En 1372, les Grandes Compagnies se présentent à nouveau dans le Velay. — Bertrand du Guesclin à Châteauneuf-Randon 1380. — Les routiers reviennent à la charge.
Les Anglais abandonnent la région en 1396. — Louis de Joyeuse participe à la lutte contre les Tuchins.
Rivalité des familles de Polignac et de la Roue. La famille de Saint-Didier est-elle encore représentée ?
Veuve en 1375, Thiburge de Saint-Didier, jeune et riche, épousa, le 26 mai 1379, bien qu’elle fût demandée en mariage par Guillaume III de Chalencon, Louis 1er de Châteauneuf-Randon, baron de Joyeuse.
La famille de, Joyeuse fait remonter sa généalogie au XIe siècle.
La maison de Châteauneuf de Randon s’est divisée, dit Gustave de Burdin, en quatre branches. La souche de toutes ces branches, Guillaume de Châteauneuf de Randon, seigneur de plus de quatre-vingts paroisses ou châteaux en Gévaudan, Vivarais et Cévennes, est connue sous le nom de Randonnot on Randonnois.
Il se maria, en 1057, avec Antoinette de Mercoeur, d’une antique maison.
Messire Guigo de Joyeuse eut un fils, Dragonnet, baron de Joyeuse, qui épousa Béatrice de Rochefeuil.
Le premier qui devint baron de Saint-Didier fut Louis de Châteauneuf de Randon. Il formait le neuvième degré à partir de Guillaume et le sixième de sa branche.
La famille d’Apchier est une branche de l’antique et puissante maison de Châteauneuf-Randon, formée par Guérin de Châteauneuf, chevalier, marié avant 1180, à Alix, héritière de la baronnie d’Apchier en Languedoc, et de plusieurs autres terres considérables en Gévaudan.
De cette maison, naquirent, entre autres enfants, Guillaume de Châteauneuf, qui accompagna Saint Louis dans son voyage d’outre-mer, et qui fut élu grand-maître de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, de 1244 à 1259, et un évêque de Mende, en 1245.
La postérité de Guérin retint le nom d’Apchier, comme celle de Guy de Châteuneuf, son frère puîné, retint le nom de Joyeuse, sous lequel elle s’est illustrée.
De Châteauneuf-Randon de Joyeuse avait épousé, le 8 octobre 1367, Marguerite de Chalencon, fille de Guillaume et de Walpurge, dame de Polignac.
Il en eut une fille, Catherine, qui devint, plus tard, la femme de Guillaume, seigneur de Landun.
En 1391, Guillaume de Chalencon remit 1.300 livres « pour restes de la dot constituée à Marguerite de Chalencon par son père Louis de Joyeuse.
Louis de Joyeuse était veuf de Marguerite de Chalencon quand il épousa Thiburge. Il avait épousé, en effet, en 1362, Marguerite de Chalencon, fille de Guillaume de Chalencon. Or, Guillaume de Chalencon avait pour femme Valpurge de Polignac. Marguerite était donc cousine germaine de Jean de Polignac et Thiburge et Louis étaient alliés déjà quand ils contractèrent leur mariage.
Son contrat de mariage avec Thiburge est du 26 mai 1379.
Elle lui apporta en dot la baronnie de Saint-Didier, celles de la Mastre, Lapte, Riotord et autres terres, « à condition que lui et ses successeurs écartèleraient leurs armes de Saint-Didier.
Les armes des Châteauneuf de Randon étaient, d’or à trois pals d’azur, au chef de gueules, surmonté de la légende Deo fuyante.
Celles des de Joyeuse-Châteauneuf étaient Châteauneuf, chargées de trois hydres d’or.
Et les armes des de Joyeuse-Saint-Didier, suivant la volonté de Thiburge, étaient : de Joyeuse, écartelées de celles de Saint-Didier, c’est-à-dire : Ecartelé au 1 et 4 pallé d’oret d’azur de 6 pièces, au chef de gueules chargé de trois hydres d’or’; au 2 et 3, d’azur au lion d’argent à la bordure de gueules chargés de huit fleurs de lis d’or.
En 1381, Louis de Joyeuse rendait hommage au comte de Forez, pour Saint-Just, Montbardon, la Bâtie, Saint-Sauveur, Rochefort, Plagne, le Play, les Sagnes, le Poyet, etc.
