres de Sa Majesté, que le monastère de l’Abbaye royale de Notre-Dame-de-Chazeaux, en Belle-Grève, était composé de vingt-cinq, Religieuses, deux Novices, six Sœurs converses. Ce chiffre, par sa modicité même, nous prouve la grandeur des pertes qu’avait essuyées la communauté dont nous écrivons l’histoire, sous les deux administrations précédentes.

Parmi les principales sources de revenus du monastère de Chazeaux , on comptait : 1° le domaine de l’ancienne maison , en Forez , lequel domaine avait été maintenu dans son intégralité , sauf les amoindrissements et réductions opérés , ainsi que nous l’avons dit, par les revendications opiniâtres et violentes des seigneurs de Cornillon; 2° la dîme du prieuré de Montregard , au pays de Velay , laquelle dîme avait été attribuée à l’abbaye de Notre-Dame par le testament de Luce de Beaudiner; 3° la rente noble , ou droits seigneuriaux qui se percevaient, en vertu de la fondation primitive ou de donations subséquentes, sur différentes terres de Firminy, de Saint-Ferréol, de Fraisse, d’Unieux, etc.; 4° du casuel de la chapelle de Chazeaux, se composant surtout des oblations faites par les fidèles, qui avaient conservé l’habitude , malgré l’éloignement des Religieuses , d’y venir en pèlerinage.

Madame Jeanne-Marie de Roslaing de Ralioult, quatrième Abbesse bénédictine de Chazeaux.

Tous les revenus de l’Abbaye de Chazau, tant en rentes constituées, pensions foncières ou viagères que fonds, maisons et Terres , reviennent à la somme de 5707 .

 Débits passives de l’Abbaye de Chazau.

A l’époque dont nous parlons, les Chazotes (c’est ainsi qu’on appelait, à Lyon, les Religieuses de Chazeaux) avaient un besoin pressant du concours des âmes dévouées au bien, d’autant plus qu’un grand nombre des débiteurs de l’Abbaye, conjurés ensemble, leur faisaient une guerre désastreuse, qui allait grandissant toujours, et épuisait de plus en plus leurs ressources déjà si restreintes.

Tous les débits passifs reviennent à la somme de 1437 Livres.

Madame de Rostaing et les Officières de la Communauté, dans le but de contraindre les tenanciers récalcitrants, s’adressèrent au roi. Louis XIV, faisant droit à leur plainte, expédia, le 8 juin 1701, les Lettres nécessaires pour obtenir, par l’intermédiaire de la sénéchaussée de Lyon, les déclarations, reconnaissances el payements refusés. Mais ces Lettres, on ne sait trop comment ni par quels motifs, demeurèrent sans effet. En présence du mauvais vouloir persistant de débiteurs qui abusaient manifestement de leur inexpérience ou de leur faiblesse, et menacées de perdre une notable partie de leurs ressources déjà si restreintes, les Religieuses de Chazeaux eurent de nouveau recours à l’intervention de l’autorité royale. Et, le 3 septembre 1710 (nos bonnes Sœurs avaient été patientes), elles reçurent d’autres Lettres qui n’eurent guère plus de résultats que les premières. Voici comment : dès que les ordres de Sa Majesté eurent été notifiés aux débiteurs du Monastère, ceux-ci s’ingénièrent à en éluder l’exécution par toutes sortes de subterfuges et de manœuvres. Ils déclinaient la juridiction de la sénéchaussée lyonnaise, à laquelle ressortissait l’Abbaye, demandant leur renvoi en d’autres justices, soit du Forez, soit du Beaujolais , sous les prétextes dérisoires qu’ils y avaient leurs résidences respectives , ou que les champs dont ils étaient détenteurs se trouvaient dans ces provinces. Quelques-uns d’entre eux se firent même décharger, par les juges des divers territoires où étaient situés les fonds litigieux, des assignations données en exécution des Lettres royales. Ils avaient même encore (chose singulière!) réussi à obtenir de ces juges intimidés ou complaisants des condamnations contre les huissiers et les sergents , lesquels s’étaient vus frappés de grosses amendes et même placés sous la geôle, pour avoir fait ou notifié des exploits parfaitement réguliers d’ailleurs.

Louis XIV accueillit favorablement une requête dont la légitimité lui était parfaitement connue, et pour laquelle, du reste, l’obstination des tenanciers abbatiaux demandait une réponse ferme et énergique.

Madame Marguerite III de Silvacane, cinquième Abbesse bénédictine de Chazeaux.

La nouvelle abbesse de Chazeaux descendait de l’une des plus illustres et des plus honorables familles du Lyonnais. Son aïeul paternel, Jean de Silvacane, avait été conseiller du roi et garde des sceaux en la sénéchaussée et siège présidial de Lyon, et s’était distingué par les notables services rendus à sa ville natale, pendant la peste de 1628. Le père de notre Abbesse, Constant de Silvacane, après avoir exercé d’abord la fonction de conseiller en la Cour des Aides de Vienne, puis celles de Maître des Requêtes au Parlement de Dombes, fut enfin créé président en la Cour des Monnaies de Paris, et commissaire général de Sa Majesté en ladite Cour, au département de Lyon. C’est ce même Constant de Silvacane qui publia, en l’année 1690, une traduction en vers français des satyres de Juvénal, avec des annotations philologiques destinées à élucider les passages les plus obscurs du poète latin.

A peine installée sur la chaire abbatiale de Chazeaux, madame de Silvacane ressentit les premières atteintes d’une maladie douloureuse, qui la condamna bientôt à une inaction à peu près complète et, par conséquent, incompatible avec l’exercice de sa charge.

Elle fut donc obligée de s’adjoindre une coadjutrice, pour la suppléer dans les fonctions trop nombreuses qu’il lui était impossible de remplir. Cette coadjutrice fut sa propre sœur, Magdeleine de Silvacane, laquelle était alors investie de la dignité de prieure dans l’Abbaye (1723).

Madame Antoinette III de Beaumont, sixième Abbesse bénédictine de Chazeaux.

Madame Antoinette de Beaumont, qui fut désignée par le roi pour succéder à Marguerite III de Silvacane, était, croyons-nous, fille de Louis Imbert de Beaumont, chevalier d’Autichamp, page du roi en sa grande Écurie, le même qui vint plus tard se fixer à Lyon, place du Fort-du-Roi. Nous n’avons pu parvenir à savoir si, lors de sa promotion, la nouvelle Abbesse était Religieuse au monastère de Chazeaux, ou bien si elle sortit d’une autre maison pour venir prendre possession de sa charge.

Madame de Beaumont trouva le temporel de l’Abbaye gravement obéré, par suite des découverts successifs qui s’étaient produits progressivement pendant plusieurs années consécutives. Elle s’appliqua d’abord à éteindre les dettes les plus urgentes. Une note extraite des Archives du Rhône nous informe « que , le 15 novembre 1734, les Dames Abbesse et Religieuses du Royal Monastère de Chazeaux empruntèrent de M. Louis , comte de Beaumont, chevalier de l’Ordre royal militaire de Saint-Louis , demeurant à Lyon , place du Port-du Roi, la somme de six mille sept cent cinquante livres, destinée à la libération de certaines petites dettes faites depuis longtemps, dans leur communauté , pour subvenir à leur subsistance .Les Religieuses de Chazeaux engagèrent , pour éteindre cet emprunt , l’ensemble des revenus qu’elles percevaient sur leur terre de la Palu, en Beaujolais.

Cependant Chazeaux souffrait toujours. Cette pauvre Abbaye avait été constamment en butte à des tracasseries déloyales, à des vexations de tout genre;  après de longues années d’épargne et de gêne, sans que jamais néanmoins la part des pauvres ait subi la moindre réduction, elle se ressentait encore de ces nombreuses et dures épreuves. Madame de Beaumont, entièrement et constamment dévouée à sa tâche, contribua, pour une large part, à atténuer les fâcheuses conséquences d’un pareil état de choses.

Pendant qu’elle administrait l’Abbaye , « noble David Ollivier, conseiller du roi , receveur général des Finances de la généralité de Lyon , échevin de ladite ville , et avec lui, et de son autorité , dame Françoise Decomble , son épouse , demeurant en cette ville , place de Louis-le-Grand, paroisse d’Ainay….,en considération de la profession que mademoiselle Marianne Ollivier , leur fille , novice dans l’Abbaye Royale de Chazeaux , leur a témoigné vouloir faire, dans la susdite Abbaye; de leur pur mouvement, par une donation et gratification particulière » tirent don au couvent, et en présence de la communauté réunie :

Voici les noms des Religieuses qui assistèrent à cette donation solennelle :

« Madame Antoinette de Beaumont, abbesse; Magdeleine de Silvacane, prieure ; Blanche de Sainte-Élisabeth Prost, sous-prieure; Sibylle de Saint-Paul de Morant, discrete; des Anges Basset , discrette ; de Sainte-Anne Bourgeat, économe; de Saint-Bonnet de la Trinité ; du Saint-Esprit Groslier de Servière; de Sainte-Colombe Brossette ; de Saint-Maur Groslier de Servière; de Saint-Joseph Groslier; de Sainte-Thérèse Carnot; de Jésus Richy ; du Saint-Sacrement Richy ; de Saint-Aymé Deslandes ; de Saint-Pierre Piegay Chazerieux ; des Séraphins Bourgeat; de Saint-Augustin Bathéon; de Sainte-Cécile Gayot; de Saint-Bernard Grumet; de Saint-Laurent Martin ; de Sainte-Victoire Brossette ; de Saint-Basile Sabot ; de Saint-Dominique Gajot ; Reine de Cantarelle ; de Sainte-Magdeleine Dulaty ; de Sainte Placide Gayot; de Saint-Jérôme Guillet; de Saint-André Dargent ; de Saint-Claire Ollier; de Saint-Michel Molet; de Sainte-Scolastique Chapelot; de Sainte-Gertrude de Fronton ; de Saint-Romain Buyet ; de Saint-Mayeul Clapasson ; de Saint-Louis Galtier; de Saint-Luc Quinet; de Saint-Ennemond Chesnard; de Saint-Constant de Villerodes; de Saint-Alexis Chesnard. »

Au parloir de l’Abbesse :« de tout le terrain, tant en vigne que lui de appartenant à ladite dame Decomble , tant en longueur que largeur , au-dessous de la terrasse de sa maison située à Fourvière , provenant de la succession de sieur Audouard Decomble , sans y rien réserver ni retenir. » Cette donation fut consentie le 3 juin 1736.

L’administration de madame Antoinette de Beaumont ne fut pas de longue durée; mais elle fut, en revanche, bien remplie. Elle exerça une heureuse influence sur la marche des affaires de l’Abbaye, et y marqua une des plus belles périodes, sans contredit, de la vie religieuse.

Marie-Anne Bathéon de Vertrieu, septième Abbesse bénédictine de Chazeaux.

Cette Dame était née à Lyon, où son père, le respectable M. de Vertrieu, avait sa résidence. Sa famille avait produit, entre autres illustrations, un Échevin, en 1678; un Conseillera la Cour des Monnaies; et, tout récemment, un Trésorier de France, lequel exerçait peut-être encore ses fonctions, au moment où notre Abbesse fut promue au gouvernement du monastère de Chazeaux.

Le trait dominant qui caractérise l’administration de madame Bathéon de Vertrieu, c’est un remarquable esprit d’organisation et de méthode. Dès les premiers jours, elle introduisit, dans les différents services du Monastère, une précision, un ordre, une économie admirables. Pour éclairer ses démarches, en déterminant les droits temporels de son Abbaye, d’une manière nette et précise, et, de cette manière, éviter le retour de regrettables conflits, l’intelligente Abbesse fit dresser un plan général des différentes propriétés que possédait le Couvent, tant en Forez, en Beaujolais, qu’à Lyon. Ce travail considérable, qui, selon toute apparence, dut être accompagné d’une opération simultanée de bornage, fut confié à M. François Marc Meillard de Fronton, parent de sœur Sainte-Gertrude de Fronton, religieuse du Monastère. L’architecte-géomètre avait pour instructions non seulement de faire le plan des constructions appartenant à l’Abbaye, mais encore de relever tous les tènements de terrain , et même chaque parcelle isolée , avec sa configuration particulière, sa position relative, ses tenants et aboutissants, et sa contenance superficielle , évaluée , d’une manière exacte, d’après les mesures agraires usitées à cette époque. M. de Fronton mit deux années, ou plutôt deux saisons, 1746 et 1747 , pour mener à bonne fin l’ensemble des opérations qui lui avaient été confiées.

Madame Louise de Savaron, dernière Abbesse de Chazeaux.

Jeanne-Marie-Louise de Savaron, issue de l’illustre famille des marquis de Savaron, seigneurs de la Fay, de Chamousset, Brullioles, l’Aubépin, fut la dernière Abbesse de Chazeaux.

Les bonnes Religieuses de Chazeaux, qui vivaient loin du monde et de ses préoccupations ardentes, dans l’austère solitude du cloître, se doutant à peine du bouleversement profond opéré autour d’elles par le mouvement révolutionnaire, continuaient leurs sacrifices et leurs prières, avec celte joie douce et entraînante que connaissent si bien les âmes sincèrement dévouées à Dieu, lorsque, le lundi 3 mai 1789, Simon Palerme de Savy; maire de la ville de Lyon, accompagné de Jean-Baptiste Dupont (neveu), Louis Fétisseur (l’aîné), Luc Candy. Claude Chermetton et Louis Berthelet, officiers municipaux; et de Jean-François Dupui, procureur de la Commune, se présenta au parloir du Monastère.

Malgré les mouvements et les séditions populaires dont le bruit tumultueux montait parfois jusqu’à elles; nonobstant l’effervescence des passions révolutionnaires, l’incertitude ou plutôt les menaces de l’avenir; en dépit même des défections et des scandales, les Religieuses de Chazeaux persistaient à demeurer dans ce cloître, où les enchaînaient leurs affections et leurs serments. Et ce n’est pas sans une véritable et profonde admiration que nous voyons ces nobles femmes, au commencement de l’année 1792, alors que les fureurs de l’anarchie ébranlaient les plus fermes courages, persister néanmoins dans leur héroïque résolution.

Le monastère de Chazeaux, converti pendant quelque temps, lors du siège de Lyon, en hôpital militaire, fut affecté plus tard, par l’Administration, à un service d’assistance publique, sous le nom de Dépôt de Mendicité. Nous n’avons pas, on le comprendra sans peine, à nous occuper davantage de notre Abbaye, sous cette forme et avec cette destination nouvelle.

Info et extrait de l’ouvrage :

Le Royal monastère de Chazeaux: chronique forézienne et lyonnaise Par Jean Baptiste Javelle

INFLUENCE DE LA FABRIQUE SUR LE HAMEAU DE LA SÉAUVE.

La prospérité, comme la misère, est contagieuse; le hameau de la Séauve est devenu, par suite de l’exemple donné par la maison Colcombet, un gros bourg. Cette maison ne contribue plus seule, il est vrai, à le maintenir; mais elle soutient son développement dans une proportion hors de toute
comparaison. Il appartenait à M. Colcombet de compléter son œuvre en prévoyant les progrès que devait faire l’agglomération des habitants de la Séauve, grâce à l’industrie qu’il y avait appelée. Il devait doter cette agglomération de tout ce qui est indispensable au culte, à l’enseignement et à la vie publique d’une commune.

C’est ce qu’il a fait ; son intérêt et son devoir se trouvaient d’accord pour l’y engager; il fallait bien préparer la résidence centrale de la future commune, dont les habitants devaient pourvoir aux besoins des futures usines et croître avec elles. La Séauve étant construite dans un ravin, près d’une ancienne abbaye, il était difficile de lui donner, dans cet endroit même, l’élargissement devenu nécessaire.

En même temps qu’il reconstruisait son usine, sur un modèle plus récent, M. Colcombet faisait préparer un vaste terrain dont il était possesseur pour recevoir, en grande partie, la nouvelle assiette de la Séauve.

A la place de la chapelle primitivement jointe à la vieille usiné, il a fait élever une véritable église à trois nefs, destinée à être érigée en paroisse. Tous les habitants des environs s’y rendent déjà pour y assister
à l’office divin. Les appartements donnés aux cinq religieuses des premières années, ont été changés en une vaste maison où une dizaine de sœurs de Saint-Joseph ont ouvert des écoles pour toutes les petites filles des habitants indistinctement.

En face de la maison des religieuses et sur une place destinée à devenir place publique, une école de garçons, érigée aux frais de M. Colcombet, a été mise sous la direction des frères Maristes. Enfin, au travers d’un terrain de quarante mille mètres de superficie, il a tracé des promenades, des rues, tout un système de voirie et même des conduites pour l’eau destinés à la future commune. Dans ce terrain, pour attirer et fixer la population nécessaire aux besoins des usines et en particulier aux ouvriers de la Séauve, il a assigné des lots.

Le terrain est donné gratuitement. Les constructions doivent se faire d’après un plan étudié par les
ingénieurs les plus compétents et conformément à toutes les règles de la salubrité. La seule servitude imposée au nouvel habitant est l’obligation à perpétuité de ne jamais construire de débits de boissons ou de cabarets sur le terrain concédé.

Cette clause est onéreuse à la maison Colcombet, en ce sens qu’elle eût tiré un bien meilleur parti de ses terrains si elle eût toléré les débits de liquides; mais il lui a semblé qu’il valait mieux préférer un système lésant peut-être ses intérêts, mais dont la moralité publique doit profiter. Avant peu le hameau de la Séauve pourra demander à être détaché de la commune de Saint-Didier, dont il fait partie, et vivre de sa vie propre.

XAVIER DE MONTER.

source: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62081542

Polignac

À mi-chemin de St-Paulien à la ville du Puy, et à gauche,’ près de la grand ’route venant de Clermont, on voit le bourg de Polignac, bâti circulairement à la base d’un rocher. Volcanique qui s’élève du milieu d’un riche vallon. Sur la vaste plate-forme de ce rocher, sont les ruines imposantes d’un ancien monument qui lui donna son nom. On a émis beaucoup d’opinions sur l’origine de ce château, soit à cause des prodiges religieux qui s’y sont opérés du temps du paganisme, soit à cause des singularités qu’on y remarque ou des antiquités qui s’y trouvent.

Avant d’arriver sur le plateau du rocher, il faut s’arrêter, en passant, auprès de l’église qui, très anciennement construite, à mi-côte, renferme dans ses murs des débris antiques ; ce qui se reconnaît aux beaux blocs de grès équarris et taillés qu’on y a employés au hasard. Quelques-unes de ces pierres contenaient, dit-on, des inscriptions et des sculptures ; je n’en ai reconnu aucune trace.

Le seul objet qui, là, mérite de fixer l’attention, est un petit monument tumulaire, en grès blanc, maçonné dans le mur extérieur du sanctuaire de l’église, à une élévation de trente pieds environ. Il contient, dans sa partie supérieure et dans une espèce d’encadrement, le buste d’un personnage romain assez grossièrement sculpté en bas-relief. Au-dessous., on lit cette inscription :

C’est-à-dire : Deo Optimo Maximo, Julii Marvilinni memoriœ, au Dieu très-bon et très grand, et à la mémoire de Julius Marvilinnus. Cette première découverte n’est pas sans intérêt ; elle se lie assez naturellement à tout ce que nous allons rencontrer de véritablement antique. Arrivé au haut du rocher et au milieu des ruines, j’ai bientôt trouvé dans un amas de pierres, ce qui excitait le plus ma curiosité, ce qui a exercé la plume de_ tant d’écrivains et l’imagination des savants de plusieurs siècles : c’est un masque colossal de la tête d’Apollon, tête qui par les oracles qu’elle rendait a donné de la célébrité au rocher de Polignac.

Parmi plusieurs auteurs, Simeoni, Gruter et Faujas de St-Fond ont donné, de cette tête, une description plus ou moins systématique et un dessin très-peu exact.

