
Les origines de ce lieu, y compris l’étymologie du nom, sont très incertaines. Ce nom singulier, que l’on écrit toujours en latin Doa, est diversement orthographié en français, suivant les époques. Nous avons relevé les formes suivantes : Doe, Doë, Douhe, Doue, Doue; cette dernière est la seule reçue aujourd’hui. Quelle en est l’étymologie? M. Chassaing pense que c’est un mot celtique dont il est difficile de pénétrer le sens. Un étymologiste distingué, que nous avons consulté, fait venir Doa de ducta (aqua) eau conduite, source captée pour le service des habitations voisines : Doue, en effet, quoique situé sur une hauteur, a des sources abondantes. Enfin, M. le chanoine
Sauzet croit que Doa dérive de Domina par une suite de syncopes très naturelles : Domina, Domna, Dona, Doa. Cette explication, qui ne contredit pas la précédente, a bien sa valeur, car elle s’accorde avec l’histoire. Au commencement du douzième siècle, avant la fondation de l’abbaye, il y avait à Doue un oratoire, Sacellum, dit la Gallia Christiania une église champestre, dit le Frère Théodore, dédiée à Notre-Dame, Domina.
Cette église, perdue au milieu des bois, sur une montagne, relativement loin de toute habitation, avait été bâtie par Raymond et Guillaume de Saint-Quentin, ces mêmes seigneurs d’un village voisin qui, en 1138, sous l’épiscopat d’Humbert d’ Albon, établirent, près de ce sanctuaire pour le desservir, une maison collégiale ou abbaye, de chanoines réguliers soumis à l’évêque du Puy.
Ces chanoines appartenaient-ils à l’Ordre de Pré- montré? Les historiens ont été jusqu’à nos jours très partagés sur la réponse à donner à cette question. Se sont prononcés pour l’affirmative Frère Théodore qui fait de Doue le second monastère de l’Ordre de Prémontré, Vilers de la Berchère, abbé de Doue (1729-1741), écrivant au Père Hugo, au moment où celui-ci composait ses Annales ‘3), et enfin les auteurs de la Gallia Christiania qui, s’appuyant sur le Frère Théodore, se torturent l’esprit et corrigent mal à propos les textes pour les faire concorder avec leurs assertions.
L’archimonastère de Prémontré, berceau de la grande famille norbertine s’empressa de recueillir le présent que Saint-Euverte avait perdu par ses lenteurs. Il envoya aussitôt quelques religieux s’établir à Doue, près-le Puy-Sainte-Marie, ville célèbre par son église angélique et ses pèlerinages, dans laquelle ou autour, de laquelle tous les grands Ordres religieux ont tenu à avoir des maisons : Franciscains, Capucins, Cordeliers. Carmes, Dominicains, Chartreux.
Ainsi, il faut compter Doue parmi les monastères de la filiation directe et immédiate de Prémontré, et faire remonter l’établissement des disciples de saint Norbert dans cette maison à l’année 1162, sous l’épiscopat de Pierre de Solignac. Sur ce point, nous devons nous en rapporter aux traditions norbertines. Hugo, dans la préface de ses Annales compte en Auvergne, huit monastères de son Ordre parmi lesquels Doue, fils de Prémontré, Filius Praemonstrati. Il ajoute : « Pierre, évêque du Puy, fonda le monastère de Doue en 1162. Un vieux nécrologe de l’archimonastère de Prémontré, écrit en caractères antiques, confirme le témoignage du savant religieux Norbertin. Nous y lisons : « Le trois des nones de février, commémoraison de Pierre, évêque du Puy, qui donna l’église de Doue à notre Ordre ». Enfin, une lettre du pape Alexandre III datée du IV des ides de janvier, an IV de son pontificat, c’est-à-dire vers la fin de la même année 11 62, confirme la substitution de Prémontré à Saint-Euverte.
Propriétés de l’Abbaye de Doue, Revenus. Privilèges, Associations.
Nos documents locaux et surtout les cartulaires du Monastier et de Chamalières attestent la portée exacte de ces libéralités des fidèles, libéralités souvent modiques, toujours volontaires, qui n’ont composé un ensemble de véritable importance que grâce à l’esprit d’ordre et d’économie, apanage traditionnel des corporations religieuses.
La générosité des fidèles nous le constaterons souvent dans notre récit, telle fut la source des biens et des revenus des Prémontrés de Doue ;la liste, du reste, n’en est pas longue. Nos religieux possédaient l’abbaye et son église, une ferme voisine, la montagne plus ou moins fertile sur laquelle le monastère était assis et tout le territoire environnant, sensiblement borné : au nord, par la route nationale du Puy à Yssingeaux; au levant, par l’ancienne route du
Puy à Saint- Agrève passant par Saint-Germain- Laprade ; au midi, par le chemin ‘de Saint-Germain-Laprade à Peyrard, passant par Pébélit et par la Gagne ; au couchant, par la Loire, depuis Peyrard jusqu’à Brives, où l’on voyait, en 1468, un îlot appelé Leyla de Doa. Dans ces limites se trouvaient en partie la Commanderie de Pébélit qui appartenait aux Hospitaliers du Puy et le domaine de Montanhac, propriété de la famille de ce nom. En dehors de ces limites le monastère possédait une grande partie de la plaine de Saint-Germain-Laprade et une maison sise au Puy dans le quartier du Pouzarot, où le R. P. Abbé résidait souvent.
Outre les revenus provenant des biens-fonds que nous venons d’énumérer et qui leur avaient été donnés par les seigneurs de Saint-Quentin, l’abbé et les religieux de Doue percevaient d’autres rentes.
1. Ils avaient droit à une partie des revenus de la mense épiscopale, des dignités, personats et canonicats vacants du Chapitre du Puy, mais la première année seulement après la mort des titulaires. Une lettre du pape Alexandre III confirme la donation de ces rentes faite à l’abbaye de Doue par Pierre IV de Solignac, évêque du Puy.
2. Doue percevait encore sauf à les pourvoir d »un prieur, les dîmes de plusieurs prieurés, à savoir : Saint-Germain- Laprade, Saint- Martin-de-Fugères, Sainte-Marie-de-Borne, Saint-Julien- d’Ance et Sainte-Madeleine-du Pontempeyrat, dans le diocèse du Puy; St-Etienne-de-Crussol, dans le diocèse de Valence.
3. Il faut ajouter à ces rentes le casuel, les dons et les coupes de bois dont nous ne pouvons pas apprécier la valeur.
L’abbaye de Doue était beaucoup plus riche en privilèges qu’en rentes et en biens-fonds. Elle jouissait des privilèges propres à l’Ordre de Prémontré et de privilèges particuliers.
L’abbé récemment élu doit être présenté à l’Ordinaire, mais il ne doit pas être examiné par lui. Si l’évêque refuse de bénir l’élu, celui-ci peut entrer en plein exercice de sa dignité de par l’autorité suprême du Saint-Siège.
L’abbé n’est pas tenu d’assister au synode diocésain en personne ; il peut se faire représenter par un procureur.
Il peut révoquer les religieux curés de son abbaye et les faire rentrer au monastère.
Il peut présenter ses chanoines aux ordres sacrés, à tout évêque en communion avec le Saint-Siège apostolique, si l’Ordinaire est empêché, ou refuse de conférer les ordres aux religieux présentés.
L’abbé peut placer dans les églises paroissiales qui relèvent de l’Ordre, trois ou quatre chanoines, dont l’un est présenté à l’évêque comme curé.
Enfin, il a le droit d’infliger les censures ecclésiastiques et d’établir des cas réservés.
Les religieux Prémontrés peuvent obtenir des bénéfices à charge d’âmes, cures et autres.
Les monastères de l’Ordre ne peuvent être donnés en commende.
Les églises de l’Ordre peuvent être consacrées par tout évêque catholique.
Les prêtres de l’Ordre, pourvu qu’ils soient approuvés, peuvent entendre la confession et absoudre tous les serviteurs employés dans les monastères de l’Institut.
Les chanoines Prémontrés peuvent établir des églises ou chapelles dans les fermes, granges et établissements dépendant de leurs domaines,
Nul ne peut leur ôter soit leurs églises soit leurs autres biens.
Ils peuvent accepter des héritages, meubles ou immeubles.
Les curés de l’Ordre ne sont pas tenus de rendre compte du temporel de leur cure à l’Ordinaire, mais seulement à leur prélat.
Les abbés de Doue étaient, par commission apostolique, les conservateurs des privilèges de l’église du Puy et les arbitres-nés à la décision desquels devaient être soumises les causes capables de diviser l’évêque et les chanoines. Ils abusèrent quelquefois de ce privilège pour faire prêter aux nouveaux évêques, à leur arrivée, le serment de ne faire saisir aucun chanoine clerc, chevalier (militem) ou serviteur du monastère reconnu coupable. Le pape Jean XXII se crut obligé de réclamer contre ce privilège devenu abusif.
Les Souverains Pontifes donnèrent souvent aux abbés de Doue des missions de confiance. C’est ainsi qu’ils placèrent sous leur protection les couvents de Sainte-Claire au Puy, de Bellecombe et des Chazes. (Gallia Christiania, II, 776. — Bellecombe: Abbaye de femmes, de l’ordre de Cîteaux, à une demi-lieue d’Yssingeaux ; Les Chazes : Abbaye de Bénédictines, près Langeac).
Ils leur conférèrent, à défaut par l’abbé respectif d’y avoir pourvu en temps convenable, le mandat de nommer à certains offices claustraux, par exemple, dans le monastère des Bénédictins de Saint-Pierre-Hors-la-Porte-de-Vienne.
L’abbé de Doue avait la collation d’un certain nombre d’églises et de chapelles. Il nommait aux prieurés de Saint Germain-Laprade, de Saint-Martin-de-Fugères, de Borne, de Saint-Julien d’Ance et du Pontempeyrat, en Velay ; de Saint -Etienne- de-Crussol, dans le Valentinois. Il désignait aussi les titulaires de la chapellenie de Saint-Jean dans l’église de Saint-Germain-Laprade et du vicariat (cure-vicariale) de Saint-Privat, malgré l’opposition de l’évêque de Mende dans le diocèse duquel se trouvait cette paroisse.