En 1381, Louis de Joyeuse donna à son épouse l’usufruit de la baronnie de Saint-Didier et le château de Riotord, ses possessions de Saint-Just-en-Velay, plus le mas de Montbardel et le château de Rochefort.
En 1382, Thiburge réclama à Bertrand de Châteauneuf 300 florins d’or que celui-ci lui devait en sa qualité d’héritière de Guiote de Saint-Didier.
En 1383, les deux époux rendaient hommage pour leurs biens.
La même année, ils rendaient hommage pour ce qu’ils possédaient à Saint-Didier.
En 1393, Thiburge rendait hommage, en même temps que son époux, à l’évêque du Puy, pour le fort et le château de Saint-Didier, pour la justice haute, moyenne et basse de la maison abbatiale de la Séauve, pour sa part du château de Lapte, pour Montjevin, etc.
En 1395, une fois de plus, les deux époux rendirent hommage à messire Ithier, évêque du Puy , en y ajoutant Lapte et la juridiction, les mas de Brossettes et de Montjuvin, les péages de Lapte, de Pont-la-Sainte, les mas de Betz, de Clauses, du Bouchet, de Chazaux, de Mazard, de Lalèche pour partie, de Chaulet.
En 1382, Louis de Joyeuse participa à la lutte contre les Tuchins ou Coquins. C’était une mutinerie de gens de la campagne et de paysans accablés par les impositions. Ces révoltés furent battus par le duc de Berry, au cours de diverses rencontres.
Louis de Joyeuse et Thiburge de Saint-Didier eurent :
I. Randon, qui suit ;
II. Claire, qui testa le 16 juin 1401.
Claire de Joyeuse-Saint-Didier épousa, le 8 février 1399, Robert, vicomte d’Uzès, seigneur de Remoulin, fils d’Alzias, vicomte d’Uzès et de Dauphin de la Roche.
Louis de Joyeuse partit à Jérusalem. Il fit son testament, le 27 octobre 1380. 1390, dit Gaston de Jourda de Vaux. Pendant que se déroulaient ces événements à Saint-Didier et au cours desquels la baronnie changea, de 1372 à 1379, trois fois de « souverain », la guerre se poursuivait entre les Français et les Anglais.
La sagesse de Charles V, la vaillance de son connétable du Guesclin, le patriotisme du peuple donnèrent la victoire à la France et, peu à peu, les Britanniques furent contraints d’abandonner tout ce qu’ils avaient conquis dans notre pays.
Mais les Grandes Compagnies n’avaient pas toutes abandonné la France. Aussi, à la faveur de la Guerre, plusieurs de ces bandes réussirent à s’implanter dans certaines régions du Midi qu’elles épuisèrent bientôt.,
Le Velay avait connu, pendant quelques années, une paix relative.
Vers 1372, un aventurier, Bernard de la Salle, à la solde d’Edouard III, roi d’Angleterre, pénétra dans le Velay. Ses troupes de bandits, unies à celles de Bertucat d’Albret, se présentent dans le Rouergue, à Béziers, à Nîmes, à Arles, à Aix et à Beaucaire. C’est entre juin et octobre 1372, qu’elles pénètrent dans le Velay et en Auvergne et elles battent la campagne autour du Puy, en terrorisant les populations.
Mais il semble qu’en 1373, le Velay échappa aux Anglais du duc de Lancastre.
Par contre, en 1375 et en 1376, le pays eut à subir les incursions des routiers. Ils s’emparèrent de plusieurs villages, situés entre les châteaux de Polignac et de Solignac.
Les capitaines de Chandos, de Felton, de Buch sillonnaient la région dans tous les sens, « et ferès la guerre, car sans guerre vous ne poès ne savès vivre… ».
Sans trêve, les routiers s’emparent de toutes les forteresses et, de là, organisent des expéditions fructueuses dans toutes les campagnes.
C’est alors que le roi Charles V demanda à Du Guesclin d’entreprendre contre ces troupes de bandits une opération d’ensemble. Le connétable voulait, d’abord, s’emparer de Carlat, redoutable forteresse qui commandait à toute l’Auvergne.
Le connétable Bertrand Du Guesclin se rendit donc au Puy, non seulement pour assister à un pèlerinage à l’église Sainte-Marie, mais également pour s’entretenir avec les Consuls.
Les habitants le supplièrent de s’emparer de Châteauneuf-Randan dont la garnison faisait beaucoup de mal au Velay.