Simeoni, en assurant que cette tête est celle d’Apollon, veut que ce soit elle qui ait fait donner au château le nom d’appolliniaoum, d’où s’est formé celui de Polignac.

Quoiqu’il en soit de l’opinion de Simeoni et de beaucoup d’autres écrivains, il n’en reste pas moins certain que cette tête, qui est devenue un monument célèbre, est susceptible de donner beaucoup à réfléchir. Sa dimension est colossale, et quoiqu’elle ait été fort mutilée, on peut juger que sa forme a toujours été à peu près ce qu’elle est encore. Elle a trois pieds huit pouces de large, sur trois pieds de haut. Une chose qu’il est facile de vérifier, c’est qu’elle n’a jamais eu, par-derrière, la forme d’une tête ; qu’au contraire elle n’a jamais été qu’un masque énorme et n’a pu appartenir à une statue.

Faujas assure que Simeoni, dans la gravure qu’il en a donnée, l’a mal rendue. Il en donne lui-même un dessin nouveau, dessin qu’il dit avoir fait faire avec le plus grand soin, et, cependant, ce dessin est inexact ; il ne rend nullement le caractère de tête. Le nez, quoique mutilé, est dessiné entier et de manière à ne pas même donner une idée de ce qu’était l’original ; la bouche est représentée ouverte dans toute sa largeur, tandis que l’ouverture qu’on remarque au milieu d’une barbe très-volumineuse, ne laisse apercevoir qu’un trou ovale qui paraît avoir servi à l’introduction. D’un tube quelconque ; et, si cette tête rendait des oracles, on soupçonne déjà le but de cette ouverture. Dans cette dernière hypothèse, j’essaierai une explication qui rentrera dans l’opinion générale et lui donnera une nouvelle consistance.

Avant tout, je dois dire que la tête dont il est question, est largement dessinée ; que le travail en est hardi et facile; que le ciseau de l’artiste qui l’a sculptée dans un beau bloc de granit, en a fait sortir une figure imposante et majestueuse. Et, pour arriver naturellement à une conclusion raisonnée, pour l’appuyer plus que sur des conjectures, je vais donner successivement une idée de tout ce qui s’est trouvé d’accord avec le système que j’espère faire apprécier. Ce qui mérite d’abord un examen particulier, est une grande excavation, vulgairement nommée le Précipice. C’est un énorme puits, parfaitement rond et taillé, avec beaucoup d’art, dans le roc. À l’orifice, sa circonférence est de quarante-deux pieds. Il avait primitivement, dit-on, cent quatre-vingts pieds de profondeur. Il en avait encore cent soixante-quatre, en 1779, quoique déjà des portes en fer qu’on y avait précipitées très-anciennement, et peut-être par suite de quelque sédition religieuse, s’y étaient embarrassées dans leur chute et, depuis, avaient arrêté et amoncelé une grande quanti de pierres. Sa profondeur actuelle est réduite soixante-deux pieds, depuis qu’on y a jeté, dans ces derniers temps, des décombres provenant de la démolition du château. Sa forme intérieure est, à ce qu’on assure celle d’un cône renversé, ce qu’il n’est plus facile de reconnaître. Il serait même imprudent de chercher à s’en assurer à la vue, le parapet en ayant été renversé, et la pelouse, qui l’entoure, formant un bord glissant et dangereux. À en croire la tradition écrite, l’opinion vulgaire et l’assertion des plus anciens habitants du bourg, il y aurait eu « de cette exa cavation, un conduit correspondant à la statue d’Apollon, dont la bouche béante rendait des oracles ; et les prêtres du dieu arrivaient au fond du précipice, par la cave d’une des maisons du bourg.

Cette tradition, quoique différemment rapportée dans plusieurs ouvrages et dans des mémoires particuliers, est précieuse à recueillir. Elle trouvera bientôt son application.

Sur la même ligne que le précipice, et trente pieds plus loin vers l’occident, se trouve une seconde excavation beaucoup plus petite, dont la profondeur est de vingt-un pieds sept pouces. Son ouverture, qui n’a que trois pieds de diamètre, est couronnée par un bloc de grès circulaire, d’une seule pièce, ayant deux pieds de haut. Ce bloc est bien évidé à l’intérieur et orné, extérieurement, de moulures d’une proportion agréable ‘et d’un dessin régulier. Sa forme représente assez bien un autel antique, et, si c’était un autel, il faut observer qu’autrefois il se trouvait renfermé dans l’intérieur d’un édifice qui a toujours, quoique démoli, conservé jusqu’à présent le nom de Temple d’apollon. Il y a, sur la moulure supérieure de cet autel, des restes d’agrafes en fer et dix à douze trous qui, sans doute, ont contenu d’autres agrafes ; ce sont des remarques essentielles à faire. Il n’est pas moins utile à mon opinion de rendre un compte exact et détaillé des lieux qui ont été visités et examinés avec la plus minutieuse attention.

Salles souterraines. Le fond latéral de cette espèce de puits est composé de deux salles en carré long de vingt et un pieds sur dix, séparées par cinq arcades à plein ceintre de trois pieds de large. Les arcades sont supportées par quatre piliers d’un seul bloc, à angles rabattus, ayant quatre pieds et demi de hauteur, et dont les quatre faces principales ont dix pouces, et les autres six. Ces salles, dont les voûtes à berceau retombent sur les longs côtés, sont, aux deux bouts, terminées par un mur perpendiculaire. Elles sont revêtues de ciment sur leur aire et à la hauteur de six pieds; mais on reconnaît que le ciment n’est pas antique ‘et que les voûtes et les murs ont été réparés : circonstance bonne à noter et qui conduit naturellement à croire qu’il y a eu ici deux destinations différentes, l’une primitive et antique qui fait l’objet de nos recherches; l’autre plus récente , relative à l’établissement d’un château-fort, dans le moyen âge, et à la nécessité d’y amener et d’y conserver des eaux suffisantes pour une garnison.

Sous ce rapport, on a remarqué que dans l’un des côtés longs de l’arrière-salle, à la retombée de la voûte, sont trois pierres percées qui, si elles ont été destinées d’abord à donner de l’air et de la lumière dans ces lieux souterrains, ont fini par servir, probablement, à y introduire des eaux. Trois pierres semblables sont également placées dans l’un des bouts de la première salle, de manière à y suivre le mouvement de la voûte.

Il est un autre sujet à traiter et qui vient donner un grand poids à toutes mes conjectures. Portail. Au milieu des ruines, il est resté debout un portail dont l’architecture n’a certainement pas l’antiquité le l’édifice auquel il a appartenu. L’ai voulu me rendre compte de cette particularité, et je me suis. Arrêté à ce fait constaté par l’histoire : que, lors de l’introduction du christianisme, ses zélateurs ardents, les premiers pasteurs du Velay, soulevèrent, par leurs prédications, des portions considérables du peuple, et renversèrent plusieurs monuments de la religion païenne. C’est, entre autres, le sort qu’éprouva l’idole de Polignac, à en juger par ce passage d’une histoire particulière du Puy, écrite au 16 siècle, par le B. P. jésuite Odon de Gissey, Où il dit :  S’. Georges, qui fut le premier évêque du Velay, n’épargna rien contre le paganisme,  baptisant à troupes les Gentils, abattant leurs temples, et particulièrement , il mit par terre a le simulacre d’apollon, lequel on adorait sur « le haut roc de Polignac.

Ce que confirme encore cet autre passage de l’Histoire de Notre-Dame du Puy, écrite postérieurement, dans lequel le F. Théodore dit, en parlant de St Georges:  Infatigable qu’il était  à poursuivre ses saintes victoires, il allait attaquer la Gentilité dans les endroits où la réputation de quelque idole la rendait plus puis sante , et le seigneur de Polignac , obstiné à  adorer son Apollon, lui ayant fermé son château sans le vouloir entendre, on tient, que, par la vertu de ses prières, il renversa le fameux simulacre dont on voit encore les restes a couchés par terre.

Si donc le temple fut abattu, au moins en partie, il est à croire qu’une fois les séditions apaisées, et peut-être longtemps après, le seigneur de Polignac, qui était tant attaché au culte d’Apollon,. fit rétablir les parties de l’édifice qui avaient été détruites; ce qui explique la‘ construction gothique du portail, dont on retrouve la même architecture au chœur de l’église de SR-Paulien, et dans la partie la‘ plus ancienne de la cathédrale du Puy. Ce rapprochement indique presqu’une époque.

Au surplus, en parlant d’époque, il en est une précieuse à signaler ; le docte Sidonzizs Apollinarismes, évêque de Clermont, au 5° siècle, issu lui-même de la race antique des Polignacs, va, dans une lettre à I ’un de ses neveux, nous faire connaître lui-même que son grand-père fut le premier de sa famille qui embrassa le christianisme ; c’est ce qu’atteste l’épitaphe qui se trouve comprise dans sa XII°. Épître, au livre 111 de ses œuvres, épitaphe d’autant plus curieuse à rapporter qu’en même temps qu’elle constate le fait du changement de religion, elle rappelle les qualités éminentes, au civil comme au moral, qui distinguaient son aïeul. Voici cette épitaphe :


D’après ces derniers vers, il reste prouvé que, jusque vers le 5° Siècle, les seigneurs de Polignac ont dû faire travailler à la restauration d’un temple auquel ils tenaient d’autant plus qu’ils tiraient leur nom d’Apollon même, ainsi que l’assurent les plus anciennes chroniques du pays, et l’histoire écrite par le F. Théodore, dans laquelle, au livre m, chapitre m, il est dit :

Pour faire connaître la grande antiquité de la famille de Polignac, il faut savoir qu’à cause de l’idole de son château, elle portait le nom a d’apollinaire.

Il cite, à l’appui de son assertion ce passage latin : a Domus Äpollinarium antiquissima nomena que Apollinare adhùc hordiè retinet ‘et Polignac, ab indigenis incligetatur.  (Savaron, in Sid. lib. rv.)

Et, le célèbre Sidonius Apollinaris n’avait-il pas, même sous le christianisme dont il fut l’ornement et la gloire, n’avait-il pas, dis-je, conservé entier ce nom primitif

Mais cette digression m’a écarté de mon sujet, je parlais du portail du temple, il me reste à en donner une idée, la plus exacte possible : il est élevé d’environ trente pieds et à peine s’aperçoit-il, tant il est défiguré. Le ‘cintre de son ouverture et l’ouverture elle-même, du haut en bas, ont été, très} anciennement, remplis en maçonnerie. On s’en est servi comme d’un mur de pignon, pour la construction de gothiques appartements dont on‘ voit encore les larges et hautes cheminées à divers étages. Dans sa largeur, se trouvent prises deux portes irrégulièrement placées, dont une fort grande, et deux croisées au-dessus. Ses deux pilastres et son cintre sont ornés de sculptures ; et, dans le mur de façade qui se continue encore un peu vers la droite, on remarque une frise du même style. Si, comme, le sont nos églises actuelles, les temples du paganisme n’avaient pas été tournés vers l’orient, nous nous serions dit, en voyant la disposition de celui-ci, que, malgré sa large dimension, il pourrait bien n’avoir été qu’une chapelle chrétienne ; mais cette réflexion n’eût été que passagère, à vingt pas de là nous avons rencontré les ruines de la véritable chapelle du château, chapelle qui avait été bâtie dans la forme d’une église, et avec tous les accessoires convenables à. l’exercice du culte ‘catholique. Nous retrouvons donc bien, ici, les restes de ; Ce temple qui a donné tant de célébrité au rocher de Polignac; et, sa position , son emplacement, son étendue viennent, à l’appui de la tradition, nous prouver qu’il renfermait, dans son intérieur, la plus petite des deux excavations.

Une chose essentielle à rappeler, c’est qu’au bas du village, on voyait encore, au commencement du 18e  siècle, sur l’emplacement de la maison de M. Vialatte, les débris d’une espèce oratoire, ou ædicula; que là, probablement, les pèlerins déposaient leurs offrandes et qu’interrogés sur les questions qu’ils voulaient faire, elles étaient communiquées aussitôt aux prêtres du temple, lesquels ‘avaient le temps de préparer les réponses qu’il fallait que les consultants allassent chercher au haut du rocher.

Quant à la communication des prêtres entre eux, elle devait avoir lieu, du bas en haut du rocher, par une issue qui s’est retrouvée dans les ‘caves de la maison Vialatte. Là, on a pu à la lueur d’une lampe, parcourir un espace de cinquante pas environ, dans un chemin de cinq pieds de haut, sur deux et demi de large, taillé dans le roc, mais à cause de l’humidité et de l’absence de l’air, on a été bientôt forcé de rétrograder. D’ailleurs, on n’aurait pu avancer beaucoup au de là, puisqu’au dire du propriétaire, le chemin est obstrué, plus loin, par les pierres que l’infiltration des eaux a fait détacher, et que, dans la crainte des accidents, il a lui-même amoncelées pour empêcher qu’on y pénétrât.

Ce qu’il a été possible de reconnaître, par exemple, c’est que du niveau supérieur de la grande excavation, jusqu’à celui de la cour de M. Vialatte , se trouvent les cent quatre-vingts pieds que l’on a toujours donnés à la première profondeur du précipice; d’où l’on doit conclure que là était l’issue secrète aboutissant au bas de la grande excavation; excavation qui alors, éclairait et assainissait les galeries souterraines conduisant aux habitations des prêtres et, peut-être, aux salles mystérieuses du puits de l’oracle , au centre du temple. Ce puits, dont il a déjà été parlé, était hermétiquement fermé, au-dessus de l’autel qui le couronne, par une espèce de voûte présentant, à sa partie antérieure, le masque colossal d’Apollon, posé verticalement, et contenu par des agrafes en fer dont on reconnaît les restes au, revers du masque et sur les bords de l’autel. A Il me semble que ce qui précède rend bien facile l’explication du moyen employé pour faire sortir les oracles par la bouche de la divinité.

Il est un’ autre monument d’autant plus intéressant à décrire, qu’en‘ venant appuyer mes raisonnements et confirmer la tradition, il donne une date certaine.

Au bas du portique, un peu vers la gauche, se trouvent dix à douze belles pierres antiques, en grès blanc, bien taillées. L’une d’elles contient une inscription historique. Les lettres en sont formées et gravées avec soin ; et, à l’exception d’un seul chiffre, elle est parfaitement entière. Sa dimension est de trente-trois pouces de long, sur dix-huit de large. La moulure qui l’encadre est bien sculptée. Cette inscription a été citée par Faujas, mais inexactement, sans interprétation, sans réflexions aucunes et sans faire observer que le premier qui commençait la dernière ligne, avait été mutilé et avait disparu, ce qui importe, cependant, pour combiner les événements et constater des vérités historiques. Je la donne, ici, exactement, telle que je l’ai trouvée et que j’ai pu la lire :

Comme on le » sait, cette inscription atteste la présence et,’ en même temps, la politique ou la piété de l’empereur Claude. En effet, des traditions orales, plusieurs relations et de très anciens manuscrits s’accordent à dire que ce prince vint, en pompe, de Lyon à Polignac, consulter l’oracle d’Apollon ; qu’il y donna des preuves de son attachement à la religion, et que les prêtres consacrèrent cet événement par une inscription qu’ils firent placer sur les murs du temple.

Ici, l’époque est précisée : elle constate que les oracles de Polignac étaient alors célèbres sous le 4e consulat de Claude, l’an Rome 798 et, de notre ère, le 47e

Cette espèce de pèlerinage du prince qui, au titre d’empereur, réunissait celui de grand pontife, comme le rappelle l’inscription même, devait avoir pour but de mettre en honneur sa religion, dans les Gaules, et d’accréditer la sagesse et la puissance des prêtres ; d’autant plus que déjà le christianisme commençait à prendre de l’influence. Peut-être aussi voulait-il avoir la gloire d’achever l’œuvre de Tibère, son prédécesseur, et de se faire ordonner, par la divinité de porter le dernier coup au druidisme. C’est en ‘effet sous son règne que ce culte antique, trop peu connu peut-être encore, et astucieusement calomnié par la politique des Césars fut totalement aboli.

Quelques citations vont maintenant nous conduire à une conclusion simple et historique. Si nous ouvrons l’Histoire du Languedoc ; si nous consultons une Dissertation savante sur les Volces, si nous compulsons plusieurs vieilles chroniques, nous y trouvons la preuve qu’il existait un temple d’apollon, fameux par ses oracles, près des frontières de l’Auvergne, sur les confins du Velay, et, c’est bien la position de Polignac. Si nous recourons encore à l’ouvrage déjà cité du R. P. Odon de Gissey, nous y rencontrons une nouvelle preuve dans ce passage remarquable, où, en parlant du rocher de St-Michel au Puy, il rapporte ces vers beaucoup plus anciens encore que ceux qu’il écrit lui-même :

D’un château imprenable il est avoisiné, Où du Latonien le peuple embéguiné, Sur le trépied fatal consultait les oracles ; C’est d’où les Poloniacs illustres sont sortis. »

Enfin, d’autres passages que j’ai fait connaître ; plusieurs mémoires particuliers et beaucoup d’ouvrages qu’il serait trop long d’énumérer, confirment ce qui, jusqu’à’ présent, n’avait passé que pour des ’ conjectures, ou tout au plus, pour de simples souvenirs traditionnels.

Maintenant, en rapprochant tout ce qui précède, et liant entre elles les diverses parties, crois pouvoir établir ainsi l’ensemble de mon système.

Vers la frontière de l’Auvergne et du Velay, sur le haut rocher de Polignac, il a existé un temple d’Apollon, fameux par ses oracles. L’époque de sa fondation remonte aux premières années de notre ère, puisque déjà en l’an 47, l’empereur Claude y vint en pompe, comme pour accréditer la puissance du dieu, et qu’il y laissa des preuves de sa piété et de sa munificence.

Les débris et les issues mystérieuses que l’on retrouve encore sur le rocher, dans son sein et dans ses environs, révèlent les moyens secrets employés par les prêtres pour faire parler leur divinité et en imposer aux peuples.

Au bas du rocher, était une œdicula ; c’est là que les pèlerins, ou consultants, faisaient leur première station ; qu’ils déposaient, leurs offrandes et exprimaient leurs vœux.

Un conduit souterrain communiquait de cette œdicula au fond d’une grande excavation percée, en forme d’entonnoir, depuis la base jusqu’à la cime du roc. C’est par cette énorme ouverture que, prononcés, même à voix basse, les vœux, les prières et les questions des consultants parvenaient, à l’instant même, au haut du rocher, et que, là, recueillis par le collège des prêtres, les réponses se préparaient, pendant que les croyants, par une pente sinueuse et longue, arrivaient lentement au but de leur pèlerinage.

Les réponses disposées, les prêtres chargés de les transmettre, se rendaient dans des salles profondes, contiguës à un puits dont l’orifice venait aboutir au sein du temple.

Ce puits, couronné par un autel, était fermé par une petite voûte hémisphérique présentant, dans sa partie antérieure, la ‘figure colossale d’Apollon , dont la bouche entr’ouverte, au milieu d’une barbe large et majestueuse, semblait toujours prête à prononcer ses suprêmes décrets.

C’est aussi par cette ouverture, qu’au moyen d’un long porte-voix, les prêtres, du fond des antres du mystère et de la superstition, faisaient sortir ces oracles fameux qui, en portant dans les esprits le trouble, le respect et la persuasion, retardèrent de quelques siècles le triomphe complet et le règne du christianisme.

Telles sont les conclusions qui me paraissent les plus simples et les plus probables. Elles donnent une idée des pieuses fraudes dont les ruines de Polignac nous ont conservé la tradition et‘ les preuves.