L »ordonnance de Blois de 1579 avait conservé aux Prémontrés le privilège d’élection. Malgré ce privilège, nous verrons plusieurs abbés de Doue nommés directement par le roi. Etait-ce en vertu de la règle ou d’un induit que ces nominations furent faites ? C’est un point que nous n’avons pu éclaircir. Nous n’avons guère été plus heureux sur la question de savoir si nos religieux ont été, comme cela se pratiquait souvent en relations de prières avec beaucoup d’autres monastères. Nous connaissons seulement une de ces sortes d’associations grâce au journal de Dom Jacques Boyer. « Les Bénédictines de Saint-Pierre-des-Chazes, dit ce précieux journal, étaient autrefois associées avec les religieux de Saint-Jacques.
Personnel de l’abbaye.
Le monastère de Doue ne fut pas, comme beaucoup d’autres gouverné d’abord par un simple prieur,; car il eut dès l’origine le nombre suffisant de religieux(Ce nombre a toujours été de douze) pour être érigé en abbaye et pour être gouverné par un abbé. Nous en avons pour preuves, du reste, la lettre d’Alexandre III, adressée vers la fin de l’année 1162 à l’abbé qi aux religieux de ce monastère, plus un inventaire, dressé en 1782, qui parle d’une transaction passée entre l’abbé de Doue et l’Évêque du Puy en 1163 .
L’abbé de Doue, comme ceux des autres abbayes de l’Ordre de Prémontré, était nommé par les chanoines de son église, à l’exclusion de tout chanoine d’une autre église. Son élection devait être confirmée par l’abbé de Prémontré ou par le Souverain-Pontife.
Il recevait la bénédiction abbatiale selon la forme du Pontifical romain, des mains de l’évêque du Puy ou, à son défaut, de tout autre en communion avec le Saint-Siège. Il eut, à partir du XVe siècle, le droit de porter les insignes pontificaux, suivant les règles canoniques et les privilèges de l’ordre, et il jouissait d’une primauté de dignité, d’honneur et de juridiction que tous les membres de l’Ordre devaient reconnaître et respecter. Il avait au spirituel, dans son monastère, la juridiction, de tout pasteur qui a charge d’âmes; à lui revenait le soin de donner le saint habit aux novices et de recevoir leur profession. Il avait aussi l’administration de tout le temporel; mais, afin de dégager sa responsabilité dans les affaires graves, il devait s’entourer d’un conseil administratif composé des chanoines les plus prudents et les plus expérimentés de son monastère, parmi lesquels se trouvaient de droit le prieur, le sous-prieur et le cellérier ou procureur. Il devait soumettre à son Conseil toutes les questions administratives importantes et n’agir qu’après avoir pris son avis motivé. Nous verrons les abbés de Doue toujours fidèles à cette règle de prudence.
D’après les plus anciennes traditions de l’Ordre, c’est à l’abbé seul, à Doue comme ailleurs, que fut toujours dévolu le droit de nommer le prieur et le sous-prieur de son abbaye, comme à l’évêque seul est dévolu le droit de choisir ses vicaires-généraux. Il nommait aussi les autres officiers, le circateur, le maître des novices, le cellérier ou procureur, le chantre, le sous-chantre, le sacristain, le vestiaire, le bibliothécaire, le portier, l’infirmier et le réfectorier.
On peut, au simple énoncé de leurs noms, se faire une idée suffisante de chacun de ces emplois, sauf de celui de circateur. Le circateur (de circum ire, aller autour faire la ronde) prenait rang après le sous-prieur; il était chargé de parcourir le monastère à certaines heures pour s’assurer si la règle était observée par tous les religieux ; il remplaçait les trois premiers dignitaires en leur absence.

A Doue, comme dans les autres maisons de l’Ordre de Prémontré, outre les emplois dont nous venons de parler, il y en avait encore d’autres, de sorte que chaque chanoine avait le sien, même lorsque le nombre minimum réglementaire, douze, requis pour former une abbaye, était un peu dépassé.
Après les chanoines, qui formaient la première catégorie des personnes composant l’abbaye, venaient les frères couver s et les oblats ou donnés, qui formaient la seconde catégorie. Les convers étaient de pieux laïques vivant dans le monastère, suivant à peu près la même règle que les chanoines et prononçant des vœux. Le nom de convers leur venait de leur conversion du monde à Dieu par leur entrée dans un institut religieux ; c’étaient pour la plupart des gens illettrés qui ne pouvaient pas être appelés aux ordres sacrés. Ils portaient un habit spécial, suivaient des exercices particuliers et, au lieu de l’office canonial, récitaient certaines prières marquées dans les Constitutions.
Les oblats ou donnés étaient de pieux laïques qui faisaient offrande ou donation de leurs personnes ou de leurs biens au monastère. En compensation, le monastère leur assurait la subsistance et leur fournissait les vêtements et les autres choses nécessaires à la vie.
Tel était le personnel de ‘l’abbaye : il ne dépassa jamais le nombre de treize chanoines même dans les meilleurs jours ; il descendit jusqu’à deux ou trois aux époques de décadence. Comme la dignité abbatiale était la principale, nous allons donner la liste des abbés de Doue, en suivant l’ordre chronologique, nous rattacherons à chaque abbé les officiers inférieurs et les simples religieux qui furent ses contemporains ; nous relaterons fidèlement les principaux faits, concernant l’abbaye, qui se sont accomplis sous chacun d’eux.
Les Abbés de l’Abbaye de Doue.
- Le premier abbé de Doue, dont les vieilles chartes nous aient conservé le nom, est Godefroi (1184- 1200). Nous savons peu de chose sur lui : il est mentionné par les auteurs de la Gallia Christiania) et par Hugues Dutems dans Le Clergé de France, à la date de 1184. En 1200, il reçoit d’un seigneur de Châteauneuf, en Vivarais, la paroisse de Saint-Julièn-d’Arice, située sur les bords de l’Ance, au nord du département de la Haute-Loire et comprise moitié dans le Velay et moitié dans le Forez.
- Le second abbé de Doue fut Armand Dussoyre (1215-1233). Son gouvernement semble avoir été heureux pour le monastère : il fait l’acquisition de plusieurs maisons dans la ville du Puy ; il reçoit divers dons stipulés par testament et se trouve mêlé à quelques négociations; il s’honore surtout et honore son monastère en faisant à Robert de Mehun, évêque du Puy, bienfaiteur de Doue, des funérailles dignes de lui et en déposant dans l’église du couvent la dépouille mortelle du vénérable prélat lâchement assassiné.
- Bernard d »Espaly, troisième abbé de Doue, L’existence de cet abbé est restée inconnue aux auteurs de la Gallia christiania et des Annales de l’ordre de Prémontré. Il figure comme témoin dans un acte d’hommage rendu, le 2 septembre 1233, par Rolland, chanoine de Saint-Agrève, à la Collégiale du même nom, pour une maison sise au Puy, qu’il avait acquise de Bertrand Gire. Il resta probablement à la tête de l’abbaye jusqu’en 1240.
- Hymbert, quatrième abbé. Hymbert, dont le nom s’écrit encore, Ymbert et Imbert, dut veiller soigneusement au maintien de la discipline dans son propre monastère ; car à peine installé comme abbé, il s’occupe en 1240, de concert avec Bernard de Montaigu, évêque du Puy, de la réforme des religieux de l’Ordre de Saint-Benoît. S’agissait-il dé réformer l’Ordre entier ou une maison en particulier ? Nous l’ignorons. Aucun des auteurs que nous avons consultés ne parle de cette réforme des Bénédictins. Hymbert s’occupa des intérêts spirituels de son monastère sans négliger ses intérêts temporels. C’est, ainsi que dans le cours de la même année 1240, il obtint de Gilbert de Goudet, seigneur dudit lieu la cession des dîmes de la paroisse de Saint-Martin-de- Fugères. Vers la fin du gouvernement de cet abbé, Laurent, devenu de chanoine du Puy, évêque de Saint-Paul-Trois Châteaux, léguait par testament beaucoup de propriétés, multa praedia, au monastère de Doue.
- le cinquième abbé connu de Doue, fut Jarenton. Il appartenait à la riche famille seigneuriale de Glavenas, originaire de la petite paroisse de ce nom, près Yssingeaux. Avant de devenir abbé, il était depuis longtemps prieur. A peine installé dans sa haute charge, en 1246, il achète de Bertrand et de Giraud de Servissac dix sous de rente imposés sur une vigne appelée Meillelice. Aux nones de septembre 1250, Castus de Saint- Nectaire, abbé de Saint-Vosy, renouvelle en sa faveur l’investiture des maisons que l’abbaye possédait au Puy; il lui permet de les habiter, de les louer, d’y faire des ouvertures, d’en disposer selon son bon plaisir.
- Géraud, sixième abbé de Doue, ne nous est connu que par un différend qu’il eut avec Jordan, abbé du Monastier-Saint-Chaffre, au sujet des dîmes du territoire de Salas Monxils et de la terre del Portier, situés l’un et l’autre dans la paroisse de Saint-Martin-de- Fugères. Les deux abbés, qui réclamaient ces dîmes chacun pour son couvent, n’avaient pu se mettre d’accord ; les gens de l’abbé du Monastier avaient même maltraité ceux de l’abbé de Doue. Les parties s’en remettent enfin, pour terminer le différend, à la décision d’un arbitre, Pierre de Rodez, docteur ès-lois. L’arbitre est nommé d’un commun accord par acte passé à la Cour royale du Puy, le mercredi après la fête de saint Laurent de l’année 1268, en présence entre-autres témoins de Frère Guillaume de Brives, chanoine de Doue. Après un assez long examen du litige Pierre de Rodez déclare que la seigneurie du territoire de Salas Monzils appartient à l’église de Saint-Théofrède, mais il donne gain de cause sur les autres points à l’abbaye de Doue. Le 26 juin 1272, plainte est déposée par Pierre, seigneur de Saint-Germain, au sujet des violences exercées contre lui par Mathieu de Blavozy et un fils de Bertrand de Rochebaron, chanoines de l’abbaye de Doue, Guillaume de Brives, curé de Saint-Germain, Bertrand et Béraud de Gorce. Entre autres choses le plaignant accusait les susdits d’avoir envahi à main armée le village de Saint-Germain et d’y avoir tué quatre ou cinq habitants.