Le connétable se rendit à leurs vœux et adressa à ses troupes ces paroles si françaises:
Vous, mes chiers compaignons, frères et amis, de l’hostel de mon bon seigneur et maistre, je vous prie, faictes-moi ! Compaignie devant la place, si verrez que nous ferons, car à Dieu le veu, nous les arons les gars, et se le souleil y entre, nous y entrerons.
C’est au Puy qu’on acheta le salpêtre, la térébenthine, l’orpiment et le réalgar nécessaires à la confection des pots à feu Chaliers, dans la Haute-Auvergne, fut enlevé le 26 juin 1380.
Le 3 juillet, Du Guesclin était devant Châteauneuf-de-Randon, en Gévaudan.
Le maréchal de Sancerre était accouru à l’aide de du Guesclin, qui avait avec lui des troupes venant de Clermont, des gentilshommes de Moulins, et, à sa demande, les consuls du Puy lui avaient envoyé « d’un bon tueur, promptement et en diligence beaucoup de vaillans gens, leurs citoyens, tant à cheval que à pied, artilleurs, arehiers, arbalestriers et, en outre, force artillerie, trajets, canons, poudre, arcs, arbalestres, engins et tels autres municions belliqueuses, force pain, vin, victailles, desquelles choses ledit seigneur connestable se tint très content. »
Du Guesclin fit le blocus de la forteresse et lui livra plusieurs assauts, mais Pierre de Galard se défendit vaillamment. Enfin, pressé par la famine, le chef des bandits convint avec le connétable que s’il n’était pas secouru avant un jour déterminé, il rendrait la place et, pour garantir sa promesse, donna des otages.
Peu après, Du Guesclin tomba malade et mourut, le 13 juillet, peut-être empoisonné.
Le 14 juillet au matin, Pierre de Galard, n’ayant pas reçu les renforts demandés à Bertucat d’Albret, pour sauver les otages que le maréchal de Sancerre menaçait de faire décapiter, déposa les clefs de la forteresse sur le cercueil du connétable.
La poitrine barrée d’un cordon rouge et portant le crêpe du deuil au pommeau de son épée, le chef des routiers et 200 de ses hommes furent reçus en grand apparat.
Cette histoire de clefs sur le cercueil du connétable Bertrand Du Guesclin serait beaucoup moins vraisemblable que poétique.
Ce récit fut publié seulement en 1612, par Papirius Masson et l’on ne trouve pas l’histoire des clefs dans ses pages.
Le maréchal de Sancerre, accompagné d’une nombreuse chevalerie, escorta la dépouille du connétable qui fut transportée, en grandes pompes, d’abord au Puy où le corps fut embaumé.
Le vicomte de Polignac obtint de faire prélever les viscères qui furent déposées dans l’église des Frères Prêcheurs, puis le cortège se rendit à Montferrand, à Moulins et à Saint-Denis.
A Saint-Denis, le roi le fit ensevelir près de sa tombe.
Le cœur fut inhumé à Dinan, dans l’église des Dominicains, tandis que les entrailles du connétable étaient déposées, peu après, dans un tombeau creusé devant le grand-autel de l’église des Dominicains, au bas des chapelles de Sainte-Madeleine et de Saint-Roch, construites par Jacques David, bourgeois du Puy.
Charles V le suivit de près au tombeau.
Les routiers reprirent courage et le cercle autour du Velay se resserra davantage.
Charles VI (1380-1422) succéda à son père. Des rivalités éclatèrent un peu partout. Un oncle du jeune roi, Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, entraîna Charles VI dans une guerre en Flandre. L’armée française gagna la bataille de Rosebecque, en 1382, tandis que, dans le Midi, un conflit surgissait au sujet du gouvernement du Languedoc.
Le duc de Berry avait confié la défense de l’Auvergne et du Velay au maréchal de Sancerre, homme probe et intègre.
Les Etats des pays d’Auvergne, du Velay, du Vivarais, du Gévaudan et.de Valentinois contractèrent une alliance pour résister à l’ennemi.
Cette alliance était une nécessité, chaque pays étant trop pauvre pour entretenir un contingent suffisant de défenseurs.
Malheureusement, les mesures de protection adoptées par cette ligue étaient insuffisantes et n’aboutirent qu’à un médiocre résultat.
Au mois d’août et au mois de septembre 1382, les routiers ravagèrent Ceyssac, Solignac, Espaly, Chamard, Eycenac, le doyenné de Talode, Bessamorel, la Brousse, Rochepaule, Alleyrac, le Pont de Vabres, Pradelles.