Quant aux autres débris antiques qui auraient pu faciliter la description ou les explications des monuments de Polignac, on sait qu’ils ont été disséminés ; que beaucoup ont été employés dans le moyen âge, à la construction du château et de ses nombreux accessoires. Peut-être les plus marquants de ces débris, et qui ont encore conservé des formes, sont-ils ceux qui, lors de la destruction du temple par les ardents propagateurs du christianisme, furent, précipités au bas du rocher. C’est ainsi, suivant la tradition, qu’une quantité considérable de pierres devenues faciles à enlever, ont été bientôt, par un zèle tout religieux, transportées jusqu’au pied du Rocher-Corneille, où elles, ont servi à ajouter de nouvelles constructions aux constructions premières de 1’église déjà célèbre de Notre-Dame du Puy. Aussi est-ce dans les murs de cet édifice, ou de ses dépendances, que nous avons retrouvé plusieurs fragments curieux, plusieurs bas-reliefs qui se rattachent au culte d’Apollon, et qui rappellent les bienfaits du prince auquel le temple de Polignac dut de nouvelles richesses et sa magnificence. Ces fragments, enlevés avec soin, font maintenant partie des antiques du musée du Puy, et, par un rapprochement assez singulier, ils décorent le soubassement de la belle statue allégorique de l’Apollon du Belvéder.

Ce n’est pas anticiper sur mes propres relations, que de fixer l’attention, dès à présent, sur des objets déplacés ; je pense au contraire qu’il était convenable de les rapprocher, idéalement, le plus possible, du monument auquel ils ont appartenu. Examinons donc d’abord deux pierres, en beau grès blanc, taillées et sculptées sur deux faces opposées, et dont la primitive destination est d’avoir servi à la décoration du temple de Polignac.

Source de l’extrait :

Essais historiques sur les antiquités du département de la Haute-Loire

Charles Florent-Jacques Mangon de la Lande

http://books.google.com

Ruessium, actuellement Saint-Paulien

À en juger par sa dénomination celtique et par le rapport de Ptolémée, Ruessium existait longtemps avant la conquête de la Gaule par Jules César. Ce devait être, alors, un bourg habité par les Velauniens ou Vellaviens, près de la frontière qui séparait ce peuple de celui de l’Auvergne. Il paraît que la présence des armées romaines donna à ce bourg une certaine importance, et qu’il prit bientôt de l’accroissement en étendue et en population. Il est avéré, du moins, qu’en l’an 727 de Rome, vingt-cinq ans avant notre ère, lorsque Octavius Cœsar, empereur sous le nom d’Auguste, vint présider, à Narbonne, l’assemblée générale des Gaules, Ruessium reçut le titre de ville ; que cette ville fut classée parmi celles de la province Aquitanique, et qu’elle devint le siégé de plusieurs établissements administratifs et politiques.  Sa position, en effet, convenait à un peuple vainqueur qui voulait affermir sa domination. Elle se trouvait sur la voie militaire qu’Agrippa venait d’ouvrir, et qui se dirigeait de Lyon vers l’Espagne où les Romains avaient envoyé des colonies; elle était protégée, ainsi que la route elle-même, par un camp que tout annonce avoir existé, à deux petites lieues de là, sur le plateau de la montagne d’Allègre; et cette distance était bien celle que les Romains avaient soin de calculer pour que leurs camps, dans lesquels ils fixaient leurs établissements‘ militaires, pussent , au besoin , servir à la défense; pour‘ qu’habituellement les citadins ne soient pas incommodés par les soldats, et qu’aussi les délices des villes n’amollissent pas le courage de ces derniers.

Il est de fait, au surplus que Ruessium ne tarda point à être distingué par « Prince », et à, se ressentir de ses faveurs.

En l’an 737 de Rome, lorsque, pendant son second voyage dans les Gaules, Auguste déclara libres plusieurs Cités, et leur conféra les droits municipaux, soit à cause des secours qu’il en avait reçus, soit pour la fidélité qu’elles lui gardèrent, la Vellavie fut comprise dans le nombre de ces Cités privilégiées

Quelques mémoires particuliers avaient bien fait mention de l’avantage qu’elle obtint alors, mais aucune preuve ne venait à l’appui d’un fait important dans l’histoire du pays. Nous venons de la retrouver cette preuve, sur une Inscription dont l’authenticité est irrécusable. Quoique d’une date postérieure, et quoique relative à un événement étranger à l’affranchissement de la Cité, cette inscription n’atteste pas moins la vérité historique qu’il importe de consacrer. La pierre qui la retrace est maçonnée, presqu’au niveau du sol, dans la face méridionale, à l’angle sud-est du bâtiment construit sur les fondations de l’ancienne église de Notre-Dame du Haut-Solier, Elle est gravée en creux dans un grès blanc très-dur (6), de trois pieds six pouces de long, sur deux pieds de large. Sa conservation est parfaite, est on y lit très-distinctement ces mots: _ . .

Combien peu de villes pourraient produire un titre semblable pour constater leur antiquité, en même temps que leur ancienne illustration ! et cependant ce titre précieux reste exposé à des mutilations journalières et peut-être à une destruction prochaine. Aussi j’exprimerai le vœu de le voir figurer, un jour, parmi ceux que conserve à la postérité, le musée du département de la Haute-Loire et avec d’autant plus de raison, que ce monument n’est point relatif à la seule ville de St-Paulien, mais qu’il appartient à toute l’antique Vellavie.

Jusqu’à présent, on n’avait pu lire et je n’avais moi-même aperçu que les trois dernières lignes d’Inscription, parce qu’en effet les deux premières ne sont bien visibles que par un temps pur, au moment où le soleil frappe dessus verticalement. Aussi, je rétracte toute interprétation que j’en aurais donnée dans des mémoires particuliers.

On remarquera que j’ai devancé l’instant de rapporter cette inscription, puisqu’elle eût trouvé sa place dans la description des antiquités du Haut-Solier; mais comme j’y ai découvert un titre fondamental des droits primitifs de la Vellavie , j’ai cru devoir en faire mention dans mes recherches sur l’origine et le lustre de la Cité , et puisque j’ai été conduit à en donner une explication, j’en tire cette conséquence que si, comme il y a lieu de le croire, cette inscription faisait partie d’un monument funéraire élevé sur la tombe d’Etruscilla, femme de l’empereur Trajan-Dèce, elle donne une nouvelle preuve de l’importance de Ruessium. En effet, pour que la veuve d’un Empereur romain soit venue terminer ses jours dans la capitale de la Vellavie, il fallait qu’il y existât un palais digne de l’ancien chef de l’Empire, et cette particularité a infiniment de rapport avec les débris précieux qui s’y rencontrent à chaque pas.

Au surplus, les réflexions qui précèdent me rappellent une découverte faite, en juillet 1821, dans le voisinage du Haut -Solier, lors d’une excavation pratiquée, en y creusant un puits découverte qui se rattache à mon sujet.

Monument sépulcral

Arrivé, dans l’excavation, à la profondeur de quatre à cinq pieds, on a trouvé cinq assises de très beaux blocs de grès blanc, parfaitement taillés sur les quatre faces, et présentant, à peu près, la base d’une pyramide isolée. Cette base, établie dans le roc, était encore appuyée, de trois côtés, par des murs solides qui venaient y aboutir, mais qui n’étaient construits qu’en pierres brutes. Ceci ne nous indiquerait-il point le monument élevé à la mémoire d’Etruscilla, surtout lorsqu’à quelques pas de là, se retrouve son inscription tumulaire ? Le monument, d’ailleurs, devait-être digne du personnage auguste auquel il était érigé, à en juger par la qualité, le volume et la coupe soignée des pierres qui lui servaient de fondement. Celles qui ont été tirées de l’excavation, avaient plus de cinq pieds cubes, et chacune d’elles a été vendue vingt et quelques francs, pour être cassées et employées dans de nouvelles constructions.

Quoique parmi les décombres, il se soit trouvé plusieurs médailles, je n’ai pu en obtenir qu’une seule qui m’a été ‘offerte par le propriétaire. Je me suis empressé d’en faire hommage au Musée du département. Elle est en grand bronze, du règne d’Antonin, et doit être ainsi déterminée :

D’après l’ouvrage intitulé : De la Religion des anciens Romains, dans lequel cette médaille est gravée, elle représente « la cérémonie des vœux « formés pour la santé du prince, par un prêtre « sacrifiant au-dessus d’un autel. » Le caractère particulier de cette médaille a pu la faire choisir avec d’autres, d’une expression à peu près semblable, pour être renfermées dans la tombe impériale.

C’est là, sans doute, une supposition, mais je m’y attache avec complaisance, comme à tout ce qui ajoute à l’idée que je me fais de l’antique splendeur de Ruessium, idée qui va se fortifier encore en cherchant à déterminer quelle a dû être son enceinte et son étendue. Le sol en est actuellement cultivé , mais, avec un peu d’attention, on ne peut le méconnaître. Il se trouve rempli de débris de carreaux, de briques et de tuiles antiques. On rencontre partout des fragments de vases, de poteries grossières et fines, des médailles et une foule d’objets qui ne laissent aucun doute sur l’existence ancienne de nombreuses habitations. Plusieurs fois, j’ai parcouru un vaste espace, tel qu’occuperait une de nos villes de quinze à vingt mille âmes ; constamment j’ai reconnu les mêmes vestiges. Des propriétaires, des cultivateurs, de simples ouvriers, en m’indiquant les terrains qu’il avait fallu déblayer pour les rendre à la culture, m’ont mis à portée de juger que la ville actuelle devait former la limite méridionale de l’ancienne ; que celle-ci se prolongeait, dans sa partie septentrionale, jusque près des monts qui l’abritaient des vents du nord, et qu’elle devait s’étendre, de l’est à l’ouest, depuis le communal de Chaumel, jusqu’au-delà de Marcha-Dial.

Si l‘on veut des preuves évidentes de la beauté, de la richesse de Ruessium, il faut examiner, en observateur, les débris épars, et ceux employés dans les murs, les édifices et les habitations de la ville de SH-Paulien; on y reconnaîtra des fragments de sculptures et de colonnes; de grandes et belles pierres travaillées, et on demeurera étonné que tant de restes d’architecture se soient ainsi conservés au milieu d’une ville si souvent incendiée et renversée, de fond en comble , lors des invasions successives des Vandales, des Goths , des Germains , des Sarrazins et « des Francs; et quand on sait qu’à une époque rapprochée de nous, lors des guerres de la ligue, cette même ville fut , de nouveau , entièrement saccagée par les armées ennemies de la cause d’Henri IV. On lit ‘même encore, sur l’un des piliers de la porte méridionale de la ville faisant face à la route du Puy, la date de sa dernière reconstruction, en 1415, date qui s’y trouve ainsi, en caractères mal formés :


Il y a plus : tous les jours, en travaillant à la terre, en la fouillant de quelques pieds, ce sont encore d’autres ruines précieuses que l’on découvre : des pans de murs revêtus en marbre , des plates-formes ou des bassins enduits d’un ciment indestructible ; des tuyaux souterrains artistement construits; des masses considérables de maçonnerie; enfin d’énormes blocs de grès équarris , taillés et liés encore par le ciment , formant de vieilles fondations.

Aussi ne doit-on pas s’étonner que, sur plusieurs des hauts lieux qui avoisinaient la capitale et qui faisaient partie de la Cité, il s’éleva des temples aux divinités qui allaient devenir les protectrices du pays, et c’est ce qui nous conduira, à travers l’incertitude des temps, vers les ruines et les monts de Polignac et d’Anis.

En cherchant où pouvaient avoir été construits quelques-uns des édifices principaux dans l’intérieur de Ruessium, il me semble qu’on peut s’arrêter sur l’emplacement de l’église actuelle et sur ceux appelés le Haut-Solier et Marcha-Dial, dont les noms conservent quelque chose de leur antique destination.

Église.

Je ne dirai qu’un mot, en passant, sur l’église de St-Paulien, parce que son architecture n’est que gothique : elle est ornée, à l’intérieur et à l’extérieur, de ces colonnes longues et grêles qui indiquent assez l’époque de sa construction. En général, sa forme est ‘pittoresque, et ses murs, au dehors, sont revêtus de mosaïques dont on retrouve les analogues et les dessins variés dans plusieurs édifices du moyen âge.

C’est au milieu de sa maçonnerie et de son architecture ; c’est dans ses alentours, que j’ai rencontré les premiers objets de mes recherches.

Fondement d’un édifice.

Il y a peu d’années que pour rendre l’église moins humide, on fit déblayer les terres qui s’élevaient un peu trop au-dessus des fondations. À peine eût-on creusé de quelques pieds, qu’on découvrit beaucoup de cercueils, en pierres de Blavozy, bien évidées, et, sous ces cercueils, les fondements d’un édifice qui devait être d’une étendue considérable, à en juger par la longueur d’une muraille très -bien construite en beau grès blanc, et d’un alignement parfait ; d’où l’on peut conclure que, là, un monument païen a été renversé; que  plus tard , sur ses ruines s’est élevée l’une des plus anciennes églises , et qu’au milieu des décombres, dans ce qui en formait l’enceinte, ont été inhumés les premiers prêtres du christianisme, peut-être les premiers chanoines épiscopaux de St-Paulien. Au surplus, une grande quantité des pierres qui furent ainsi découvertes, ont été extraites, vendues à un prix assez haut et employées dans de nouveaux bâtiments ; ce qui annonce que, dans cet endroit, comme dans vingt autres de l’antique Ruessuim, des fouilles faites avec méthode et avec soin, conduiraient non-seulement à des découvertes utiles dans l’intérêt des vérités historiques, mais peut-être même fructueuses par le produit qu’on retirerait des plus beaux matériaux.

Statue priapique.

Parmi les objets qu’on m’a fait remarquer dans la façade septentrionale de cette église, il en est un, à vingt pieds de haut environ, qui représente un homme ou un enfant nu, accroupi et tenant, d’une ‘main, ses parties sexuelles. Le dessin en paraît bon, autant que l’élévation où il est et ses mutilations permettent d’en juger. On lui a donné, vulgairement, le nom de Statue priapique. Il serait à désirer qu’on pût l’enlever et qu’on la déposât dans un musée, où elle serait placée plus convenablement que sur un temple catholique.

Il est cependant une conséquence chronologique à tirer de l’existence de ce monument. On sait que le culte d’1sis, d’abord introduit à Rome, y fut défendu sous le consulat de Pison et de Gabinius ; mais que, plus tard, Auguste le fit revivre; qu’il en releva les temples, et que les mystères de cette divinité de l’Égypte , redevinrent bientôt, parmi les Romains, ceux de la galanterie et de la débauche; ce qui ,’ en général, fait reporter au siècle d’Auguste les monuments de la nature de ceux dont il est ici question, Ainsi, un simple fragment de sculpture vient appuyer les réflexions déjà émises sur l’époque des premiers établissements dans Ruessium.

Fragments d’inscriptions.

Non loin de ce monument, un peu plus bas sur la droite, est un reste d’inscription qui paraît n’avoir que deux mots indéchiffrables, les lettres en étant à peine tracées ou presqu’usées, et d’une mauvaise forme.

Pierre tumulaire.

Dans l’un des piliers du milieu, se trouve placée une belle pierre tumulaire. Les lettres qui en composent l’inscription sont bien gravées et encore assez faciles à lire, quoique les lignes se présentent verticalement. Il en a été parlé dans quelques ouvrages, mais on ne l’a rapportée qu’incomplètement. Je la donne en entier, et j’y joins une interprétation autant exacte que possible. A cet égard, il est bon d’observer que, jusqu’à présent, aucune des inscriptions que j’aurai à citer, n’a été ni expliquée, ni positivement déterminée. Celle-ci, comme on le voit, ne laisse aucun doute qu’elle a été un monument de piété conjugale :

Toujours dans la même façade de l’église, au milieu d’un autre pilier, à huit pieds du sol et vers la gauche de celui qui contient la précédente inscription, est un bas-relief qui paraît représenter, en buste, quelque grand personnage romain. Il est sculpté dans un grès blanc. Le dessin et le travail n’en sont pas très-bons ; cependant, il présente de l’intérêt comme monument‘ La cassure inférieure de la pierre laisse croire qu’il y. existait une inscription, et tout annonce qu’elle devait être funéraire.

  Lorsqu’on rencontre de tels monuments sépulcraux, on éprouve le regret que le lieu où se faisaient les sépultures publiques n’ait pas encore été découvert. On pourrait y trouver des inscriptions qui donneraient quelques certitudes sur des individus et sur les dates.

Pierre des Triumvirs.

Il existe près de là, et implantée contre le même mur, une pierre quadrangulaire en grès de Blavozy. Les uns l’appellent, en patois, la Peyre clous treis virs ; d’autres la nomment le Carcan. Elle sort de trois pieds et demi de terre ; sa largeur est de dix-huit pouces ; son extrémité supérieure est terminée par une pyramide tronquée, dont la face antérieure est aplatie. Sur le devant du pilastre, sont sculptées trois têtes, en relief, sur une même ligne horizontale. Les figures sont mutilées et méconnaissables. Elle a été trouvée, il y a très-long-temps, vers la limite de l’ancienne banlieue de St-Paulien. Il n’y a, malheureusement, aucune trace d’inscription ; mais sa dénomination vulgaire et traditionnelle, sous les deux acceptions ; sa forme ; le sujet qu’elle retrace ; sa position à l’extrémité de l’ancienne ville ; tout semble dire qu’elle a dû être la pierre monumentale du champ des supplices, et que les trois têtes qu’on y voit, représentaient les triumvirs capitaux (triumviri capitales), magistrats qui étaient chargés de veiller à la garde des prisonniers et de présider aux exécutions.

Autel des sacrifices.

A quelques pas de ce dernier monument, et au milieu de la place, on a amené et posé avec beaucoup de peine une très-belle pierre d’un seul bloc de grès blanc. Elle est carrée et, à très-peu de choses près, égale sur ses quatre faces qui ont cinq pieds de large. Sa hauteur est de trois pieds. Elle est taillée avec soin et évidée, dans l’intérieur, par quatre arceaux qui lui donnent de la grâce et de la légèreté. Son dessus forme une table plate et unie.

Quelques personnes ont pensé que cette belle pierre avait pu être une tribune aux harangues ou un tombeau. On pouvait douter même si elle n’était pas un de ces piédestaux que Pline a nommé Arcs, et qui servaient chez les Grecs à porter les statues ; usage que les Romains ont imité, mais assez rarement. Cependant, comme ici la tradition doit être de quelque poids, et que, dans le vulgaire, cette pierre a conservé le nom de Pierre à tuer les bœufs, il est plus naturel de croire qu’elle était destinée aux sacrifices. Plusieurs trous qui se voient sur l’une des faces et qui, par des restes d’agrafes en fer qu’on y remarque, annoncent avoir contenu des anneaux, viennent en quelque sorte à l’appui de cette vieille opinion. Au surplus, elle a servi d’autel, pour le culte catholique, pendant plusieurs siècles, dans l’église dédiée à Saint Paulien, l’un des premiers évêques du Velay, le même qui donna son nom à la ville alors en possession du siège épiscopal. Cette église a été détruite ; son enceinte sert actuellement de cimetière.

Borne terminale.

Dans l’une des maisons de cette même place, chez M. de Solilhac, à, l’est et à l’angle d’un des bâtiments de sa cour, il, existe une très-petite inscription ; elle a cela de particulier, qu’un savant archéologue, M. l’abbé Leheuf, qui l’a vue et publiée, a déclaré qu’elle était la seule inscription antique bien conservée qui se trouvât dans St-Paulien. On a déjà pu juger que M. l’abbé Lebeuf n’avait pas tout vu. D’ailleurs, il a cru sans doute que l’inscription, quoique bien conservée, n’était pas complète, puisqu’il n’a pas essayé de lui trouver un sens quelconque, et qu’il s’est contenté de dire qu’elle ne contenait que ces lettres :

Je pense, moi, que la destination est suffisamment indiquée. Tous les auteurs qui ont écrit sur les pierres limitantes, semblent avoir donné l’explication de celle-ci, en faisant dériver le mot Herma du mot Hermès, dont les latins ont fait leur dieu Terme. Aussi, suis-je porté à croire qu’elle a servi de Borne terminale ou limitante du champ, de l’enclos, ou du domaine d’un propriétaire nommé Dion.