- Guillaume de Plauzac, septième abbé de Doue, délivre le 6 août 1293 une quittance à l’Université Saint-Mayol du Puy pour une somme de vingt livres tournois, montant du prix d’acquisition faite par ladite Université, d’une maison sise au Puy, rue des Portes. En 1295, il passe avec Guy de Neufville, évêque du Puy, une transaction au sujet de la justice de Champvert. Il est reconnu par les deux parties que la justice de cette terre appartient à l’évêque, comme seigneur d’Arzon, pour les crimes qui méritent la mort, la mutilation des membres et autres peines graves, et à l’abbé de Doue pour les délits de moindre importance. Sous l’abbatiat. de Guillaume, le vendredi après la fête de l’Annonciation, 5 avril 1297, Frère Jean Augier, religieux de Doue, demande à Jean Baudoin, juge et officié de la Cour du Puy, copie des clauses du testament de noble Pierre de Glavenas concernant
L’abbaye.
- Pierre I Peytavin, apparaît à la tête du monastère. La Gallia christiania l’appelle Peytanim ; Hugues Dutems Peytamin. Cet abbé, qui fut le huitième, nous est connu par les archives de Saint-Mayol, du Puy (1307). Nous ne savons rien de sa vie, mais que lui importe, pourvu que ses œuvres parlent en sa faveur devant le trône de Dieu !…
- Pierre II de la Garde, neuvième abbé a laissé plus de souvenirs de son administration. C’était sans doute un personnage de quelque mérite, car il fut nommé commissaire du Saint-Siège dans une affaire délicate. Le Concile de Vienne, par la bulle d’abolition de l’Ordre des Templiers {Vox in excelso, 22 mars 1312), avait attribué leurs possessions aux Hospitaliers ; le pape Clément V prescrivit l’exécution de cette mesure par sa bulle Ad providam, Chris tivicarii (Vienne, 2 mai 13 12), et délégua comme commissaires, dans le diocèse du Puy, l’évêque avec les abbés de Doue et de Saint-Vosy, Le 13 avril 13 17, sous Pierre de la Garde, noble Pons de la Tour, seigneur en partie de Glavenas, donne par testament vingt sous annuels, pour un retour a faire dans l’église de Doue . En 1318, l’abbé transige avec le vicomte de Polignac- pour la justice du village de Fay-la-Triouleyre.
- Pierre III Percamy, dixième abbé qui lui succéda, est cité à la date de 1319 par les Frères Sainte-Marthe et Hugues Dutems. Il n’est pas étonnant que les historiens vellaves ne signalent aucune de ses actions, puisque l’année suivante une autre main tient déjà la crosse abbatiale.
- Pierre IV Pictavin de la Garde, onzième abbé de Doue, est connu, dit la Gallia Christiana, par les archives de l’Eglise du Puy. En 1320, il signe, en qualité de commissaire député du Saint-Siège « un contrat contenant absolution du serment prêté par Raymonda Chandorat touchant l’élection de sépulture par elle faite dans le cimetière de Saint-Pierre- le-Monastier_, comme ayant été contraint et l’ayant fait contre sa volonté, voulant icelle être ensevelie dans l’église Saint-Agrèpve, sa paroisse .Acte reçu Lautier, notaire de Saint-Flour .
- Etienne 1er de Bodasel, douzième abbé prêtait serment entre les mains de Lyautaud de Solignac, chanoine du Puy, le 20 juin 1332. Il était à peine installé sur le siège abbatial, qu’il eut à soutenir un procès contre le seigneur de Saint- Quentin, descendant des fondateurs de l’abbaye, au sujet du droit de pêche dans la Loire, exercé par celle-ci de temps immémorial. L’abbé et les religieux prétendent qu’ils ont droit de pêche depuis la chaussée au-dessus du pont de Brives jusqu’au lieu-dit le Gas-Français. Adhémar de Saint-Quentin soutient, au contraire, que la pêche a appartenu de tout temps et de plein droit, ab. antiquo, pleno jure, à ses ancêtres. Bernard Brun, évêque du Puy, arbitre choisi par les parties, engage Adhémar à céder, remettre et donner aux dits abbé et religieux tous ses droits sur cette pêcherie, moyennant un cens annuel de soixante livres tournois, payables aux seigneurs de Saint- Quentin. Adhémar accepte ces conclusions.
- Etienne II Benoit, treizième abbé. Le nouveau titulaire était originaire du Puy; nous connaissons quelques membres de sa famille : Pierre Benoît, consul du Puy en 1219; son fils Jean, qui, en 1233, vendit une maison à l’abbaye; Pons, consul du Puy en 1430. L’abbé Etienne II Benoît eut, comme son prédécesseur, à défendre le droit de pêche dans la Loire. Une nouvelle sentence arbitrale de Messire Bernard Brun, évêque du Puy, rendue en 1334, lui reconnaît ce droit sur les deux rives du fleuve depuis le ruisseau de Farfayol jusqu’au ruisseau de la Gagne, à la charge par les religieux d’acheter une rente d’un écu au seigneur de Saint-Quentin ou de lui bailler soixante livres tournois » : ce qu’ils font immédiatement. Le seigneur de Saint-Quentin leur donne quittance de cette somme. Etienne Benoît était encore, croyons-nous, à la tête de l’abbaye de Doue lorsque, le 4 avril 1335, noble Guigon de Saint-Germain donnait par testament aux religieux du monastère quarante sous annuels, à la charge par eux de faire tous les ans un anniversaire dans leur église.
- Jean 1er de Saint-Paul, quatorzième abbé, renouvelle, en 1340, les transactions passées par ses prédécesseurs avec les vicomtes de Polignac. Dans le cours de la même année, il reçoit l’hommage du sieur Armand Alphérand de la Blache pour divers fonds que celui-ci possède à Orzilhac. Il transige avec les habitants du village de Salins, paroisse de Saint- Germain, pour la dîme des agneaux. Barthélémy Pasturel, de Fay-la-Triouleyre, lui passe reconnaissance d’un champ au terroir de Sanhe-Morte, au cens de neuf deniers et six deniers pour la taille. Jean Gire, de Servissas, reconnaît aussi tenir de lui un champ appelé Cros, proche le château, au cens de vingt-sept deniers. Comme ses prédécesseurs, Jean de Saint-Paul reçoit pour le compte de son monastère quelques legs de peu d’importance. Guy ou Guigon de Saint-Germain, évêque du Mont-Cassin, en Italie, issu de la noble famille qui possédait la baronnie de Saint-Germain-Laprade par testament du 29 juillet 1341, lègue à l’abbaye de Doue pour un anniversaire à perpétuité trente florins d’or payables une fois ou trente sous par an, au choix de son héritier.
- Pierre de la Roche, quinzième abbé de Doue, prit la direction du monastère (1351). Il était issu d’une famille noble du Puy, qui. a donné plusieurs consuls à cette ville : Pierre de la Roche, en 1387;Jean, en 1392; autre Pierre en 1434. L’abbé de la Roche eut beaucoup de désastres à réparer. Il comprit tout de suite sa pénible tâche et sut la remplir sans défaillance. Nous en avons pour preuve une charte qui corrobore à merveille les hypothèses que nous nous sommes permises sur l’état de l’abbaye de Doue, du vivant de son prédécesseur, Jean de Saint-Paul. M. l’abbé Arsac, professeur d’histoire à la Chartreuse, a mis à notre disposition avec son obligeance ordinaire, la copie qu’il possédait de ce précieux document. Au temps de Pierre de la Roche, l’abbaye de Doue percevait, à Fay-la-Triouleyre, une rente de dix sous tournois qu’elle devait partager avec Hugues de Bonneville. Cette rente avait été constituée par noble dame Marguerite de l’Herm, mère de Hugues. Celui-ci ayant cédé sa part à l »Université des Clercs du Puy, Pierre de la Roche, par acte passé le dernier jour de mars 1351, dans la maison de Doue au Puy, devant M. Bufferne, notaire royal, en présence, entre autres témoins , de Ponce Asson , donat de l’abbaye, reconnaît la cession faite aux Clercs du Puy par Hugues de Bonneville et s’engage à leur laisser leur quotte part de la rente de dix sous tournois.
- Jean II de Lobeyrac, seizième abbé de Doue. Celui-ci appartenait à une famille importante du Puy, qui eut l’honneur de compter parmi ses membres des consuls, des juges, des avocats, des chanoines. Il transigeait le 24 novembre 1351 avec le doyen et le chapitre du Puy. Il fut convenu entre les parties que le seigneur abbé de Doue recevrait la même offrande que les chanoines aux offices des morts, quod dominus abbas Dœ librarî débet sicut unus ex canonicis.
- Jean III Francon, dix-septième abbé de Doue. Son élection fut heureuse pour l’abbaye, car nous allons voir la famille de Glavenas d’abord, sa propre famille ensuite, lui faire des legs considérables. Le testament de Jaucerand, dont nous avons parlé, est le plus ancien témoignage qui nous reste des pieuses fondations des Glavenas en faveur de Doue, mais il n’en est pas le plus important. Alaïs d’Usson, sa veuve, par testament fait au Puy, rue de Séguret, le 20 mai 1361, se montre encore plus généreuse que lui.
- Jean IV Planche MINE, dix-huitième abbé de Doue. La Gallia Christiana le mentionne avec ce titre à la date de 1382.
- Dalmâce Thouzet, dix-neuvième abbé de Doue, successeur de Jean Planche-Mine, n’est pas mentionné par la Gallia Christiana avant 1402. Nous pouvons faire remonter son gouvernement au 5 juin 1392, grâce à un titre authentique dont M. l’abbé Payrard nous a laissé une analyse d’après le texte latin que lui avait fourni une copie du dix-septième siècle. D’après la Gallia Christiana, Dalmâce Thouzet transige avec le vicomte de Polignac en 1420. Le 15 septembre de la même année, le syndic de l’université Saint-Mayol lui rend hommage pour les rentes qu’il perçoit à Fay-la-Tribuleyre, la tête découverte, mettant ses mains jointes entre les mains de l’abbé, qu’il baise. Les abbés de Doue recevront le même hommage d’autres syndics de Saint-Mayol, le 17 mars 1456, le 7 décembre 1579, etc.
