Mobilier ancien, non vendu en 1790, et chapelle

Les meubles et la chapelle ayant été exceptés de la vente ci-dessus relatée, je ne crois pas sans intérêt de faire connaître ces divers objets qui existent encore.

La chapelle est, je crois, à peu près ce qu’elle a été de tout temps. Restaurée après l’incendie qui la détruisit pendant les guerres religieuses et dont je parlerai plus tard, elle le fut sur le même plan, ou plutôt elle ne le fut que dans ses parties accessoires, et non dans ses murailles, que le feu n’avait pas démolies.

Même après l’éloignement des religieuses, elle continua de servir au culte. Avant de quitter Clavas, nos Cisterciennes voulurent que le service divin y fût toujours célébré. Elles constituèrent à cet effet une rente qui devait être servie au prêtre chargé des fonctions saintes. Nul qu’elles n’avaient droit de le désigner et de le choisir, sauf l’approbation de l’ordinaire.

 Ce fut ainsi que, pendant leur absence, le saint sacrifice y fut célébré jusqu’aux mauvais jours, au grand contentement des populations environnantes. Clavas étant devenu succursale en 1826, la chapelle du monastère fut trouvée suffisante et servit d’église paroissiale. Elle n’a pas d’autre destination aujourd’hui.

Sa longueur est de seize mètres et sa largeur de huit métres. Le choeur est un carré parfait de six mètres de tous les côtés. De telles proportions étonnent pour une chapelle de monastère, mais on les comprend quand on sait que tous les habitants voisins de l’abbaye avaient droit d’assister aux offices divins qui se célébraient là les dimanches et fêtes; quand on sait surtout que de grandes et solennelles cérémonies avaient lieu dans la chapelle dans certaines circonstances, comme celles d’une prise d’habit, d’une profession, de la bénédiction et de l’installation d’une abbesse. Le lieu saint était alors trop étroit et ne suffisait plus à la foule.

La porte d’entrée n’a de bien remarquable qu’un écusson en pierre, d’à peu près un mètre carré, où se trouvent artistement sculptées les armes de la famille de Chaste : De gueules à deux clefs d’argent en sautoir, surmontées d’un écusson d’azur, à la fleur de lis d’or. — Supports : deux lions. Devise : Etiamsi omnes, ego non. — Couronne de baron.

Il existe dans l’intérieur de l’église un autre écusson représentant les mêmes armes, mais sans la devise ni les supports.

Cet écusson surmontait une porte qui mettait le lieu saint en communication avec l’abbaye. Même écusson sur la porte d’entrée du couvent des religieuses de la Croix. Cette porte est celle qui se trouvait à l’abbaye et qu’on a eu la bonne idée de conserver, quoiqu’elle n’ait rien de bien remarquable.

Une tribune de deux mètres de largeur occupait toute la partie méridionale et celle qui est à l’orient. C’était de là que les religieuses entendaient la messe et assistaient aux cérémonies qui se produisaient dans certaines circonstances solennelles, comme une prise d’habit, une profession, l’installation d’une abbesse. Il aurait fallu voir la foule qui remplissait la chapelle, quand ces occasions se présentaient! Toute la noblesse des environs était présente, chamarrée d’or, attentive aux diverses cérémonies liturgiques qui avaient lieu. Une famille occupait la première place; c’était colle de la jeune fille qui revêtait l’habit blanc de novice ou qui se consacrait à Dieu pour toujours par les trois vœux de religion; c’était encore celle de la religieuse trouvée digne de la crosse et qu’on installait en qualité d’abbesse.

Dans cette dernière circonstance, il y avait un déploiement particulier de tout ce que la chapelle possédait de plus riche. Los parents de la nouvelle supérieure assistaient à l’installation avec leurs plus beaux habits de fête, heureux et fiers de savoir une des leurs élevée au premier rang dans le monastère.

Le style de l’église est le roman. Il y existe pourtant une fenêtre en style gothique, qui est évidemment d’une date postérieure à celle de l’édifice. Elle doit être de l’époque où la chapelle fut restaurée après les désastres qu’elle avait subis. Elle est d’une assez belle facture, mais est malheureusement dissimulée, en partie, par le retable qui encadre l’autel. Ce retable est tel néanmoins qu’on ne regrette qu’à demi la base de la fenêtre. Il renferme trois compartiments; celui du milieu, où se trouve le tabernacle, est séparé des autres par deux magnifiques colonnes-torses, garnies de feuilles de vigne et de raisins depuis leur base jusqu’aux chapiteaux.