L’inscription qui est figurée ci-devant, est gravée dans un grès blanc de quatorze pouces de long sur neuf de haut, et peut se rendre ainsi : Herma sous-entendu campi Dionis ; Borne du champ de Dion. On aime à rencontrer ces preuves historiques du respect des peuples pour les signes consacrés par les religions. Les pierres terminales étaient des divinités champêtres, sur lesquelles le crime lui-même n’eût osé qu’en tremblant porter une main sacrilège.

Tumulus.

Quittons, maintenant, l’intérieur des murs, et transportons-nous vers l’extrémité orientale de l’ancienne ville ; là, sur le bord de la prairie communale de Chaumel, près du ruisseau de Chalan, en face d’un ancien chemin venant d’Yssingeaux, chemin qui pourrait bien être celui tracé dans la carte de Peutinger, se trouve un tertre en gazon, élevé « de huit pieds environ au-dessus du sol. Sa forme est ronde, et il est composé de terre végétale prise sur le lieu même, ce qu’on reconnaît encore au mouvement du terrain qui forme une espèce de fossé circulaire au pied du tertre.

Sur la cime de ce petit monticule, était placé un fût de colonne en grès taillé, uni, sans base et sans inscription. Il a quinze pouces de diamètre et trois pieds de hauteur. Ce fût de colonne a été renversé en 1819, lorsqu’on essaya d’y fouiller. Arrivé, perpendiculairement, à trois ou quatre pieds de profondeur dans le centre, on s’arrêta, et la colonne est restée gisante sur l’excavation que l’on avait commencée et qui fut interrompue sans résultat.

Le tertre dont il est question a toute la forme d’un tumulus, sous lequel peuvent bien avoir été déposés les restes, ou les cendres de quelque personnage distingué. Une chose même à observer, c’est que, placé sur cette petite éminence et examinant, avec attention , l’espace carré dont elle forme l’angle sud-est, on voit, et dans cette seule partie de la prairie , plusieurs tertres de formes diverses; et, quand tout annonce que la ville se terminait vers ce point, dans son quartier oriental, on forme la conjecture naturelle que cette portion de terrain a pu être consacrée à des sépultures générales ou particulières , selon la population et les usages de cette époque. Une fouille plus complète pourra peut-être, un jour, lever les doutes et conduire à quelques découvertes.

En remontant, sur la même ligne, de l’est à 1’ouest, on arrive au lieu nommé le Haut-Solier, dénomination que l’on croit dérivée d’Alto Soli, et provenant peut-être de l’existence, en cet endroit, d’un petit temple, Ædicula ou Sacellum, consacré au Soleil.

Là se trouve une butte presque entièrement formée de démolitions et de débris, à. travers lesquels, en creusant un puits, on rencontra, dit-on, un beau pavé mosaïque, à la profondeur de huit à dix pieds. ’

C’est à l’angle sud-est du bâtiment construit sur ce monticule, que l’on a renfermé, dans la maçonnerie, l’inscription d’Etruscilla, que j’ai rapportée ci-devant ; inscription qui constate les franchises de l’antique Vellavie. Dans le reste du bâtiment, et çà et là dans ses environs , il existe une quantité de grosses pierres en grès blanc , bien taillées, de différentes dimensions et portant, en elles-mêmes, la preuve quelles ont été employées dans les constructions romaines; ce qui se reconnaît à la forme des entailles qu’y faisaient pratiquer les architectes , pour les lier entre elles par des coins en bois , ‘en bronze , et quelquefois en fer, afin d’assurer la solidité et la durée de leurs édifices.

Fragment d’inscription.

Parmi les pierres employées, il.eu est une petite formant le linteau d’une lucarne, dans le pignon qui fait face au levant ; cette pierre présente le fragment d’une inscription dont les lettres sont grandes et bien gravées. Je ne les rapporte et les figure ici, dans la position où elles se trouvent, que dans l’espoir qu’un jour, la suite ou la contrepartie de l’inscription pourra se retrouver.

Aqueducs.

Une chose qui. a toujours étonné , c’est que la ville de St-Paulien, bâtie sur les ruines d’une ville  romaine, n’ait jamais eu que des eaux de puits et de citernes. Certes, les Romains n’étaient pas gens à s’établir dans un pays où l’eau potable et saine leur manquât, eux qui en faisaient la plus grande consommation, particulièrement pour les bains dont l’usage était commun à toutes les classes du peuple.

Aussi, lorsque dans les excavations que le hasard a fait faire, j’ai reconnu, presque partout des restes de cuves et de thermes, construits avec recherche et même avec luxe, je n’ai pas douté, un instant, qu’ils avaient établi les moyens d’y amener des eaux propices et abondantes. C’est donc vers la découverte des tuyaux conducteurs, ou des aqueducs, que mes soins se sont dirigés et vers les sources qui devaient les alimenter. J’espère être parvenu, au moins en partie, au but que je m’étais proposé dans l’intérêt de la ville elle-même.

Dans la maison Besqueut, attenant à la butte du Haut-Solier, on a construit une écurie sur une portion de terrain communal, et, de tous temps, réservé : circonstance essentielle à noter. Ce terrain a été usurpé sans autorisation, de sorte qu’on pourrait y fouiller et même en reprendre possession à volonté. Lorsqu’on creusa les fondations de l’écurie, on rencontra à l’aspect de l’ouest, un aqueduc solidement voûté, entièrement revêtu en ciment, ayant quatre pieds de large, sur cinq de haut, et conduisant un jet de quatre à cinq pouces d’eau de source. Le sieur Besqueut en profita pour fournir des eaux abondantes à un puits ou citerne qu’il fit pratiquer ; et il ferma aussitôt, en maçonnerie, la large ouverture de l’aqueduc, pour n’en conserver qu’une suffisante au passage du filet d’eau dont il avait besoin. Depuis cet événement, on a remarqué qd’ une fontaine s’est tarie au bas de la côte de Choubert, à une demi-lieue de Saint-Paulien ; ce qui donne à penser que l’aqueduc doit aboutir dans ces environs. Des témoins oculaires m’ont assuré que cet aqueduc est de toute beauté, et qu’il ne faudrait qu’enlever quelques pierres à l’ouest du puits pour entendre bouillonner l’eau.

Un autre aqueduc existe encore au faubourg de Langlade, dans la cave du sieur François Cortial. On n’en a point vu l’intérieur, mais on y entend l’eau couler.

Toujours est-il qu’avec très-peu de frais, le premier de ces aqueducs pourrait être rendu à son antique destination et je ne fais qu’un vœu, c’est que mes recherches archéologiques m’ayant conduit vers une découverte d’un intérêt majeur, la ville de St-Paulien puisse bientôt en profiter et y trouver une source inaltérable de santé et d’utilité générale. 

Reprenons maintenant nos courses, remontons encore vers l’ouest, et en suivant la même direction, à peu de distance du Haut-Solier, nous nous trouverons dans le quartier nommé Marcha-Dial. A en juger par les étymologies, on peut croire que là était l’habitation des Flamines, ou au moins du grand-prêtre de Jupiter, le FlamenDialis. Les environs sont remplis de nombreux débris de vases, de poteries, de briques et de marbre. Dans toutes les maisons et les murs qui environnent la place, on remarque de grosses et belles pierres antiques bien taillées. Sous une grange démolie, appartenant au sieur Roux, à trois pieds de profondeur, on a rencontré les restes d’un vaste bassin bien cimenté, et, tout auprès, les vestiges d’une étuve dont les tuyaux de chaleur étaient en marbre blanc, poli sur les deux faces. J’en ai vu plusieurs pièces ayant deux à trois pieds de longueur, sur neuf à dix pouces de largeur. Tout annonce que là existait quel qu’établissement riche et somptueux.

Inscription.

C’est dans la façade méridionale de la maison du même propriétaire que se trouve une inscription incomplète, citée, depuis longtemps, dans un ouvrage du frère Théodore, ayant pour titre : Histoire de N.-D. du Puy. On y lit, page 34, que la pierre qui contient l’inscription, est une pièce de marbre. On s’est trompé ; c’est un grès blanc semblable à celui généralement employé par les Romains, dans ce pays. Cette pierre, dans sa cassure actuelle, est à peu près carrée sur deux pieds, huit pouces.

Comme il est possible qu’elle se soit trouvée moins mutilée il a trois ou quatre siècles, je vais rapporter l’inscription telle qu’elle a été donnée alors et, en même temps, telle que j’ai pu la déchiffrer après l’avoir plusieurs fois vérifiée à des heures différentes et lors que le soleil l’éclairait de divers points. Il est bon de remarquer les lettres en sont eu creusées et mal formées, qu’on les découvre avec d’autant plus de peine que la pierre est usée, et qu’ayant été placée au hasard, les lignes se présentent verticalement.

À la vue de cette inscription, on jugera qu’il serait difficile même d’en hasarder une interprétation; aussi n’ai-je pas cherché à en pénétrer le sens. Je ne la rapporte que pour exciter la curiosité des amateurs Peut-être un jour s’en trouvera-t-il de plus hardis ou de plus heureux que moi. Il est bon d’ajouter encore que c’est dans ce quartier de Marcha-Dial, que venait aboutir la grande voie romaine qui traversait la Vellavie, ou que’ c’est de ce point qu’elle partait en se dirigeant au nord et au midi. Ce quartier est aussi celui où, sans en chercher, il se rencontre encore aujourd’hui, une foule de débris de tuiles, de poteries et de marbres amoncelés à la superficie du sol ; d’où l’on peut conclure qu’il formait, à peu près, le centre de l’ancienne ville , ce qui s’accorde aussi avec l’emplacement que je lui ai‘ supposé.

Fouilles.

J’allais quitter l’article de St-Paulien, au moment où je reçois la lettre suivante. La haute idée que vous m’avez donnée des vestiges de Ruessium, ancienne capitale du Velay, aujourd’hui St-Paulien, m’a engagé à les visiter moi-même et à satisfaire m’a curiosité. Je m’y suis rendu le 26 juillet 1822, et j’ai été en effet convaincu qu’il y a eu dans ces lieux, une ville importante et riche. Voici les observations que j’ai faites d’après un léger essai de fouilles qui ont eu lieu sous mes yeux.

Champ de Blancheton, à droite en sortant de SH-Paulien pour aller à Craponne, vis-à-vis l’auberge de Chazal, j’ai reconnu :

1°. Des murs en pierres communes et assises droites, revêtues de ciment uni et coloré, formant diverses distributions.

2°. Beaucoup de plâtras de plusieurs couleurs ; le bleu ciel parfaitement beau et bien conservé, peintures à fresque représentant des feuillages et un arbre avec mouches noires et blanches, d’assez mauvais goût; divers encadrements.

3°. Une médaille de Domitien, en grand bronze, vernis antique et bien conservée.

4°. Plusieurs morceaux de marbre blanc qui ont dû servir à des revêtements.

5°. Des pavés en ciment très-uni, d’une grande épaisseur, ou plutôt trois l’un sur l’autre.

6°. Des briques, dont une de cinq pouces environ d’épaisseur.

7°. Diverses poteries, rouge fin et moyen, avec bas-reliefs ; noires, et blanches extérieures, fines, etc.

Champ plus loin de la ville, à gauche du même chemin :

1°. Des débris de poteries semblables.

2°. Des murs et pavés en ciment.

3°. Des plâtras colorés.

4°. Des briques.

5°. Des vestiges de rues anciennes.

6°. Une médaille, en petit bronze, de Claudius gothicus.

7°. Enfin, une autre de Caracalla, en grand bronze, d’une belle conservation.

Je ne pouvais espérer un plus grand résultat d’une fouille faite par deux hommes, et qui n’a duré qu’un jour et demi.  Il y a tout lieu de croire que, faites-en grand, suivies avec constance, les recherches, à St-Paulien, auraient les plus heureux résultats.

La lettre que je viens de transcrire ici, fortifie toutes mes espérances et ajoute à la conviction générale qu’une fouille, bien combinée, exécutée avec soin et d’après un système raisonné, dans le sol de la ville antique qui a possédé les premiers et les principaux établissements romains, dans ce pays, procureraient des fruits et des documents précieux pour la science archéologique et pour l’histoire.

Recherches diverses.

Comme, en fait d’antiquités, rien ne doit être omis ; que la plus petite pierre monumentale, la moindre inscription, telle incomplète qu’elle soit, peuvent mettre sur la voie d’une découverte, lever un doute ou confirmer une vérité, je me suis fait un devoir de rapporter tout ce que j’ai découvert par moi-même, comme ce que j’ai recueilli par tradition, ou dans quelques mémoires particuliers. Il est possible qu’un jour, on retrouve tout ou partie des objets enlevés, cachés ou égarés. N’en point parler, dans ce mémoire, serait en laisser perdre la trace et, en quelque sorte, consacrer un vandalisme.

Source de l’extrait :

Essais historiques sur les antiquités du département de la Haute-Loire

Charles Florent-Jacques Mangon de la Lande

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Voies romaines dans le Velay

C’est de Ruessium que se comptaient les distances dans la Vellavie. Ce fait, fort important à signaler, résulte de vérifications qui ont établi qu’effectivement lorsqu’on trouva les colonnes milliaires de cette province elles étaient, en général, et sur des voies romaines et à un éloignement plus ou moins conforme à celui qui se trouve indiqué sur ces colonnes.

Or, Bergier cite certaines capitales ou métropoles desquelles partaient, à l’imitation de Rome, plusieurs routes « qui s’étendaient, dit-il, au long et au large, par les régions voisines, cette centralisation locale lui paraît même une preuve de la prééminence des villes ainsi déterminées. D’où l’on peut conclure, surtout avec l’appui des autres témoignages que nous avons produits, que Ruessium fut véritablement une cité considérable.

Les premières routes romaines de la Vellavie durent consister d’abord dans l’amélioration de celles qui existaient déjà, puis progressivement dans la création de celles qui mirent en rapport la capitale de la province avec Lyon, métropole des Gaules, et avec les chefs-lieux des pays circonvoisins. Sans aucun doute les années de ces créations ne sauraient être strictement précisées, néanmoins elles étaient de date fort ancienne sous Alexandre-Sévère, Maximien et Jules-Philippe, puisque nous trouvons des inscriptions constatant qu’au temps de ces trois empereurs, en 234, 235, 244, on répara les ponts et les routes du Velay, qui tombaient de vétusté.

D’un côté l’histoire nous apprend les immenses travaux en ce genre entrepris par Auguste et par ses successeurs, de l’autre nos études archéologiques nous ont démontré l’importance de Ruessium dès le commencement de l’Empire ; c’est pourquoi nous n’hésitons pas à croire que les grandes lignes de communication dont nous allons bientôt parler se reportent à cette époque.

 Pour nous, la pierre de Polignac se rattache aux premiers chemins de la Vellavie gallo-romaine. Sa forme, ses dimensions, l’inscription qu’elle contient, la manière dont cette inscription est formulée, sa parfaite similitude avec vingt autres milliaires trouvés sur tous les points des Gaules, en sont un irrécusable témoignage ; et il suffit de se mettre sous les yeux le dessin des monuments lapidaires de Beaucaire, de Nîmes, de Billom, celui surtout de Vollore-ville, dans l’arrondissement de Thiers (Puy-de-Dôme), pour rester convaincu que le grès de Polignac n’eut jamais d’autre destination. Il est vrai qu’on n’y voit aucune indication numérique et que c’est à ce caractère essentiel qu’on reconnaît ces sortes de monuments ; mais il ne faut pas oublier ce que nous avons dit à ce sujet. Du reste, deux causes peuvent expliquer l’absence de chiffres : ou l’inscription n’est plus aujourd’hui complète dans la partie inférieure, ou même, en la supposant entière, on peut admettre que le milliaire était gravé au-dessous, sur un pilier servant de base.

Il est à remarquer, en effet, qu’alors ces sortes de pierres étaient érigées avec un certain appareil. Ainsi, celle de Vollore-ville représente une colonne interrompue aux deux tiers de sa hauteur par une espèce d’écusson sur lequel se trouve la formule dédicatoire à l’empereur Claude. Le plus important des grands chemins de la Vella vie, celui du moins dont il nous reste le plus de vestiges, conduisait de Ruessium à Lugdunum et, par un embranchement, à Mediolanum (Moingt, près de Montbrison). De temps immémorial il est appelé dans le pays VIA BoLENA, probablement en mémoire du magistrat chargé de son exécution, car personne n’ignore que c’était un usage assez ordinaire chez les Romains de donner aux principaux chemins d’une contrée le nom de ceux qui en avaient dirigé les travaux. Toutefois, cette désignation de Bolena n’appartient pas exclusivement à la portion de route qui traverse la Vellavie, puisqu’après le Pontempeirat, Usson et Saint-Bonnet, la voie romaine se dirige vers Moingt où elle garde encore le même nom.

La BOLENA sort de Ruessium, va directement à St-Geneys que M. de La Lande croit avoir été une Mansio ; Saint-Geneys, nous l’avons dit, conserve des restes de constructions antiques.  De là, elle se rend près de Saint-Just en laissant un peu sur la gauche les Baraques et Salaver. De Saint-Geneys à Saint-Just la voie romaine se confond presque toujours avec la route actuelle de Craponne, mais à partir de ce point elle s’en éloigne, s’avance du côté de Themey et de La Monge, vient à quelques pas de Chomelix, croise un peu plus loin la route de Craponne, traverse l’Arzon à un passage qu’on appelle encore aujourd’hui le pont de César, puis arrive en face du petit village de Mondouilloux, où fut trouvée une pierre milliaire portant cette inscription à demi-brisée :

IMP CAES M AVR.

VE. AL…

DRO PIO FEL AVG

.V.ANTONINI

…A GNI FIL DIVI

.V.I NE POT

.VEL L.

MP. XII.

Inscription qu’il faut ainsi rétablir : IMPERAToRi CAEsARI MARco AURELio sEvERo ALEXANDRO, PIO, FELICI, AUGUST0, MARCI AURELII ANTONINI MAGNI FILI0, DlVI SEVERINEporis; – CIVITAS VELLAVORUM MILLIA PASSUUM XII.

De Mondouilloux, la Bolena passe à Antreuil, à Bourgènes, à Aubissoux, aboutit au Pontempei rat (pons imperatoris), où la découverte de fragments antiques a permis à M. de La Lande de supposer, à cause de la proximité de Castrum Vari, qu’un arc triomphal avait été élevé en cet endroit au général dont le souvenir semble s’être éternisé sur ce territoire.

C’est un peu après le Pontempeirat que la voie romaine sort du Velay pour entrer dans la petite ville d’Usson, en Forez. Là encore on a été assez heureux pour retrouver une pierre milliaire. Voici l’inscription qu’elle porte et qu’il est essentiel de signaler, parce que nous allons bientôt la retrouver sur deux autres points :

[ MP CAESAR…

VS MAXIMI…

FELIX AVGDM

PROCOS PRIM

ETREIV LVERV.

NOBILISSIMVS

PRINCEPS IVV ENTV

TISVETVSTATCON

RESTITVERVNT

M. X I III

IMPERATOR CAESAR JULIUS MAXIMINUS , FELIX, AUGUSTUS, PONTIFEX MAXIMUS, PROCONSUL PRIMUM, ET FILIUS EJUS JULIUS vERUs, NoBILIssIMUS PRINCEPs JUVENTUTIs, vETUSTATE CoNLAPSAM (vIAM) RESTITUERUNT.-MILIARE QUATER DECIMUM.