- Jean V Chambon, vingtième abbé de Doue, était déjà religieux de ce monastère le 5 juin 1392. Nous l’avons vu, à cette date, figurer comme témoin dans un accord entre l’abbé Dalmâce Thouzet et Guigon de Glavenas. Il devint abbé vers 1423. Le 28 avril de cette année-là, il obtenait une sentence contre le syndic de l’Université Saint-Mayol d). Le 22 octobre 1432, Etienne Terrasse, du lieu d’Arsac, reconnaissait tenir de lui une vigne, au terroir de Bouzols, au vignoble de la Ribeyre de Laussonne, moyennant un cens annuel de deux sols six deniers. de Montanhac lui rend hommage à genoux en 1436. Jean Chambon prolongea-t-il longtemps sa vie ? Nous l’ignorons. Ce qui est certain, c’est que les religieux de Doue obtinrent de Charles VII, le 28 avril 1439, des lettres de sauvegarde qui plaçaient sous la protection spéciale du roi de France leurs personnes, leurs serviteurs et leurs biens.
- En 1440, sinon plus tôt Pierre VI Rodier, vingt-unième, abbé de Doue, avait succédé à Jean Chambon. Le nouvel abbé, d’un nom bien vellave, fut successivement abbé de Doue, de Cuissy et enfin de Prémontré en 1443. Il resta sans doute quelque temps abbé de Cuissy, ce qui nous permet de conclure qu’il était abbé de Doue vers 1440, et peut-être un peu plus tôt.
- Jobert DE Montanhac vingt -deuxième abbé de Doue, qui appartenait sans doute à la famille de Montanhac du- Puy, dont plusieurs membres furent notaires de l’abbaye entretinrent avec elle les meilleurs rapports et possédèrent pendant plusieurs siècles, comme nous le verrons, la ferme située au pied de la montagne de Doue et connue encore sous le nom de Montanhac. Mathieu de Burianne, vingt-troisième abbé de Doue, appartenait à une famille noble du Puy, qui tirait probablement son nom d’une terre située dans la paroisse de Rosières. Cette terre, qui relevait au XIIe siècle du monastère de Chamalières, est devenue plus tard le village de Bourianne.
- Mathieu de Burianne était déjà à la tête de l’abbaye en 1445. A cette date, il reçoit de Guillaume du Fieu, en plusieurs paiements, la somme de vingt livres tournois, en à-compte d’une somme plus importante constituée en dot à sa sœur Isabelle du Fieu, épouse de noble Jean de Montilhac, de la paroisse de Senolio, par leur père commun Guillaume de Beauzac, seigneur du Fieu. L’*abbé est chargé de remettre cette somme à Isabelle. L’acte est passé devant M. Raymond Montanhac, dans la maison abbatiale de Doue située en Posarot, dans la ville du Puy. Parvenu à un âge avancé et après avoir gouverné pendant quarante ans le monastère, Mathieu de Burianne résigna sa charge entre les mains du pape Sixte IV en faveur de son neveu, Jean de Burianne, bien plus tôt que ne l’affirme la Gallia Christiana, certainement avant le 21 février 148 1, comme nous le verrons tout à l’heure. Il se réserva cependant l’usufruit et l’administration temporelle jusqu’à la fin de ses jours.
- Jean VI de Burianne, prieur de Saint-Germain-Laprade, qui fut le vingt-quatrième abbé de Doue. Peu de temps après ravènement de Jean de Barianne, le monastère norbertin eut la visite de R. P. en Dieu et seigneur Humbert de Monthermès, abbé de Prémontré, supérieur général de tout l’Ordre, conseiller, confesseur et aumônier du roi.
- Thomas Duron, vingt-cinquième abbé. Des lettres apostoliques, données à Saint-Pierre de Rome, le XVI des calendes d’avril (17 mars) 1488, allèrent le trouver à Saint-Julien-d ‘Ance, où il exerçait les fonctions de prieur, pour l’appeler à la dignité d’abbé de Doue. Le 26 août de l’année suivante, jour de mardi, le Chapitre du Puy, devant lequel il se présenta, mître en tête et crosse en main, le reçut en grande pompe. Après avoir prêté le serment imposé à tout nouveau chanoine^ il alla siéger au chœur de la basilique dans la stalle la plus voisine de celle de l’évêque ; car les abbés de Doue, comme nous 1 avons déjà vu, étaient comptés parmi les dignitaires du Chapitre. Les Annales de Prémontré disent que Thomas Duron gouverna le monastère jusqu’en 1494. Cette date n’est pas exacte, puisque Claude de Burianne remplissait déjà les fonctions d’abbé en 1493.
- Claude de Burianne, vingt -sixième abbés de Doue, était prieur commendataire perpétuel de St-Germain-Laprade, lorsqu’il fut placé à la tête du monastère. Il inaugura son administration en ratifiant, le 16 février 1493, les privilèges accordés en 1481 par Jean de Burianne à Raymond de Montanhac. L’acte qui nous fournit ce renseignement n’est guère que la reproduction de celui que nous avons analysé plus haut : mêmes concessions de la part du monastère, mêmes hommages de la part de Raymond, rendus suivant le même cérémonial, serments réciproques prêtés de la même manière. Tout l’intérêt nouveau de cet acte se trouve dans les deux listes des religieux de l’abbaye et des témoins.
- Jean VII de Burianne, vingt-septième. abbé, qui était déjà à la tête du monastère en 1529. A cette date, en effet, Jean Chambon du Villard, fonde dans l’église paroissiale de Saint-Germain-Laprade une chapelle en l’honneur de Saint-Jean du vouloir et d’après consentement de R. P. en Dieu Jean de Burianne, seigneur et abbé de Doue.
- Christophe Allard, vingt-huitième abbé, sur le siège abbatial de Doue. Nous savons, en effet, qu’il fut nommé à cette dignité par le roi, le XIII des calendes de décembre 1560, la seconde année du pontificat de Pie IV (2). H confirmait, le 22 janvier 1565, la transaction relative à l’abonnement de la dîme à la gerbe passée, le 24 février 1545, entre Jean de Burianne, son prédécesseur, autre Jean de Burianne, prieur de Saint-Germain-Laprade, et les habitants de cette paroisse. Doue conserve des amis fidèles, les seigneurs de Lardeyrol, entre autres. Par testament fait en maladie dans le château de Lardeyrol, le 15 mars 1573, Claire de Glavenas, veuve de Jean de Marcenat, seigneur de Marcenat (Cantal), lui fait un don important. Au 23 octobre 1575, les religieux de Doue sont, outre l’abbé, Jean de la Junye, sous-prieur, Vital Combetes, Georges Abouzit, Antoine Barre et Michel Roy on, qui afferment les Genebrades et Eerrand. Christophe Allard n’eut pas seulement à affermer les propriétés de l’abbaye pour subvenir à ses besoins, il fut obligé de les défendre contre de mauvais voisins qui, à la faveur des troubles du temps et des embarras dont nous avons parlé, avaient peu à peu empiété. En 1579, Christophe Allard dut rappeler les paroissiens de Saint-Germain-Laprade à l’observation fidèle du traité du 24 février 1545 concernant les dîmes, confirmé par un autre du 22 janvier 1565. D’après ces traités, les syndics de Saint-Germain- Laprade devaient fournir à l’abbé de Doue et au prieur de la paroisse trente setiers de blé, mesure du Puy, moitié seigle et moitié froment ; un terrier dressé par Jean Lyotard, notaire du Puy, faisait foi de cette obligation, à laquelle les syndics avaient négligé de satisfaire. En 1582, Christophe Allard avait un procès pendant devant la cour du Puy avec damoiselle Marguerite de Montanhac, femme de Jean Reynard, juge en la cour du Puy et syndic du pays de Velay, au sujet des droits « de forestage, chauffage et pâturage de bestial es bois et territoire de l’abbaye de Doue. La vie de Christophe Allard qui avait rarement eu des jours heureux comme celui où il avait présidé dans le calmé et dans la paix une fête religieuse, devait se terminer, ainsi qu’elle avait commencé, dans le deuil et dans les larmes. Son abbaye devait passer au pouvoir des ennemis et sa crosse aux mains d’un usurpateur.
Nous sommes en 1589. Henri III vient de tomber sous le fer d’un assassin. La France divisée en deux grands partis : celui des Royalistes favorables à Henri IV de Navarre, et celui des Ligueurs, qui ne veulent pas laisser monter sur le trône un roi calviniste. Dans notre Velay, la ville du Puy, profondément attachée aux croyances catholiques, se déclare ouvertement contre lui. François de Clermont, seigneur de Chaste,, sénéchal du Puy et gouverneur pour le roi dans notre pays, est obligé de prendre les armes contre la ville du Puy qui s’est déclarée pour la ligue. Or, « dit Mandet, sur la vaste ceinture de châteaux fortifiés qui couronnaient le bassin du Puy et qui se trouvaient alors au pouvoir du sénéchal, le monastère de Doue, assis au sommet d’une haute montagne, près des routes du Monastier, de Valence et de Lyon, n’occupait pas la position la moins important.
Au temps dont nous parlons, Christophe Allard, abbé de Doue, et ses moines, venaient, à l’exemple de leur évêque, de se prononcer en faveur du roi de Navarre. Ils n’avaient pas attendu que Chaste leur envoyât une garnison ; eux-mêmes, autant pour leur propre sûreté que par dévouement, s’étaient empressés d’offrir leur maison aux troupes royalistes qui l’occupèrent aussitôt.
Les ligueurs du Puy, continue Mandet, furent d’autant plus irrités de ce qu’ils appelaient une honteuse défection, que leur cause avait essentiellement besoin du concours des gens d’église. Les Prémontrés se trouvèrent les premiers religieux sur lesquels ils voulurent essayer leur colère. Ils partirent donc en assez grand nombre au mois de décembre 1589, tombèrent au milieu d’une nuit obscure sur l’abbaye, la surprirent dans le sommeil, et firent tous ses habitants prisonniers. Maîtres de la place, ils ne songèrent point à la conserver pour eux ; c’eût été s’exposer à la perdre le lendemain et à disséminer des forces qu’ils avaient trop besoin de concentrer au Puy. Ils prirent ce qu’ils purent emporter, y compris les cloches du monastère, brûlèrent presque tous les édifices, démolirent ce que la flamme ne dévorait pas assez vite, et ne respectèrent même pas le monument tumulaire de Robert de Mehun. Coupables de profanations dont ils avaient si cruellement puni les huguenots, ils s’en retournèrent en grande hâte, entraînant au Puy les pauvres moines, auxquels ils donnèrent pour asile la petite église de Saint-Pierre-le-Yieux.
