1er famille Jausserand III (1332-1367)

La succession de Charles IV le Bel. — Rivalité d’Edouard III et de Philippe le Bel. — Origine de la guerre de cent ans (1337-1453). — Jausserand fonde, en 1348, l’hôpital de Saint-Didier. — Jausserand de Saint-Didier, Briand de Retourtour et Gérenton de Solignac ravagent les terres du seigneur de Cornillon, en 1350. — Le 24 avril 1351, le baron de Saint-Didier fit rémission du droit de mainmorte aux habitants de la baronnie. — Jausserand fut témoin du testament du comte Guy de Forez, le 16 décembre 1357.

Jausserand succéda à son père Alexandre, sous le nom de Jausserand III. Il fut seigneur de Saint-Didier de 1332 à 1367.

En 1320, il épousa Thiburge de Lapte, fille de Pierre de Bellegarde, seigneur de la Mastre, mort en 1328, et d’Anaïs de Lapte qui ne testa qu’en 1339, étant dame de Lapte, la Mastre et Bozas. Jausserand pouvait donc être seigneur de la Mastre, du chef de son épouse Thiburge, au moins, à partir de 1328.

C’est, en 1343, qu’un manuscrit nous montre, pour la première fois, Jausserand ayant réuni à son titre de seigneur de Saint-Didier celui de seigneur de la Mastre, en Vivarais.

En 1332, Jausserand renouvela avec R. dame Béatrix de Crussol, abbesse de Clavas, la transaction que son grand-père Jausserand avait faite, en 1296, avec R. dame Alaïs d’Argental.

En 1332, le comte de Forez, Jean Ier, reçut l’hommage du baron Jausserand III, à Montbrison, « après le baisemain » de son château de Riotord (Rivo-Torto) avec mandements, de tout ce qu’il percevait à Saint-Just-de-Velay, le mas Montbordet, le château de la Bastide que tenait de lui le prieur de Saint-Sauveur.

En 1322, avant qu’il ne fût héritier de la seigneurie de Saint-Didier, Jausserand avait déjà prêté hommage de son château, mandement et juridiction de Riotord à Jean, comte de Forez.

En 1333, Pierre Morel, damoiseau, seigneur de Puyferrat et de la Roche-Soubeyre, fut gouverneur du château de Saint-Didier.

En 1335, dit un document, eut lieu, à Saint-Didier, la cérémonie de rédhibilité du château et de son mandement, faite par Jausserand à Hugues de la Guilhaumie, bailli du Velay, procureur de l’évêque du Puy.

Cette délivrance commença par la «remise des clefs dudit château, quoi fait, à l’instant, le bailli, au nom de l’évêque, bailla le gouvernement du château et de son mandement à noble Morel de la Roche. Le lundi, même cérémonie fut faite à Dunières.

En 1336, le baron Jausserand rendit hommage à messire Bernard, évêque du Puy, comte de Velay, « du château et mandement de Saint-Didier, comme en 1215, excepté le château du Chambon dans la paroisse de Monistrol.

Ce château avait été vendu à Taillefer, qui le porta par alliance aux Royrand de la Rivoire.

En 1343, Jausserand rendit hommage à messire Jean de Chandorat, évêque du Puy, tandis que son frère Roger rendait hommage de ses possessions dans le château de Dunières.

Même hommage, le 22 juin 1362.

La dynastie, des Capétiens directs s’éteignit avec Charles IV le Bel en 1328.

La couronne se trouva alors disputée par les deux cousins du feu roi : 1° par Edouard III, d’Angleterre, dont la mère, Isabelle, est fille de Philippe le Bel ; 2° par Philippe de Valois, dont le père est le frère de Philippe le Bel.

Edouard III, n’étant héritier que par les femmes, n’a aucun droit à la couronne de France. Donc, Philippe l’emporte.

Cette rivalité est l’origine de la guerre de Cent Ans, qui mit aux prises la France et l’Angleterre, de 1337 à 1453.

Mais il y a aussi des causes occasionnelles, deux traités notamment, conclus par des princes illustres qui n’avaient pu prévoir les conséquences des accords ménagés par eux. Le premier est le traité de Paris entre Louis IX et Henri III. Le second est celui de Montreuil-sur-Cher entre Philippe le

Bel et Edouard 1er.

Cette guerre se divise en quatre périodes.

La première période, qui fut une période de revers, laissa la France abaissée et démembrée sous Philippe VI (1328-1350) et Jean le Bon (1350-1364).

Philippe VI battit, à Cassel, en 1328, les Flamands révoltés contre le comte Louis de Nevers.

Mais, en 1340, Edouard III, qui avait fait alliance avec Artevelde, chef des Flamands, anéantit la flotte française dans le port hollandais de l’Ecluse.

Les revers se suivent. En 1346, les chevaliers français sont battus à Crécy, près d’Abbeville. C’est à cette bataille que les Anglais se servent, pour la première fois, de bombardes ou canons.

Il est bien vraisemblable que Jausserand a participé à cette bataille aux côtés du roi et dans les rangs de la chevalerie.