Enfin, la Bolena conduit d’Usson à Estivareilles, de là à Saint-Bonnet-le-Château (Castrum Vari) ; où nous avons dit qu’elle se partageait en deux branches dirigées, l’une sur Lyon, l’autre sur Moingt. A l’occasion de cette voie romaine, il s’est élevé de nombreuses dissertations sur la direction du chemin, ainsi que sur le nom et sur le véritable emplacement d’Icid-magus et d’Aquis-Segete. Quelques écrivains, au nombre desquels nous nous rangeons, ont prétendu que l’Yssingeaux actuel ne remontait pas au-delà du moyen-âge ; d’après eux Usson serait la ville indiquée dans l’itinéraire sous le nom d’Icid-magus ou d’Usso-magus, et Saint-Galmier serait l’Aquis-Segete des anciens ; dès lors ce serait la via Bolena dont nous aurions le tracé dans la carte de Peutinger.

En quittant Ruessium dans la direction opposée à celle que nous venons de parcourir, on peut suivre les traces d’une seconde voie romaine parfaitement conservée en beaucoup d’endroits. Celle-ci n’était pas moins importante que l’autre, puis qu’elle n’était que sa continuation ; on les voit marquées toutes les deux sur la carte de Peutinger comme une seule et même route traversant Revessione et conduisant de Lugdunum à Anderitum, capitale du Gévaudan. Il est facile de déterminer encore les points principaux par lesquels elle passe :

De Ruessium elle arrive presque en droite ligne sur un petit ruisseau appelé Bourbouilloux (le bourbeux), près duquel gisait un fragment de colonne aujourd’hui au musée du Puy et sur lequel se lit ce reste d’inscription :

CAESAR PRINCEPS

IVVENT VIAS ET

DONTES VETVS

TATE CONLAPSAS

Comme il résulte du simple examen de cette pierre que la partie supérieure en a été enlevée et qu’il faut donner un sens à ce qui n’est ici que la fin d’une phrase, nous ne doutons pas que les deux inscriptions précédentes ne soient de la même époque et n’aient été dédiées aux mêmes princes dans le même but ; c’est pourquoi nous pensons que les six premières lignes de la colonne d’Usson doivent servir à compléter ce qui manque à celle dont nous parlons.

De Bourbouilloux on suit les traces de la voie romaine jusqu’à la Borne, puis après avoir passé un pont, dont l’existence en cet endroit est confirmée par quelques débris antiques, on s’approche du village de Borne. C’est près de là que devait se trouver une colonne transportée, on ne sait à quelle époque, dans une propriété voisine de Ruessium ; cette présomption semble du moins suffisamment justifiée par le chiffre qui termine cette autre inscription :

DD NN

IMDM IVL PHILIP

DOPIO FELIC AVG

ET MIVL DHILIP

DO NOBILISS

CAES CIVIT VEL

M P. III.

DOMINIS NOSTRIS, IMPERATORI M. JULIO PHILIPPo, pIo, FELICI , AUGUST0, ET MARCO JULI0 PHILIPPO NOBILISSIMO CAESARI. CIVITAs vELLAvoRUM MILLIA PAssUUM III.

De Borne on prend la direction de Saint-Vidal sans descendre néanmoins dans le vallon, et l’on va en ligne presque directe près du hameau de Sanssac où se trouvait encore une dernière colonne portant :

I)l) NN

IMP MIVL PHILIPPO

PIO FEL AVG

ET MIVL D HILIDpO

NOBILIS C MES

CIVIT VEL A.

MD VI.

DOMINIS NOSTRIS , IMPERATORI M. JULIO PHILIPPO , PIOFELICI , AUGUST0 ET MARC0 JULI0 PHILIPPO NOBILISSIMO CAESARI , CIVITAS VELLAVORUM , MILLIA PASSUUM VI.

Les recherches de plusieurs archéologues ont permis de déterminer la continuation de cette route jusqu’à Sanssac. A partir de cette localité, il semble qu’il y ait quelque incertitude sur la direction que suivait la Via Bolena. Les uns en poursuivent le cours par l’avenue de Barret, Saint-Privat, Monistrol et un lieu qu’ils désignent pour le Condate marqué sur la carte théodosienne, lequel se trouvait au con fluent de l’Allier et de la petite rivière de Verdicange. D’autres placent Condate sur l’emplacement de la petite ville de Saugues ; d’autres enfin le voient à Condres, près de Saint-Haon, au confluent de l’Allier et de la rivière de Chapeauroux, où ils arrivent en passant dans les parages de Très-Peux, Souis,

Chasse-Vieille et Letor. A l’appui de cette dernière hypothèse, on peut invoquer les recherches de M. Ignon, de Mende, qui a suivi lui-même dans le Gévaudan le parcours de cette voie romaine depuis Javols (Anderitum), capitale du pays des Gabales, jusqu’aux ruines du pont de Saint-Haon.

Les défrichements pratiqués sur un grand nombre de points ont démontré qu’ici et là il se rencontrait des vestiges de voies antiques, soit de routes impériales, soit de chemins d’embranchements. Les substructions se composaient de quatre couches, dont trois de pierres superposées et séparées par des couches de terre grasse ou de mortier assez épais. La première de ces couches est en grosses et larges dalles, la seconde en pierres un peu moins fortes, la troisième en petits cailloux alternativement de la grosseur d’un oeuf et d’une noix, et noyés dans une espèce de ciment très-dur, la quatrième enfin était formée d’un gravier tel qu’on l’emploie aujourd’hui sur nos chemins. On comprend que ce gravier a dû presque entièrement disparaître.

M. le chanoine Sauzet signala, il y a quelques années, la découverte d’une nouvelle colonne milliaire encastrée depuis longtemps dans les vieux murs du cimetière de la paroisse de Saint-Jean-de-Nay. Cette pierre, qui a 87 centimètres de hauteur et 35 de diamètre, est aujourd’hui tronquée à son sommet. L’inscription n’occupe pas tout le périmètre de la colonne ; le vide qui se trouve entre la fin et le commencement des lignes est rempli par un pointillé qui règne du haut en bas. Voici comment elle est conçue :

MOCASSIANO.

R A POSTVMO.

RE AVG C. V. FEL.

M P. VIII.

MARCo CAssIANo, FILIo AUGUSTo PosTUMo (Galliarum) RESTAURATORI AUGUST0 COSS. V. FELICI. – MILLIA PAS sUUM vIII.

Une seconde voie romaine, dont on a cherché à rétablir le tracé, se retrouve près de Beaulieu, arrondissement d’Issoire, à Vergongheon, à Brioude, à La Chaumette, près de Chastanuel (commune de Jax); elle longe à droite le village de Fix, franchit le plateau de Fay, passe près de l’Estrade, de Lanthenas, de la montagne de la Garde, arrive à Marcillac où elle rejoint la Via Bolena. M. Jusseraud, ingénieur des mines, constate la présence de cette voie romaine au moment où elle traverse les bassins houillers sur les rives de l’Allier pour se diriger sur la Haute-Loire. Dans une profonde tranchée pratiquée au-delà de la station de Brassac, lors de l’exécution du chemin de fer, on trouva en assez grand nombre et sur une largeur de 100 mètres environ, des débris de poteries rouges, de tuiles, de briques plates à rebords, de styles, de fibules, et plusieurs médailles bien conservées. Au-dessous de ces fragments, une chaussée antique coupait perpendiculairement la voie ferrée dans la direction de l’Ouest à l’Est, pour aller traverser l’Allier à 300 mètres plus loin. – M. Jusseraud en a relevé la coupe que nous donnons ici, et la décrit avec précision.

Une couche végétale A, dit-il, renfermant quelques débris de tuiles et de briques, recouvre, sur une épaisseur de 0m,50, un lit de béton B de 0m,15 à 0m,20, et indique que la voie avait 5m,50 de large à sa partie supérieure. Au-dessous du béton se trouve une couche de cailloux roulés de la grosseur d’un oeuf, sur une épaisseur de 0m,25 ; puis, encore au-dessous, un lit de 0m,40 de cailloux beaucoup plus gros atteignant un décimètre cube D. Le tout est encaissé dans une large tranchée de forme trapézoïdale reposant sur 0m,60 de terre végétale E, et en fin sur les schistes houillers F.

Entre Beaulieu et ISSOire, M. Bouillet a découvert une colonne sur laquelle, il est vrai, ne se lit aucune indication ; mais arrivé à Paulhaguet, Bergier nous en signale une autre d’un intérêt d’autant plus local pour nous qu’elle est la troisième portant la même inscription. Voici, du reste, comment il s’exprime à ce sujet :  M. Savaron, président en Auvergne, de qui le nom est assez connu par sa doctrine, m’a fourni quatre inscriptions par lui vues et extraites de certaines colonnes milliaires qui sont ès environs de son pays : la première desquelles se trouve à Paulhaguet et nous enseigne que le fils de quelque empereur qui se qualifie de Prince de la Jeunesse a fait réparer les chemins de ce pays-là.

CAESAR PRINCEPS

IVVENTVTIS

pONTEM ET

VIAS VETVS

TATE COLLAD

RESTITVIT.

Quoique cette inscription et celle de Bourbouilloux aient une singulière analogie, et qu’au premier abord on soit porté à penser que c’est la même, cependant trois circonstances se réunissent pour prouver qu’elles sont très-distinctes l’une de l’autre :

1e les différences matérielles dans plusieurs mots ; Pontem au singulier, au lieu de Pontes, Collap en abréviation, au lieu du solécisme Conlapsas, juventutis qui est ici écrit en entier, tandis que sur la pierre de Bourbouilloux il n’y a que juvent, enfin le verbe restituit dont on ne trouve sur l’autre inscription qu’une seule lettre ;

2e la distance des deux localités, qui ne permet pas de supposer que le président Savaron eût pu prendre l’une pour l’autre ;

3e le peu de vraisemblance que la pierre antique, trouvée en 1823 par M. de La Lande sur le bord d’un ruisseau et servant de piédestal à une croix, eût été vue à plusieurs lieues de là deux cents ans avant par Savaron, et surtout ait été copiée par lui d’une manière si peu exacte.

Avant d’achever ce chapitre, nous devons rectifier quelques erreurs provenant de calculs faits d’après les chiffres gravés sur les colonnes milliaires. Ces chiffres étaient certains lorsque les colonnes furent originairement disposées sur les routes ; mais ils ont cessé de l’être, on le conçoit, du moment que ces pierres indicatrices furent déplacées. Ne pensant pas à ce changement, que plus de quinze siècles rendent pourtant bien présumable, plusieurs archéologues ont calculé au moyen des chiffres marqués sur ces colonnes et ont écrit, par exemple, que de Ruessium à Sanssac il y avait six milles, et à Saint-Jean-de-Nay huit milles, puisque les milliaires trouvés dans ces villages indiquaient ces distances. S’ils avaient pris un compas, ils auraient vu que sur la carte, à vol d’oiseau même, de Ruessium à Sanssac il y avait plus de six milles, et à Saint-Jean-de-Nay plus de dix. Il était donc bien impossible qu’il n’y eût pas un parcours beaucoup plus considérable par le chemin de terre, quelque direct qu’on le suppose.

Source de l’extrait :

HISTOIRE DU VELAY ANTIQUITÉS CELTIQUES ET GALL0-R0MAINES

PAR FRANCISQUE MANDET

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Le Velay au temps de César

César avait mis neuf années à dompter ces peuples qui passaient pour indomptables ; pendant ce temps il avait pris d’assaut plus de huit cents oppida, subjugué trois cents peuples, combattu trois millions d’hommes, fait mille prisonniers. C’était beaucoup sans doute d’avoir vaincu, c’est ensuite bien d’avantage d’assurer la conquête. Le proconsul y applique son génie. On le voit parcourir les Gaules, visiter les cités, exempter les plus malheureuses de charges trop lourdes, accorder ou promettre à d’autres son appui. Il ne touche à rien encore ; il s’est donné pour première mission de calmer les douleurs, de rassurer les inquiétudes, d’inspirer à tous une grande confiance. L’impôt de quarante millions de sesterces dont il frappe cet immense territoire est réparti avec le plus d’équité possible, et même, pour lui enlever ce qu’il peut avoir d’humiliant, reçoit le nom de solde militaire. Il faut que la transition puisse s’opérer sans secousse ; aussi, point de ces confiscations, de ces proscriptions cruelles qui signalèrent si tristement les exploits des Sextus et des Domitius. Il est nécessaire que César se fasse promptement aimer, car il n’a pas le loisir d’attendre ; d’autres soins d’ambition l’appellent à Rome.

Pompée et le sénat sont contre lui, tout peut lui échapper en un jour. C’en est fait, il va lever les étendards de la guerre civile ; mais il sait que l’ancienne province romaine est amie de Pompée et peut se tourner contre lui après son départ, il lui importe donc que la nouvelle, qui est son œuvre, lui demeure fidèle. En toute hâte il s’attache les chefs, leur promet, s’il réussit, des dignités, des charges, des richesses, des honneurs ; il organise de ses propres deniers, avec les braves vétérans des armées de l’indépendance et avec la fleur de la jeunesse gauloise, la formidable légion de l’Alouette ; puis, confiant en sa fortune, tire sa glorieuse épée du fourreau et passe le Rubicon.

Ne suivons point César entrant dans Rome à la tête de ses Transalpins, dispersant ses ennemis, le sénat et Pompée, s’emparant, sans crainte du sacrilège, des trésors mis en réserve dans le temple de Saturne pour combattre les Gaulois et dont lui-même fait largesse aux Gaulois, courant soumettre l’Espagne en quarante jours, traversant, sans s’arrêter, les Alpes maritimes, assiégeant, prenant Massalie, imprudente alliée de son rival. C’est le vol de l’aigle. Tout fléchit sous les pas du héros. Le peuple enthousiasmé le proclame dictateur ; et lui, qui n’a rien oublié, d’un côté, ouvre les portes du sénat aux chefs des tribus qui l’ont le mieux secondé, accorde à plusieurs cités les prérogatives des cités romaines, donne son patronage et son nom aux villes, aux familles celtiques dont il connaît le dévouement, décore en masse du titre de citoyen de la république tous les légionnaires de l’Alouette ; de l’autre, punit la province Narbonnaise de sa préférence pour Pompée en lui imposant trois colonies militaires, et pour rendre ce souvenir éternel, fait dresser au milieu du forum de Némausus des tables monumentales sur lesquelles il inscrit en partant la date de cette dernière victoire. Mais les sénateurs n’ont pas pardonné les sanglantes humiliations que leur a fait subir le dictateur ; ils l’attendent, le laissent s’enivrer dans son plus splendide triomphe, l’assassinent sur son siège, lui donnant à peine le temps de couvrir son visage pour ne pas voir dans ses meurtriers ceux qu’il croyait ses amis les plus chers.

En ce temps-là les beaux-arts de la Grèce étaient en grand honneur à Rome. Pompée avait fait élever à ses frais le temple de la Vénus Victrix et celui de Minerve ; Lucullus, ce fastueux romain, fonda celui de la Félicité ; Paul Émile construisit, l’an 54 avant J.-C., la magnifique basilique qui a porté son nom et qui est la septième. Des esclaves, des affranchis grecs, élevés dans les écoles d’Athènes, reproduisaient sur le bronze, sur le marbre, les immortels chefs-d’œuvre de leur patrie. Des artistes illustres, séduits par la munificence de sénateurs, plus riches que des rois, n’avaient plus d’autre ambition que celle de voir leurs ouvrages décorer les palais, les places publiques de la métropole universelle. Cnéïus, Agath-Angelus étaient de très-habiles graveurs ; Quintus Lolius, Evandre l’Athénien, Arcésilaus et Criton, des statuaires d’un rare talent ; Fasilète, un ciseleur renommé, dont quelques ouvrages sont même très-vantés par Pline et par Cicéron. Le dictateur aimait les arts ; ses immenses richesses, son pouvoir presque suprême lui permirent de leur imprimer une vive impulsion. Il embellit le Capitole, éleva des temples à Mars, à Apollon, à Vénus Génitrix ; c’est en son honneur qu’après la guerre civile le sénat ordonna l’érection de quatre sanctuaires dédiés à la Félicité, à la Clémence, à la Concorde et à la Liberté. Mais aussi quel pays et quel temps ! On élevait des statues d’or, de marbre et d’ivoire à toutes les divinités, à tous les nobles sentiments, à tous les grands hommes de la République !

Quelques archéologues ont prétendu que la conquête avait été précédée dans le Velay d’une époque qu’ils appellent Gallo-GRECQUE. Exagérant l’influence que les colonies phocéennes avaient pu acquérir, ils supposent que non-seulement elles avaient établi des comptoirs jusqu’au pied des Cévennes, noué des relations commerciales avec nos populations des montagnes, mais qu’elles en avaient encore complètement transformé les mœurs et les croyances.  Nous avons fait une large part à cette influence hellénique, à laquelle nous croyons en effet. Des peuples laborieux et civilisés ne pouvaient se mettre en contact avec des hommes tels que Possidonius nous les fait connaître, sans grande ment modifier à la longue toutes leurs habitudes. Aussi disions-nous que le siècle qui précéda la domination romaine fut témoin d’une transformation dans les idées religieuses, et que ce fut incontestablement les nombreux rapports établis avec les colonies massaliotes qui la déterminèrent. Ces relations plus ou moins multipliées serviront à nous expliquer comment, surtout dans les contrées méridionales, la foi druidique s’altérait, comment le panthéisme commençait à se répandre. Mais, quelle distance entre ces grossières idées mythologiques, ces grossières images des divinités gauloises au temps de César, et ce que les historiens nous enseignent de la haute civilisation, de la splendeur des arts appliqués aux monuments religieux de la Grèce et de Rome !  Qu’on ouvre les Commentaires sur la guerre des Gaules, qu’on les étudie dans leur ensemble, l’impression produite par cette lecture fera évanouir toutes les exagérations qui pourraient venir à la pensée. César a traversé le Velay, et alors le Velay ne devait pas avoir plus de civilisation que ses voisins ; il a longtemps parcouru l’Arvernie, théâtre d’un de ses plus brillants exploits ; par conséquent il a bien pu connaître les croyances religieuses, le goût et la pratique des choses de l’art dans ces contrées. Que dit César ?

Où est-il allé rendre grâce aux dieux de ses victoires ? En quel endroit a-t-il vu des temples ? Une seule occasion se présente pour prononcer ce nom de templum, et ce nom ne vient pas sous sa plume.

Les Gaulois, dit-il, font vœu souvent de consacrer à Mars les dépouilles de l’ennemi ; après la victoire ils immolent le bétail qu’ils ont pris. Le reste est déposé dans un lieu désigné : Reliquats res in UNUM LoCUM conferunt ; et en beaucoup de villes l’on peut voir de ces espèces de trophées.

César parle des statues de Mercure, et Montfaucon nous fait connaître quels étaient ces tristes simulacres. Il assure que les Gaulois ont à peu près sur les dieux les mêmes idées que les autres nations, cependant il a longuement développé les doctrines druidiques, et les druides, si peu polythéistes, sont les seuls prêtres de la nation : Illi rebus divinis intersunt, sacrificia publica ac privata procurant, religiones interpretantur.

Source de l’extrait :

HISTOIRE DU VELAY ANTIQUITÉS CELTIQUES ET GALL0-R0MAINES

PAR FRANCISQUE MANDET

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Civilisation en Velay

Ce sont les Grecs qui ont été les principaux propagateurs des doctrines polythéistes, doctrines insinuées d’abord timidement par l’exemple plutôt que par l’enseignement, et les mises en pratique par des hommes grossiers pour qui cette foi nouvelle ne fut peut-être qu’une occasion de secouer le joug rigide des anciens prêtres. Lorsqu’on lit avec attention Lucain, Tacite, César et Strabon, ne restons pas persuadé qu’avant la conquête et malgré l’occupation de certaines contrées, il n’y avait point de temples dans les Gaules non soumises ? Sans doute plusieurs divinités mythologiques étaient déjà connues sous les noms usités dans la Grèce et dans Rome ou sous des désignations celtiques ; mais c’était bien plutôt, il faut le reconnaître, l’application du rite a des druides à de nouvelles croyances qui cherchaient à s’introduire, qu’une religion régularisée et acceptée. Esus, le dieu suprême, qui d’abord n’avait jamais eu de simulacres ni d’autres noms, transformé en personnage divin, fut fait à la ressemblance humaine. Mars, Vulcain, Mercure et les autres immortels, vénérés comme attributs d’une même puissance, finirent par avoir des statues spéciales et par être l’objet de cultes différents.