Combien dura l’exil des religieux de Doue loin de leur chère solitude ? Nous ne pouvons le dire ; ce que nous savons bien, c’est que la guerre amena à sa suite l’usurpation. Christophe Allard se vit remplacé à Doue, en 1590, par un intrus du nom d’Henri Beraud. Cependant un arrêt de 1600 lui maintient son droit de prélever la dîme à la gerbe dans la paroisse de Saint-Martin-de-Fugères, à condition par lui de payer la portion congrue du recteur.
Christophe Allard vivait encore le i 15 mai 1603. A cette date, il permet, de concert avec Frères Antoine Barry, prêtre et curé de Saint-Germain,. Simon Mazoyer, Jacques Bonneton, Antoine Chamard, prêtres, et François Chambon, profès tous religieux de l’abbaye, à Jean et Durand Lyotard père et fils, notaires du Puy, qui ont passé depuis environ trente-cinq ans les actes du monastère, sans avoir reçu aucune rétribution, de faucher, pour se payer leurs honoraires qui s’élèvent à la somme de cent cinquante livres, une pièce de pré appelé de la Prade de deux journées d’hommes.
- Henri Beraud, vingt-neuvième abbé, se trouvait à la tête du monastère en 1590; il était fils de Guy Beraud seigneur de Servissac et de Mazengon, et de Louise de Saint- Vidal, sœur d’Antoine de la Tour Saint-Vidal gouverneur pour le roi dans le Velay. Il était frère de Françoise Beraud, qui, en 161 1, était l’épouse de Jacques Baille de Pouzols, sieur de La Bastie vers Fay-le-Froid .Par suite de quelle intrigue s’empara-t-il de la crosse et de la mître abbatiales ? J.es conserva-t-il longtemps? Quelque chercheur plus heureux que nous pourra peut-être le dire un jour.
- Jean VIII du Lac, trentième abbé. Il était issu sans doute de la noble famille du Lac^ de Saint-Martin-de-Fugères, qui a fourni de nombreux consuls à la ville du Puy et qui possède encore d’honorables représentants dans son pays d’origine. Jean du Lac transigeait le 10 juillet 1605, au sujet des dîmes, avec les habitants de la paroisse de Saint-Martin qui, nous l’avons déjà dit, relevait de l’abbaye de Doue. Le 20 décembre 1606, Jean du Lac, abbé de Doue, fait hommage à Messire Annet de Lèvy, duc de Ventadour, pair de France^ comte de La Voûte, seigneur et baron d’Annonay, Roche-en-Reignier, Cornilhon, Le Cheylar, lieutenant général pour Sa Majesté en Languedoc, le seigneur assis sur une chaise, les mains jointes entre celles du seigneur, le baisant à la joue, pour ce qu’il tient dans la baronnie de Roche et la main sur la poitrine, à la manière des religieux . Messire du Lac fut « arquebusadé » près de son monastère, le 2 mai 1609, suivant le témoignage de Jacques Teysson, granger du couvent. Le mercredi 3 juin de la même année, Messire François Barry, contrôleur des tailles de la ville du Puy, en présence du sieur Bertrand, juge-mage, fut par lettres patentes de Henri IV, scellées du sceau de la chancellerie, installé comme économe au gouvernement et aux fruits de l’abbaye.
- La nomination de François Barry comme économe explique celle de Martin Barry, trente-neuvième abbé. L’abbé et l’économe appartenaient probablement l’un et l’autre à une famille de notaires, du Puy. La Gallia Christiana donne Martin Barry comme neveu d’Antoine II de Sénecterre, abbé du Monastier-Saint-Chaffre. M. l’abbé Arsac, au contraire, conjecture, d’après les notes qu’il a recueillies, qu’il n’en est rien. Quoiqu’il en soit, avant de devenir abbé de Doue, il était déjà abbé du Monastier. D’après certains manuscrits lus par les frères Sainte -Marthe, il aurait possédé en même temps les deux abbayes depuis 1592, année delà mort d’Antoine II de Sénecterre jusqu’en 1621.Nous ne garantissons pas la première date et nous reculerons tout à l’heure, preuves en mains, jusque vers 1625, la durée de son gouvernement au Monastier. Nous avons vu que l’abbaye avait été ruinée, en 1590, par les habitants du Puy, lors des guerres de la Ligue. Elle resta en cet état> disent les Annales de Prémontré jusque vers la fin du règne- de Louis XIIL Ce fut seulement en 1640 que Martin Barry, abbé régulier, releva les bâtiments et racheta des mains des laïques les biens de l’abbaye. Il s’occupa du spirituel autant que du temporel.
Martin Barry eut la douleur de voir son monastère qui lui avait coûté tant de peine et tant d’argent à rebâtir, détruit en quelques heures par un incendie Le soir du 10 janvier 1656 l’abbaye de Doue, dit le chroniqueur
Aulanier, brula sans savoir qui avait mis le feu ou par mégarde des domestiques. Ne pourrait- on pas mettre cet incendie à l’actif d’Henri de Sénecterre, abbé du Monastier ? On prête volontiers aux riches, dit le proverbe.
Devenu en 1648, sur un simple brevet du roi, abbé intrus de Doue, il traita, comme nous allons le voir, sa nouvelle abbaye en pays conquis, chassant les vrais religieux, dévastant leurs bois, s’appropriant tous leurs revenus.
- Henri II de Sénecterre, trente-deuxième abbé. Il est, dit M. G. Arsac(i), précisément à propos du personnage qui va nous occuper, des noms que Ton voudrait effacer, qui font tache partout où ils se trouvent, mais la vérité les demande. Quand les pages de l’histoire du monastère (du Monastier-Saint-Chaffre) s’ouvrent pour nous faire admirer, dès le commencement, les vertus d’un saint Calmin, d’un saint Eudes, d’un Saint Théofrède, d’un saint Savinien, d’un saint Ménélée : quand nous y lisons ensuite les noms des Gotescalc, des Dalmace, des Guillaume, des François d’Estaing pour finir avec un d’Aviau, le 7ère des pauvres, ce n’est qu’avec regret et tristesse que l’on écrit sur ces mêmes pages un Henri de Sénecterre. Henri de Sénecterre poussa l’ambition jusqu’à réunir sous sa houlette pastorale les religieux des deux abbayes du Monastier et de Doue, et il y réussit. Nous rechercherons donc les faits et gestes qu’il a accomplis comme abbé de ces deux monastères. De douze religieux que les biens de l’abbaye avaient honorablement entretenus jusqu’au temps de son intrusion, il n’en resta que deux ou trois, sous la conduite d’un prieur intrus, le P. Robert Lattaignant; ils ne vivaient mêmes que des secours qu’ils recevaient, pour leurs services de quelques curés des paroisses voisines. Les lieux réguliers servaient de demeure à des receveurs, à des gens d’affaires, à des domestiques de l’un et de l’autre sexe. Une partie de l’église était ensevelie sous les ruines. L’abbé de Sénecterre s’était servi à son usage d’une grande quantité de pierres de taille qui en provenaient; l’autre partie de cet édifice avait été transformée en écuries à chevaux et à porcs, en granges pour dépiquer les grains et conserver les pailles. Le clocher était sans cloches et sans degrés. L’abbé avait emporté les ornements de l’église, les meubles de la maison abbatiale, les papiers, titres et documents des archives. Une petite sacristie était seule consacrée au service divin; elle était « tous ensemble le sanctuaire, « l’autel et le temple ». Les vases sacrés étaient les uns de fer blanc, les autres d’étain, « le plus superbe ce, d’un simple ivoire ». Un arrêt du même jour porte que sans préjudice du déclinatoire proposé par le sieur abbé de Sénecterre, il répondra aux interrogatoires qui lui seront faits conjointement ou séparément par les commissaires, sinon son procès lui sera fait comme à un muet. Le 26 du même mois, le père Sorel^ visiteur de L’ordre de Prémontré, était à Doue ; il reconnut dans le procès- verbal qu’il dressa, la vérité de tous les faits allégués. Il rendit sur-le-champ quelques ordonnances pour remédier d’urgence aux plus grands abus ; puis il présenta requête au procureur général de la Cour des Grands-Jours, le 28 octobre. Il y peignait le triste état de l’abbaye et la conduite criminelle de l’abbé; il demandait qu’il en fût fait justice.
Dans leur château de Chassaigne où ils établirent leur résidence, dit M. Truchard du Molin, les barons de Lardeyrol, de la maison de Montboissier-Canillac, ne demandaient à Fantique monastère de Doue, ni prières ni sépulture. Ils ne songeaient à la pauvre abbaye, presque abandonnée que pour s’affranchir des fondations que les seigneurs de Glavenas y avaient faites, en d’autres temps; mais qui, pour ces possesseurs étrangers, imbus d’autres idées, n’étaient plus qu’une charge incommode. Gaspard se laissa assigner devant le sénéchal, le 14 novembre 1671, en paiement d’arrérages bien mal servis et en nouvelle reconnaissance de la rente. La copie de l’ajournement n’alla pas jusqu’à sa personne. C’eût été peut-être téméraire, elle fut laissée à son fermier, au château de Lardeyrol. Le R. P. Lattaignant, prieur de l’abbaye de Saint-Jacques, n’était guère en situation de soutenir une longue lutte judiciaire contre les Canillac, et il eut le bon esprit de sacrifier beaucoup pour sauver quelque chose.