Les routiers rançonnent les habitants de Châteauneuf, du Monastier, de Montbonnet, de Mirmande, de Seneujols, de Saint-Jean-la-Chalm, de Bains et vont même jusqu’à enlever les enfants.
La Vialate (canton de Saint-Didier-en-Velay), Belvezet, Lesperon (Ardèche), Civeyrac, le Goudet, sont complètement ruinés.
Vers le milieu de novembre, les Anglais, de Just Roland. S’approchèrent jusqu’aux portes du Puy et logèrent dans les vignes et au couvent des Frères Mineurs.
En janvier 1383, le seigneur de Randon de Polignac reçut le commandement de gens de guerre qui opéraient à Pradelles et à Bizac. Les Anglais avaient progressé en Auvergne et s’étaient emparés de plusieurs châteaux.
En 1384, le château d’Yssingeaux fut réparé, mais cela n’empêcha pas les Routiers d’occuper, pendant plusieurs mois, la majeure partie de la province.
Nos aïeux, il faut bien le dire, manquaient de l’esprit indispensable de décision. Ils sentaient venir l’attaque et, au lieu de prendre d’énergiques et utiles dispositions, ils se concertaient pour savoir par quels moyens ils circonviendraient l’ennemi. Celui-ci, pendant ce temps, posait des jalons, avançait et dévastait un peu plus le pays.
Ce n’est pas à la suite d’une défaite que les Anglais évacuèrent le Velay, en 1392, c’est parce que des tractations étaient engagées et qu’elles aboutirent en 1396, seulement.
Les incursions des Grandes Compagnies dans le Velay répondaient-elles à un plan établi d’avance ? Non, sans doute. Les bandits occupaient des forteresses, et, de là, rayonnaient dans les campagnes à la recherche de proies faciles.
Ajoutons que la résistance qui leur fut opposée fut molle et absolument insuffisante.
On ne put se débarrasser d’eux qu’après de longues négociations et à prix d’or.
L’invasion anglaise eut des répercussions politiques dans le Velay.
A la faveur de cette guerre, la royauté, en Velay, combattit l’influence de l’évêque du Puy en protégeant la communauté de cette ville qu’elle domine. Elle réussit à enlever aux nobles la plus grande partie de leurs privilèges. Les oppositions de ces derniers et les besoins de la défense locale aboutirent à la formation des Etats du pays, dernier îlot de résistance contre les menées envahissantes du pouvoir centrai Ces Etats, surtout aristocratiques, où le peuple n’a qu’une part trop restreinte, n’ont pas encore réalisé l’unité vellave, mais après des épreuves communes, cette évolution sera bientôt achevée. A ce moment, la royauté aura asservi, à leur tour, les Etats provinciaux et l’unité vellave se fondra enfin dans l’unité française.
Le Velay fut également le théâtre de luttes intérieures qui augmentèrent encore les ruines causées par les Compagnies. Une succession litigieuse mit aux prises, pendant trente ans, la famille de Solignac et la famille de la Roue.
La famille de Saint-Didier est-elle encore représentée à l’heure actuelle ?
Non, en ce qui concerne les descendants directs. Thiburge, successivement épouse du vicomte Jean de Polignac, et, ensuite, du vicomte Louis de Joyeuse, a transféré à cette dernière famille tous les biens de sa maison.
Mais les branches collatérales ont eu, certainement, des descendants.
On trouve, notamment, Jeanne de Saint-Didier, mariée vers l’an 1500 à Jean de Lestrange, seigneur de Gozon ; Hugues de Saint-Didier, capitaine du château de Buron, en 1592, mais dont le vrai nom était Hugues de Faydides, seigneur de Chauzelles, et, enfin, Jeanne de Saint-Didier, mariée, en 1648, à Gabriel de Roquelaure, seigneur de Pompignac, près de Saint-Flour.
Quant à la prétendue branche établie dans le Lyonnais, son ancienneté remonte à Jean Hubert de Saint-Didier, échevin de Lyon, avant 1732.
Marie Virginie de Saint-Didier, fille du comte Antoine de Saint-Didier, épousa, en 1817, le duc Charles Bretagne Marie Joseph de la Tremoille et de Thouars.
Malgré l’assertion de Saint-Allais, on voit que l’Auvergne n’a qu’une part douteuse d’avoir compté dans son sein une famille du nom de Saint-Didier.
Extrait de l’ouvrage, « D’Azur au Lion d’Argent » Tome I.
Paul Ronin