Enfin l’idolâtrie et le polythéisme n’eurent plus de limites. Non-seulement l’adoration des mages devint vulgaire, mais on vit dans les derniers temps les bois, les lacs, les rochers et les fontaines recevoir les hommages des populations égarées. Sans parler du lac de Toulouse, désigné par Strabon, où les Tectosages jetaient avec profusion l’or et l’argent, nous citerons un lieu voisin de la Vellavie.

Au pied d’une montagne du Gévaudan, était un grand la consacré à la lune. Chaque année, les peuples des environs se rendaient à ce lac et y jetaient, les uns des habits d’homme, du lin, des draps, des toisons entières ; les autres, des fromages, de la cire, des pains et d’autres choses, chacun selon ses forces et ses facultés. On faisait conduire en ce lieu des charrettes chargées de provisions pour trois jours qu’on y passait tout entiers à faire bonne chère ; le quatrième jour, quand tout le monde était sur le point de s’en retourner, il ne manquait jamais de s’élever un furieux orage, mêlé de tonnerre et d’éclairs, à la lueur desquels il tombait tant d’eau et tant de pierres qu’on désespérait de la vie et de son retour.

 Ce lac, ne serait-il pas celui du Bouchet-St-Nicolas qui, en effet, se trouve sur les confins de la Vellavie et du Gévaudan ? Non-seulement sa situation topographique, mais la tradition, qui toujours à environné d’une mystérieuse terreur l’antique cratère, vient confirmer cette hypothèse. Voici la légende que se transmettent d’âge en âge les montagnards du pays ; en la reproduisant ici en regard de celle que rapporte l’illustre évêque, nous ne pouvons-nous empêcher de signaler la singulière analogie qui les rapproche et semble leur donner une origine commune.

La civilisation de l’empire changea tellement l’aspect du territoire et révolutionna avec une si grande promptitude les antiques coutumes gauloises, que les souvenirs antérieurs à la conquête étaient déjà perdus quand le catholicisme vint renverser l’œuvre romaine pour jeter à sa place la fondation d’une société nouvelle. On ignorait déjà et les druides et leurs doctrines. Le peuple s’arrêtait ébahi en face des vieux dolmens, attribuant aux puissances mystérieuses de l’air les travaux que son ignorance ne pouvait expliquer. Pour lui, la fée, cette création poétique, charmante de la rêveuse pensée du moyen-âge, expliquait toutes les merveilles, tous les problèmes du passé, il ne croyait plus aux déesses, et l’ange consolateur de la foi chrétienne, caché sous le voile de ses blanches ailes, essayait encore dans le ciel les doux préludes de sa harpe d’or.

Source de l’extrait :

HISTOIRE DU VELAY ANTIQUITÉS CELTIQUES ET GALL0-R0MAINES

PAR FRANCISQUE MANDET http://books.google.com

Gouvernement en Velay

Si l’ordre électif des prêtres constitua le gouvernement théocratique des Gaules, à son tour l’ordre héréditaire des nobles ou des chevaliers servit de base au gouvernement aristocratique. Le premier, nous l’avons dit, se recrutait indistinctement dans tous les rangs de la nation ; pour y pénétrer il suffisait de se livrer à de longues, à de patientes études, et de vivre d’après les règles austères du druidisme. Le second se composait des anciennes familles souveraines des tribus, et des notabilités récentes que les combats, d’éminentes fonctions judiciaires ou une grande fortune avaient classées définitivement au-dessus de la multitude.

La guerre avait été le berceau de la noblesse, elle resta son partage. La puissance des chevaliers se mesurait au nombre des clients attachés à leur personne. Quelques-uns en avaient plus de dix mille à leur suite ; aussi la réputation de ces chefs de soldure s’étendait-elle quelquefois si loin, que non-seulement des cités voisines mais même des nations étrangères leur envoyaient des députés et de riches présents, pour briguer leur alliance. On en vit dans les armées d’Annibal, de

Persée, d’Antiochus. Si l’on veut avoir, d’après Diodore, Pline et Varron, l’image d’un chef arverne, éduen ou biturige, au deuxième siècle avant notre ère, qu’on se représente un homme d’une haute stature, à l’air franc et martial, impatient de courir au combat, jaloux de rencontrer quelque grand péril sur sa route pour le surmonter avec audace en présence de ses soldats émerveillés. Il est coiffé d’un casque en métal que décorent des têtes d’animaux fantastiques, des cornes d’élan, de buffle ou de cerf, et sur lequel se balance un panache gigantesque. Cet homme, dont la poitrine est large et puissante, porte une lourde cuirasse à la manière grecque ou romaine, une cotte à mailles de fer d’invention gauloise, un vaste bouclier peint de couleurs éclatantes et, comme le casque, orné de têtes d’animaux féroces. Un sabre énorme pend sur sa cuisse droite à des chaînes ou à un baudrier cou vert d’or, d’argent et de corail. Son cou, ses bras et ses mains sont chargés de colliers, de bracelets, d’anneaux précieux ; en un mot, il a réservé pour le jour des batailles ses plus riches parures, et veut se montrer à l’ennemi dans toute sa force et sa beauté.

Le gais, le matras, la cateïe, la flèche, la fronde, le long sabre sans pointe à un seul tranchant, la pique, dont le fer, long de plus d’une coudée et large de deux palmes, se recourbait vers sa base en forme de croissant, telles étaient les armes à l’usage des Gaulois. Le dernier surtout était terrible, et les historiens assurent qu’elle hachait et lacérait si cruellement les chairs que son atteinte était mortelle.

On a trouvé dans le Velay une assez grande quantité d’armes gauloises, principalement des pointes ou lames de flèches, de haches et de couteaux. La plupart sont en pierres dures ; et quoiqu’il s’en rencontre quelques-unes en bronze, celles-ci paraissent beaucoup plus rares, probablement à cause de la valeur intrinsèque de la matière. Ces instruments sont aujourd’hui trop multipliés, et leur forme trop connue, pour qu’il soit important d’en donner une minutieuse analyse. Le plus vulgaire affecte la figure d’un coin terminé en pointe arrondie d’un côté, puis allant en s’aplatissant et en s’élargissant en éventail à l’autre bout. Ses dimensions varient suivant les usages auxquels il était destiné, usages qui, du reste, ne nous sont pas tous parfaitement révélés.

 Le musée du Puy possède, dans sa riche collection d’objets antiques, quelques types remarquables de ces armes primitives, assez semblables à celles des sauvages des îles de la mer du Sud. Le système électif servit de base au gouvernement démocratique. Ce fut d’abord, comme dans toutes les réactions, un grand mouvement au profit des idées régénératrices. L’élection remplaça le privilège de l’hérédité, des magistrats librement choisis furent mis à la place des chefs absolus qui dominaient les villes et les cités. Pour ne rechercher que ce qui se passa autour de nous, nous trouvons en Auvergne, 120 ans avant Jésus-Christ, une monarchie héréditaire organisée, et 60 ans plus tard, nous voyons le peuple condamnant au dernier supplice un noble qui avait tenté de rétablir la royauté. Le principe d’association prévalut bientôt ; il était difficile, en effet, que toutes les populations des Gaules vécussent indépendantes les unes des autres. Toutefois, ce principe ne put se conserver longtemps dans son libéralisme. Les faibles ont toujours besoin de secours, pour se garantir de l’oppression des forts ; et le protecteur trop puissant est bientôt entraîné vers la tyrannie : c’est ce qui arriva. Déjà, au temps de la conquête, le plèb n’avait guère que le rang d’esclave, ne faisait rien par lui-même et n’était admis à aucun conseil.

Il y avait cependant une importante distinction à faire entre les clientèles rurales et les clientèles urbaines. Les premières unissaient le client au chef de la tribu par un lien indissoluble. Le patron léguait avec son domaine les hommes qui en dépendaient, et cette dépendance était héréditaire. Le paysan naissait, vivait, mourait attaché à la glèbe, pour nous servir d’un mot employé à une autre époque. Les secondes, au contraire, étaient individuelles, n’engageaient aucunement le reste de la famille, ne se transmettaient point par voie d’hérédité. C’était un contrat de servitude volontaire entre un citoyen puissant et un homme pauvre ; contrat qui s’éteignait par la mort de l’une des parties, et était uniquement basé sur leur intérêt réciproque.

Pour se préserver des agressions du dehors, les Ruthènes, les Helviens, les Gabales et les Vélaunes s’étaient placés sous le protectorat des Arvernes et étaient devenus leurs clients. Ce fut incontestablement un patronage plus ou moins librement accepté auquel ils durent se soumettre ; mais en aliénant une partie de leur liberté, ils assurèrent ainsi, au moins momentanément, la conservation de l’autre. Il est facile de se faire une idée des engagements qui devaient unir ces quatre cités à la puissante Arvernie. D’un côté, un tribut en hommes et en argent, une obéissance aveugle, complète aux lois du protecteur ; de l’autre, en échange, l’appui d’un peuple fort et redouté. Telle est la base commune de tous les contrats de cette nature. Cependant, la manière dont ce contrat national était scellé ne nous a pas été transmise par les historiens.

Montfaucon pense avoir découvert la solution de ce problème historique, la voici : Il y a plusieurs siècles qu’on trouva un petit monument en bronze d’une admirable perfection, le même qui est aujourd’hui déposé dans la précieuse collection de la bibliothèque impériale à Paris. C’est une main droite ouverte, dont deux doigts, le médius et l’annulaire, manquent entièrement. Il est évident qu’elle ne provient pas d’une statue, puisqu’elle a été fondue d’un seul jet, et que non-seulement il n’y a point de cassure au poignet, mais qu’elle est hermétiquement fermée en cet endroit. D’ailleurs sa destination primitive est suffisamment indiquée par l’inscription grecque gravée dans la paume.



Montfaucon, dans son savant ouvrage sur les antiquités expliquées, parle de cette main symbolique et la considère comme un gage d’alliance envoyé par les peuples d’Auvergne à ceux du Velay. Le comte de Caylus, qui a eu ce bronze en sa possession et en a donné une gravure assez exacte, n’hésite pas non plus à regarder cette main comme un symbole d’amitié entre deux peuples. Son opinion est en cela conforme à celle de tous les antiquaires qui ont eu à se prononcer ; il varie seulement avec eux sur le seul point de savoir quels étaient ces Vélaunes dont il s’agit dans l’inscription. Ce nom appartient en effet à deux peuples différents. Les uns, fixés au pied des Alpes ; les autres, au pied des Cévennes. Velauni est le nom des premiers, Vellavi et Velauni indistinctement, celui des seconds ; cependant, ce n’est jamais que de ce dernier dont se servent César et Strabon, quand ils veulent désigner les clients des Arvernes. Voilà pourquoi Montfaucon, qui peut être même ne connaissait pas le petit peuple méridional que Caylus est allé découvrir dans les anciennes cartes des Gaules, n’hésite pas à attribuer aux habitants du Velay un monument qu’il considère comme un des plus importants de leur histoire. D’après lui, ce serait là le sceau du contrat national passé volontairement entre les cités de premier ordre et celles qui se constituaient leurs clientes, entre les peuples d’Auvergne et ceux de nos montagnes.

Quelle que soit la valeur de cette explication, elle n’est pas tellement absolue que nous ne puissions demander si c’était seulement dans cette occurrence que les cités de la Gaule eussent à s’adresser un pareil gage d’union ; si les Vélaunes, quoique clients des Arvernes, ne pouvaient, ne devaient pas établir en même temps d’utiles relations commerciales avec d’autres nations plus ou moins éloignées et, à cette occasion, échanger avec elles ces mains d’alliance symbolique ?

C’est ce que nous allons avoir à examiner.

Si nous ouvrons la carte des Gaules avant l’établissement de la province romaine, nous voyons ce vaste pays partagé en trois grandes familles : au midi, la famille ibérienne et la famille grecque d’Ionie ; sur le reste du territoire, la famille gauloise proprement dite. Les Aquitains et les Ligures composaient la première ; les Massaliotes et leurs colonies vinrent faire la seconde ; les races galliques et kimriques constituaient la troisième.

Les Aquitains habitaient la portion de terre limitée par la Garonne, les Pyrénées et l’Océan. Les Ligures s’étendaient de l’autre côté de la Garonne, depuis l’Isère jusqu’aux Alpes et à la Méditerranée (seulement une partie de leur rivage avait été envahie par les émigrations grecques qui s’étaient successivement fixées depuis le pied des Alpes maritimes jusqu’au grand promontoire aujourd’hui nommé cap Saint-Martin). Les possessions de la race gallique étaient circonscrites par le cours du Tarn, le Rhône, l’Isère, les Alpes, le Rhin, les Vosges, les monts Eduens, la Loire, la Vienne et une ligne qui de là venait rejoindre la Garonne, en tournant le plateau de l’Arvernie. Les races kimriques occupaient, en s’avançant dans le nord, tout le reste des Gaules.

Les Arvernes, les Séquanes et les Edues étaient, dans le pays gallique, les trois peuples qui se disputaient la suprématie. Les autres peuplades, ainsi que le fait observer très-judicieusement M. Thierry, groupées autour d’eux pour la plupart, soit par la conquête, soit par les liens de la clientèle fédérative, formaient sous leur patronage trois puissantes ligues rivales, presque constamment armées les unes contre les autres. Quoi qu’il en soit, et sans même nommer ici les populations dont César résume et termine l’histoire, nous rappellerons sommairement la situation topographique des régions ou tribus clientes de l’Arvernie. Si nous voulons, en effet, rechercher plus tard l’origine d’un monument d’inspiration grecque ou romaine et dont quelques vestiges restent encore ; s’il nous paraît utile, pour l’intelligence de l’histoire, pour l’appréciation d’une œuvre d’art, de remonter à la pensée originelle, il faudra bien préalablement connaître quels souffles bienfaisants ou fatals ont passé sur les mœurs, sur les croyances, sur les travaux de nos pères. Deux questions seraient donc, sinon à résoudre, du moins à indiquer. La première, relative à l’influence des Grecs depuis leur arrivée sur les rivages de la Gaule méridionale, six cents ans avant notre ère ; la seconde, ayant seulement pour point de départ l’époque de l’établissement de la province romaine, cent ans avant la conquête, relative aux modifications que cette nouvelle famille dut exercer sur la civilisation de nos pays.

Nous l’avons dit, les Ruthènes, les Helviens, les Gabales et les Vélaunes étaient clients des Arvernes. Ces deux derniers peuples surtout, établis sur le versant septentrional des Cévennes, par conséquent protégés contre les Allobroges et les Volces par cette immense barrière, ne pouvaient s’abriter sous un meilleur patronage. Néanmoins cette alliance, que les dispositions topographiques rendaient indispensable dans les luttes intestines, et qui avait principalement pour but la défense du territoire, n’empêchait pas pendant la paix le commerce avec les autres peuples. On conçoit que les Gabales et les Vélaunes, placés sur la frontière du pays des Ligures, devaient, par leur position même, chercher à entretenir d’utiles relations avec les contrées trans-cévéniques.

 Plus nous remonterons aux époques les moins civilisées, plus les moyens de communication seront rares et difficiles à travers les Gaules ; plus les habitants de nos montagnes devront servir d’intermédiaires obligés pour tous les échanges industriels entre les populations de l’Arvernie et les comptoirs grecs fondés dans les provinces liguriennes. Cela semble au moins d’autant plus probable que nous verrons, durant tout le moyen-âge, les foires et les marchés de la cité d’Anis fréquentés par les Dauphinois, les Provençaux, les Languedociens, les Espagnols, d’une part ; de l’autre, par les marchands du Limousin, du Poitou, du Bourbonnais, de l’Auvergne et du Forez. On eût dit que les murs vénérés de la miraculeuse basilique de Notre-Dame étaient la limite sacrée au pied de laquelle venaient se joindre sans pouvoir la dépasser, les méridionaux et les populations de la Gaule centrale. Cette coutume, transmise de génération en génération sous la sauve garde de l’intérêt local et de la piété des fidèles, était si invétérée qu’elle persista jusqu’à la fin du dix-huitième siècle, et qu’à une époque même plus récente, les principales maisons de commerce du Puy, en rapport avec Aix et Marseille, faisaient la commission des produits méridionaux, non-seulement pour le Velay, mais pour une partie considérable des provinces voisines. Cependant les choses ont dû changer, depuis que les transports s’effectuent au moyen de grandes et fortes voitures au lieu de se continuer sur le dos des mulets, depuis que les communications montagneuses, quoique directes, ont été délaissées pour les routes qui traversent les pays plats et d’un facile parcours.

Les Massaliotes, qui, dans les premiers temps, n’avaient osé s’aventurer qu’aux alentours de leurs colonies, finirent peu à peu par se répandre dans tout le territoire des Ligures. Ils étaient humbles, timides, savaient habilement flatter ceux auxquels ils voulaient plaire et ne s’avançaient dans une contrée qu’après s’être bien persuadés des intentions bienveillantes des habitants à leur égard. Du reste, s’il y avait pour les Grecs un immense intérêt à créer, pour ainsi dire, un monopole commercial dans ces riches domaines avec des peuples si simples, si nouveaux à l’industrie, c’était aussi un inappréciable avantage pour les Gaulois de donner l’hospitalité à des gens qui leur apportaient jusque sous leur toit ces magnifiques étoffes, ces parures précieuses, ces armes éclatantes et commodes qu’ils ignoraient, et dont leur vanité, déjà proverbiale, trouvait tant de bonheur à se parer.

Au fur et à mesure que le crédit des Massaliotes prenait une plus grande consistance, ils créaient des comptoirs dans l’intérieur et se mêlaient plus familièrement avec les indigènes. Les Ligures, puis successivement les autres peuples de la Gaule, subirent presque à leur insu cette influence douce, irrésistible, qu’exerce toujours un peuple intelligent, habile, éclairé, sur une nation barbare. Ce n’était pas uniquement, on le comprend, des marchandises qui s’échangeaient dans ces rapports intimes, c’était encore des mœurs, des habitudes, des connaissances différentes.

Quand nous disions que les Vélaunes étaient topographiquement placés de façon à servir d’intermédiaires aux Grecs établis de l’autre côté des Cévennes et aux peuples du centre des Gaules, nous avions mieux que des conjectures pour le justifier. En effet : Strabon, parlant des modes de transport usités par les Massaliotes, cite au premier rang la route directe, joignant la côte de la Méditerranée aux sources de la Loire, à travers les Cévennes. Donc, si la principale voie de terre, préférée aux embarcations sur le Rhône que les bateaux grecs et gaulois ne remontaient qu’avec beaucoup de temps et de danger, passait par la Vellavie pour desservir une portion considérable de la Celtique, évidemment nos assertions étaient fondées. D’ailleurs, tout ce qui dans un pays témoigne d’une influence étrangère se retrouve dans l’antique Velay, à propos des Grecs. N’eussions-nous pas le document géographique de Strabon, il suffirait de consulter les vieux vocabulaires de nos idiomes montagnards, surtout les anciens tableaux de statistique locale, pour les trouver tous remplis de locutions helléniques. La main en bronze, cette œuvre grecque, adressée avec une inscription grecque aux Vélaunes, ne serait-elle pas encore une preuve des rapports spéciaux qui unissaient cette contrée aux colonies massaliotes ?

M. le vicomte de Becdelièvre, qu’inspira toujours le sentiment artistique dans ses recherches sur nos antiquités, ne partage pas l’opinion émise par Montfaucon. Suivant lui, ce n’est point de l’Auvergne, c’est plutôt d’une colonie phocéenne que fut envoyé l’antique symbole. Marseille dut chercher à établir des relations de commerce avec les provinces de l’intérieur. Or, le monument certifie que sinon cette ville, du moins quelqu’une du littoral contracta une alliance avec les populations de nos montagnes ; partant, l’antiquaire se croit fondé à dire que le style grec, la belle exécution de cette main, prouvent qu’elle venait de l’une de ces colonies-mères d’où les arts s’étaient propagés chez les Volces.