- trente-troisième abbé de Doue fut Sylvestre de Morgues de Saint-Germain. Il était issu de la noble famille de Morgues, qui possédait alors la seigneurie de Saint-Germain-Laprade. Il était le cinquième fils de Claude de Morgues et d’Ursule Léonard, de Bruxelles. Né à Saint-Germain, le 31 décembre 1656, il eut pour parrain son cousin-germain, Claude d’AJzon, sieur de La Coste. Il entra tout jeune dans les Ordres, et, grâce aux bons offices de son oncle, l’abbé de Saint-Germain, il fut pourvu dès l’âge de quinze ans, de l’abbaye de Doue, qu’il administra en qualité d’abbé depuis 1676, c’est-à-dire dès l’âge de vingt ans. Ses frères et sœurs étaient : Joseph-Scipion, prieur de Saint-Julien -Chapteuil, de Saint-Pierre-Eynac et de Notre-Dame de Tombebœuf ; Mathieu, baron de Saint-Germain et prévôt des maréchaux pour le diocèse du Velay ; Gabrielle-Henriette, abbesse de Sainte-Claire; Bonne-Marie; Claude-Antoine et Jean-Gabriel. Gabrielle-Henriette, sœur de notre futur abbé de Doue, fut la trentième abbesse de Sainte-Claire, du Puy; elle gouverna ce monastère avec beaucoup de distinction. Jean-Hugues de Saint-Germain, son neveu, fut attaché en qualité de secrétaire à l’abbé Melchior de Polignac pendant le séjour que celui-ci- fit à Rome comme auditeur de Rote. Sylvestre de Morgues fut enfin définitivement appelé à Doue comme abbé régulier par nomination royale du 20 juin 1679 ; il reçut la bénédiction des mains de l’évêque de Bethléem inpartibus infidelium, dans l’église de Saint-Magloire, à Paris, le 30 octobre 1683. Aussitôt après la mort d’Henri de Sénecterre, la joie et l’espérance semblent renaître dans l’antique couvent Norbertin et parmi les personnes attachées à son service ou domiciliées dans son voisinage. Les religieux dé Doue sont toujours respectés et vénérés. Leurs fermiers, leurs meuniers, leurs voisins tiennent à ce qu’ils versent eux-mêmes l’eau sainte du baptême sur le front de leurs enfants; l’un d’entre eux se hasarde même à demander au R. P. abbé, d’être le parrain de son fils. Sylvestre de Morgues accepte de la meilleure grâce et avec la plus grande déférence; il veut même que son petit filleul porte son nom.
Sylvestre de Morgues était, à sa mort, le doyen, c’est-à-dire le plus âgé des abbés de l’Ordre de Prémontré. Il rendit son âme à Dieu dans son abbaye de Doue, le 20 août 17 14, en la fête de saint Bernard ; ses religieux l’ensevelirent dans le caveau des prêtres.
- Robert de Vilers de la Berchère, trente-quatrième abbé. Lorsque celui-ci fut promu à la dignité abbatiale, il était religieux profès de l’archimonastère de Prémontré, au diocèse de Laon. Comme son prédécesseur, il dut au
Roi sa nomination qui lui fut signifiée le 30 octobre 1714. Dom Luce abbé de Prémontré, lui donna la bénédiction dans la chapelle de l’abbaye de Saint-Antoine, à Paris, le 10 février 1715, et le 2 juin suivant il prit possession de l’abbaye. le P. Hugo nous dit de lui dans les Annales de l’ordre de Prémontré :
« Tout ce que le jeune abbé de Doue, assez étranger à l’histoire du pays anicien, raconte de l’ancien état de son abbaye, mérite à peine créance, car il l’affirme sur la foi des témoignages et des traditions populaires .Le grand annaliste Prémontré décrit ailleurs l’état du monastère et des archives de Doue, à cette époque, dans les termes suivants : « L’aspect de ce monastère gouverné cependant par un abbé régulier est lamentable : grâce à l’incurie et à la négligence, les actes de fondations et les autres documents ont été dispersés ; il ne s’en trouve aucun dans les archives. L’abbé actuel nous écrit que tous les titres ont été communiqués par ses prédécesseurs à l’avocat chargé de soutenir un procès concernant le droit de pêche sur les deux rives de la Loire. Ce procès avait été intenté à Doue par le vicomte de Bouzols, qui violait ainsi les antiques privilèges de l’abbaye. L’abbé ajoute que le vicomte a été débouté de ses prétentions, mais, comme le monastère ne peut pas rembourser les sommes avancées par les hommes de loi pour soutenir sa cause, il leur a laissé ses archives en gage jusqu’à des temps meilleurs. »
Le 4 février 1720, les religieux de Doue cèdent un chazal de maison qu’ils ont à Saint-Germain, servant de maison priorale à Georges Peyronnel, sous la rente annuelle de trente sols argent et une paire de poulets. Le 6 juin de la même année, intervient entre l’abbé de Doue et les habitants de Saint-Martin-de-Fugères une transaction portant abonnement de la dîme pour toute la paroisse. En vertu de ce traité, les habitants delà paroisse sont tenus à l’entretien et aux réparations du chœur et du cancel de l’église à perpétuité. Dans le cours de la même année, Joseph Chomel passe reconnaissance de son domaine d’Oùdinet. et du moulin de Peyrard à l’abbaye de Doue qui, en 1722, lui abandonne le droit qu’elle a de prendre l’eau au moulin pour le pré de l’abbé. Le 8 décembre suivant, Robert de Vilers, abbé, Alexandre de Vilers, prieur, Augustin Mal trait, François Irailh, Jean-Louis Genestet, Claude Tupigny et Claude Dumas, procureur, tous religieux, afferment le domaine de Doue à François Galland, de Couteaux, paroisse de Lantriac, moyennant vingt setiers seigle, douze setiers froment, six setiers fromentade, deux setiers orge, quatre cartons pois blancs, cent cinquante livres pour les foins, trente livres fromage et trente livres beurre, trois paires chapons, trois paires poulets et trois charretées de raves. Le 13 décembre 1723, Glande Dumas, chanoine régulier, procureur-fondé de l’abbé et des autres religieux, emprunte à Gaspard Dugone, marchand du Puy, sous la rente annuelle de cent livres, la somme de deux mille livres, qui doit être employée à la subsistance de la Communauté, à payer la dépense de la refonte des cloches et les frais de divers procès .
Le 2 mai 1724, l’abbé lui-même emprunte au même autres mille livres, sous la rente annuelle de cinquante livres, et ce pour payer la capitation et faire face à d’urgentes affaires.
Il se démit de la charge abbatiale en 1726.
- Pierre -François Irailh, trente-cinquième abbé était fils d’un marchand drapier qui habitait la rue Saint-Gilles, au Puy (4). Déjà religieux Prémontré, il fut pourvu par le roi de l’abbaye de Doue, au mois de septembre 1726. La nouvelle de sa nomination, dit le Journal d’un bourgeois du Puy, arriva dans cette ville le 26 octobre suivant. Il reçut la bénédiction abbatiale des mains de Mgr de Béringlien, le dimanche 4 juillet 1728. Sous l’abbé Irailh, le couvent de Doue ne comptait plus que quatre religieux, et ses revenus ne dépassent pas 1.200 livres, Cet abbé mourut le 4 août 1729.
- Jean-Louis Genestet, trente-sixième abbé, qui le remplaça, appartenait aussi à une honorable famille de commerçants du Puy ; il était le fils cadet de Jean Genestet de Libot. Il fut nommé par le Roi à l’abbaye de Doue le 15 octobre 1729 ; la nouvelle de sa nomination parvint au Puy le 24. Nous avons fait remarquer, au commencement de cette histoire, que l’expédition des bulles confirmant l’élection d’un abbé, la cérémonie de sa bénédiction et l’achat de ses ornements entraînaient pour les abbayes des frais considérables. Notre assertion est admirablement confirmée par les deux pièces suivantes qui sont conservées aux archives de la fabrique de Saint-Germain-Laprade. Nous y voyons que l’élection de Jean-Louis-Genestet coûta quatre mille livres au couvent de Doue. En 1736, l’abbaye de Doue n’avait pu encore se libérer de la somme de quatre mille livres empruntée pour subvenir aux frais de l’élection de Jean-Louis Genestet. Comme le créancier réclamait cette somme, l’abbé de Doue lui remboursa trois mille livres qu’il emprunta au vénérable Chapitre du Puy et se reconnut toujours redevable envers son premier créancier de la somme de mille livres. L’abbé Genestet mourut dans la nuit du 15 au 16 juin 1741, au Puy, dans sa maison paternelle, située dans la rue Saint-Gilles.
- Jean-Louis Genestet succéda Gustave-Ferdinand Krust, trente-septième abbé. Un document lu par M. l’abbé Payrard le qualifie de prévôt d’Estandon et le fait vivre en 1744. Son nom est donné par l’abbé Dutems dans sa liste chronologique des abbés de Doue, mais sans citation de dates. Il en est de même de ses deux successeurs immédiats. Nous avons été assez heureux pour découvrir aux Archives départementales de la Haute-Loire sur ces trois abbés quelques documents que nous reproduisons en leur lieu et place. Gustave-Ferdinand Krust, que M. Payrard appelle à tort Guillaume, était déjà abbé de Doue en 1741. A cette date, Frère Strowsse, était procureur. L’abbaye, taxée 80 florins valait de 2.700 à 2.800 livres. L’abbé de Doue écrit de sa propre main et signe, le 18 septembre 1750, la reconnaissance d’une dette de treize cent vingt livres contractée par ses prédécesseurs.
- Pierre-Emmanuel Fagnier de Vienne de Neuville trente-huitième abbé. Celui-ci était frère de Messire Jean-Thierry Fagnier de Vienne, conseiller du Roi en la grand chambre de son Parlement, chanoine de Paris, abbé de Bonnefontaine. Sa nomination à l’abbaye de Doue, fut comme celle de Jean-Louis Genestet, la cause d’un nouvel emprunt. Nous connaissons cet emprunt par trois pièces inédites, qui nous fournissent sur le monastère, d’autres renseignements intéressants. « Le 22 septembre 1752, le chapitre assemblé au son de la cloche, furent présents Monsieur de Vienne, abbé, messieurs Parand, prieur, Lanciau, sous-prieur, syndic et secrétaire, Sapet, Laurenson et de LavaL religieux profès, il a été représenté par ledit sieur abbé qu’il était sur le point de recevoir ses Bulles… Sur quoi, la matière mise en délibération, a été arrêté d’une voix unanime que le P. Lanciau, sous-prieur, serait autorisé à emprunter une somme de trois mille livres. . . » « Le 21 octobre 1752, l’abbé et les religieux de Doue constituent (non pas le P. Lanciau, mais) messire Jean-Thierry Fagnier de Vienne, conseiller du Roy, abbé de Bonnefontaine, demeurant à Clermont- Ferrand, leur procureur général et spécial pour eux et au nom de la communauté, emprunter la somme de trois mille livres, pour employer aux frais de l’obtention des Bulles de Monsieur Fagnier de Vienne, nommé par Sa Majesté abbé de ladite abbaye de Doue. . . Fait et passé dans le couvent de Doue, en présence de Messire Christophe de Mourgues de Saint- Germain, habitant de la ville du Puy, et messire Claude-Marie Dauthier de Saint-Sauveur, habitant dans son château du Monteil. . . » — Acte reçu Abrial, notaire au Puy. L’abbé de Vienne appartenait à une famille noble d’Auvergne, dont les armes portaient : de gueules à l’aigle déployée d’or. Il mourut à Blesle, sa ville natale peut-être, le 16 juin 1753.