Les deux colonnes qui sont aux extrémités sont torses pareillement, mais dépourvues de tout ornement. Chacun des trois compartiments renferme une niche pour statues, et les deux des à-côtés, au-dessous de la niche, une coquille du plus bel effet. La corniche qui couronne le tout est parfaitement en rapport avec le reste. On me dirait que c’est là une oeuvre de Vanneau, que je n’en serais pas étonné.

Aujourd’hui la chapelle entière est tenue dans un état parfait de propreté. Cela fait honneur à la population, et cela fait l’éloge du prêtre qui régit cotte paroisse.

Ce dernier doit être à son aise et ne doit point trembler quand, à un moment de la messe, il dit à Dieu ces paroles du psalmiste Dilexi, Domine, decorem domus tuai.

Il reste encore pour l’usage de la chapelle quelques-uns des meubles qui ne furent point vendus on 1790. Ils méritent d’être signalés :

1° Un ostensoir en argent massif, assez simple dans son ornementation, mais d’une facture très correcte.

2° Un calice, argent doré, portant d’un côté les urines des de Chaste, et de l’autre un écusson mi-parti au 1 de Chaste et au 2 de….C’était là évidemment un cadeau de cette famille puissante, citée déjà et que je citerai encore dans les deux chapitres suivants.

3° Une cloche, du poids de 30 à 40 kilos, chargé de la date 1667 et des noms Mairie et Joseph.

Je signalerai ici encore les trois belles cloches qui accompagnent aujourd’hui celle que possédait autrefois l’abbaye. Je crois que dans le diocèse du Puy il y a peu de paroisses qui soient aussi riches que Clavas sous ce rapport, au moins parmi celles de minime étendue.

4° Deux reliquaires, style roman, en feuilles très légères, cuivre argenté, aujourd’hui vernis.

D’après une note insérée dans les registres de la paroisse, ces deux reliquaires renfermaient les reliques :

1° de saint Austregésile;

2° de sainte Barbe, V. et m;

3° de saint Amand, rn.

4° de saint Germain ;         

5° de saint Antoine, abbé;

6° de sainte Marguerite, v. et m;

7° de sainte Marie-Magdeleine;

8° do saint Blaise;

9° de sainte Constance ;

10° de sainte Faustin;

11° de saint Pierre, m;

12° de saint Sennen, m;

13° de saint Charles;

14° de saint Richard. De nos jours, ils renferment des reliques des quatre évangélistes, de sainte Cécile, de sainte Agnès, de sainte Catherine et de sainte Agathe.

Saint Austregésile est, de temps immémorial, particulièrement honoré à Clavas et dans toutes les paroisses voisines. On vient vénérer les reliques de ce saint, qu’on invoque spécialement pour la maladie des bestiaux. Il y a un grand concours de fidèles des diocèses du Puy, de Viviers et de Lyon, le jour de sa fête, qui tombe le 20 mai. Saint Austregésile, vulgairement Outrille ou Australe, était archevêque de Bourges et vivait au commencement du VIIe siècle.

5° Deux autres reliquaires en bois sculpté, avec têtes d’anges au pourtour, d’un assez bon travail. L’un renferme un os de sainte Optate, vierge et martyre romaine, avec patente du cardinal Gaspard de Carpineo, donateur de la relique, et un procès-verbal, signé par M. Armand Barret, Y. g. du Puy, qui en constate l’authenticité. L’autre contient des reliques de sainte Quitère, de sainte Catherine de Sienne, de sainte Félicité, de sainte Justine, de saint Clément, martyr, de Sainte Vincense et de saint Innocent.

Ma visite à Clavas, en 1879, avait sans doute pour but de visiter les lieux, de voir ce qui pouvait exister encore de l’abbaye, mais elle avait une autre fin. J’aurais voulu recueillir quelques documents sur les religieuses. J’ai été déçu dans mes espérances sous ce dernier rapport. Il n’y a rien de rien. Je suis revenu pourtant assez satisfait de mon inspection. J’en ai rendu compte tant bien que mal. J’ai l’espoir que le lecteur me tiendra compte de ma bonne volonté. N’est pas littérateur qui veut!

Extrait de l’ouvrage :

NOTES HISTORIQUES

SUR

LES MONASTÈRES

DE LA SÉAUVE

BELLECOMBE, CLAVAS ET MONTFAUCON

THEILLIER, curé de Retournaguet