Cette opinion est au moins fort ingénieuse, car il est évident qu’en Auvergne on n’aurait pu, à cette époque, réaliser un objet d’art aussi parfait. C’était seulement chez des artistes grecs que devaient se rencontrer le savoir et les traditions de la belle sculpture attique. Cependant, pour concilier cette interprétation avec les paroles si positives de César et de Tacite, qui ne limitent pas aux colonies phocéennes de semblables envois, peut-être serait-il plus exact d’admettre que l’ancien usage, ve’ere instituto, de s’adresser des mains symboliques était général dans les Gaules ; mais que les Celtes, étant par eux-mêmes dans l’impossibilité de produire des œuvres semblables, les faisaient fabriquer dans les colonies d’où ils les tiraient. Cette interprétation semblerait, pour le cas particulier que nous examinons, d’autant plus acceptable, qu’il paraît hors de doute que la main et l’inscription ne furent pas exécutées par la même personne. L’une, infiniment correcte et pure, dénote une science anatomique unie à un goût parfait, tandis que les caractères de l’autre sont irréguliers, grossièrement tracés, comme les formerait un ouvrier des plus ignorants ; ce qui porte à conclure qu’une certaine quantité de ces mains de bronze était expédiée des rives liguriennes aux chefs gaulois, et que ceux-ci faisaient graver au fur et à mesure le nom du peuple auquel ils s’unissaient.

 Il est bien vrai que les Gaulois apprirent des Phéniciens les sciences industrielles et qu’ils devinrent bientôt aussi habiles dans l’exploitation des mines que dans l’art d’employer les métaux. Les armes qu’ils fabriquaient étaient excellentes ; Pline assure même qu’ils travaillaient avec une supériorité remarquable le cuivre et le bronze ; mais cette éducation ne fut pas l’œuvre d’un jour. Ils s’inquiétaient peu de demander à leurs maîtres des enseignements sur les arts ; d’ailleurs, les Gallo-Grecs, avec qui ils se trouvaient le plus ordinairement en contact, étaient plus marchands qu’artistes. Leurs médailles étaient presque informes ; les bagues, les bracelets, les vases, les figures qu’ils faisaient eux-mêmes témoignaient davantage encore de leur complète ignorance des chefs-d’œuvre de la Grèce et de Rome.

Ils avaient besoin, avant de se préoccuper du perfectionnement de la forme, de rechercher les choses au fond, et ils le firent avec ardeur. Les Bituriges inventèrent les procédés de l’étamage, les Eduens ceux du placage. Les uns s’appliquèrent à carder, à filer de belles laines, d’autres à les teindre, d’autres à les tisser. Ici on imagina la charrue à roues ; là, le crible à crin ; avant qu’on le sût ailleurs, on employait dans les Gaules la marne comme engrais et l’orge fermentée comme boisson.

Source de l’extrait :

HISTOIRE DU VELAY ANTIQUITÉS CELTIQUES ET GALL0-R0MAINES

PAR FRANCISQUE MANDET

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Religion en Velay

Les historiens des Gaules et leurs commentateurs déterminent dans l’ère celtique trois époques pendant lesquelles les formes du gouvernement sont entièrement différentes. C’est d’abord une théocratie redoutable qui tient asservies sous le joug sacerdotal toutes les facultés de l’homme. La nation, jeune encore, tremble sous la tutelle de ses mystérieux druides et marche où la conduit leur voix impérieuse.

C’est ensuite une altière aristocratie qui s’empare de la puissance. Les hommes énergiques, ceux qui, par leur force, par leur courage, par les services rendus, croient mériter mieux que ce qu’on leur accorde, ne tardent pas à lever l’étendard de la révolte. Le glaive du commandement militaire devient un sceptre entre les mains robustes de ces hardis parvenus. Cependant une large et belle part reste aux anciens chefs ; on n’a pu arracher de leur front la plus durable des deux couronnes : ils demeurent les ministres suprêmes de la divinité. L’irrésistible ascendant de leurs doctrines religieuses, les ressources de leur savoir imposent à la nation, et pour longtemps savent leur maintenir une influence presque souveraine. À son tour, la démocratie l’emporte. Ce que quelques-uns avaient pu seuls comprendre, seuls exécuter, finit par frapper l’intelligence de tous. Les luttes des deux pouvoirs, leurs excès, font promptement l’éducation des classes inférieures. L’œuvre d’affranchissement que nous verrons se reproduire contre les seigneurs féodaux du moyen-âge est tentée, et même, dans un grand nombre de tribus celtiques, victorieusement accomplie contre les chefs militaires, oppresseurs des provinces. Cette forme de gouvernement plus ou moins démocratisé fut celle que trouva César, et sous l’inspiration de laquelle il écrivit ses Commentaires. Voilà pourquoi il ne faudrait pas prendre cet écrivain exclusivement pour guide dans les recherches historiques que l’on voudrait faire remonter à des temps trop antérieurs à la conquête.

Sous le gouvernement théocratique toutes les doctrines se confondent dans l’unité. C’est un seul dieu, maître du ciel et de la terre, qui punit et qui récompense dans un autre monde ; c’est une classe privilégiée qui lui sert d’interprète ici-bas, à laquelle chacun doit obéissance, parce qu’elle seule a la double clef de la vie présente et de la vie future.

Sous le gouvernement aristocratique le principe unitaire est scindé. Le corps social, d’abord organisé à l’exemple du corps humain, ne conserve plus cette harmonie générale ; le bras veut se mouvoir sans attendre les conseils de la pensée, comme si l’un n’avait pas été fait pour subir l’influence de l’autre. Dès lors, le dogme rigoureux de la foi primitive n’est plus accepté par les hommes disposés à la tyrannie, que modifié en proportion de leurs intérêts. Le pouvoir nouveau, ne trouvant plus dans les anciennes lois druidiques la sanction de ses actes, dut favoriser de tous ses efforts les tendances religieuses les plus hostiles aux idées qu’il voulait combattre. – Enfin, sous le gouvernement démocratique, les membres se séparent et veulent vivre d’une existence indépendante ; chacun se fait, suivant sa force et ses besoins, des lois et des croyances. C’est l’époque des invasions, aussi bien sur le territoire que dans les esprits. Les druides et les grands chefs perdent leur empire, tous les dieux ont des autels, parce que toutes les passions, tous les intérêts sont devenus les seuls maîtres souverains des hommes.

Au temps où le gouvernement théocratique était dans toute sa puissance, les druides  étaient à la fois juges, rémunérateurs et vengeurs des actions humaines. Non-seulement ils commandaient en ce monde, mais ils étendaient leur empire par-delà le seuil de la vie. Ces prêtres austères, disent nos historiens, vivaient dans une retraite profonde. Seuls ils se livraient aux études de théologie, de morale et de législation. Ils cultivaient les sciences abstraites, faisaient de sérieuses recherches sur la médecine, la physique, l’astronomie, et proclamaient dans leurs enseignements la grandeur infinie de Dieu, l’immortalité de l’âme, la vie future.

Aristote avait écrit qu’ils apprenaient aux peuples, d’une manière mystérieuse, à ne point faire de mal et à déployer un grand courage ; Pline les appela les mages des Gaulois ; « mages, dit-il, qui pouvaient bien « passer pour les maîtres de ceux de l’Orient. » Les eubages, interprètes des druides auprès du peuple, étaient chargés de la partie extérieure et matérielle du culte, ainsi que de la célébration des sacrifices. Ils étudiaient particulièrement ce qui, dans les sciences naturelles, médicales et astronomiques, était utile à leurs fonctions. Ils devaient savoir immoler une victime avec habileté, lire, dans ses convulsions, dans ses entrailles palpitantes, dans son sang répandu, les bons ou sinistres présages. Ils interrogeaient aussi le vol, le chant des oiseaux, et, sous les inspirations de leurs chefs, pratiquaient l’art de la divination. – Dépositaires des vieilles chroniques de la Gaule, les bardes apprenaient par cœur et récitaient ensuite à la foule, sous forme de poèmes, ce qu’il fallait qu’elle sût de son histoire. Comme les lois druidiques proscrivaient de la façon la plus rigoureuse les moindres documents écrits, tout devait se transmettre par la mémoire. Dans cette faculté, pourtant si trompeuse, si fragile, étaient les uniques archives de la patrie. Quelques historiens n’ont vu dans cette législation qu’une œuvre du caprice et de l’ignorance ; pour nous, au contraire, elle nous semble bien plutôt un puissant moyen de direction suprême. Les prêtres, qui voulaient garder toutes les clefs entre leurs mains, avaient trop le pouvoir de l’écriture, pour donner à la pensée éternellement jalouse de son indépendance un si périlleux auxiliaire ; aussi les bardes avaient ils seuls le pouvoir de recueillir et de répandre les traditions nationales. Ils suivaient le guerrier sur le champ de bataille, venaient s’asseoir au foyer domestique, dans les assemblées populaires, et chantaient, en s’accompagnant de la rotte, les actions glorieuses dont ils avaient été témoins et qu’ils proposaient à l’admiration du monde entier.

 L’effet de leurs vers était si puissant, disent Diodore et Strabon, qu’on les vit plus d’une fois, dans les guerres intestines, désarmer les combattants furieux par la magie de leur parole et par la douce harmonie de leur voix.

Le chef des druides exerçait durant sa vie entière une autorité sans limite. À sa mort l’élection pour voyait à son remplacement. Quoique le choix ne pût être fait que dans l’ordre sacerdotal, il était néanmoins disputé avec une telle fureur que le bandeau suprême, trempé dans le sang des guerres civiles, ceignait presque toujours le front du plus audacieux. À certaines époques de l’année, un collège général se formait en cour de justice et en assemblée politique, afin de décider des grands intérêts nationaux. Les convocations, qui d’ordinaire avaient lieu dans le pays des Carnutes, se poursuivirent presque jusqu’à la conquête, bien que la puissance druidique fût très-amoindrie.

Les druidesses exerçaient aussi une influence religieuse sur tout ce qui les environnait, non par un pouvoir légalement admis, mais par l’irrésistible ascendant du don prophétique qu’on leur reconnaissait et qui les rendait au loin célèbres. Témoin l’hôtesse de Dioclétien qui lui prédit, alors qu’il n’était rien encore, qu’un jour il deviendrait empereur.

Ces sacrificateurs, ces poètes, que Possidonius, Césaret Strabon trouvèrent dans les Gaules, n’étaient pas cependant les fidèles et austères disciples des anciens druides ; il ne fallait plus les aller chercher dans de sombres forêts de chêne, au pied des dolmen Sacrés. Les eubages traînaient la hache des sacrifices à la suite des armées et, dociles aux volontés du chef, ne lisaient dans les entrailles des victimes que de mensongers présages. Les bardes, ces vieux chantres de la gloire et de la religion, avaient fait de leur lyre un instrument de honteux servage. Pour quelques nobles intelligences, encore inspirées par l’amour du pays et par le respect des choses saintes, partout on voyait de méchants poètes attachés à la domesticité des princes et chargés du soin de dis traire leurs ennuis. Le roi Luernius, jetant de l’or, comme une aumône, au barde couvert de sueur et de poussière qui chante ses grossières louanges en courant après son char, n’est-il pas le témoin de la décadence, l’image de la dégradation ? Les druides eux-mêmes, surtout ceux du midi des Gaules, ne sont plus ces pontifes graves et savants ces pères de la patrie dont le nom seul avait été jadis la bannière des combats et le gage des plus pacifiques alliances ; ce sont de simples prêtres oubliant tous les jours les traditions et les doctrines, cherchant à ressaisir par l’intrigue l’influence qu’il avait fallu plusieurs siècles pour conquérir, et délaissant dans la solitude les dolmens du dieu de leurs ancêtres, pour courir aux mystérieuses initiations de Taran, de Bélen et de Mercure. On ne trouve aujourd’hui aucun vestige de cromlech dans le Velay ; car il ne faut pas confondre quelques pierres plantées, quelques prismes basaltiques dont le pays abonde, avec les enceintes gauloises qui servaient de sanctuaires aux premiers prêtres. Toutefois, si nous devons en croire les solutions étymologiques de M. l’abbé Sauzet, cette petite province fut jadis un centre druidique important. Voici de quelle manière cet ingénieux écrivain prétend le démontrer :  Nous citerons textuellement, comme nous le ferons toujours en pareille matière, afin qu’on puisse prendre une idée plus exacte de la nature des documents qui servent de base à l’histoire des antiquités locales.

Source de l’extrait :

HISTOIRE DU VELAY ANTIQUITÉS CELTIQUES ET GALL0-R0MAINES

PAR FRANCISQUE MANDET

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Mœurs et caractère

Possidonius, César, Strabon, Diodore sont les écrivains auxquels il faut toujours recourir quand on veut avoir une idée plus ou moins exacte des mœurs, des habitudes, du langage et du gouvernement des Celtes. Sans doute ils ne nous initieront point aux institutions primitives, puisqu’eux-mêmes ne se sont préoccupés que de ce qu’ils ont vu, mais du moins leurs récits seront un point de départ facile à constater pour tous. Au-delà des témoignages écrits, la confusion commence. Cependant, de quelque source que descende une assertion, il est sage, avant de l’accepter comme certaine, de l’examiner avec scrupule. Beaucoup peuvent sembler vraies d’un point de vue général et être erronées alors qu’on voudrait en faire l’application à un pays déterminé. Ceci a lieu principalement pour le Velay, dont aucun de nos anciens auteurs n’a parlé, et dont on ne peut par conséquent rétablir les origines qu’à l’aide de rapprochements souvent téméraires. Aussi dirons-nous que l’ère celtique doit figurer en cette histoire comme apparaissent, dans un nébuleux horizon, ces formes vagues, fugitives, que de brumeuses vapeurs voilent mystérieusement et rendent insaisissables au moment où on croit les entrevoir.

Faut-il répéter, comme tant d’historiographes se sont empressés de le faire, que les Gaulois avaient les yeux bleus, la peau très-blanche, les cheveux blonds ou roux, et une stature gigantesque ? Généraliser ainsi, c’est ne rien apprendre. Les Galls, les Belges, les Kimris, devaient peux ressembler aux populations méridionales, et Diodore affirme que les Ligures étaient de petite taille. Il est bien plus rationnel de penser qu’il s’était rencontré chez certaines peuplades du nord de la Gaule un type parti- culier et vraiment remarquable, dont la tradition a voulu perpétuer exclusivement le souvenir. Autrement, à voir nos montagnards du Velay, ne les croirait-on pas enfants d’une race abâtardie ? Cependant, si quelque part une famille se conserva semblable à elle-même, ce dut être dans ces contrées où, depuis des siècles, ne s’est jamais arrêté l’étranger. Ceux qui les habitent s’y reproduisent sans contracter d’alliances à l’extérieur, et gardent ainsi dans le langage, dans les habitudes et les formes du corps, un caractère, pour ainsi dire, primitif. Or, rien ne ressemble moins au portrait historique des Gaulois que celui des habitants de nos montagnes. –

Les Vellaviens sont, en général, d’une taille peu élevée, ils ont les cheveux noirs ou châtains, les yeux de couleur foncée, les épaules et la poitrine larges, presque toujours la peau brunie par l’air vif et par le soleil ardent du pays. Sans avoir l’apparence de gens extrêmement robustes, ils ne sont pas moins infatigables à la marche et aux rudes labeurs. En aucun endroit peut-être on ne rencontre plus de boiteux. Le nombre en est si considérable au Puy et dans ses alentours, que les voyageurs ne peuvent s’empêcher d’en témoigner une grande surprise. Les médecins et ceux qui ont attentivement étudié l’histoire physiologique de la population paraissent d’accord pour désigner, comme une des causes premières de cette infirmité, la misère, la négligence, la malpropreté. C’est à cette occasion que l’on peut se convaincre de la funeste ténacité des vieux usages. De temps immémorial, les habitants de la ville, même les plus riches, ont la fatale habitude de porter leurs enfants en nourrice chez les villageoises des environs. Le plus souvent ces femmes sont pauvres, mal nourries, sans aucun soin de leur personne, constamment détournées par leurs affaires domestiques des devoirs si nombreux, si pressants de la maternité ; et il résulte de cet état d’indigence et d’incurie, surtout chez les gens qui vivent au fond d’étroites vallées, dans des habitations humides, sombres, mal aérées, de scrofuleuses humeurs transmises ensuite de génération en génération.  Dans sa Statistique de la Haute-Loire, p. 154, M. Desribiers fait, à ce sujet, quelques observations que nous croyons devoir joindre à celles que nous venons de présenter.

Plusieurs causes, dit-il, me paraissent faire naître ou compliquer les maladies dans ces montagnes. La première est la vivacité du climat, jointe à l’inconstance de la température. L’abaissement brusque du thermomètre, vers la fin du printemps, après quelques jours de chaleur, et souvent même au cœur de l’été, après un orage, surprend le cultivateur en habit léger, et quelquefois à demi-nu et couvert de sueur ; la transpiration s’arrête subitement, et les fluxions de poitrine se déclarent, les rhumatismes prennent naissance. Les eaux vives bues sans précaution comme sans mesure, lors des travaux de la moisson, occasionnent le même effet. Des constructions basses et humides, mal éclairées, peu ou points aérés ; l’habitation constante au rez-de-chaussée et de plain-pied avec la partie qui sert au logement des bestiaux ; le dégagement des gaz délétères produits par la fermentation des matières animales ou végétales entassées dans les cours des maisons de ferme pour former des engrais ; la malpropreté ; le peu de linge dont l’habitant des montagnes est pourvu, telles sont encore les sources de beaucoup de maladies aiguës ou chroniques qui affligent plus particulièrement le paysan de ces contrées. Il a, pour les visites des médecins, beaucoup de répugnance ; il ne les appelle guère qu’après le ministre de la religion, et lorsqu’il ne reste à peu près aucune ressource, etc., etc. Pour apprécier le bien-être de certaines localités du Velay, il ne faut pas les aller visiter le dimanche et les jours de fête. Le bruit, le mouvement, les dépenses qui se font dans les cabarets, seraient de mensongers indices. Presque toujours ce sont les plus pauvres qui s’abandonnent aux plus grands excès, et bien des familles attendent, pour subsister une semaine, l’argent qui se consomme en quelques instants. – Au sortir de la grand’messe, les villageois entrent en foule dans les auberges, prennent possession des tables comme d’une propriété qu’ils gardent huit et quelquefois dix heures sans désemparer. Ils mangent très-lentement, car pour eux le repas n’est qu’une occasion de passer la journée, surtout d’accomplir de copieuses libations. Les châteaux en Espagne alors ne leur coûtent guère, et c’est en achevant leur dernier écu, qu’ils se croient le plus rapprochés des richesses. En général, ils racontent plus qu’ils ne discutent, ce qui n’empêche pas leurs récits d’être d’une fastidieuse prolixité. Ils disent les choses les plus simples avec des éclats de voix, des gestes, des jurements énergiques, et répètent à satiété, dans les mêmes termes, le fait qui les préoccupe. Quand ils parlent de leur bétail, on croirait qu’il s’agit d’une grave affaire ; il est vrai que les douleurs d’une femme à son lit de mort les inquiètent moins que les insomnies d’une vache sur la litière. Si la conversation est par hasard suspendue, ils continuent à boire, nonchalamment appuyés sur leurs coudes, et chantent de toute la vigueur de leurs robustes poumons.