- Jean-Baptiste Opinel, trente-neuvième abbé de Doue. Sous le gouvernement de l’abbé Opinel, l’abbaye eut avec la Chartreuse de Brives un grave démêlé à propos du droit de pêche dans la Loire.
- Dom Martin Gaudivally abbé de Doue. Il fut le quarantième et le dernier. Ses prédécesseurs, qui vivaient à Paris, avaient dissipé les revenus et endetté le monastère. Aussi, quelque temps après, le roi Louis XVI la mit d’abord en économat, puis en commende, c’est-à-dire que les religieux furent conduits dans d’autres monastères et un administrateur fut chargé de régler la situation Si Martin Gaudivally a jamais été abbé de Doue il ne fut pas le dernier puisque nous trouvons après lui les abbés Mocquet et Desgranges. Nous avons déjà expliqué l’origine des dettes de l’abbaye : les malheurs des temps, les abbés intrus, l’élection des abbés légitimes. Nous n’en trouvons jamais la cause dans la vie prétendue dissipée des abbés commendataires, qui se contentaient de leur traitement et qui même, nous le verrons bientôt, employaient une partie de leurs émoluments en bonnes œuvres. Les religieux de Doue ne furent jamais dispersés dans d’autres abbayes, par la raison bien simple qu’ils ne furent pas même assez nombreux pour occuper les prieurés qui dépendaient de leur monastère.
- Le successeur de Martin Gaudivally fut Barthélémy-Augustin Mocauet, quarante-unième abbé (1762). Il habitait dans la maison de Messieurs les prêtres de la Doctrine chrétienne, rue des Fossés Saint-Victor, à Paris: Les documents que nous avons recueillis sur Doue, au temps où il en était abbé, concernent sa personne, les religieux, les régisseurs, les dettes, les dépenses et la vente de l’abbaye. Quand l’abbé Mocquet prit possession de l’abbaye, la rente de cinquante livres consentie par l’abbé Fagnier de Vienne en faveur des Cordeliers de Clermont-Ferrand n’était pas encore remboursée. Il fut obligé le 18 avril 1765 de passer ratification de ce contrat de rente au R. P. François de Gannat, gardien du couvent. Le 4 février 1768, il recevait de noble Ignace-Bertrand-Benoit Lamyc de Lardeyrol, trente livres trois sols, trois deniers pour-arrérages d’une censive annuelle de trois livres dix sols pour un champ situé au Treuil de Doue. Le 13 du même mois, l’abbé Mocquet, Frère Dominique Sapet et Jean de Laval afferment à sieur Louis Montbel, maître bouché et à François Vêysseyre maître teinturier, du Puy une pièce de terre, sise au Treuil sous la censive annuelle de trois cartons blé seigle, mesure de Doue. Le 30 mars suivant, les mêmes afferment à Marie Gévolde, veuve de Pierre Brun, de Brives, et à Mathieu, son fils, habitant à Oudinet, un champ au-dessous de la vigne de Doue, appelé de Lissart, plus une partie du couderc de la Sarrazine, sous la censive annuelle pour l’Issart de 64 cartons blé fromentade, un carton seigle, et pour le Couderc, trois cartons seigle et deux livres d’huile de noix.
- Joseph-Vosy-Stanislas Bergonhon de Rachat-Dégranges, quarante-deuxièmes et dernier abbé, naquit au Puy le 1er novembre 1741. Il était fils de Jean-François- Armand Bergonhon, seigneur de Rachat, la Roche, Chantillac et autres lieux, conseiller du Roi, lieutenant particulier de la sénéchaussée du Puy, et de Marie-Jacqueline Roche. Dieu bénit visiblement l’union de ces époux chrétiens, car il leur donna quinze ou seize enfants, parmi lesquels nous comptons plusieurs religieuses et six prêtres, tous d’un mérite distingué. Leur maison est occupée aujourd’hui par les. religieuses de la Présentation qui ont fondé une école de sourdes-muettes.
Joseph- Vosy-Stanislas fut, comme ses frères, élevé au collège des Jésuites, au Puy. Il ne le quitta que pour aller au séminaire de Saint-Sulpice, à Paris, se préparer, au sacerdoce. Pendant le cours de ses études théologiques, il se présenta à la Sorbonne pour prendre ses grades ; il fut le cinquième aux examens de licence et n’eut pas de peine à conquérir le bonnet de docteur. Ordonné prêtre le 11 décembre 1765 par Mgr Hachette-Desportes, dans la chapelle de l’archevêché de Paris, l’abbé Desgranges ne tarda pas à rentrer dans son diocèse. Au commencement de l’année 1770, Mgr Lefranc de Pompignan, évêque du Puy, qui l’avait en grande estime, le nomma à l’importante cure de Monistrol, dont il prit possession le 25- mars de la même année.
Plein de modestie, le jeune curé fut loin de se prévaloir de sa position; il travailla de toutes ses forces, sans ostentation et sans bruit, pendant six ans consécutifs à transformer sa vaste paroisse, et il y réussit.
Aussi la population de Monistrol le vit-elle à regret s’éloigner d’elle lorsque, en 1776, Mgr de Galard, successeur de Mgr Lefranc de Pompignan sur le siège du Puy, l’appela auprès de lui pour en faire son grand vicaire.
Louis XVI le nomma abbé coramendataire de cette abbaye par brevet du 2 juillet 1787. Cette maison était alors en pleine décadence. Le choix que l’on avait fait, pour la relever, de l’intelligent et vertueux grand vicaire de Mgr de
Galard fut accueilli au Puy avec faveur. Les bienfaits des rois, écrivait le chanoine Laurent à cette Occasion, tendent toujours à récompenser le mérite, et jamais leur destination n’a été mieux remplie.
Le nouvel abbé de Doue se met tout de -suite à l’œuvre pour rendre au couvent de saint Norbert son ancienne splendeur. Il s’entend pour cela avec Jean-François Chapuis, régisseur du domaine, fait toutes les démarches nécessaires et remplit toutes les formalités requises en pareil cas. Deux ingénieurs et architectes du Puy, les frères Jean-Pierre et Jean-Claude Portai, experts à ce nommés, le premier par le régisseur et le second par l’abbé, suivant ordonnance rendue par M. Pierre-Marcellin Calemard de La Fayette conseiller, au sénéchal et présidial du Puy, font un rapport sur l’état de l’abbaye et dressent le devis des réparations à y faire. Leur travail, que nous reproduisons au chapitre suivant, est terminé le 9 février 1788. Malheureusement les idées révolutionnaires qui commencent à agiter le Velay, comme le reste de la France, obligent l’abbé Desgranges à donner à son activité une autre direction. Il semble abandonner non seulement le projet de restaurer son abbaye, mais même le souci de la gouverner ; nous le voyons à peine une autre fois s’en occuper.
Le 17 juillet 1789, il donne « à titre de bail à ferme à M. Maurin, notaire royal de La Roue, paroisse de Vorey, tous les cens et rentes que l’abbaye de Doue a droit de prendre et percevoir aux lieux de Champvert, la Garnasse, Saint Paulien, Vorey et autres lieux circonvoisins, de conformité aux titres de ladite abbaye… pour le, temps de neuf années et neuf perceptions… moyennant pour chacune d’y celles le prix et somme de trois cent cinquante livres… promettant ledit M. Maurin de donner à la fin du présent bail au dit sieur abbé de Doue une liève desdits cens et rentes sus affermés, contenant les changements qui seront faits pendant le cours du présent bail. Fait et récité dans ladite abbaye de Doue.
L’abbaye ayant été supprimée au Chapitre général tenu à Prémontré, le 16 septembre 1770, les quelques religieux restés à Doue adressent, en 1771, une supplique à l’archevêque de Toulouse. Ils exposent que, depuis la suppression, leur communauté se trouve dans l’état le plus déplorable : les bois qui faisaient la partie principale de leurs revenus sont entièrement dégradés et ravagés par les habitants de la contrée qui y viennent par troupes durant la nuit. Et comme ces religieux se trouvent réduits au nombre de trois, savoir deux prêtres et un frère infirme, et qu’ils restent dans la campagne, éloignés de toute ville et de tout village de plus d’une lieue ils appréhendent des malheurs plus grands encore. C’est pourquoi ils supplient Sa Grandeur de prendre en pitié leur triste état et de décider au plus tôt de leur sort. Suivent les signatures. Sapet, Ardouin, prêtres, Frère Laval.
En 1772, un arrêt du Conseil d’Etat décide que les biens de l’abbaye seront régis par M. Vacheron, bourgeois du Puy; que « sur les revenus il sera payé au sieur Mocquet abbé régulier d’icelle, la pension annuelle de 200 livres et celle de 500 livres à chacun des religieux . En 1777, Etienne Le Blanc, chanoine régulier de l’Ordre de Prémontré, profès de l’abbaye de Doue, ci-devant curé pendant quarante ans de Saint-Julien. D’Ance, expose que son âge l’a déterminé à résigner son bénéfice en faveur d’un de ses confrères de Saint-André de Clermont et demande la pension de 500 livres, comme ses confrères conventuels.
Jean Marc de Véron de Saint-Julien était en 1779, prêtre et profès de l’Ordre des religieux Prémontrés et résidait sans doute au monastère de Doue.