En 1347, les Anglais assiègent et prennent Calais, malgré une héroïque résistance.

L’épisode des six bourgeois de Calais est assez connu.

Jausserand est aussi appelé, en 1347, seigneur de la Bastide d’Andaure en Vivarais. Ce nouveau titre lui venait, croit-on, de son fils Pierre qui avait épousé Philippe Bertrand, nièce du cardinal Bertrand et dame de la Bastide d’Andaure. Jausserand fut-il administrateur des biens et des personnes des deux jeunes époux ? Se vit-il contraint d’en prêter l’hommage ou d’en prendre le titre ?

La même année, en 1347, une discussion s’éleva entre Jausserand de Saint-Didier et Jausserand de Lavieu, seigneur de Feugerolles, à propos de la juridiction du village des Saignes. Lyotard de Solignac, ayant été choisi comme arbitre, prononça sa sentence en faveur du seigneur de Saint-Didier.

Après la défaite de Crécy, las de la guerre, Jausserand revint dans sa bonne ville.

C’est là que, le 15 avril 1348, il donna, pour un hôpital, une maison qu’il avait achetée à Jean de Simonde pour le prix de 25 livres.

« Cette maison confrontait, d’une part, la maison de Guillaume Feuilha, d’autre part, celle de Blanche de Marquera, e et, encore, la rue publique de Saint-Didier et le jardin de Jacques Boutéot et un chemin entre les deux.

En outre, il fit don « aux pauvres d’un jardin situé entre la grange de Guillaume Grosset et le chemin public do Saint« Didier à la Roche Sobeyra et le jardin des héritiers de « Catherine Lhermet.

Tout cela fut concédé pour le gîte et l’habitation des « pauvres, dans la partie inférieure de la maison. La partie supérieure devait permettre de recueillir les prêtres et les religieux.

C’est là, incontestablement, l’origine de l’Hôpital de Saint-Didier. Le baron Jausserand III ne demeura pas longtemps en paix. Un vieux document rapporte qu’en 1350, une guerre éclata aux environs de Saint-Didier.

Les nobles revendiquaient toujours le droit de vider entre eux leurs différends par les armes.

Les ordonnances royales de 1352 et de 1361 défendirent cependant les guerres privées dans tout le royaume.

Les seigneurs se riaient du pouvoir central qui, aux termes des lettres de rémission, sommeillait » dans le Velay où sévissait déjà la guerre étrangère.

Le seigneur de Saint-Didier prit une grande part à cette guerre.

Avec Briand de Retourtour, seigneur de Beauchastel, Dunières et Saint-Just , et avec Gérenton de Solignac, seigneur d’Aurec et Oriol, il ravagea les terres du seigneur de Cornillon.

Quel fut le motif de cette discorde ?

Sans doute, parce que Gérard Bastet II, baron de Crussol, venait de succéder, du chef de sa mère, au grand héritage des Beaudiner et des Poitiers-Valentinois. C’était un Valentinois, dont la famille s’était éteinte. Il dut, peut-être, sortir de là plus d’une cause de guerre, pour des seigneurs voisins et rivaux qui ne demandaient qu’à courir aux armes.

Le 27 septembre 1350, des lettres de rémission furent accordées à Jausserand, pour les excès et sévices qu’il avait

« Commis » au cours de cette lutte qui, paraît-il, fut meurtrière.

La leçon de clémence que le puissant baron venait de recevoir le déconsidéra, sans doute, un peu, vis-à-vis de ses sujets, et il éprouva peut-être le désir de se réhabiliter auprès d’eux.

Toujours est-il qu’en 1351, il décidait de faire rémission aux habitants de la ville et du mandement de Saint-Didier du droit de mainmorte, dont lui et ses prédécesseurs avaient joui anciennement et par coutume invétérée.

Ce droit se prélevait au bénéfice du seigneur de l’endroit, chaque fois que quelque habitant mourait sans tester et sans enfants légitimes ou naturels.

Le baron Jausserand céda ce droit afin que les « habitants lui pardonnassent de bon cœur toutes les injures, extorsions et autres choses indues faites tant par lui que par son feu père, par ses prédécesseurs et ses officiers ; ce dont chaque habitant devait faire particulière et spéciale déclaration par devant notaires.

Il leur fut désormais permis de disposer de leurs biens, meubles et immeubles, de leurs droits et actions quelconques, par testament, donation et codicille, comme bon leur semblerait.

D’autre part, les plus proches en degré de consanguinité étaient autorisés à succéder, suivant le droit écrit, sans redevance, « réservé seulement ce qui, par le droit écrit, pouvait appartenir au seigneur.

Cette convention fut passée par Jausserand au château de la Mastre et, ensuite de cette rémission du droit de mainmorte grand nombre desdits habitants, l’un après l’autre, pardonnèrent au seigneur Jausserand, de bon cœur, devant Dieu et devant les hommes, toutes les injures et extorsions qu’ils pouvaient avoir subies .