Ils aiment beaucoup la danse, quoiqu’ils dansent fort mal, aussi les voit-on bientôt après le repas se ranger sur deux lignes, face à face, le chapeau sur la tête. L’un d’eux, monté sur un banc, se met à jouer du fifre, le seul instrument qu’ils connaissent, ou entonne l’air d’une bourrée auquel il mêle par intervalle quelques paroles en manière de joyeuseté, et tous partent à la fois. C’est un mouvement, c’est un tumulte dont on n’a pas d’idée, non que la joie se trahisse extérieurement par de fous rires ; rien n’est, au contraire, plus sérieusement exécuté. Mais comment douter du plaisir de ces paysans, sautant plusieurs heures de suite, faisant claquer leurs doigts, poussant des cris aigus, frappant des pieds de façon à effondrer les planchers de l’auberge.

Comme les montagnards sont très-fanfarons, ils se plaisent à vanter leur force, leur adresse, semblent défier les plus hardis et ne citent ceux qui passent pour avoir quelque mérite en ce genre qu’en établissant un parallèle toujours à leur propre avantage. Souvent il arrive que des individus, qui ne se connaissent pas, se provoquent d’un bout à l’autre d’une salle où ils sont attablés. C’est surtout dans les Rebinages, fêtes patronales des campagnes, lorsque des compagnies de jeunes gens appartenant à différentes paroisses se trouvent réunies dans le même cabaret, que ces rixes paraissent immanquables. Le vin, dont les hommes sont habituellement privés, les anime ces jours-là si violemment, que la moindre atteinte à leur excessif amour-propre est promptement suivie d’une provocation, d’une lutte. Les couteaux s’ouvrent, les bâtons ferrés et noueux se lèvent, des deux côtés on prend parti ; et la battoste, pour employer le mot local, s’achève par une catastrophe sanglante. Ces querelles, que la vanité seule fait naître, étaient, s’il faut en croire les anciens auteurs, dans les mœurs primitives de la nation.

Nos montagnards sont, en effet, susceptibles et vindicatifs. C’est seulement depuis très-peu d’années que les rudes aspérités de ces caractères sauvages se sont adoucies. Encore, en 1789, de Tence à Pradelles, du Monastier à Saint-Cyrgues, les hommes marchaient constamment armés d’un fusil, et portaient dans la poche droite de leur culotte ce qu’ils appelaient la coutelière, coutelas à lame aiguë, recourbée, longue et tranchante, se repliant comme celle d’un couteau ou s’enfermant dans une gaine en bois. Il est probable que c’est à partir du seizième siècle, depuis les guerres dont les montagnes du Velay et du Haut-Vivarais eurent si cruellement à souffrir, que ces sinistres précautions étaient prises. Les catholiques et les protestants, armés les uns contre les autres pendant tant d’années, s’étaient habitués au ressentiment, et leur cœur, troublé par de douloureux souvenirs, cédait facilement aux promptes émotions de la haine et de la vengeance.

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HISTOIRE DU VELAY ANTIQUITÉS CELTIQUES ET GALL0-R0MAINES

PAR FRANCISQUE MANDET

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Habitation Gauloises

Galli distributiin civitates. Telle est l’expression employée par César, et dont le sens se trouve clairement précisé par la manière dont cette expression est presque toujours reproduite dans le récit des guerres.  Les cités gauloises étaient donc des parties de territoire plus ou moins étendues, formant comme autant de provinces particulières, indépendantes, alliées, clientes ou sujettes, selon l’occurrence. Il n’y aurait pourtant rien qui dût étonner ni qui impliquât contradiction, lors même que l’illustre écrivain se serait servi en plusieurs occasions du mot civitas pour désigner une ville celtique. On peut très-facilement admettre que, dans la rédaction des mémoires, certain nom de tribu ait été remplacé par celui de son chef-lieu, surtout au moment où la population tout entière semblait réunie sur ce point. Lorsque, dans le VIIe livre des Commentaires, César raconte comment Vercingétorix entra dans Gergovia à la tête d’une foule armée, et de quelle manière il chassa de cette place ceux qui d’abord l’avaient forcé d’en sortir, il dit en effet : Magnisque coactis copiis (Vercingétorix) adversarios à quibus paulô antè erat ejectus, expellit Ex CiviTATE. Du reste, on conçoit que le mot civitas vienne très naturellement sous la plume du général romain, puisque lui-même qualifie de cité toutes les villes capitales de la province déjà conquise : Tolosa, Carcassonne et Narbonne, quæ sunt CIvITATEs Galliæ provinciæ. Cependant, malgré quelques exceptions peu nombreuses et très-explicables, il nous paraît conforme aux vrais principes historiques de cette époque de définir la cité : une tribu chez les Gaulois encore indépendants, et une ville capitale chez les peuples soumis aux Romains. César, parlant des revers essuyés à Vellonodunum (Château-Landon), à Noviodunum (Neuvy-sur-Baranjou), à Genabum (Orléans), nous transmet l’énergique résolution de Vercingétorix d’incendier les résidences et les bourgs, et ajoute : Procumbunt omnibus Gallis ad pedes Bituriges, ne pulcherrimam propètotius Galliæ uRBEM, quæ et præsidio et ornamento sit CIvITATI, suis manibus succendere cogerentur.

Au nord de la cité Vellavienne, à peu près sur l’emplacement qu’occupe aujourd’hui Saint-Paulien, était Ruessio ou Revessio, dont les étymologistes font dériver le nom de la racine celtique reuv, reuvon, froid, gelé. Astruc donne cette définition dans ses mémoires sur l’histoire naturelle du Languedoc ; l’abbé Sauzet l’accepte et traduit Revessio par Reu-Essio, ville froide. Sans doute, une pareille origine aussi faiblement établie n’a rien de très authentique, mais n’est pas invraisemblable, sur tout pour ceux qui savent quelle est la température moyenne de cette contrée dans laquelle la vigne ne mûrit jamais. Nous voyons d’ailleurs cette ville bien connue sous Auguste ; or, si elle était de fondation gallo-romaine, on n’y trouverait pas en si grande quantité des débris de monuments remontant aux premières années de la conquête ; car il est à supposer qu’on n’élevait d’édifice d’une certaine grandeur que dans les centres déjà considérables. Il est présumable, en effet, que le premier soin du vainqueur dut être non de bâtir des villes, mais d’envoyer des colonies dans celles déjà construites. C’est par l’itinéraire de Théodose, que nous connaissons Icidmago, Condate, Aquis segete ; la première, située à quatorze milles de Ruessio ; la deuxième à douze milles ; la troisième, sur les limites du pays des Ségusiens, dans le territoire actuel de Saint-Didier-la-Séauve. Il se rait certainement bien difficile, pour ne pas dire impossible, de fixer l’époque à laquelle il faut faire remonter l’origine de ces trois villes. Peut-être même les deux dernières appartiennent-elles seulement à l’ère gallo-romaine. – L’Icid-Mago des anciens est évidemment de date très-reculée. Les racines celtiques qui forment son nom paraissent convenablement choisies et sont, à défaut de preuves meilleures, un témoignage de haute antiquité. Dans l’idiome national primitif, K’ssen signifie bœuf, et Magus, ville au milieu d’une plaine ; d’où naturellement on conclut que c’était là un point central sur lequel se faisait le commerce des bœufs, hypothèse d’autant plus admissible qu’aujourd’hui cette désignation serait encore sans contredit la meilleure de toutes. Cependant, ce ne sont point-là des éléments historiques satisfaisants et tels qu’en exige une œuvre qu’on voudrait rendre profitable. Nous manquons, il faut en convenir, de ces matériaux solides sur lesquels on aime à asseoir un édifice. Pour un mot de César, de Strabon, pour une indication de Peutinger ou de Ptolémée, les conjectures ont besoin de nous venir en aide. L’insuffisance de documents écrits s’oppose donc à ce que nous déterminions avec certitude les endroits de la Vellavie occupés par des villes, surtout si nous devons réserver exclusivement ce nom à des agglomérations plus ou moins considérables de demeures construites de la manière dont parlent les géographes et les historiens. Mais si nous avons à rechercher dans le pays, et d’après les débris qui s’y rencontrent à chaque pas, où et comment se logeaient nos peuplades aborigènes, nous pourrons espérer plus de succès de nos investigations archéologiques.

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PAR FRANCISQUE MANDET

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L’ancien Velay

Entre les plaines fertiles de la Basse-Arvernie et les chaudes provinces des Helviens et des Volces, sous un ciel dont on vante la beauté, s’élève brusquement un groupe considérable de froides et rudes montagnes. – C’est là qu’était la Vellavie. Hormis quelques langues de terre que fécondent les cendres descendues des volcans, à l’exception de quelques riantes vallées qui s’abritent des mauvais vents derrière de grandes roches et s’épanouissent en silence aux plus doux rayons de soleil, le territoire des Vélaunes porte les violentes empreintes d’une agitation profonde. En face de ces immenses coulées de laves, de ces pics basaltiques dont les prismes se dressent par milliers en faisceaux gigantesques, de ces amas de scories agglutinées et de lapilli, rouges comme s’ils sortaient des fournaises, le géologue contemple avec une admiration mêlée d’effroi les bouleversements des premiers âges. Pour lui, cette terre est le théâtre sur lequel une des journées séculaires du drame universel vient de s’accomplir. La scène est encore frémissante, il regarde, il interroge, et peut dire, en vérité, que la science ne présente nulle part, à l’histoire des misérables luttes humaines, une plus prophétique et plus terrible introduction.

L’Allier sert de ceinture à l’ANCIEN VELAY, de l’est à l’ouest, et se fraye un passage dans les gorges escarpées de Saint-Vénérand, de Vabres, d’Alleyras, de Saint-Didier, de Saint-Julien-des-Chazes, de Chanteuges. D’un autre côté, la Loire, après être entrée par les portes de la Farre et de Salettes, comme un courant inoffensif, se précipite, vive et grondeuse, grossie sur sa route par les torrents d’hiver et par les eaux souvent perfides de la Borne, du Ramet, de l’Arzon, de l’Ance et du Lignon. Les cratères d’Issarlès, de Saint-Front, du Bouchet et de Bar, dominent aux quatre expositions de la contrée, semblables à quatre grandes limites. Jadis, de leurs flancs déchirés s’élançaient impétueusement des fleuves de feu ; maintenant sur leurs cîmes, transformées en coupes immenses, poussent de frais gazons, reposent de paisibles lacs, dont rien n’altère l’admirable limpidité. D’Issarlès au Bouchet, en suivant le cours de la Loire jusqu’à Goudet, pour remonter ensuite par Costaros, se rencontrent l’île basaltique de la Farre, déposée sur un terrain primordial, et le volcan de Breysse, environné de cendres amoncelées depuis les hauteurs de Saint-Martin-de-Fugères jusques par-delà Présailles. Du lac du Bouchet au bois de Bar, règne une formidable barrière de montagnes d’une grandeur sauvage que rien ne saurait dépeindre. Auteyrac, Séneujols, Montbonnet, Vergezac, le Vernet et Fix sont les anneaux qui unissent cette chaîne occidentale à la Durande. De Bar à Saint-Front, si l’on trace une ligne à peu près circulaire passant par Craponne, Monistrol, Saint-Didier, pour remonter à Montfaucon, à Tence, à Fay-le-Froid, on parcourt un pays tout différent mais non moins pittoresque.

C’est Allègre, assis sous un cratère, et dont les dernières ruines féodales chancellent au vent ; c’est Ruessio, l’antique métropole qui trois fois changea d’existence et de nom ; c’est Craponne, la ville consulaire, autrefois orgueilleuse de ses murailles, de ses tours et de son château. Plus avant dans le centre, c’est Polignac, le redouté manoir ; c’est le monolithe dédié à saint Michel, merveille de la nature qu’on prendrait pour un monument des Pharaons ; c’est la cité de Notre-Dame, couchée sur le mont Anis, les pieds baignés par deux rivières, le front pensivement appuyé sur sa basilique sainte ; c’est la Roche rouge, curieuse lave de trente mètres de hauteur, dont les racines aiguës s’enfoncent dans des entrailles de granite ; enfin, à l’est, c’est Saint-Didier-la-Séauve , Monistrol , Montfaucon , Tence et Yssingeaux, que des habitudes commodes, des relations importantes pour leurs intérêts , séparent de l’ancien foyer Vellavien , plus encore que les hautes montagnes de Saint-Maurice, de Saint-Julien-du-Pinet, de Bessamorel et d’Araules. Entre Saint-Front et Issarlès, s’élève le Mézenc, roi de nos volcans. Il faut aller le visiter par une matinée brillante de juin ou de juillet. Alors, doux gravir, il a quitté son blanc suaire de frimas, et s’est paré, pour quelques jours, d’une robe de fleurs. Du sommet, l’œil distingue à l’horizon, à travers les vapeurs argentées, les crêtes du Cantal, des Monts-Dore, du Puy-de-Dôme, les plaines de la Bresse, les Alpes, le Grand-Som, le Mont-Blanc, et plus loin, au fond de la Provence, le Mont-Ventoux. Dans ce splendide panorama, la nature prend tous les aspects, offre les plus saisissants contrastes.

La cité Vellavienne avait cent soixante-cinq lieues carrées environ. Elle n’était pas, comme aujourd’hui, défrichée, mise imprudemment à nu presque sur tous ses points ; sa surface apparaissait, au contraire, entièrement couverte d’une antique forêt que la sagesse des nations primitives sut conserver jusqu’à la dernière heure sous la sauvegarde des lois et de la religion.

Les Vélaunes avaient pour voisins, au nord, les Arvernes ; à l’ouest, les Gabales ; au midi, les Volces Arécomices et les Helviens ; à l’est, les Ségusiens et les Allobroges. Quand César les nomme, il les appelle clients des Arvernes ; quand Strabon s’en occupe, il les classe entre ceux auxquels la liberté vient d’être rendue. Avant et après la conquête, affranchis ou sous une domination quelconque, ils gardent avec orgueil leur individualité et occupent un territoire dont les frontières ont sans doute beaucoup varié, suivant les oscillations de leur fortune, mais qui n’a jamais cessé d’être un pays à part. La civitas Vellavorum celtique se retrouve encore, quoique amoindrie, dans le Velay de 1789.

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PAR FRANCISQUE MANDET

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Les regions naturels du velay

L’idée généralement évoquée par le. Velay est celle des environs du Puy, région volcanique, pittoresque, et nous verrons bien, en effet, que le bassin du Puy est le cœur du Velay ; mais ce n’est qu’un des aspects très Avariés de ce pays. Pour le géologue, le Velay est avant tout la -région. Volcanique de la Haute-Loire. Mais le Velay historique est bien différent et beaucoup plus étendu. Il apparaît dans l’histoire dès le 1er siècle et dut exister bien avant, il ne disparaît comme unité politique qu’en 1790, avec la création des départements français. César nous dit que les Vellaves, clients des Arvernes, luttèrent pour l’indépendance gauloise. Nous savons par Strabon que dans la suite ils devinrent libres. Plus tard, on les trouve constitués, d’abord en « civitas », puis à l’époque carolingienne ; en « comitatus » ou « pagus » : ils sont tour à tour tributaires de grandes provinces et indépendants. La période féodale est marquée par la querelle retentissante des vicomtes de Polignac et des évêques du Puy : le roi mit fin à la lutte en faisant l’évêque comte du Velay. Incorporé enfin au domaine royal, le Velay sut garder dans la France unifiée le maximum d’autonomie. Subdivision du Languedoc, non seulement il était représenté aux États de cette province, qui s’administrait elle-même, mais, pour les affaires qui l’intéressaient seul, il était régi par une assemblée annuelle, les États particuliers du Velay. Le petit peuple du Velay a donc gardé, avec son nom, son autonomie historique.

Mais à cette unité historique ne correspond pas une unité naturelle. Au milieu des régions plus monotones qui l’entourent, Forez, Gévaudan, Vivarais, le Velay se distingue par sa diversité. Parcourons, en effet, ce plus grand Velay, ce Velay historique, sans idée préconçue et sans trop nous arrêter aux limites politiques précises, qui ont plus ou moins varié au cours de l’histoire ; nous y noterons une très grande variété d’aspects, des compartiments très différents au point de vue du relief, de la nature du sol, des cultures et de la répartition des habitations.

Et d’abord constatons que, avant la Révolution, on distinguait dans le Velay deux parties : le « Velay en deçà les Bois » et le « Velay de delà les Bois », que séparait la chaîne boisée du Mégal. Cette chaîne ayant perdu dans la suite une grande partie de ses forêts, cette division ancienne ne fut plus employée ; mais elle correspond à une division physique très nette, qui s’impose : d’une part, le Velay volcanique ; de l’autre, le Velay granitique. Le premier est le seul qui ait été étudié géologiquement en détail. Nous avons un guide précieux dans l’ouvrage que lui a consacré M. Boule, dans le Bulletin, des Services de la Carte géologique.

LE VELAY VOLCANIQUE

Le Velay volcanique doit son unité au manteau éruptif qui le couvre presque en entier. Mais le volcanisme présente dans cette région un ensemble de caractères qui tantôt la rapprochent et tantôt la différencient des autres contrées volcaniques de la France centrale. Les éruptions ne se sont point concentrées en un point-déterminé, pour s’y superposer et former un gigantesque édifice, comme c’est le cas dans le Cantal ou le Mont-Dore ; elles se sont au contraire disséminées, éparpillées même en une multitude de points de sortie (plus de 200), dont aucun n’a donné naissance à un volcan de grandes dimensions. C’est dire que dans le Velay les manifestations de l’activité volcanique ont été relativement calmes ; elles ont consisté surtout en abondantes coulées de larves. En outre, le volcanisme a présenté dans le Velay une durée et une continuité qu’on ne retrouve pas ailleurs. Dès la fin du Miocène supérieur, pendant tout le Pliocène et le Pléistocène inférieur, le Velay a été le théâtre de nombreuses éruptions mais l’activité volcanique s’y est déplacée, elle ne s’est manifestée à l’Ouest qu’après s’être éteinte à l’Est. Si l’on songe à la rapidité avec laquelle évolue le relief volcanique, on comprend combien variée doit être la topographie d’une région où les dépôts éruptifs n’ont point partout le même âge. Cette variété apparaîtra si nous parcourons le Velay volcanique ; nous la trouverons accentuée, tantôt par la diversité des roches éruptives, tantôt par l’alternance de périodes de creusement avec les périodes de comblement volcanique.

Tous ces volcans sont peu élevés : le plus haut, le Mont Devès, n’a que 1.424 mètres ; leurs pentes sont relativement douces : de 15 à 18° en moyenne pour les mieux conservés ; par-là se marque leur ancienneté vis-à-vis des Puys d’Auvergne qui offrent des pentes de 35°. De ces volcans sont issues les grandes coulées de laves qui constituent le plateau du Velay. Ce sont des tables planes ; mais on y rencontre parfois des dépressions d’allure circulaire, qui ne peuvent être des cratères et semblent résulter d’une disposition locale des coulées s’enchevêtrant ou moulant quelques creux du substratum. Autrefois occupées par des lacs, ce ne sont plus aujourd’hui que des marais (marais de Landos) ou de grandes tourbières. Les coulées ont perdu leur aspect primitif de « cheyres » : leur surface n’est point rugueuse, compacte et nue, comme celle de certaines laves récentes de la chaîne des Puys ; elle s’est décomposée, formant une terre noirâtre très fertile. Dés défrichements laborieux ont achevé de transformer en sol cultivable, l’aride champ de pierres. Des cours d’eau s’installant sur le plateau, l’ont segmenté, creusant dans les coulées d’étroites vallées, couronnées parfois de belles colonnades prismatiques. Le démantèlement de la « planèze », commencé par les bords, se poursuit d’aval en amont, en vertu de l’érosion régressive, plus ou moins rapidement selon la nature du sol infra-volcanique, cristallin ou argileux, et l’épaisseur des coulées. Une cascade qui recule vers l’amont marque le point où porte surtout l’effort de l’érosion et où la rivière quittant le basalte, atteint le substratum.

Source de l’extrait : Les régions naturelles du Velay / E. Locussol, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5538355h