Habitation Gauloises

Galli distributiin civitates. Telle est l’expression employée par César, et dont le sens se trouve clairement précisé par la manière dont cette expression est presque toujours reproduite dans le récit des guerres.  Les cités gauloises étaient donc des parties de territoire plus ou moins étendues, formant comme autant de provinces particulières, indépendantes, alliées, clientes ou sujettes, selon l’occurrence. Il n’y aurait pourtant rien qui dût étonner ni qui impliquât contradiction, lors même que l’illustre écrivain se serait servi en plusieurs occasions du mot civitas pour désigner une ville celtique. On peut très-facilement admettre que, dans la rédaction des mémoires, certain nom de tribu ait été remplacé par celui de son chef-lieu, surtout au moment où la population tout entière semblait réunie sur ce point. Lorsque, dans le VIIe livre des Commentaires, César raconte comment Vercingétorix entra dans Gergovia à la tête d’une foule armée, et de quelle manière il chassa de cette place ceux qui d’abord l’avaient forcé d’en sortir, il dit en effet : Magnisque coactis copiis (Vercingétorix) adversarios à quibus paulô antè erat ejectus, expellit Ex CiviTATE. Du reste, on conçoit que le mot civitas vienne très naturellement sous la plume du général romain, puisque lui-même qualifie de cité toutes les villes capitales de la province déjà conquise : Tolosa, Carcassonne et Narbonne, quæ sunt CIvITATEs Galliæ provinciæ. Cependant, malgré quelques exceptions peu nombreuses et très-explicables, il nous paraît conforme aux vrais principes historiques de cette époque de définir la cité : une tribu chez les Gaulois encore indépendants, et une ville capitale chez les peuples soumis aux Romains. César, parlant des revers essuyés à Vellonodunum (Château-Landon), à Noviodunum (Neuvy-sur-Baranjou), à Genabum (Orléans), nous transmet l’énergique résolution de Vercingétorix d’incendier les résidences et les bourgs, et ajoute : Procumbunt omnibus Gallis ad pedes Bituriges, ne pulcherrimam propètotius Galliæ uRBEM, quæ et præsidio et ornamento sit CIvITATI, suis manibus succendere cogerentur.

Au nord de la cité Vellavienne, à peu près sur l’emplacement qu’occupe aujourd’hui Saint-Paulien, était Ruessio ou Revessio, dont les étymologistes font dériver le nom de la racine celtique reuv, reuvon, froid, gelé. Astruc donne cette définition dans ses mémoires sur l’histoire naturelle du Languedoc ; l’abbé Sauzet l’accepte et traduit Revessio par Reu-Essio, ville froide. Sans doute, une pareille origine aussi faiblement établie n’a rien de très authentique, mais n’est pas invraisemblable, sur tout pour ceux qui savent quelle est la température moyenne de cette contrée dans laquelle la vigne ne mûrit jamais. Nous voyons d’ailleurs cette ville bien connue sous Auguste ; or, si elle était de fondation gallo-romaine, on n’y trouverait pas en si grande quantité des débris de monuments remontant aux premières années de la conquête ; car il est à supposer qu’on n’élevait d’édifice d’une certaine grandeur que dans les centres déjà considérables. Il est présumable, en effet, que le premier soin du vainqueur dut être non de bâtir des villes, mais d’envoyer des colonies dans celles déjà construites. C’est par l’itinéraire de Théodose, que nous connaissons Icidmago, Condate, Aquis segete ; la première, située à quatorze milles de Ruessio ; la deuxième à douze milles ; la troisième, sur les limites du pays des Ségusiens, dans le territoire actuel de Saint-Didier-la-Séauve. Il se rait certainement bien difficile, pour ne pas dire impossible, de fixer l’époque à laquelle il faut faire remonter l’origine de ces trois villes. Peut-être même les deux dernières appartiennent-elles seulement à l’ère gallo-romaine. – L’Icid-Mago des anciens est évidemment de date très-reculée. Les racines celtiques qui forment son nom paraissent convenablement choisies et sont, à défaut de preuves meilleures, un témoignage de haute antiquité. Dans l’idiome national primitif, K’ssen signifie bœuf, et Magus, ville au milieu d’une plaine ; d’où naturellement on conclut que c’était là un point central sur lequel se faisait le commerce des bœufs, hypothèse d’autant plus admissible qu’aujourd’hui cette désignation serait encore sans contredit la meilleure de toutes. Cependant, ce ne sont point-là des éléments historiques satisfaisants et tels qu’en exige une œuvre qu’on voudrait rendre profitable. Nous manquons, il faut en convenir, de ces matériaux solides sur lesquels on aime à asseoir un édifice. Pour un mot de César, de Strabon, pour une indication de Peutinger ou de Ptolémée, les conjectures ont besoin de nous venir en aide. L’insuffisance de documents écrits s’oppose donc à ce que nous déterminions avec certitude les endroits de la Vellavie occupés par des villes, surtout si nous devons réserver exclusivement ce nom à des agglomérations plus ou moins considérables de demeures construites de la manière dont parlent les géographes et les historiens. Mais si nous avons à rechercher dans le pays, et d’après les débris qui s’y rencontrent à chaque pas, où et comment se logeaient nos peuplades aborigènes, nous pourrons espérer plus de succès de nos investigations archéologiques.

Source de l’extrait :

HISTOIRE DU VELAY ANTIQUITÉS CELTIQUES ET GALL0-R0MAINES

PAR FRANCISQUE MANDET

http://books.google.com