Le baron Jausserand aliéna le Masploton, ainsi que les terres de la Fressange en faveur de Briand de Rochebaron qui les rétrocéda, en 1352, à noble Allier qui prit dès lors le nom de Lafressange,

Le 16 décembre 1357, Guy, comte de Forez, établit son testament en faveur de ses enfants et il désigna Jausserand de Saint-Didier pour être tuteur des mineurs,

En 1362, Jausserand rendit à l’évêque du Puy, Bertrand de la Tour, le même hommage prêté par un de ses prédécesseurs, en 1285.

Jausserand III épousa, en secondes noces, Garine de Saint-Romain de Valmordane.

Il eut de sa première femme :

I. Pierre qui lui succéda

Et, de sa deuxième femme :

II. Guichard, de l’ordre de Saint-Antoine, grand commandeur d’Auvergne.

III. Alexandre, seigneur de Mercuret, dont il n’est plus parlé dans la suite.

Jausserand fit son testament, le 23 janvier 1367, au château de la Mastre. Il demande à être « insépulturé » dans l’église du monastère de la Séauve, au-dessous du grand autel, dans le tombeau qu’il avait fait construire et dans lequel il avait fait apporter les ossements de son père et de quelques siens parents.

Il désire être porté à sa dernière demeure par trente pauvres de ses terres, vêtus de serge noire, la même qui recouvrirait son cercueil. Cent prêtres devaient être convoqués à son enterrement.

Dans ce même testament, il donna au monastère de la Séauve cinquante sous de pension annuelle, à condition que le monastère fût tenu chaque jour de l’année, après la célébration de la messe conventuelle, les cloches sonnantes et les portes du chœur ouvertes, le prêtre étant revêtu de ses ornements sacerdotaux, de chanter le De Profundis, à, haute voix sur la tombe.

Jausserand confirma et amplifia les legs faits jadis par ses prédécesseurs pour la chapelle Sainte-Catherine érigée en l’église de Saint-Didier et, entre autres, par Jausserand, oncle de son aïeul.

Il mentionna encore une autre chapelle qu’il avait lui-même fait bâtir au-dessous de la tour de son château de Saint-Didier, en l’honneur de Notre-Dame.

Soulignons qu’il existe, au bas du clocher, une chapelle à laquelle on parvient par un escalier d’une dizaine de marches et ayant une croisée qui s’ouvre dans l’intérieur de l’église. Cette chapelle a une voûte dont les arceaux sont réunis par une pierre armoriée formant la clef et représentant un chœur chargé de deux lions affrontés, et accompagnés de trois trèfles ou trois fleurs de lis.

S’agit-il de la chapelle bâtie par Jausserand un peu avant 1367 ?

Il n’est pas fait mention de Garine de Saint-Romain de Valmordane dans ce testament, ce qui la suppose morte à cette époque,

Le procès entre le baron Jausserand et l’abbesse de la Séauve devait être terminé, puisque le seigneur de Saint-Didier demande à être inhumé dans la chapelle du monastère.

Jausserand fit encore des legs à Guichard de Saint-Didier, son fils émancipé, de l’ordre de Saint-Antoine, commandeur d’Au vergne. Ce dernier vivait encore en 1373, mais il était mort en 1378; à ‘Alexandre de Saint-Didier, son autre fils, dont il n’est plus parlé dans la suite, à moins qu’on ne veuille le reconnaître dans un Alexandre de Saint-Didier, seigneur de Mercuret en 1396, appelé tantôt acquéreur, tantôt héritier de noble Parpaillon de Mercuret.

Jausserand fit également des legs à Thiburge et à Bellonde, filles de son fils Pierre.

Par ce même testament du 23 janvier 1367, Jausserand fit remise à ses vassaux des droits de mainmorte :

Item, volo quod quilibet homo meus et castri et mandamenti mei Sancti Desideri, ibi residens testamentum f acere pro se et suis possint et ab intestato succedant, non obstante quacunque consuetudine manus mortuœ quam et omne jus mihi competens ratione ipsius consuetudinis, eisdem hominibus et suis in perpetum successoribus, remitto totaliter et quicto.

En 1309, noble Pierre, fils de Jausserand, rendit hommage à Bernard de Castanet, évêque du Puy, pour tout ce qu’il possédait dans le château de Lapte.

En 1343, Pierre reconnut tous les fiefs spécifiés en 1309. En 1362, il rendit l’hommage comme en 1343.

En 1362, le chevalier Pierre de Saint-Didier reconnaît tenir en fief, à messire Bertrand de la Tour, évêque du Puy, le château de la Bastide d’Andaure, diocèse de Valence, avec la forteresse dudit château et tout son mandement et juridiction haute et basse et tout ce qu’il avait.

Les seigneurs de Saint-Didier parurent constamment à la suite des Dauphins de Vienne. En échange de leurs nombreux témoignages de fidélité et de vassalité, ils en reçurent des manifestations d’amitié.

En 1339, Anaïs de Lapte, dame de Lamastre, mère de Jausserand de Saint-Didier, institua héritier universel son petit-fils, Pierre de Saint-Didier. Elle lui céda, notamment, des biens appartenant à la maison de Cornillon.

Extrait de l’ouvrage, « D’Azur au Lion d’Argent » Tome I.

Paul Ronin