Le 21 juin 1780, l’abbé Mocquet donne aux pauvres de la paroisse de Saint-Germain-Laprade un capital de mille soixante livres. Cette somme prêtée à Jean-François Vincent, fermier du domaine de Pébélit, appartenant à l’Ordre de Malte, produit un revenu annuel de cinquante-trois livres qui doit être distribué chaque année, à la Saint Jean-Baptiste (24 juin), à douze pauvres de la paroisse, y compris Catherine Coudeyre, restant actuellement dans l’abbaye de
Doue.
Une inscription qui se lit dans l’église de Saint-Germain-Laprade et que M. Payrard a publiée dans ses Nouveaux Mélanges historiques, rappelle que l’abbé Mocquet fut un insigne bienfaiteur de cette paroisse sur le territoire de laquelle se trouvait l’abbaye.
Mocquet, prêtre, abbé régulier de l’abbaye de Doue, Ordre de Prémontré, et premier chanoine dignitaire de l’Eglise Cathédrale du Puy en Velay, a fait et constitué au profit des pauvres de cette paroisse deux cent quarante-deux livres douze sols de rente perpétuelle, 15 déduit, assignée sur les Aides et Gabelles et autres revenus du Roy, pour les arrérages de cette rente être employés en distributions mensuelles et en nature de pain en faveur de trente pauvres les plus nécessiteux de cette paroisse, le premier ou le deuxième de chaque mois, à raison de quatre livres pour chacun par les personnes qui en seront chargées par messieurs les curés, marguilliers et notables habitants, laquelle fondation a été acceptée par messieurs le curé, marguilliers et notables qui s’en sont chargés personnellement comme il est parlé en leur acceptation .
La Révolution française respecta cette fondation, qui existe encore.
Nous ignorons la date précise de la mort du bienfaisant abbé Mocquet. La dernière quittance de sa pension, signée de lui, est du 25 Octobre 1787.
Les Régisseurs.
Sous l’abbé Mocquet, qui résidait à Paris, la gestion des affaires de Doue fut confiée à des régisseurs.
Le premier, M. Vacheron, bourgeois du Puy, nommé par arrêt du Conseil d’Etat en 1772, rend ses comptes en 1779. Ses recettes s’élèvent à 38.881 livres et ses dépenses à 39.433 livres.
Le second, sieur Jean-François Chapuis, négociant du Puy, précédemment fermier de l’abbaye, est nommé par un arrêt du Conseil d’Etat du Roi, du 27 février 1780, qui lui adjoint Pierre Sabatier, de Blavozy iv. Le 5 juin 178 1, Jean- François Chapuis, et Gaspard Durastel, régisseurs, afferment le domaine à Jean-Louis Bruchet, de Marnhac, paroisse de Saint-Germain-Laprade, moyennant cinquante setiers de seize cartons, mesure du Puy, dont treize froment, vingt-cinq fromentade, douze seigle, huit cents livres pour les prés, douze paires chapons, cent livres beurre et cent livres fromage, six sacs raves nettes, six sacs pommes de terre. M. Chapuis était encore régisseur de Doue le 28 décembre 1787.
Les dettes.
- L’abbaye de Doue doit, depuis le 27 octobre 1752, aux Pères Cordeliers de Clermont-Ferrand une somme de mille livres pour laquelle elle sert annuellement le cinq pour cent, c’est-à-dire cinquante livres. Les intérêts sont payés régulièrement ; le capital est enfin remboursé par M. Chapuis, régisseur, le 28 décembre 1783, au R.P Ferjeux, directeur des religieuses de Sainte-Claire au Puy, cordelier de Clermont, autorisé à cet effet par le Chapitre de son couvent.
- Doue doit encore à M. Arnaud, médecin du Puy la somme capitale de douze mille livres, dont les intérêts s’élèvent chaque année, de 178 1 à 1787, à quatre cent cinquante livres.
- Madame Roche et M. Dugone, son héritier, reçoivent annuellement des régisseurs dé Doue, de 1781 à 178e, cent cinquante livres pour trois mille livres prêtées le 24 janvier 1781.
Les dépenses.
- La pension alimentaire de l’abbé Mocquet fixée d’abord, comme nous l’avons dit, à 1.200 livres, est portée par un arrêt de 1773 à 1.600 livres payables par trimestre.
- Les religieux, dont nous ignorons le nombre exact, reçoivent cinq cents livres chacun.
- Le curé de Saint-Germain-Laprade, en exécution d’un arrêt du Conseil d’Etat du Roi, du 27 février 1780, reçoit 500 livres pour sa congrue, 40 livres pour menues dépenses, 7 livres 10 sols pour l’huile de la lampe, plus 3 setiers grain, moitié froment et moitié seigle, ledit setier composé de seize cartons, mesure du Puy, évalué ledit froment à trois livres douze sols le carton, et le seigle à deux livres dix-huit sols, pour fondation que ,lui doit annuellement ladite communauté (de Doue), à l’échéance de chaque fête de saint Michel.
- Messire Cairoche, chapelain de Saint-Jean (chapelle de l’église paroissiale de Saint-Germain-Laprade reçoit des régisseurs de Doue trois cents livres par an, d’après une quittance du 17 octobre 1786.
- Messieurs Chapuis et Durastel donnent à Jean-Pierre Roche, garde-bois de Doue, pour le salaire d’une année, la somme de 250 livres, le 10 février 1781.
- Le 20 février 1782 M. Martin procureur fiscal de la terre de Doue, reçoit 72 livres « pour employer en à compte des frais de la procédure criminelle faite à raison de l’homicide commis sur la personne de Joseph Lager, dit Gingard. Le 23 mars de la même année, il est donné 45 livres 12 sols au sieur Serve, greffier de la terre de Doue, pour expédition de la procédure ci-dessus.
- Les régisseurs Chapuis et Durastel déclarent, le 10 mai 1781, avoir déboursé depuis le commencement de leur régie pour réparations urgentes faites aux bâtiments, à la vigne, au jardin, à l’allée, au pré de l’Abbé, sur la route de Brives au Monastier, la somme de 998 livres, 18 sols, 6 deniers.
Le sieur Chapuis, régisseur, déclare, le 8 mai 1782, avoir déboursé à lui seul pour le transport au Puy et les frais de vente des cloches et du mobilier de l’abbaye, la somme de 219 livres, 8 sols, six deniers.
Inventaire et vente des biens meubles et du mobilier de l’abbaye.
Le rapport sur l’inventaire et la vente des meubles de Doue, dressé en 1781 et 1782, se trouve aux Archives départementales de la Haute-Loire; il nous a fourni tous les renseignements qui termineront ce chapitre.
Les revenus de l’abbaye, est-il dit dans ce précieux document, ne pouvant plus équilibrer les dépenses et suffire à payer les intérêts des sommes empruntées, le Chapitre général de l’Ordre de Prémontré ordonne une estimation des biens et un inventaire des effets mobiliers.
En conséquence, Antoine Reynier, chanoine régulier, prieur de Saint-Julien-d ‘Ance, nommé commissaire à cet effet par Mgr de l’Ecuy, abbé de Prémontré et général de l’Ordre, le 12 février 1781, se transporte à Doue, le 3 mai suivant, pour procéder à l’inventaire des titres, papiers et meubles état et description des maisons, bâtiments, bois et autres fonds dépendant de ladite abbaye . Il est assisté de MM. Chapuis et Durastel, régisseurs.
Voulant, dit M. Reynier, donner à notre commission tout l’ordre et l’exactitude possibles, une preuve de notre empressement à maintenir les intérêts qui nous ont été confiés et mériter la confiance dont on a voulu nous honorer, avons trouvé convenable de commencer par, la vérification des bois taillis.
M. Claude Borie, commissaire à terrier, archiviste-expert du Puy, est chargé de ce travail ; Pierre Roche, garde-bois, lui montre les limites.
Voici le résultat de l’expertise de Claude Borie.
- Bois de la Taillade ou Chouvet, du midi de l’abbaye, d’une contenance de 48,03 5 toises carrées ou 32 arpents, 35 toises, mesure de Toulouse.
- Autre bois, au nord de l’abbaye, d’une contenance de 69.751 toises carrées ou 46 arpents et demie et une toise de Toulouse.
Ces deux bois, composés de chênes, de frênes, de noisetiers, de trembles et autres mauvais bois blancs, ont été dégradés; les arbustes n’ont poussé que sur des souches. Un sixième de l’étendue est dépourvue d’arbres . L’expert divise les bois en neuf coupes qu’il détermine par des bornes et des fossés. Le tout est approuvé par M. Reynier et par les régisseurs.
Ces bois, situés au levant de l’abbaye, ne renferment pas d’arbres de haute futaie, mais des arbres propres à faire des fagots. Les quatre coupes faites jusque-là sont maintenues.
Après l’estimation des bois, l’inventaire des titres et papiers, parmi lesquels deux terriers, l’un de 1456, signé Montanhac en 163 feuillets, et l’autre de 1562, reçu Lyotard. Nous renvoyons à la fin de ce travail le catalogue des Archives, de même que l’inventaire du mobilier de l’église et de l’abbaye et des livres de la bibliothèque.
La plus grande partie du mobilier fut vendue, les 11, 12 et 13 avril, 2,815 livres 15 sols.
- Les trois cloches pesant au total 1,665 livres, furent achetées par Dubois, fondeur au Puy, le 29 avril, au prix de quatorze cent quatre-vingt-dix-neuf livres huit sols.
Le montant de chaque vente fut remis immédiatement à M. Chapuis, régisseur, par Dolezon, notaire, et Comburieu, huissier, qui avaient présidé et dirigé les enchères.
Un certain nombre d’objets mobiliers ne trouvèrent pas d »acquéreur. Le tabernacle, deux expositions, un devant d’autel et une gloire en nuages ne furent vendus que le 18 août 1787, au prix total de quarante-huit livres.
Les revenus de l’abbaye, est-il dit dans ce précieux document, ne pouvant plus équilibrer les dépenses et suffire à payer les intérêts des sommes empruntées, le Chapitre général de l’Ordre de Prémontré ordonne une estimation des biens et un inventaire des effets mobiliers. Les immeubles de l’abbaye, après avoir appartenu six cents ans à un des plus grands Ordres religieux, ne tarderont pas de passer en des mains laïques.